MORRIN, JOSEPH, médecin, né le 19 octobre 1794 dans le comté de Dumfries, Écosse ; il épousa à Québec, le 18 janvier 1817, Catherine Evans qui lui donna six enfants ; décédé à Québec le 24 août 1861.

Joseph Morrin avait quatre ans lorsqu’il débarqua à Québec avec ses parents. Il fit ses études primaires et secondaires à l’école dirigée par le révérend Daniel Wilkie*. Ses parents le destinaient à la mécanique et, en conséquence, trouvèrent inutile de le laisser poursuivre ses études. Ainsi en 1809, semble-t-il, le jeune homme fut confié à un marchand qui devait l’initier à ce métier. Cependant, Morrin entra presque aussitôt en apprentissage chez le chirurgien James Cockburn, établi depuis quelques années à Québec ; ce dernier était aussi, à l’époque, un des rares pharmaciens de la ville. Morrin s’initia très vite à la préparation des médicaments, se familiarisa avec les pansements et seconda le chirurgien durant les opérations. En même temps, il reprit ses études à l’école du soir de Wilkie.

À cette époque, la ville de Québec ne possédait ni école de médecine, ni hôpitaux d’enseignement. La dissection anatomique ne pouvait se pratiquer que sur les cadavres des criminels de droit commun. James Cockburn comptait de nombreux clients à Québec et dans les villages voisins. Il avait établi dans la basse ville un hôpital pour les marins et les victimes d’accidents survenus à bord des bateaux. En conséquence, un élève comme Joseph Morrin trouvait chez Cockburn de multiples avantages dont ne jouissaient pas ailleurs les autres étudiants qui en étaient réduits à suivre les cours que lisaient leurs patrons et à s’initier à la dissection anatomique au moyen de planches imprimées et de dessins.

En raison de la rareté des médecins militaires à Québec, Morrin, malgré son jeune âge, fut considéré comme suffisamment compétent par les autorités militaires pour accompagner les invalides de la guerre de 1812 à destination de Portsmouth, Angleterre. Il se rendit à Londres et entra immédiatement comme étudiant au London Hospital, alors dirigé par l’un des plus habiles chirurgiens d’Angleterre, sir William Blizard. Morrin fit aussi un court séjour d’études à Édimbourg mais subit un échec aux examens du Royal College of Surgeons. Il n’avait pu, en fait, compléter le programme d’études et la période d’internat requis pour l’obtention d’un diplôme.

Peu de temps après son retour au pays en 1814, Morrin fut nommé, à titre temporaire, assistant chirurgien de marine sur les Grands Lacs. Toutefois, quelques mois plus tard, il abandonna ce poste et devint l’assistant de son ancien patron, James Cockburn, à Québec. Admis à la pratique de la médecine le 15 juillet 1815, le docteur Morrin ouvrit, en 1818 ou 1819, son propre bureau dans la basse ville et fonda un hôpital pour marins. Comme sa clientèle augmentait considérablement, il s’associa avec John Musson, alors doyen des chimistes et pharmaciens du Bas-Canada, et s’établit dans la haute ville.

Grâce à son talent et à son intérêt pour le bien-être de la collectivité, le docteur Morrin ne tarda pas à devenir un membre éminent du corps médical de la région de Québec. À partir de 1826, il fit partie du personnel médical de l’Hôtel-Dieu de Québec et y demeura pendant de longues années. En 1826 également, il prit une part active à la fondation de la Société médicale de Québec dont il devint le premier président. Le docteur collabora aussi régulièrement au Journal de Médecine de Québec, fondé, en 1826, par François-Xavier Tessier*. En 1830, il participa à la fondation de l’hôpital de la Marine érigé pour combattre les effets des épidémies mais dont l’ouverture n’eut lieu qu’en 1834 ; il y œuvra en compagnie des docteurs James Douglas*, Joseph Painchaud* et Anthony von Iffland*.

Durant les épidémies de choléra de 1832 et de 1834, le docteur Morrin se dépensa généreusement en qualité de commissaire du Bureau de santé de Québec. En 1847, alors qu’il était président des commissaires de l’hôpital de la Marine et des Émigrés, le docteur prodigua ses soins avec la même ardeur.

Morrin participa au mouvement lancé par certains médecins progressistes qui réclamaient la création d’un collège de médecins et chirurgiens. Ce mouvement, soutenu entre autres par Painchaud, Daniel Arnoldi* et Wolfred Nelson, aboutit, en 1847, à la reconnaissance juridique du Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada. Le nom de Morrin apparut aussi sur la liste des fondateurs de l’école de médecine de Québec qui ouvrit ses portes en 1848 et qui fut intégrée à la faculté de médecine de l’université Laval en 1852. Morrin en fut d’ailleurs le premier président. En 1849, il fut un des directeurs de l’asile de Beauport, après en avoir été un des fondateurs avec James Douglas et Charles-Jacques Frémont en 1845. Il fut aussi médecin de la prison de Québec.

Un homme aussi désireux de rendre service et de se dévouer au progrès économique et social de ses concitoyens devait inévitablement œuvrer dans la politique municipale. À partir de 1836, Joseph Morrin participa à la vie politique de Québec en qualité de juge de paix chargé de l’administration de la ville [V. Hippolyte Dubord*]. De 1840 à 1842, et de 1850 à 1854, il fut échevin du quartier du Palais avant d’être choisi maire par les membres du conseil, en février 1855, pour un mandat d’un an. Il occupa de nouveau ce poste de 1857 à 1858. Il devint, à cette occasion, le premier maire à être élu par les « électeurs qualifiés [...] duement habiles à élire les membres du conseil », conformément à la loi du 19 juin 1856.

Au cours de son premier mandat comme maire, Morrin présida les démonstrations qui marquèrent la visite à Québec de La Capricieuse en 1855 [V. Paul-Henry de Belvèze*]. Il tenta d’obtenir un service de navires qui relierait Québec à la Grande-Bretagne et s’efforça, mais en vain, de persuader le gouvernement impérial de reconnaître les droits de Québec au titre de capitale permanente du pays. À ce sujet, il appert, d’après les procès-verbaux du conseil du 14 septembre 1855, que George-Étienne Cartier* lui écrivit qu’aucune « branche du secrétariat provincial du département des Terres de la Couronne ne [pouvait] être laissée à Québec lors de la translation du siège du gouvernement » de Québec à Toronto. Sous Morrin, la ville de Québec réorganisa ses services de police et améliora l’éclairage de ses rues et la plupart de ses services administratifs. Le collaborateur le plus efficace du maire Morrin était alors le greffier, l’historien François-Xavier Garneau.

Pendant son second mandat, Morrin revendiqua de nouveau « les droits que Québec [possédait] pour devenir capitale du Canada ». Mais les efforts du maire et de son conseil ne donnèrent guère plus de résultats. Toujours défenseur des droits de sa ville, Morrin intervint quand le gouverneur du Canada, revenant de Grande-Bretagne, et en route vers Toronto, omit de s’arrêter à Québec. Sir Edmund Walker Head s’en excusa en alléguant le mauvais état de santé de sa femme. Comme les élections ne semblaient pas être de tout repos à cette époque à Québec, le conseil de ville adopta un règlement assurant « le maintien de la paix en période électorale ». On élargit la rue Saint-Jean et le maire s’efforça de protéger les intérêts de Québec au cours des négociations touchant l’établissement du chemin de fer de la rive nord.

Président de la St Andrew’s Society de Québec, Morrin en fut l’un des plus fidèles soutiens, et cela durant une trentaine d’années. Ses vastes connaissances médicales, du moins pour l’époque, sa compétence et son dévouement inlassable lui conféraient une telle autorité et une telle considération que l’on ne lui connaissait que très peu de rivaux parmi ses confrères.

De nos jours, le nom de Joseph Morrin demeure fort connu à Québec. Il désigne un édifice, le Morrin College, qui abrite depuis juin 1868 la plus ancienne société historique et littéraire de l’empire britannique (la Grande-Bretagne exclue), la Société littéraire et historique de Québec (Literary and Historical Society of Quebec), fondée le 6 janvier 1824. Inauguré en 1862 grâce à une importante contribution financière du docteur, le Morrin College subsista comme institution protestante jusqu’en 1902. Morrin a également attaché son nom à un prix décerné chaque année par l’université Laval, prix attribué pour la première fois le 24 mai 1859. Il s’agissait d’une somme de £500 léguée à la faculté de médecine qui était libre d’en disposer selon les modalités qu’elle décréterait.

Charles-Marie Boissonnault

ANQ-Q, État civil, Presbytériens, St Andrews (Québec), 18 janv. 1817, 24 août 1861.— ASQ, Université, 101-BG ; 103-BA.— AVQ, Procès-verbaux du conseil, 1854–1858.— Canada, prov. du, Statuts, 1847, c.26 ; 1856, c.69.— Morning Chronicle (Québec), 2 sept. 1861.- Quebec Gazette, 26 oct. 1864.— Université Laval, Annuaire, 1868–1869, 16.— Abbott, History of medicine, passim.— M.-J. et George Ahern, Notes pour servir à l’histoire de la médecine dans le Bas-Canada, depuis la fondation de Québec jusqu’au commencement du XIXe siècle (Québec, 1923), 420–423.— C.-M. Boissonnault, Histoire de la faculté de médecine de Laval (Québec, 1953), 139–141.— Heagerty, Four centuries of medical history in Can., I : 86.— W. P. Percival, The lure of Quebec (Toronto, 1941), 112, 141.— C.-M. Boissonnault, Création de deux écoles de médecine au Québec, Laval médical (Québec), 39 (1968) : 547–549.— C.-A. Gauthier, Histoire de la Société médicale de Québec, Laval médical, 8 (1943) : 62–121.— Sylvio Leblond, L’hôpital de la Marine de Québec, L’Union médicale du Canada (Montréal), LXXX (1951) : 616–626.

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Charles-Marie Boissonnault, « MORRIN, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/morrin_joseph_9F.html.

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Auteur de l'article:    Charles-Marie Boissonnault
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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