ROTTENBURG, FRANCIS (Franz) DE, baron de ROTTENBURG, officier et administrateur colonial, né le 4 ou le 8 novembre 1757 à Gdansk, Pologne, fils de Franz Gottfried Rottenburg, gros marchand et propriétaire terrien de cette ville, et d’Anne-Marie Brunatti ; le 4 janvier 1802, il épousa à Presbourg (Bratislava, Tchécoslovaquie) Juliana Wilhelmina Carolina von Orelli, fille du général napolitain Johann Ulrich von Orelli, et ils eurent un fils, George Frederick, et une fille ; décédé le 24 avril 1832 à Portsmouth, Angleterre.

Étant donné ses antécédents et ses écrits sur l’art militaire, il est fort probable que Francis de Rottenburg reçut une instruction solide. Cependant, on ignore tout de ses premières années. Devenu soldat assez tard, il lut nommé, le 1er mars 1782, lieutenant en second dans le régiment de La Marck, qui appartenait à l’armée française. Promu lieutenant en 1785, il quitta le service en septembre 1791, probablement à cause de la tournure que prenait la Révolution française, et rentra en Pologne. À titre de commandant d’un bataillon d’infanterie polonais, il connut l’échec du soulèvement organisé par Tadeusz Kosciuszko contre la domination étrangère et fut blessé à la bataille de Praga en 1794.

Le 25 décembre 1795, Rottenburg devint major dans une unité étrangère que levait alors l’armée britannique, les Hompesch’s Hussars. L’année suivante, il fut promu lieutenant-colonel et participa au recrutement de la Hompesch’s Light Infantry. Lorsque ce régiment fut incorporé au 60th Foot au printemps de 1798, Rottenburg devint lieutenant-colonel du 5e bataillon où, pour la première fois dans l’armée britannique, les soldats étaient armés de fusils seulement et entraînés à la guerre d’escarmouches. Il commanda ce bataillon lors de la rébellion irlandaise et participa à la prise du Surinam en août 1799.

C’est à peu près à cette époque que Rottenburg rassembla une série d’instructions sur l’entraînement des troupes légères. D’abord écrites en allemand, elles furent traduites en anglais et publiées en 1798 par le ministère de la Guerre sous le titre de Regulations for the exercise of riflemen and light infantry [...]. L’ouvrage connut d’autres éditions, et sir John Moore s’en servit pour l’entraînement de sa division légère. L’influence de Rottenburg sur la pensée militaire laisse supposer qu’il était un officier plus perspicace que la moyenne et qu’il manifestait pour la qualité de l’entraînement un souci plus grand que la plupart des officiers britanniques. De plus, semble-t-il, c’était un commandant apprécié qui tenait ses hommes bien en main. En 1805, il fut promu colonel et, en 1808, il devint commandant d’une brigade d’infanterie légère en garnison dans le Kent, en Angleterre. L’année suivante, il commanda les troupes légères au cours de l’expédition menée par lord Chatham contre l’île de Walcheren, dans les Pays-Bas.

Dès avril 1808, Rottenburg avait été affecté à l’état-major nord-américain comme général de brigade, mais il n’arriva à Québec qu’à la fin de l’été de 1810, avec le grade de major général. En juillet 1812, tout de suite après le début des hostilités avec les États-Unis, il se vit confier le commandement du district de Montréal. C’était là une lourde responsabilité, puisque Montréal était, après Québec, le point stratégique le plus important du Canada et qu’il se trouvait dangereusement près de la frontière américaine. Au cours de l’année 1813, les charges de Rottenburg s’accrurent encore : à deux reprises, pendant les courtes absences du gouverneur sir George Prévost*, il devint administrateur et commandant des forces armées du Bas-Canada. En outre, du 19 juin au mois de décembre, il remplaça le major général sir Roger Hale Sheaffe* comme administrateur et commandant des troupes du Haut-Canada, avant l’arrivée du lieutenant général Gordon Drummond*.

L’escalade des hostilités mit Rottenburg à rude épreuve pendant qu’il exerçait ses fonctions civiles et militaires dans le Haut-Canada, et on ne peut pas dire qu’il remporta un succès éclatant dans l’un ou l’autre de ces rôles. Le 28 juin, pour économiser les vivres, il interdit la distillation du seigle, ce qui indique combien l’approvisionnement était devenu difficile. Dans l’ensemble, toutefois, il s’intéressa peu aux affaires civiles et il ne prit aucune initiative dans ce domaine ; selon le juge en chef William Dummer Powell, il évitait « autant que possible toute responsabilité civile ». En fait, Rottenburg laissa beaucoup de latitude au Conseil exécutif.

Par ailleurs, les décisions militaires que prit Rottenburg dans le Haut-Canada montrent qu’il était prudent et réfléchi. Pendant l’été de 1813, le major général Henry Procter, qui commandait les troupes à la frontière de Detroit, proposa d’attaquer la base navale américaine de Presque Isle (Erie, Pennsylvanie), sur le lac Érié. Rottenburg manifesta peu d’enthousiasme pour le plan de Procter et refusa de fournir les hommes nécessaires à sa réalisation. Sur la frontière du Niagara, il ordonna des raids contre les avant-postes américains et confina autant que possible l’ennemi dans les environs du fort George (Niagara-on-the-Lake), où les Américains avaient battu en retraite après leur défaite de Stoney Creek, au début de juin [V. sir John Harvey*]. En août, Prévost, Rottenburg et le major général John Vincent* se rassemblèrent en face du fort George avec leurs troupes mais, à ce moment, la guerre était au point mort dans la presqu’île du Niagara.

La défaite que Robert Heriot Barclay* essuya sur le lac Érié, en septembre, constitua un recul pour les Britanniques, mais Rottenburg n’estima pas nécessaire que Procter abandonne Amherstburg en toute hâte. Au début d’octobre, apprenant que les Américains projetaient d’attaquer Kingston, Rottenburg y installa son quartier général et laissa à Vincent le commandement des troupes de la presqu’île du Niagara. Le 9, Vincent fut informé de la défaite de Procter lors de la bataille de Moraviantown et se replia sur Burlington Heights (Hamilton), de crainte que les troupes américaines venant de l’ouest ne lui barrent la route. Rottenburg s’attendait à ce que Vincent batte en retraite jusqu’à York (Toronto), puis jusqu’à Kingston ; en fait, il lui en donna l’ordre. Cependant, dès le 1er novembre, il avait changé d’avis. Peut-être sous l’influence de Vincent, de Procter et d’autres, il décida de maintenir la position de Burlington Heights, dans l’espoir de reprendre la presqu’île du Niagara. Rottenburg se trouvait encore à Kingston lorsque des soldats américains commandés par le major général James Wilkinson descendirent le Saint-Laurent pour atteindre Montréal. Conformément aux instructions de Prévost, il envoya à la poursuite de Wilkinson le lieutenant-colonel Joseph Wanton Morrison, qui vainquit une partie des troupes ennemies à Crysler’s Farm le 11 novembre.

C’est alors que, pour forcer les fermiers à vendre des vivres à l’armée, Rottenburg fit le geste le plus controversé de sa carrière dans le Haut-Canada : il imposa la loi martiale dans les districts d’Eastern et de Johnstown. Même s’il fut critiqué aussi bien par de simples citoyens que par la chambre d’Assemblée, son action était probablement justifiée car Rottenburg n’était pas homme à céder à des peurs irrationnelles. Drummond abrogea la loi martiale en janvier 1814, mais il dut l’imposer de nouveau à toute la colonie trois mois plus tard pour les mêmes raisons.

L’arrivée de Drummond et du major général Phineas Riall*, jeunes officiers d’état-major pleins d’expérience, permit de rappeler Rottenburg et Vincent du Haut-Canada. On parla d’envoyer Rottenburg en Allemagne, mais il fut retenu au Canada, en partie parce que Vincent dut rentrer chez lui pour raison de santé, en partie parce que Prevost considérait Rottenburg comme un subordonné digne de confiance. Affecté dans le Bas-Canada, Rottenburg commanda des troupes sur la rive sud du Saint-Laurent, à la hauteur de Montréal. Quand Prevost décida d’envahir les États-Unis en septembre 1814, il plaça Rottenburg à la tête de trois brigades, le faisant ainsi commandant en second. Toutefois, Rottenburg ne joua aucun rôle marquant à la bataille de Plattsburgh, ce qui lui permit peut-être d’échapper aux innombrables critiques qu’essuya Prevost à cause de l’échec de l’expédition. Du 7 octobre au 3 novembre, en l’absence de Prevost, il fit de nouveau office d’administrateur et de commandant des forces armées du Bas-Canada. En décembre, avec plusieurs autres officiers d’état-major dont la présence n’était plus requise au Canada, Rottenburg fut rappelé en Grande-Bretagne ; il quitta Québec en juillet 1815. Avant son départ, il présida le conseil de guerre qui jugea Procter. Apparemment, il passa le reste de ses jours en Angleterre. Plusieurs distinctions lui échurent : il fut fait chevalier commandeur de l’ordre des Guelfes en 1817, chevalier le 12 février 1818 et lieutenant général le 12 août 1819.

Francis de Rottenburg était un officier intelligent et compétent, un chef prudent mais sans imagination. Peut-être se distingua-t-il surtout au Canada en se montrant digne de confiance et en ne perdant jamais son sang-froid. Prevost reconnut ces qualités en l’affectant dans le Haut-Canada pendant une période difficile et dangereuse de la guerre et en lui confiant un commandement pendant la campagne de Plattsburgh en 1814.

Wesley B. Turner

On ne sait quand et comment Francis de Rottenburg devint baron, titre sous lequel il était généralement connu dans l’armée britannique. Selon toute vraisemblance, il n’en avait pas hérité, mais il est impossible de savoir s’il avait été créé baron en France ou en Pologne, ou s’il s’était tout simplement arrogé ce titre.  [w. b. t.].

Richard Glover, dans Peninsular preparation : the reform of the British army, 1795–1809 (Cambridge, Angl., 1963), 127–128, attribue à Francis de Rottenburg la paternité de Regulations for the exercise of riflemen and light infantry, and instructions for their conduct in the field (Londres, 1798, et éd. subséquentes), publié en anglais par le ministère de la Guerre à partir d’un manuscrit en allemand.

AO, ms 520, Samuel Sherwood à Jones, 11 févr. 1814.— APC, MG 24, F78 ; RG 8, I (C sér.), 226 : 50 ; 227 : 18, 86 ; 230 : 28–29 ; 231 : 213 ; 550 ; 677 : 240–242, 248–251 ; 679 : 64–69, 148–150, 386 ; 1168 : 191 ; 1170 : 102, 231, 266 ; 1171 : 346 ; 1203 1/2H : 23 ; 1203 1/2K : 35 ; 1203 1/2L :161, 240 ; 1218 ; 1219 : 115–119, 279 ; 1220 : 408–410 ; 1221 : 179–180, 188 ; 1227 : 50 ; 1706.— Arch. du ministère des Armées (Paris), Service hist. de l’Armée, Yc, 442.— MTL, W. D. Powell papers, B31.— Státny Oblastnt Archiv v Bratislave (Bratislava, Tchécoslovaquie), Roman Catholic parish of St Martin, Bratislava, reg. of marriages, 4 janv. 1802.— Wojewódzkie Archiwum Pánstwowe w Gdańsku (Gdansk, Pologne), symbol 280/169 : 147–148, 159 ; symbol 300, 60/6 : 972.— Doc. hist. of campaign upon Niagara frontier (Cruikshank), 6 : 181–184, 206–207, 243–244 ; 7 : 62–66, 138, 140–142, 148–149, 192 ; 8 : 57–61, 68–69, 79–80, 88–90, 101–102, 117–118, 125, 226–229, 251.— Select British docs. of War of 1812 (Wood), 2 : 253–254.— Strachan, Letter book (Spragge), 51–52.— La Gazette de Québec, 6 sept. 1810, 24 juin 1813, 3 août 1815.— G.-B., WO, Army list, 1796–1832.— H. J. Morgan, Sketches of celebrated Canadians.— Officers of British forces in Canada (Irving).— Wallace, Macmillan dict.— L. W. G. Butler et S. W. Hare, The annals of the King’s Royal Rifle Corps [...] (5 vol., Londres, 1913–1932), 2 : 12–15.— J. W. Fortescue, A history of the British army (13 vol. en 14, Londres, 1899–1930), 7 : 56, 67–68, 71.— Hitsman, Incredible War of 1812.— N. W. Wallace, A regimental chronicle and list of officers of the 60th, or King’s Royal Rifle Corps, formerly the 62nd, or the Royal American Regiment of Foot (Londres, 1879), 291.— Soc. for Army Hist. Research, Journal (Londres), 10 (1931) : 237.

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Wesley B. Turner, « ROTTENBURG, FRANCIS (Franz) DE, baron de ROTTENBURG », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rottenburg_francis_de_6F.html.

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Auteur de l'article:    Wesley B. Turner
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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