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McNEIL, NEIL, éducateur, prêtre catholique, rédacteur en chef et archevêque, né le 23 novembre 1851 à Hillsborough (Hillsboro, Nouvelle-Écosse), aîné des 11 enfants de Malcolm McNeil et d’Ellen Meagher ; décédé le 25 mai 1934 à Toronto.
Le père de Neil McNeil descendait d’immigrants de l’île de Barra, en Écosse, et la famille de sa mère avait immigré en Nouvelle-Écosse de Kilkenny (république d’Irlande). Tout au long de sa vie, tant dans sa correspondance privée que dans ses déclarations publiques, Neil témoignerait d’un profond amour pour son héritage écossais et irlandais. La famille possédait une forge et un petit magasin à Hillsborough, dans la paroisse de Mabou, à l’île du Cap-Breton. Neil fréquenta l’école locale et reçut une formation d’apprenti forgeron auprès de son père. Son frère cadet, Daniel, travailla au magasin et ses parents le choisirent comme celui des enfants qui recevrait une éducation en bonne et due forme. Le maître d’école, ayant découvert les prouesses de Neil en mathématiques, convainquit la famille de le laisser faire des études plus poussées lui aussi et, en 1869, Neil entra au St Francis Xavier College d’Antigonish.
Après avoir terminé ses études avec grande distinction en 1873, McNeil enseigna à l’école secondaire dans le comté d’Antigonish. Au début de 1874, John Cameron*, coadjuteur de Colin Francis MacKinnon*, évêque d’Arichat, l’envoya au collège de la Propagande, à Rome, où il obtint des doctorats en théologie et en philosophie après six années. Le 12 avril 1879 eut lieu son ordination dans la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome. Il ne revint pas immédiatement en Nouvelle-Écosse, car Cameron lui enjoignit de passer une année à étudier les mathématiques avancées, l’astronomie et le français à Marseille, à partir de cet été-là. McNeil serait reconnu comme un linguiste talentueux : il parlait couramment l’anglais et le français, et avait aussi une bonne connaissance du gaélique, de l’italien, du latin et du grec.
À l’automne de 1880, McNeil entreprit une courte carrière de professeur de sciences et de latin au St Francis Xavier College et, l’année suivante, fonda un hebdomadaire, l’Aurora. Il en était le rédacteur en chef et écrivit la plus grande partie des textes jusqu’en 1884. Cette année-là, grâce à son expérience de membre du conseil du collège et à son mandat de vice-recteur, il accéda au rectorat, poste qu’il occuperait pendant les sept années suivantes. Outre qu’il dirigeait l’établissement, il en était l’économe, enseignait, achetait des vivres aux fermiers locaux, supervisait le personnel des cuisines, travaillait comme infirmier et lança un deuxième journal local, le Casket. Pendant son mandat, on fit campagne pour la construction de bâtiments. Entrepris dans le but d’attirer plus d’étudiants, l’ambitieux projet comprenait un nouveau gymnase et l’agrandissement de l’édifice principal pour ajouter des dortoirs, des bureaux et des classes, ainsi qu’un réfectoire, une bibliothèque et une chapelle. En qualité de rédacteur en chef du Casket, McNeil s’attira les foudres de Cameron, alors évêque du diocèse (renommé Antigonish en 1886), au cours des semaines précédant les élections fédérales de 1891. Cameron, ouvertement conservateur, affirma que la politique éditoriale de neutralité politique de McNeil s’apparentait à une « conspiration grit ». Peu après, il envoya McNeil dans une paroisse moins importante, à West Arichat dans l’île du Cap-Breton et, quelques mois plus tard, le muta dans la paroisse acadienne de D’Escousse dans l’île Madame. McNeil y travailla auprès des catholiques francophones pendant près de trois ans, jusqu’à sa nomination comme évêque titulaire de Nilopolis et vicaire apostolique de l’ouest de Terre-Neuve (St George’s), vicariat récemment créé qui englobait tout le territoire de la côte sud le long du golfe du Saint-Laurent jusqu’au détroit de Belle Isle. Le 20 octobre 1895, son évêque précédent, Cameron, son futur supérieur, l’évêque Michael Francis Howley* de St John’s, et l’évêque de Charlottetown, James Charles McDonald*, le sacrèrent évêque à la cathédrale St Ninian, à Antigonish.
La vie de McNeil dans ce vicariat isolé faisait appel à l’ensemble de ses talents ecclésiastiques, linguistiques et intellectuels, aussi bien qu’aux habiletés pratiques acquises dans l’atelier de son père. La région se caractérisait par des établissements disparates de Terre-Neuviens de souche, dont des Micmacs et des Acadiens, et d’immigrants du Canada, de l’Écosse et de l’Irlande ; les Irlandais catholiques constituaient la majorité. Vivant dans des villages côtiers et des collectivités à l’intérieur des terres, les gens avaient des contacts limités ; il y avait peu de chemins dans ce territoire accidenté et la plupart des déplacements devaient se faire par mer, le long de la côte française. Grâce à son expérience de forgeron, de maçon, de couvreur et de charpentier, McNeil contribua à la construction d’églises, de presbytères et de routes. Il déplaça la cathédrale et la résidence épiscopale de Sandy Point, lieu trop isolé, à St George’s, localité desservie par une voie ferrée, et dirigea la construction du St Michael’s College, non loin de là, en 1899. Quand on éleva le vicariat au rang de diocèse de St George’s en 1904, il en devint le premier évêque.
McNeil parcourait de grandes distances pour aider ses ouailles ; en 1908, quand on craignit une disette sur la côte ouest de Terre-Neuve, il entreprit de se rendre à St John’s afin de s’assurer que la compagnie de chemin de fer [V. sir William Duff Reid*] ferait les efforts pour continuer de desservir la région pendant la saison hivernale. Par sa simplicité et son ardeur au travail, McNeil gagna l’estime de ses paroissiens, dont beaucoup continueraient à lui écrire régulièrement après son départ. Dans chacune de ses charges, McNeil tira avantage de ses origines, en demandant, avec succès, à des prêtres, des religieuses et d’autres personnes de sa province natale de l’aider dans ses tâches d’éducation et de faire avancer l’œuvre de l’Église dans des régions éloignées. Il étendrait ainsi l’influence du diocèse d’Antigonish dans tout le Canada au début du xxe siècle.
Dès 1910, reconnaissant le travail de McNeil dans l’est du Canada, le Vatican décida de lui assigner le front pionnier de l’Ouest : le nouvel archidiocèse de Vancouver. Le déplacement fut tout sauf facile. Le statut d’archidiocèse venait d’être transféré de Victoria à Vancouver, où, historiquement, des religieux francophones – les oblats de Marie-Immaculée – avaient dirigé l’Église. Quand le siège archiépiscopal de Vancouver devint vacant en 1909, il y avait deux listes rivales de trois candidats chacune : l’une soumise par les oblats, qui voulaient garder la mainmise sur la région, et l’autre par le clergé diocésain anglophone, que menait l’évêque Alexander MacDonald*, de Victoria, vieil ami de McNeil qu’il avait connu à Mabou. Par une décision controversée qui annonçait une nouvelle ère dans la gouvernance de l’Église en Colombie-Britannique, le délégué apostolique au Canada, Mgr Donato Sbarretti y Tazza, avec le solide appui de la hiérarchie canadienne-anglaise, recommanda que le Vatican ordonne le transfert de McNeil dans l’archidiocèse disputé. En conséquence, le 19 janvier 1910, McNeil fut officiellement désigné archevêque de Vancouver.
McNeil fit un bref mais remarquable passage dans cet archidiocèse, où il continua à mettre en place des infrastructures avec la même frénésie. Craignant la présence écrasante des protestants dans la province, il entreprit de fonder de nouveaux établissements catholiques dans le diocèse peu peuplé et, à cette fin, acheta 760 acres de terres dans la vallée du Fraser. À son arrivée à Vancouver, McNeil ne connaissait personne et n’avait ni église ni résidence. Il imposa néanmoins un rythme de croissance étonnant : en deux ans, il érigea 13 églises, 2 couvents et un hôpital. Ses projets de construction démesurés et de mauvais investissements fonciers entraîneraient de grandes difficultés financières pour l’archidiocèse [V. Timothy Casey], particulièrement quand le marché immobilier s’effondra. Cependant, à l’échelle nationale, l’Église bénéficia grandement des liens que McNeil développa continuellement entre les diocèses bien établis de l’est du Canada et ceux récemment créés de l’autre côté du pays. Avec l’aide d’amis et de sa famille, notamment son oncle et proche confident Nicholas Hogan Meagher, il parraina des anciens du St Francis Xavier College pour qu’ils viennent enseigner sur la côte du Pacifique, peut-être dans l’idée de fonder un jour une université catholique à Vancouver, qui pourrait devenir une véritable « St FX dans l’Ouest », comme il l’écrivait dans une lettre au directeur du collège, le père Hugh Peter MacPherson.
Le mandat de McNeil à Vancouver prit prématurément fin avec sa nomination, le 10 avril 1912, à la tête de l’archidiocèse catholique sans doute le plus important et le plus influent du Canada anglais, celui de Toronto. Selon son ami l’évêque MacDonald, le Vatican voulait que McNeil améliore la position de la Catholic Church Extension Society, organisme de mission intérieure dont McNeil lui-même avait reçu un appui financier pour fonder des paroisses à Vancouver, et qu’il donne des assises solides au nouveau St Augustine’s Seminary de Toronto. Situé sur des terres agricoles, au sommet des falaises pittoresques de Scarborough qui surplombent le lac Ontario, l’établissement avait été créé par le prédécesseur de McNeil, Fergus Patrick McEvay* ; grâce à l’aide philanthropique du brasseur Eugene O’Keefe*, sa construction tirait à sa fin quand McEvay mourut en 1911. McNeil passa un temps considérable à terminer des projets en Colombie-Britannique et n’arriva à Toronto pour son installation qu’en décembre 1912. Le séminaire devint une priorité immédiate. Dans une lettre pastorale de février 1913, McNeil précisa que, même s’il fallait prendre les études au sérieux, « la sainteté de la vie et la consécration de la vocation étaient plus importantes pour les séminaristes ». En affirmant que le séminaire pouvait constituer un agent d’unification du Canada, il montrait sa perception de l’Église comme une institution véritablement nationale. McNeil souhaitait que le recrutement des étudiants se fasse dans toutes les régions du pays ; ainsi, le St Augustine’s Seminary pourrait « faire beaucoup pour harmoniser les nombreux éléments de la population canadienne ». « Notre Église et notre pays, poursuivait-il, ont tous deux à cœur d’assurer cette harmonie. » McNeil mit sur pied la première collecte diocésaine annuelle pour le séminaire et engagea des professeurs pour offrir un programme qui incluait l’étude des Saintes Écritures, l’ascétisme, la théologie, la catéchèse, la philosophie, l’histoire ecclésiastique, ainsi que des cours pratiques comme la tenue de livres et l’administration d’une paroisse. Il fit également en sorte que les Sisters of St Martha of Antigonish prennent en charge les besoins domestiques de la résidence. Cinq ans plus tard, les pronostics de McNeil quant à l’influence incomparable du séminaire se matérialisaient : des étudiants de 12 diocèses canadiens le fréquentaient, tout comme des représentants de Terre-Neuve, des États-Unis et de la Ukrainian Catholic Eparchy in Canada.
Le travail auprès de la Catholic Church Extension Society et de son président, le révérend Alfred Edward Burke*, comporta plus de défis. Les objectifs de la société, établie par McEvay en 1908 et dotée d’une charte pontificale deux années plus tard, consistaient à financer l’activité missionnaire parmi les Premières Nations, à aider à la construction d’églises et d’écoles dans l’Ouest, et à répondre aux besoins des immigrants, qui arrivaient en nombre record depuis 1896. La société possédait un hebdomadaire, le Catholic Register and Church Extension, et Burke, ouvertement impérialiste et conservateur, imbu d’une vision controversée du rôle de l’Église au Canada, en était le rédacteur en chef. Le cercle d’influence de la société comprenait O’Keefe, sir Charles Fitzpatrick*, juge en chef de la Cour suprême du Canada, sir Thomas George Shaughnessy*, président du chemin de fer canadien du Pacifique, ainsi que de nombreux hommes d’affaires catholiques bien en vue. Quand McNeil devint chancelier de la société en 1913, celle-ci n’avait pas atteint son potentiel de collecte de fonds et s’était aliéné la plupart de ses bienfaiteurs canadiens-français en promouvant la propagation de la foi par le truchement de la langue anglaise. McNeil entreprit une étude approfondie de la société et lança un appel à commentaires confidentiels à ce sujet ; les lettres qu’il reçut de partout au Canada de la part d’évêques et de laïcs intéressés confirmèrent ses pires craintes, à savoir que ni le leadership ni la stratégie missionnaire globale n’étaient satisfaisants. À sa première réunion avec le conseil d’administration, en avril de la même année, il proposa plusieurs changements, qui suscitèrent une opposition rapide et véhémente de Burke et de ses alliés. Les relations entre les dirigeants demeurèrent acrimonieuses pendant deux ans, McNeil ne pouvant démettre Burke parce que la présidence de la Catholic Church Extension Society relevait d’une nomination papale. En 1915, Burke quitta son poste afin de se joindre à l’aumônerie [V. John Macpherson Almond] du Corps expéditionnaire canadien. McNeil s’arrangea pour que Thomas O’Donnell, prêtre de Toronto, obtienne la présidence ; Joseph A. Wall, ancien collègue journaliste de McNeil à Antigonish, fut engagé comme rédacteur en chef du Catholic Register and Church Extension. Même si le malaise entre les adhérents de la société et la hiérarchie canadienne-française n’avait pas entièrement disparu, le lectorat du journal s’accrut substantiellement, les collectes de la société connurent une amélioration spectaculaire et celle-ci raffermit sa position dans le domaine des missions intérieures.
Pendant son archiépiscopat à Toronto, McNeil accorderait beaucoup d’attention à l’immigration catholique, sur le plan tant national que local. Il poursuivit la politique de son prédécesseur en inaugurant une paroisse nationale pour chaque groupe d’immigrants qui paraissait en mesure d’en assurer le soutien. Sa réponse rapide aux nouveaux venus reflétait le souhait de leur fournir des lieux de culte familiers et confortables, mais aussi la détermination à contrecarrer toute tentative des communautés protestantes locales, notamment les méthodistes et les presbytériens, pour débaucher des arrivants. McNeil recherchait des prêtres séculiers et des membres d’ordres religieux originaires du même pays que les paroissiens. Pour ériger des paroisses spéciales à l’intérieur des frontières des paroisses anglophones existantes, il fallait obtenir la permission de Rome et McNeil outrepassa parfois la bureaucratie pour accélérer le processus. Après sa mort, son successeur, James Charles McGuigan*, demanderait au Vatican d’approuver officiellement de manière rétroactive la création de ces paroisses. Durant ses 22 années à la tête de l’archidiocèse, McNeil supervisa l’érection de paroisses pour des Italiens, des Polonais, des Hongrois, des Maltais, des Syriens et des Slovaques. De plus, il assista l’établissement de la Ukrainian Catholic Eparchy à Toronto, Welland et Oshawa. Au début des années 1920, dans le but de secourir les immigrants catholiques du pays, il sanctionna la fondation des Sisters of Service par le père rédemptoriste George Thomas Daly, le père Arthur T. Coughlan et l’enseignante Catherine Donnelly. Installé à Toronto, cet ordre desservait les nouveaux arrivants dans les ports, les refuges du centre-ville et les petites écoles à proximité des concessions. En février 1933, McNeil donna également sa bénédiction à Catherine Doherty [Kolyschkine*], réfugiée de la noblesse russe, qui se crut appelée à vendre ses biens et à créer la Friendship House au cœur de la ville de Toronto, afin d’aider les immigrants, particulièrement des Russes, et d’empêcher que les communistes ne les recrutent.
Dans son pastorat, McNeil n’oublia jamais ses origines d’ouvrier qualifié et, à Toronto, il devint un défenseur des droits des travailleurs. En 1916, dans un discours prononcé au congrès de la Bricklayers, Masons, and Plasterers’ International Union of America, il adressa un message clair aux employeurs : « Payez vos hommes selon les salaires en vigueur, donnez à vos hommes une part équitable de vos profits et donnez-leur aussi l’attention et l’amitié que vous leur devez comme [à] vos semblables et [à des] chrétiens. » Il appuya publiquement l’indemnisation des accidents du travail, et discutait souvent de sujets de justice sociale et d’action catholique avec ceux qui l’accompagnaient durant ses longues marches du samedi dans la ville. Il utilisait les pages du Catholic Register and Church Extension pour renseigner les lecteurs sur des questions ouvrières. En 1915, il engagea Henry Somerville*, militant social et journaliste britannique, pour qu’il vienne à Toronto et rédige une chronique hebdomadaire intitulée « Life and labour ». Quand Somerville dut quitter son poste pour des raisons familiales en 1919 (il ne reprendrait ses fonctions à l’hebdomadaire qu’en 1933), McNeil le remplaça en écrivant des articles d’intérêt pour les travailleurs et des commentaires sur l’enseignement social de l’Église. En public, il admettait qu’il n’avait pas un grand talent d’orateur. Malgré tout, comme l’indiqua la presse catholique : « Il pouvait livrer à un auditoire un discours impromptu, bref et sans prétention, mais ses remarques étaient très percutantes et stimulantes pour ceux qui recherch[aient] de la substance et non du spectacle. » Quand la grande dépression s’aggrava, McNeil sut, en 1932, se montrer concis et émouvant dans ses propos à l’hôtel de ville de Toronto au sujet des temps difficiles que traversaient ses citoyens et le reste du monde : « Compétition, cupidité et avarice – ces mots ont été remplacés, il me semble, par entreprise, sens des affaires et ambition louable […] Je dis aux gens d’affaires que nous leur donnons aujourd’hui l’occasion d’exercer de vraies responsabilités. » Il s’efforça de trouver des moyens de faciliter la vie des familles de la classe ouvrière, des travailleurs migrants et des personnes marginalisées en mettant sur pied la St Elizabeth Visiting Nurses’ Association, le St Mary’s Infants’ Home, la Catholic Big Brothers Association of Toronto, le Rosalie Hall pour les travailleuses et le Columbus Boys’ Camp. De plus, il regroupa les organismes caritatifs catholiques sous l’égide de la Federation of Catholic Charities.
Comme ses confrères prêtres professeurs d’Antigonish, McNeil croyait que l’éducation constituait le meilleur agent de progrès social. Sans surprise, il devint un meneur de la lutte pour améliorer les écoles catholiques dans l’ensemble du pays et encouragea les catholiques à s’engager dans les études supérieures. Il supervisa le financement du De La Salle College et du St Joseph’s College [V. Mary Ann Whalen] par le Toronto Separate School Board, de même que l’agrandissement d’écoles primaires existantes. Entre 1919 et 1927, on rénova 25 écoles catholiques et on en construisit 16 nouvelles pour répondre à la demande grandissante. McNeil s’opposa au gouvernement de l’Ontario sur deux questions alors considérées comme les plus importantes en matière d’éducation : le refus de financer directement les écoles secondaires catholiques et la réticence à modifier la répartition des taxes sur les sociétés et des taxes d’affaires, qui – à moins que des firmes détenues par des catholiques les affectent précisément à des écoles catholiques – allaient presque entièrement aux écoles publiques [V. sir Richard William Scott*]. En réponse au premier problème, il encouragea le conseil archidiocésain du canton de Tiny, dans le comté de Simcoe, à contester le refus d’attribuer des fonds publics aux écoles secondaires catholiques. On soumit la cause en 1925, mais la cour locale et la Cour d’appel de l’Ontario rendirent toutes deux une fin de non-recevoir, les juges étant divisés selon leurs confessions religieuses. En 1928, le comité judiciaire du Conseil privé entendit l’appel final et conclut que, même si l’article 93 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique interdisait à l’Assemblée législative de l’Ontario d’abolir les écoles catholiques, elle disposait d’une autorité discrétionnaire quant à la réglementation et au financement en éducation et ne se voyait pas constitutionnellement dans l’obligation de fournir de l’argent à des écoles séparées. À la suite de cette défaite, McNeil demanda à l’homme d’affaires Martin James Quinn de fonder la Catholic Taxpayers’ Association of Ontario comme moyen de faire pression sur le gouvernement pour obtenir une distribution plus équitable entre les écoles publiques et les écoles séparées.
L’intérêt que McNeil portait à l’éducation incluait la réforme de la pédagogie religieuse. Il critiquait l’apprentissage par cœur dans les cours de religion, particulièrement l’utilisation des catéchismes bien connus de Baltimore et de Butler, qui forçait les élèves à mémoriser et à répéter mot pour mot les réponses à des questions précises sur la foi. Après avoir consulté des enseignants, McNeil lança plutôt une méthode de catéchèse innovatrice qui s’appuyait davantage sur la religion en tant qu’expérience vécue.
McNeil militait aussi pour les études supérieures. Il croyait que les catholiques ne deviendraient jamais des meneurs dans la société canadienne-anglaise s’ils ne suivaient pas les programmes offerts par les établissements postsecondaires. Il encouragea les études à la University of Toronto dans les nombreuses disciplines offertes. Pour convaincre la communauté que la foi de ses jeunes ne risquait rien, il mit sur pied le Newman Hall sur le campus et invita les pères paulistes de New York à y prendre en charge les étudiants catholiques. Il soutenait fermement le St Michael’s College, affilié à la University of Toronto à peine deux ans avant que McNeil n’accède à l’archiépiscopat et ouvert à la mixité en 1911. L’archevêque veilla à ce que les études au St Joseph’s College et au Loretto College [V. Margaret O’Neill*], nouvellement affiliés au St Michael’s College et destinés aux femmes, se voient intégrées aux horaires et aux programmes du St Michael’s College. Selon le Catholic Register and Church Extension, sous l’œil vigilant de McNeil, le collège avait élevé ses critères d’excellence et était devenu une « Mecque de […] grands lettrés de réputation internationale », parmi lesquels se trouvaient les philosophes Étienne Gilson et Jacques Maritain, ainsi que le scientifique et pédagogue Bertram Coghill Alan Windle. En 1929, inspirés par un intérêt accru pour les études médiévales, McNeil et les prêtres professeurs de la Congrégation de Saint-Basile, entre autres Robert Francis Forster*, fondèrent l’Institute (plus tard le Pontifical Institute) of Mediaeval Studies au St Michael’s College, avec le père Henry Carr* comme premier président.
McNeil souhaitait que les membres de son archidiocèse s’engagent auprès de leurs communautés, y compris les non-catholiques, à titre de citoyens à part entière et de contributeurs à la société canadienne. Sa propre direction constitua un exemple pour ceux qu’il desservait. Il cultivait d’excellentes relations avec les groupes protestants locaux, aidant à dissiper le stéréotype qui faisait de Toronto la « Belfast du Canada ». Sur un ton mesuré et avec beaucoup de diplomatie, il demandait aussi justice pour les catholiques et les Juifs, qui souffraient souvent de discrimination de la part des employeurs dans l’industrie privée et les services publics. Maurice Nathan Eisendrath, grand rabbin du Holy Blossom Temple, déclara que McNeil avait « une âme réellement grande, un esprit aimable et sympathique et, en outre, [qu’il] possédait une belle ardeur prophétique pour la cause de la droiture et de la justice ». McNeil reçut à deux reprises un doctorat honorifique en droit : en 1920, de la Dalhousie University et, en 1925, de la University of Toronto (il fut le premier évêque catholique à recevoir cette distinction de l’université), en reconnaissance de son œuvre dans l’Église torontoise, et de ce qu’on décrivit comme sa « bonté » au sein de la communauté.
La Première Guerre mondiale éprouva l’engagement de McNeil auprès des non-catholiques de la ville et de la province. Peu après la déclaration de guerre de la Grande-Bretagne contre l’Allemagne, qui faisait automatiquement du Canada un des belligérants, McNeil soutint l’effort de guerre impérial, encourageant les catholiques à donner au Fonds patriotique canadien et à s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien. En août 1914, il implora ses ouailles de prier pour la paix, mais il dit aussi : « Il n’est pas nécessaire de vous rappeler le devoir patriotique. Vous êtes prêts autant que les autres à défendre votre pays et à partager les fardeaux de l’Empire. » Peu après cette déclaration, il prit la parole devant une assemblée de recrutement pour Toronto et le comté d’York, où il affirma que cultiver l’unité et la paix parmi les chrétiens de la ville était lié à la victoire sur le champ de bataille : « Dans ce conflit, il n’y a pas de différence entre protestants et catholiques. » Il s’en prit aussi à Henri Bourassa*, qui avait critiqué l’appui des évêques de la province de Québec à l’effort de guerre [V. Paul Bruchési], reprochant au rédacteur en chef du Devoir de menacer l’unité tant de l’Église que du pays. McNeil devint rapidement l’un des hommes d’Église canadiens de premier plan à promouvoir la participation publique. Il permit aux troupes de cantonner sur les propriétés de l’Église, soutint l’enrôlement dans certains bataillons, libéra au moins sept prêtres de leurs fonctions pastorales pour se joindre au Service d’aumônerie de l’armée canadienne, contribua personnellement aux campagnes de l’emprunt de la Victoire, encouragea ses prêtres à l’imiter et passa des annonces à cette fin dans les églises de toutes les paroisses. De même, il fit la promotion du recensement national des hommes aptes à combattre en 1916 et 1917, et salua l’imposition de la conscription par le gouvernement de sir Robert Laird Borden. Dans le but d’aider les soldats – catholiques et non-catholiques –, dans les camps d’entraînement comme sur le front, McNeil usa de son influence pour stimuler la campagne nationale visant à financer, outre-mer, la création, par l’association catholique des « huttes » de l’armée canadienne, de centres récréatifs à vocation multiple. En 1917 et 1918, la campagne, menée par le directeur national du programme, le major révérend John Joseph O’Gorman, avec le parrainage des Chevaliers de Colomb, exhortait les catholiques et les protestants du Canada à contribuer à la construction de ces « huttes » ; on récolta plus d’un million de dollars. McNeil réussit à recueillir plus de 200 000 $ dans une initiative œcuménique similaire à Toronto.
Malgré ces démonstrations publiques de patriotisme de McNeil, de son clergé et de la plupart de ses ouailles, dont le taux d’enrôlement était élevé, il se trouvait des détracteurs protestants qui alléguaient, en s’appuyant sur le cas de la province de Québec, que les catholiques ne contribuaient pas à la cause et que le pape sympathisait avec les Allemands. McNeil répondit de sa propre manière à cette rhétorique : en 1918, il écrivit un court traité, The pope and the war, dans lequel il soutenait que Benoît XV n’avait pris parti ni pour les Allemands ni pour les Alliés, mais avait plutôt travaillé impartialement à la réconciliation pacifique. On lut la brochure en chaire dans les églises catholiques de Toronto ; sa première impression de 5 000 exemplaires, distribuée dans tout le Canada, reçut beaucoup d’éloges tant des catholiques que des non-catholiques, y compris des journaux laïques comme le Globe.
Pendant la guerre, les relations entre les catholiques anglophones et francophones se tendirent, notamment au sujet du recrutement, de la conscription et de la question toujours brûlante du Règlement 17, qui interdisait l’enseignement en français en Ontario au delà des deux premières années scolaires [V. Joseph Octave Reaume ; Philippe Landry* ; sir James Pliny Whitney*]. McNeil eut la chance d’arriver à Toronto après l’affrontement des évêques anglophones et des Franco-Ontariens sur les dispositions du Règlement 17. Considéré comme un nouveau venu et, malgré sa lignée maternelle, non pas comme un « maudit Irlandais », tel l’évêque Michael Francis Fallon de London, McNeil tenta de négocier la paix en s’adressant aux chefs de file canadiens-français au cours de rencontres privées, par l’intermédiaire des Chevaliers de Colomb dans tout le pays et par des essais parus dans des livres et de grands journaux, comme la Presse, où il publia une série d’articles en 1918. Quand il mit au courant Émile Roy, chancelier de l’archidiocèse de Montréal, de ses écrits, il expliqua : « Les différences et antagonismes raciaux peuvent devenir un véritable danger pour l’Église catholique au Canada, [et] j’essaie simplement de réduire ce danger. » Ces commentaires sur la construction de l’unité nationale, acclamés par le directeur de la rédaction de la Presse, Oswald Mayrand, et dont le Montreal Daily Star [V. Hugh Graham] publia des extraits en anglais, devinrent pour McNeil le signe avant-coureur du mouvement Bonne Entente, lancé par John Milton Godfrey* et Arthur Hawkes, sur lequel il comptait, à l’instar de leaders de la province de Québec et de l’Ontario, pour réparer les dommages infligés à l’unité nationale durant la guerre. Un correspondant, qui signa A Pea Soup de Montréal, loua les initiatives de McNeil, affirmant que « le trèfle et la fleur de lys devaient croître dans le même pot ».
Partout où il exerça, McNeil laissa le souvenir d’un bâtisseur. Quand il arriva à Toronto, on comptait 20 paroisses catholiques ; pendant les 22 années de son ministère, il supervisa la création de 26 nouvelles paroisses, tandis que la population catholique de la ville passa de 43 080 à plus de 90 000 personnes. Dans l’ensemble de l’archidiocèse, qui comprenait alors ce qui deviendrait le diocèse de St Catharines, McNeil autorisa la fondation de 15 nouvelles paroisses. De plus, il organisa la venue de plusieurs ordres religieux, dont les Grey Sisters of the Immaculate Conception, les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, les Paulistes, les Lazaristes, les ursulines et les franciscains, ainsi que le retour des jésuites (qui y avaient travaillé au xixe siècle) et des Sœurs de Sainte-Croix. Il apporta aussi un soutien important à la Ligue des femmes catholiques du Canada, fondée en 1919 [V. Bellelle Guerin* ; Katherine Angelina Hughes*], qu’il considérait comme un moyen pour les femmes de promouvoir la foi et d’encourager le patriotisme canadien et l’unité nationale.
Quand l’archevêque Neil McNeil mourut le 25 mai 1934 après une courte maladie, il laissa dans le deuil sa famille, des milliers de catholiques et beaucoup de non-catholiques. Des leaders protestants notables de toutes les confessions de Toronto le louangèrent pour les services rendus à son Église et à l’ensemble de la communauté. Les médias laïques rendirent des hommages exceptionnellement enthousiastes à McNeil comme pacificateur, érudit, habile artisan et grand Canadien. « Au besoin, affirmait le Toronto Star, il était capable de ferrer un cheval, de réparer un moteur, de construire une route, de dessiner les plans d’un édifice, de faire de la menuiserie et de jouer le rôle d’architecte et d’entrepreneur. » L’un des éloges les plus justes vint peut-être de l’Evening Telegram, de tendance habituellement orangiste : « Dans la vie de la communauté, il était respecté et admiré en tant que patriote, toujours prêt à coopérer à tout mouvement pour le bien public. »
Neil McNeil est l’auteur de plusieurs traités et essais, dont The pope and the war (Toronto, 1918), Christian unity (Toronto, [1921]), The mass ([Toronto], 1925), The school question of Ontario ([Toronto], 1931) et Schools of long ago (Toronto, 1932). Il a aussi écrit l’article « Canadian national unity », dans The new era in Canada ; essays dealing with the upbuilding of the Canadian commonwealth, J. O. Miller, édit. (Toronto, 1917), 193–207.
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Mark G. McGowan, « McNEIL, NEIL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mcneil_neil_16F.html.
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Auteur de l'article: | Mark G. McGowan |
Titre de l'article: | McNEIL, NEIL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2020 |
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