Le sentiment omniprésent durant la grande dépression était l’impuissance, et l’absence d’un quelconque espoir exacerbait le climat de peur : la peur créée par l’écroulement de l’ancien et du familier ; la peur que, le mois suivant, surtout l’hiver suivant, il n’y ait pas assez à manger ou les ressources nécessaires pour se chauffer. Même pour ceux qui recevaient un salaire fixe, c’était une époque pénible, car ils devaient s’accommoder des clochards qui se présentaient à la porte de leur cuisine et regarder les trains de marchandises s’éloigner en emportant des hommes vers une destination inconnue et pour des motifs inconnus. Les racines de la tradition se desséchaient, comme les Prairies.
Le système bancaire canadien avait bien résisté – aucune banque n’avait fait faillite depuis 1923 –, mais il était urgent de créer une banque centrale pour réglementer le crédit. Le premier ministre Richard Bedford Bennett avait constaté de lui-même ce que la Bank of England pouvait faire pour aider la Grande-Bretagne durant la crise économique. Le 21 mars 1933, le ministre des Finances, Edgar Nelson Rhodes, annonça la création de la Commission royale sur la banque et le régime monétaire au Canada. La commission déposa son rapport en septembre et recommanda à trois contre deux la création d’une banque centrale. La législation fut adoptée presque à l’unanimité en 1934 et la Banque du Canada fut créée l’année suivante.
Le New Deal de Bennett en 1935, qui promettait l’intervention du gouvernement fédéral pour en arriver à une réforme sociale et économique, résultait de cette angoisse politique. C’était aussi typique de Bennett, des politiques qu’il avait embrassées depuis de nombreuses années et qui prenaient racine dans ses propres intuitions politiques. Il y avait longtemps qu’il croyait en les pensions de vieillesse, l’assurance-chômage et les syndicats. L’élément nouveau était la rhétorique solide présentée par Bennett dans des discours incisifs à la radio. « L’ancien ordre n’existe plus », annonça Bennett. « Si vous croyez que les choses devraient être laissées telles qu’elles sont, vous et moi avons des points de vue irréconciliables. Je suis pour la réforme. Et, dans mon esprit, réforme veut dire intervention du gouvernement [...] Elle signifie la fin du laisser-faire. » L’élément central du programme de Bennett était la Loi sur le placement et les assurances sociales. Celle-ci fut suivie de projets de loi qui prévoyaient un salaire minimum, une journée de travail de 8 heures et une semaine de travail de 48 heures. Il y eut des doutes au sujet de la constitutionnalité de ces mesures, mais comme les élections devaient avoir lieu dans quelques mois, le risque en valait la peine.