Titre original :  Oliver Jackson. HM Dawe Collection, United Church Archives - Memorial University of Newfoundland.

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JACKSON, OLIVER, ministre de l’Église méthodiste et de l’Église unie, éducateur, rédacteur en chef, auteur et réformateur social, né le 18 juillet 1887 à Abergavenny, pays de Galles, fils de George Jackson et de Melinda Lythe ; le 24 juillet 1918, il épousa à Clarke’s Beach, Terre-Neuve, Rosalie Noseworthy, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 3 novembre 1937 au large de la côte sud-ouest de Terre-Neuve.

Après avoir été prédicateur méthodiste laïque dans son pays de Galles natal, Oliver Jackson se porta volontaire, en 1911, pour servir à Terre-Neuve et fut pris à l’essai par la Conférence de Terre-Neuve de l’Église méthodiste du Canada. De 1911 à 1913, on l’affecta à Campbellton et, de 1913 à 1915, à Clarke’s Beach. Ce fut pendant ce dernier mandat qu’il fit la connaissance de son futur beau-père, Frank Noseworthy, marchand général et laïque méthodiste. Noseworthy représentait pour Jackson l’idéal du membre contemporain de son Église, et il servit probablement de modèle au jeune suffragant, comme pour d’autres aspirants ministres avant lui. Dans la notice nécrologique qu’il écrirait en décembre 1929 sur son beau-père, Jackson déclarerait qu’il « ne craignait pas les émotions, mais se gardait de l’excitation » et que le point d’ancrage de sa foi, son amour de Jésus, avait « d’abord [été] éthique, puis [inspiré] par la compassion ». Il admirait aussi le fait que l’« éthique de l’Évangile » de Noseworthy avait été « amenée à exercer une influence sur la vie et les relations des autres ». Un sens du devoir altruiste deviendrait la marque distinctive de Jackson.

En 1915, la Conférence de Terre-Neuve recommanda Jackson au Wesleyan Theological College affilié à la McGill University, à Montréal [V. George Douglas*], pour y parfaire sa formation en arts et en théologie. Il y étudia jusqu’en 1918 et, aux fêtes du cinquantième anniversaire du collège, cinq ans plus tard, il recevrait son diplôme de bachelier en théologie avec deux autres ministres de Terre-Neuve. À son ordination, le 3 juillet 1918, à l’église méthodiste Gower Street de St John’s, il devint membre à part entière de la Conférence de Terre-Neuve.

La première affectation de Jackson fut Brigus, où il demeurerait jusqu’en 1923 ; il desservit aussi Cupids à partir de 1921. Il remplit la fonction de pasteur de Freshwater, dans la baie Conception, de 1923 à 1928, époque à laquelle l’Église méthodiste se joignit à l’Église unie du Canada [V. Samuel Dwight Chown], et assuma la responsabilité de l’île Bell et de Portugal Cove de 1928 à 1931. À compter de 1919, Jackson travailla pendant plusieurs années au service de la conférence en tant qu’examinateur des suffragants en sociologie. De plus, il présida de nombreux comités et occupa différents postes, tels ceux de trésorier de la conférence et de secrétaire de district en matière d’enseignement religieux. Après le départ à la retraite de Mark Fenwick, en 1931, Jackson lui succéda comme surintendant des missions de la conférence et s’établit à St John’s. Il exercerait cette fonction, ainsi que celle de secrétaire local de l’éducation chrétienne, jusqu’à sa mort en 1937.

En qualité de surintendant des missions, Jackson se déplaçait sans relâche en bateau, et fit connaître les conditions religieuses et sociales de sa région dans de nombreux comptes rendus réalistes publiés dans le périodique de la conférence, le Monthly Greeting, sous le titre « The superintendent’s log ». Dans le récit d’un de ces voyages, il déclara sans ambages : « Les hommes que j’ai rencontrés aujourd’hui en allant à la forêt m’ont paru très pauvres. Les enfants de la colonie ne sont ni robustes ni chaudement vêtus et les femmes ont l’air trop vieilles pour leur âge. Les familles passent d’[un] travail à l’autre sans jamais mettre la main sur un dollar en espèces. Les salaires sont bas et les prix généralement élevés. S’il reste quelque chose une fois les comptes réglés, on doit l’inscrire dans les livres du marchand [comme crédit] à utiliser à son comptoir et nulle part ailleurs. »

En juin 1932, Jackson devint rédacteur en chef du Monthly Greeting et remplaça Levi Curtis, en poste depuis longtemps. À l’arrivée de Jackson, on renouvela tout le personnel, tout comme la politique et la perspective éditoriales. Il tâcha d’accroître le contenu local et de soulever des questions sociales en lien avec Terre-Neuve et les communautés rattachées à l’Église unie. Sa dette théologique envers Walter Rauschenbusch et le mouvement Social Gospel américain fut explicitée en 1934, quand il publia régulièrement un choix de prières tirées de For God and the people : prayers of the social awakening de Rauschenbusch, parues à Boston en 1909, sur la page couverture du Monthly Greeting.

Jackson se montra vivement préoccupé par ceux qui durent surmonter de rudes épreuves au cours de la grande dépression. Il considérait l’éducation, l’autosuffisance et l’indépendance économique comme des solutions qui devaient globalement améliorer les conditions de vie des Terre-Neuviens ordinaires. L’amour de Jackson pour les gens du peuple et sa crainte que des privations supplémentaires risquent d’engendrer des conséquences sociales sérieuses le menèrent à critiquer le troc, qui avait entraîné leur endettement endémique envers les marchands locaux. « Comment se fait-il qu’à Terre-Neuve, écrit-il, les producteurs de toute la côte, que ce soit en goélette ou sur terre, les pêcheurs, les marins, les petits fermiers ou les bûcherons soient maintenant les esclaves muets d’un système de troc qui les prive de leur liberté économique ? Ils ont peur de prendre la parole parce que le faire signifierait causer des souffrances à leur famille, mais on peut percevoir un vif sentiment d’injustice, et les hommes eux-mêmes font entendre beaucoup d’inquiétants grognements. »

En 1934, Terre-Neuve renonça à son statut de dominion au profit d’une Commission de gouvernement nommée par les Britanniques [V. Frederick Charles Munro Alderdice], et Jackson salua d’abord ce changement comme une occasion d’établir une administration non sectaire, honnête et efficace. Deux ans plus tard, il fut profondément déçu devant les difficultés économiques persistantes, l’absence d’une politique de reconstruction et ce qu’il tenait pour de l’indifférence de la part des commissaires. Il se plaignit avec amertume au commissaire chargé des finances, Everhard Noel Rye Trentham, que ni les changements dans le système d’éducation ni la diversification de l’économie n’apportaient de résultats tangibles. Il écrivit : « Je suis désabusé, les seuls qui profitent de la situation sont une poignée d’individus dans nombre de petits villages de pêcheurs ainsi que le tiers de St Johns. » Selon Jackson, le remède aux maux de Terre-Neuve reposait « non pas sur la charité, mais sur l’accroissement du sentiment de compétence et la progression vers la sécurité financière ».

Jackson soutenait que l’éducation était de grande importance dans le progrès de l’être humain. Il écrivit abondamment sur l’enseignement religieux et chercha à ouvrir des possibilités aux jeunes gens des petits villages de pêcheurs de Terre-Neuve au moyen de stages d’été, de l’éducation des adultes, de cercles de lecture, de formation sur le leadership et de cours particuliers. Il prépara personnellement des élèves doués à entrer au Memorial University College, dont le président, John Lewis Paton*, partageait sa passion pour le Social Gospel et l’avancement de l’enseignement. Parmi ceux que Jackson encouragea et guida se trouvaient Herbert Lench Pottle, futur membre de la Commission de gouvernement et ministre dans le gouvernement de Joseph Roberts Smallwood*, et l’illustre spécialiste des sciences halieutiques Wilfred Templeman.

Bien en avance sur son époque, Jackson était un farouche critique du système d’écoles confessionnelles, auquel il imputait l’inutile double emploi dans les services et le niveau d’instruction médiocre en dehors de St John’s, notamment dans les sciences naturelles. « Il nous faut nous libérer du système confessionnel avec son gaspillage, ses chevauchements et sa négligence criminelle envers les enfants dans les petites localités, écrivit-il à son protégé, Pottle. Ce n’est pas une vieille rengaine, mon garçon, mais un vrai problème qui se dresse au milieu de notre route comme un mur solide, et on doit continuer de s’y attaquer jusqu’à y faire une brèche et permettre aux jeunes gens de Terre-Neuve de s’engager sur la voie de l’autosuffisance et de l’autodiscipline. »

Jackson encouragea également la formation de coopératives et d’organismes d’entraide pour les pêcheurs, et il promut auprès de ses paroissiens un modèle de subsistance varié combinant horticulture et élevage. Pour stimuler une telle diversification, il écrivit des brochures et des articles populaires, comme « Our friend the pig », où il préconisait l’élevage des porcs, et tint une chronique sur le jardinage et la santé dans le Monthly Greeting. Bien au fait des développements internationaux concernant les coopératives, il participa au premier congrès annuel sur le sujet parrainé par le West Coast Co-operative Council. Tout comme pour son maître à penser en matière de théologie, Rauschenbusch, la « voie coopérative » était pour Jackson intimement liée au principe social de la chrétienté et à ses idéaux de fraternité. « Nombreux sont ceux qui craignent le concept de coopération, écrivit Jackson. Le fait est que c’est l’idée chrétienne la plus prometteuse devant le tourbillon de cupidités et d’échecs d’aujourd’hui. Nous pouvons trouver, grâce aux sociétés de coopération, la manière de libérer la force motrice [animant] l’esprit de notre peuple qui peut revigorer et redonner de l’élan à nos producteurs et à notre pays. »

Tout comme de nombreux autres théologiens du Social Gospel, Jackson partageait une vision postmillénariste du royaume de Dieu, selon laquelle des initiatives humaines étaient nécessaires afin d’établir un ordre équitable pour les enfants de Dieu sur terre. Dans le numéro de janvier 1934 du Monthly Greeting, il incita ses lecteurs, en faisant référence à Rauschenbusch, « à porter [leur] attention sur le royaume de Dieu et la responsabilité de chacun de l’étendre plutôt que sur l’individu et sa sécurité ». D’après Jackson, ce changement d’attitude « compren[ait] le repentir, le sentiment de culpabilité, la conversion et la sanctification, mais entraîn[ait] aussi un contenu social plutôt qu’individuel, et impos[ait] à l’expérience personnelle une exigence, une responsabilité mettant à l’épreuve les hommes et les femmes ».

Militant pour la paix, Jackson défendait dans des conférences et des articles l’importance de la coopération internationale et le travail de la Société des nations. Il s’opposait farouchement au totalitarisme et, dans le Daily News, il somma un jour un apologiste local de Francisco Franco de reconnaître les atrocités commises par les fascistes au cours des premiers mois de la guerre civile d’Espagne. Jackson croyait que le régime franquiste était un ennemi de l’autodétermination des Espagnols et de l’établissement d’un « ordre socioéconomique juste ».

En 1936, en raison de ses « précieux services » rendus à la collectivité et à l’Église, le roi Édouard VIII fit d’Oliver Jackson un membre de l’ordre de l’Empire britannique (division civile). Un an plus tard, Jackson se noya avec un ministre étudiant, Wallace J. Harris, quand leur bateau, baptisé Mizpah, chavira dans des eaux tumultueuses. Les deux hommes visitaient la mission Petites and Grand Bruit, sur la côte sud-ouest. Sa dépouille fut récupérée et inhumée au cimetière General Protestant de St John’s. Pour rendre hommage à celui qui reçut le surnom posthume d’« apôtre des petits villages de pêcheurs », on donna le nom d’Oliver Jackson à trois édifices de Terre-Neuve : la Jackson House, à Western Bay, et, sur l’île Bell, la Jackson Memorial School, ainsi que l’église unie Jackson, qui existe encore.

Hans J. Rollmann

Les nombreux articles et éditoriaux d’Oliver Jackson figurent dans le Methodist Monthly Greeting (St John’s) de 1919 à 1925 et dans son successeur, le Monthly Greeting (St John’s), de 1925 à 1937. Il a occasionnellement contribué au Daily News de St John’s et a signé au moins deux autres articles : « Nature study », N.T.A. Journal (St John’s), 24 (1932), no 2 : 8–9 ; et « Church life in Newfoundland », United Church Record and Missionary Rev. (Toronto), 13 (1937), no 11 : 8–9.

Les activités de Jackson à titre de ministre du culte et d’administrateur, de 1911 à 1937, sont inscrites dans Église méthodiste (Canada), The Methodist year book : including minutes of the annual conferences of Canada and Newfoundland (Toronto), 1911–1925, et dans UCC, Newfoundland conference (Toronto), 1926–1937. Ses tâches pastorales locales, à l’exception de celles effectuées à l’île Bell et à Portugal Cove, sont consignées dans les registres paroissiaux de la Methodist/United Church conservés aux RPA. La correspondance et les documents officiels concernant les activités de Jackson en tant que surintendant des missions ont vraisemblablement disparu dans l’incendie qui a détruit le United Church Mission Office and Community Centre de St John’s le 28 janvier 1945. Des hommages et des articles sur sa mort et son enterrement ont paru dans le Daily News et l’Evening Telegram, les deux principaux journaux de St John’s, du 4 au 12 novembre 1937. Un fils de Jackson, le professeur Francis Lindbergh Jackson, de St John’s, nous a aimablement donné accès à la documentation sur la nomination de son père en tant que « membre de l’excellentissime ordre de l’Empire britannique (division civile) » en 1936.

Pour préparer cette biographie, nous avons consulté deux ensembles substantiels, importants et non publiés : la correspondance de Jackson avec John Lewis Paton du Memorial University College, St John’s (Memorial Univ. of Nfld, Queen Elizabeth II Library, Arch. and Special Coll., Coll-470), et des lettres de Jackson à son protégé, Herbert Lench Pottle (en possession de particuliers). Pottle a raconté ses souvenirs de son mentor dans « A tribute to late Rev. O. Jackson », Daily News, 10 nov. 1937 ; Newfoundland, dawn without light : politics, power & the people in the Smallwood era ([St John’s], 1979), 51–52 ; et From the nart shore : out of my childhood and beyond (St John’s, [1983 ?]), 114–118.

Il existe très peu de documentation sur Jackson. Le compte rendu le plus complet sur sa vie et son travail est une biographie de 20 pages de la plume de son étudiant H. M. Dawe, qui lui a succédé aux postes de surintendant des missions et de secrétaire de mission de l’éducation chrétienne, intitulée Apostle of the outports : a resumé of the life and work of Rev. Oliver Jackson, b.d., o.b.e. (Toronto, [1939 ?]). D’autres hommages et descriptions figurent dans K. J. Beaton, « He has gone forward to God : a tribute from the boards of home missions and of Christian education », United Church Record and Missionary Rev., 13 (1937), no 12 : 4, et « There is sorrow on the sea », New Outlook (Toronto), 12 nov. 1937 : 1043 ; H. M. Davis, « A terrible tragedy », United Church Record and Missionary Rev., 13, no 12 : 18–19, et « The last entry in the superintendent’s log », United Church Record and Missionary Rev., 14 (1938), no 1 : 12–13 ; H. M. Dawe, « Oliver Jackson – friend of youth – goes forward », United Church Record and Missionary Rev., 14, no 1 : 19–20. On consultera également les ouvrages plus récents de D. G. Pitt : « Oliver Jackson : pioneer and apostle », Touchstone (Winnipeg), 16 (1998), 2 : 47–54 ; « Prominent figures from our recent past : Rev. Oliver Jackson », Nfld Quarterly (St John’s), 86 (1990–1991), no 1 : 32–34 ; ainsi que les articles sur « Jackson, Oliver » dans DNLB (Cuff et al.) et Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 3 : 90.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Hans J. Rollmann, « JACKSON, OLIVER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jackson_oliver_16F.html.

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Auteur de l'article:    Hans J. Rollmann
Titre de l'article:    JACKSON, OLIVER
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    18 nov. 2024