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SCHAACK, NICHOLAS JOHN, ouvrier agricole et manifestant, né le 15 novembre 1883 près de Kranzburg (Dakota du Sud), fils de John Schaack et d’Anna Schmidt, fermiers ; décédé le 18 octobre 1935 à Regina.
Nicholas John Schaack venait d’une famille qui comptait sept garçons et huit filles ; trois n’atteignirent pas l’âge adulte. Ses parents, originaires du Luxembourg, s’étaient mariés dans ce pays et avaient émigré aux États-Unis vers 1870. La famille vécut d’abord au Minnesota avant d’obtenir une concession statutaire près de Kranzburg. Nicholas John, surnommé Nick, était catholique et fréquentait l’église paroissiale Holy Rosary ; il étudia probablement jusqu’à la fin de la huitième année. Il était de taille moyenne et portait des lunettes ; son certificat de décès indique qu’il était veuf, mais son acte de mariage n’a jamais été retrouvé. C’est peut-être la perte de sa femme qui l’incita à aller s’installer en Saskatchewan en 1910. Son nom figure dans le recensement américain de 1900 pour le Dakota du Sud, mais pas dans celui de 1910.
Au Canada, Schaack travailla d’abord comme ouvrier agricole, puis comme conducteur de tracteur. Dans les années 1930, durant la grande dépression, il vivait dans la région de Prince Albert, en Saskatchewan, et séjourna dans l’un des camps de secours mis sur pied pour les chômeurs dans le parc national de Prince Albert. Au cours du printemps de 1935, un grand nombre de ces hommes furent menés au camp du ministère de la Défense nationale à Dundurn, plus au sud. Dès que parvint au camp la nouvelle que des chômeurs de Colombie-Britannique marchaient sur Ottawa, quelque 200 hommes partirent en direction de Regina durant la troisième semaine de juin, afin de se joindre à cette Marche sur Ottawa, le plus important mouvement de protestation de la grande dépression. Nick Schaack, alors âgé de 51 ans, était parmi eux.
À Regina, Schaack se trouva mêlé à une situation extrêmement tendue. Lorsqu’au début de juin, à Vancouver, 1 000 grévistes des camps de secours avaient grimpé sans encombre à bord des trains de marchandises en direction d’Ottawa pour exiger « travail et salaire », peu d’entre eux savaient que leur voyage aurait un effet aussi percutant et prendrait une valeur symbolique qui dépasserait largement celle d’un simple mouvement régional. De nombreux observateurs croyaient que la détermination de ces hommes fléchirait à mesure qu’ils progresseraient vers l’intérieur du pays. Mais lorsque la marche atteignit le sud de l’Alberta et continua vers la Saskatchewan, recrutant de nouveaux protestataires à chaque étape, elle en était venue à incarner l’échec du gouvernement fédéral à s’occuper des chômeurs célibataires et sans abri durant la dépression. Le premier ministre conservateur Richard Bedford Bennett* décida d’arrêter la marche à Regina, par la force si nécessaire.
Les marcheurs atteignirent la capitale de la Saskatchewan le 14 juin. Pendant les deux semaines qui suivirent, tandis qu’une délégation dirigée par Arthur Herbert (Slim) Evans* se rendait à Ottawa, les protestataires et la Gendarmerie royale à cheval du Canada utilisèrent une périlleuse stratégie de provocation, chaque partie défiant l’autre de faire le premier geste. À la fin de juin, cependant, les hommes admirent à contrecœur qu’il n’y avait plus aucun moyen de quitter Regina à cause des barrages de police ; après avoir refusé les conditions fédérales de dispersion, ils s’adressèrent dans l’après-midi du 1er juillet au gouvernement de la Saskatchewan, dirigé par James Garfield Gardiner*, afin qu’il les aide à dissoudre le mouvement protestataire. Ce soir-là, au moment même où le cabinet provincial se réunissait pour discuter de cette demande, la gendarmerie, secondée par la police municipale de Regina, exécuta des mandats d’arrêt contre les chefs de la marche lors d’un rassemblement public à la place Market. Ces arrestations entraînèrent rapidement une bataille rangée entre la police, les marcheurs et les citoyens ; la bagarre se répandit dans les rues du centre-ville de Regina et laissa sur son passage des centaines de blessés et des dommages matériels considérables.
Schaack était l’un des émeutiers impliqués dans cette mêlée de la fête du dominion. Il fut arrêté dans un terrain vague, maîtrisé par la force et emmené au corps de garde du centre d’entraînement de la gendarmerie. Le jour suivant, il comparut rapidement devant le tribunal et fut ensuite transféré à la prison de Regina, même s’il avait de graves blessures à la tête, comme se le rappellerait un agent de la Gendarmerie royale à cheval du Canada. Schaack fut mis en accusation le 11 juillet, dix jours après l’émeute. Le seul témoin à comparaître pendant son enquête préliminaire fut le gendarme John Timmerman, celui-là même qui l’avait appréhendé. Timmerman déclara sous serment qu’il avait trouvé Schaack, un gros caillou dans chaque main, à proximité du poste de la Gendarmerie royale à cheval du Canada et qu’il l’avait frappé aux épaules avec sa cravache.
L’audience sur la libération sous caution de Schaack devait avoir lieu le 18 juillet, mais il était trop malade à ce moment-là pour se présenter. Sans l’intervention d’un comité de mères, relevant du Citizens’ Defence Committee créé pour aider les marcheurs emprisonnés, son état aurait pu passer inaperçu. À leur première visite à la prison de Regina, le 14 août, les femmes découvrirent que Schaack était gravement malade. Il avait de la difficulté à s’alimenter et à se tenir debout, et il passait ses journées au lit, confiné dans sa cellule. À la demande pressante du comité des mères, il fut transporté au General Hospital le 25 août, le jour même où les charges contre lui étaient abandonnées. Sa santé se détériora. Il eut une crise cardiaque, puis contracta une pneumonie. Le 9 octobre, le directeur de l’hôpital écrivit à la famille de Schaack, au Dakota du Sud, pour l’informer que celui-ci avait peu de chances de s’en remettre, mais que, s’il s’en sortait, il serait transféré à l’hôpital psychiatrique de Weyburn en raison de sa blessure à la tête. Schaack mourut neuf jours plus tard. Comme sa famille n’avait pas les moyens de rapatrier sa dépouille au Dakota du Sud, il fut inhumé très simplement au cimetière de Regina le 21 octobre.
Nicholas John Schaack devint la deuxième victime de l’affrontement de Regina, ce que nièrent à l’époque les autorités policières et gouvernementales. Un détective de la ville, Charles Millar, avait également perdu la vie. Les efforts pour minimiser l’importance de la mort tout aussi tragique de Schaack montrent à quel point la gendarmerie se préoccupait de son image publique et de sa réputation au lendemain de l’émeute. Après tout, elle était largement responsable du désordre et de la destruction qui s’étaient produits, à cause de son entêtement insensé à intervenir par la force dans une situation explosive. Pourtant, en fin de compte, la commission d’enquête provinciale sur l’émeute de Regina, présidée par le juge en chef James Thomas Brown, rejeta le blâme sur les protestataires et innocenta la Gendarmerie royale à cheval du Canada. Le nouveau gouvernement libéral à Ottawa, dirigé par William Lyon Mackenzie King*, affirmerait par la suite que, en ce qui concernait le chômage et les marcheurs, il avait les mains liées par les décisions de la commission de la Saskatchewan et des cours criminelles. Il était plus simple de faire en sorte que l’émeute et la mort de Nick Schaack et de Charles Millar restent associées dans la mémoire collective à l’héritage du gouvernement Bennett.
Les références bibliographiques pour la biographie de Nicholas John Schaack se trouvent dans notre ouvrage All hell can’t stop us : the On-to-Ottawa trek and Regina riot (Calgary, 2003). Les 53 volumes de témoignages recueillis par la commission d’enquête sur l’émeute de Regina sont conservés au SAB à Regina (F415). La transcription de l’enquête préliminaire de Schaack est archivée au ministère de la Justice de la Saskatchewan. Lori Krei, née Schaack, de Waterton, S.Dak., a généreusement fourni des renseignements sur la famille. Nous avons aussi consulté Victor Howard, « We were the salt of the earth ! » : a narrative of the On-to-Ottawa trek and the Regina riot (Regina, 1985).
W. A. Waiser, « SCHAACK, NICHOLAS JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/schaack_nicholas_john_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/schaack_nicholas_john_16F.html |
Auteur de l'article: | W. A. Waiser |
Titre de l'article: | SCHAACK, NICHOLAS JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 21 nov. 2024 |