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FALLON, MICHAEL FRANCIS, oblat de Marie-Immaculée, prêtre, enseignant et évêque, né le 17 mai 1867 à Kingston, Haut-Canada, aîné des sept fils de Dominick Fallon et de Bridget Egan ; décédé le 22 février 1931 à London, Ontario, et inhumé au même endroit dans la chapelle du St Peter’s Seminary.
Fils d’Irlandais immigrés au Canada, Michael Francis Fallon deviendrait un évêque catholique qui, par ses passions pour l’Empire britannique, l’Irlande et l’éducation, conjuguées à son franc-parler, acquerrait une réputation nationale. Après ses études chez les Frères des écoles chrétiennes, il passa l’année scolaire 1883–1884 au Queen’s College. Il fréquenta ensuite le collège d’Ottawa, où il manifesta son enthousiasme pour les sports, le théâtre et la littérature, et fut rédacteur en chef du journal étudiant Owl. Fallon obtint une licence ès arts en 1889 et s’inscrivit au séminaire de l’archidiocèse d’Ottawa. Trois ans plus tard, il se joignit à la congrégation des oblats de Marie-Immaculée, au sein de laquelle il put nourrir son intérêt et son amour pour le monde universitaire. Après son séjour au noviciat de Saint-Gerlach (Houthem), aux Pays-Bas, interrompu en raison de problèmes de santé, on envoya Fallon à Rome, où il prononça ses vœux perpétuels et termina un doctorat en théologie au Collège romain (université grégorienne). La qualité de son tempérament et de ses études impressionna ses supérieurs qui pressentirent un avenir brillant pour le jeune prêtre à son alma mater. Après son ordination, en 1894, le collège d’Ottawa engagea Fallon comme préfet de discipline et professeur d’anglais. Tout en assumant ces responsabilités, il entraînait l’équipe étudiante de rugby qui, pendant son mandat, resterait invaincue et se taillerait une réputation d’excellence à l’échelle nationale.
Fallon retourna au collège au moment où celui-ci connaissait une grave crise administrative découlant de dissensions entre les membres anglophones et francophones du corps professoral. La situation représentait un fardeau pour le recteur, James Maria McGuckin*, oblat irlandais, dont la santé déclinerait trois ans après l’arrivée de Fallon. Les supérieurs des oblats virent en Fallon un candidat pour remplacer McGuckin, mais en raison de son jeune âge et de son manque d’expérience en administration, ils décidèrent qu’il avait besoin de temps pour gagner en maturité. On le nomma donc vice-recteur, en espérant qu’il succéderait à McGuckin.
Fallon n’était toutefois pas le genre de conciliateur qui pouvait restaurer l’harmonie entre les groupes linguistiques du collège, bien au contraire. Fervent partisan de l’Empire britannique, il se mit à considérer avec méfiance le nationalisme pendant son séjour en Europe et croyait fermement que les Canadiens français devaient placer la loyauté envers l’Église au-dessus de la loyauté à leur langue et à leur culture. Par ses critiques véhémentes du nationalisme canadien-français, il perdit le respect et l’admiration de certains de ses supérieurs et s’attira des ennemis. McGuckin tomba malade et on dut lui trouver un remplaçant. Le nom de Fallon figurait alors au premier rang de la liste des successeurs potentiels, mais un groupe important du collège le trouva trop irlandais dans ses opinions et ses idées, et craignit que sa nomination ne cause un tort énorme. Henri-Antoine Constantineau, pasteur de l’église St Joseph à Ottawa, obtint finalement le rectorat. Convaincu de la supériorité de ses qualifications pour le poste, Fallon réagit à cette rebuffade en déposant sa démission comme vice-recteur et comme membre du corps professoral. En septembre 1898, il devint pasteur de l’église St Joseph, où il demeura environ trois ans avant sa mutation à Buffalo, dans l’État de New York, pour y exercer son pastorat dans la paroisse Holy Angels.
Le mandat de Fallon au collège d’Ottawa s’était achevé dans la rancœur et une amère déception. Il avait espéré devenir recteur et rétablir l’unité ; on l’avait plutôt étiqueté comme intolérant envers les francophones et ardent défenseur de la domination de la langue anglaise au Canada. Lui qui se considérait comme réaliste et pragmatique soutiendrait tout au long de sa carrière que ses positions intellectuelles ne se basaient pas sur des sentiments francophobes, mais sur ce qu’il percevait comme le meilleur moyen d’assurer le bien-être de l’Église catholique dans le dominion. Il prenait toujours soin d’établir la distinction entre la population canadienne-française, pour qui il affichait un profond respect, et les nationalistes canadiens-français, qu’il dénonçait en les qualifiant d’agitateurs. Il croyait qu’en défendant de manière agressive leur langue et leur culture, les nationalistes mettaient en danger la survie et l’expansion de l’Église au Canada anglais. Ces deux facettes de Fallon – opposition au nationalisme canadien-français et conviction que ses propres actions favorisaient la vitalité et la sauvegarde de l’Église – domineraient sa carrière.
Les années de Fallon aux États-Unis constituèrent les plus heureuses de sa vie. Il devint un administrateur efficace tant dans sa paroisse de Buffalo que dans son travail pour l’Église catholique. En 1904, on le nomma au provincialat de la province américaine, nouvellement créée par les oblats. Libéré des tensions linguistiques qui l’avaient occupé à Ottawa, Fallon poursuivit des activités intéressantes et importantes pour lui, par exemple des conférences et des retraites spirituelles, dans le but d’expliquer la foi catholique aux protestants anglophones. Il attira l’attention de Mgr Donato Sbarretti y Tazza, délégué apostolique à Ottawa. Non seulement le diplomate du Vatican approuva les initiatives de Fallon, mais il lui confia aussi des missions comme l’enquête sur un prêtre que les paroissiens à Kamloops, en Colombie-Britannique, accusaient d’actes illégaux. Quand vint le temps de choisir un nouvel évêque pour le diocèse de London, Sbarretti éprouvait déjà une grande admiration pour Fallon.
En 1908, Fergus Patrick McEvay*, évêque de London, accéda à l’archiépiscopat de Toronto. Rome rejeta la première terna (liste de remplaçants potentiels pour McEvay), car aucun des trois candidats ne maîtrisait suffisamment la langue française, critère important en raison du grand nombre de francophones dans le secteur sud-ouest du diocèse. À la session plénière des évêques canadiens, tenue à Québec cette année-là, ceux-ci eurent l’occasion de s’entretenir avec Sbarretti, qui suggéra sûrement Fallon comme candidat pour London. On soumit donc à Rome une nouvelle terna de trois noms où figurait au troisième rang celui de Fallon, qui connaissait le français, l’italien, le latin et le grec.
Sbarretti assura rapidement le plein soutien de son protégé. Dans sa recommandation, il souligna les qualités de Fallon et se fit l’écho des opinions de ce dernier sur la survie du catholicisme au Canada. Outre l’appui de Sbarretti, Fallon bénéficiait de celui des évêques anglophones de l’Ontario, dont McEvay et l’archevêque de Kingston, Charles Hugh Gauthier*, représentés à Rome par le père Henry Joseph O’Leary. Le Vatican, qui prit également en considération la vacance du poste depuis presque deux ans, accorda la préférence à Fallon en décembre 1909. Quatre mois plus tard, le 25 avril, celui-ci fut sacré cinquième évêque du diocèse de London.
Décrit par une religieuse du diocèse comme « un homme au port majestueux, qui attirait l’attention partout où il allait », Fallon était une personne imposante. Sa grande stature et son talent oratoire lui conféraient une présence puissante en chaire et sur les tribunes. De plus, sa plume acérée renforçait notablement sa capacité d’influencer les discussions publiques relatives à l’Église catholique. En privé, Fallon avait déclaré qu’il aurait nettement préféré rester aux États-Unis (il avait obtenu la citoyenneté américaine), mais une fois arrivé à London, il s’engagea sans hésiter dans le débat qui faisait rage sur l’avenir de l’éducation en français dans les écoles publiques de l’Ontario. En janvier 1910, l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFEO), fondée ce mois-là à Ottawa et dirigée par Napoléon-Antoine Belcourt, émit des résolutions pour demander au gouvernement conservateur de sir James Pliny Whitney* de donner un statut égal à l’enseignement en français et en anglais au sein du réseau d’éducation de la province. À peine consacré, Fallon désavoua les requêtes de l’ACFEO, convaincu que le gouvernement de Whitney n’y satisferait jamais. L’évêque craignait que les actions de l’association provoquent chez les protestants un tollé susceptible de compromettre le financement gouvernemental intégral du système ontarien d’écoles séparées. Fallon avait souvent souligné qu’en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, l’Ontario avait constitutionnellement le droit d’offrir un programme scolaire reposant sur la religion catholique, mais pas de fournir de l’enseignement dans une langue autre que l’anglais.
En mai, Fallon exprima son opposition aux écoles bilingues dans un entretien confidentiel avec William John Hanna*, député de Lambton West et secrétaire de la province dans le cabinet de Whitney. Lors d’une réunion convoquée le 15 août à Kingston, les évêques de l’Ontario rejetèrent d’un commun accord les exigences de l’ACFEO. Fallon se vit assigner la tâche d’exposer leur position à Whitney, qu’il rencontra un jour plus tard. Des partisans de l’association ripostèrent. Pendant l’été et l’automne de 1910, des journaux de Sandwich (Windsor) et de Detroit attaquèrent l’évêque, en particulier après la publication, le 1er octobre, du compte rendu personnel de Hanna sur son entretien avec Fallon. (Henry Clement Alexandre Maisonville, secrétaire du ministre des Travaux publics Joseph Octave Reaume, avait divulgué à la presse le mémorandum du secrétaire de la province.)
L’agitation aurait pu retomber avec le temps si Fallon avait gardé le silence, mais il n’était pas dans sa nature d’encaisser des accusations publiques sans réagir en conséquence. Il ajouta donc de l’huile sur le feu : dans une déclaration parue le 17 octobre dans le Globe, il lança une critique retentissante contre les lacunes de ce qu’il qualifia de « système scolaire prétendu bilingue ». Sachant qu’on lui reprocherait d’entretenir des préjugés francophobes, il prit soin d’expliquer en détail qu’il ne s’opposait pas à l’éducation en langue française par principe, mais qu’il ne pouvait tolérer les très faibles taux d’obtention de diplômes dans les écoles qui, croyait-il sincèrement, ne réussissaient pas à préparer les élèves aux défis de la vie dans une société essentiellement anglophone :
Dans les écoles qu’on impose à ces enfants, ni l’anglais ni le français ne sont correctement enseignés ni décemment parlés. Dans de nombreux cas, on ne tient absolument aucun compte des règlements du ministère de l’Éducation. En raison des conditions qui ont cours, les enfants ne sont tout simplement pas envoyés à l’école ou en sont retirés devant les difficultés […] Ce n’est la faute ni des enfants ni des professeurs, c’est celle du système, et c’est contre le système et son expansion annoncée que je proteste. Ma contestation repose sur le droit des enfants à une éducation qui leur donnera une place dans la collectivité où ils vivront et leur ouvrira les voies du succès.
La diatribe de Fallon, qui conclut que le système « encourage[ait] l’incompétence, récompens[ait] l’hypocrisie et engendr[ait] l’ignorance », incita Whitney à agir. Il convoqua sans tarder son ministre de l’Éducation, Robert Allan Pyne, le sous-ministre de l’Éducation, Arthur Hugh Urquhart Colquhoun, et le directeur de l’Éducation, John Seath*, pour réfléchir à ce qu’il fallait faire. Whitney demanda ensuite à son inspecteur en chef des écoles, Francis Walter Merchant, d’enquêter sur le système bilingue. Le gouvernement de Whitney se servit du rapport Merchant, publié en février 1912, pour justifier l’instauration du Règlement 17, directive du ministère de l’Éducation qui limitait l’enseignement en français aux deux premières années scolaires et assujettissait les conseils scolaires bilingues à l’autorité d’inspecteurs, qui étaient en général des protestants anglophones. Fallon n’eut pas voix au chapitre dans l’élaboration de cette politique, mais son opposition farouche aux écoles bilingues et son soutien aux décisions du gouvernement lieraient son nom de façon permanente au Règlement 17 et lui vaudraient l’inimitié durable des Canadiens français de partout au pays. En privé, Fallon exprima sa surprise et sa déception de voir que plusieurs évêques ontariens ne l’appuyaient pas publiquement depuis qu’il était devenu le chef de file de l’opposition catholique aux écoles bilingues. Parmi eux, l’archevêque de Toronto, Neil McNeil, adopta plutôt un ton conciliant envers les Canadiens français dans ses tentatives de résoudre le conflit.
La position de Fallon sur l’éducation bilingue et sa gestion autocratique du diocèse de London occasionnèrent des dissensions tant avec les paroissiens qu’avec les prêtres. Entre l’automne de 1910 et l’été de 1914, encouragés par l’archevêque de Québec, Louis-Nazaire Bégin*, ces derniers intentèrent un certain nombre de poursuites contre Fallon auprès des autorités romaines. En septembre 1910, plusieurs écoles du diocèse dirigées par des ordres religieux catholiques cessèrent d’offrir des cours en français, et on accusa l’évêque de leur avoir imposé cette décision. Il nia catégoriquement avoir donné de telles instructions, et le Vatican finit par accepter son démenti. Une autre âpre querelle sur l’éducation surgit entre l’évêque et le prêtre basilien Robert Francis Forster*, directeur de l’Assumption College de Sandwich, administré par des basiliens. Entre 1919 et 1925, Fallon tenta d’obliger le collège, affilié à la University of Western Ontario à compter de 1919, à déplacer son département des arts de Sandwich à London. Malgré ses rudes tactiques − il essaya d’éloigner des étudiants de son diocèse de l’Assumption College en ouvrant un établissement rival à London, la St Peter’s School of Philosophy −, il finit par échouer.
En janvier 1912, Fallon scinda la paroisse Our Lady of the Lake, en grande partie francophone, afin de créer une paroisse distincte pour la ville prospère et majoritairement anglophone de Walkerville (Windsor). Le pasteur de la paroisse originelle, Joseph Lucien Alexandre Beaudoin, nullement consulté dans cette décision, était en fait l’un des critiques les plus acerbes de l’attitude de Fallon envers les écoles bilingues. Il protesta contre la partition auprès de Rome qui, en 1914, décréterait que l’évêque avait le pouvoir de fonder une nouvelle paroisse, mais qu’il devait payer 7 000 $ à Beaudoin en compensation pour ses années de soutien financier à une école de Walkerville anciennement située dans les limites de la paroisse Our Lady of the Lake. (Fallon refusa de payer et interjeta appel auprès de Rome sur la question.) Beaudoin, le plus provocateur de plusieurs prêtres canadiens-français du diocèse avec lesquels l’évêque avait eu maille à partir sur la place publique, mourut le 18 août 1917. Le 8 septembre, des membres de la paroisse Ford City, indignés par la décision de Fallon de remplacer Beaudoin par un prêtre qui lui était farouchement loyal, bloquèrent l’église pour empêcher le nouveau pasteur d’y entrer. Dans l’altercation qui s’ensuivit avec des agents de police, dix personnes subirent des blessures graves. Selon l’historien Jack Douglas Cecillon, plusieurs paroissiens complotèrent ultérieurement d’assassiner l’évêque. L’un d’eux accepta de proposer à Fallon de le conduire quelque part, puis de plonger la voiture dans une rivière glacée. Mais le meurtrier désigné manqua de courage, et on abandonna le plan. Pendant le mandat de Fallon, le diocèse de London resterait profondément divisé selon des critères de langue et d’origine ethnique.
Dès son sacre épiscopal, l’opposition ouverte de Fallon au nationalisme canadien-français avait attiré l’attention des évêques de la province de Québec, dont Bégin, qui s’était rapidement porté à la défense des partisans de l’enseignement en français en Ontario. Ces évêques outrepassèrent leur autorité à un certain nombre d’occasions pour demander à Rome de muter Fallon dans un diocèse en dehors de l’Ontario, par exemple à Regina ou à Saint-Jean. Rome rejeta l’idée seulement grâce aux conseils prudents de Mgr Pellegrino Francesco Stagni, successeur de Sbarretti comme délégué apostolique à Ottawa. En privé, des représentants du Vatican qui désapprouvaient la résistance publique de Fallon aux écoles bilingues ou ses conflits avec des prêtres de son diocèse recommandèrent sa démission, mais l’évêque persévéra, convaincu de la solidité de ses positions et persuadé que son succès dans la plupart des poursuites juridiques contre lui justifiait ses actes.
Irlandais nationaliste, Fallon préconisait l’autonomie politique de l’Irlande et espérait que le pays se verrait accorder le statut de dominion. Durant la guerre d’indépendance irlandaise, il déclara : « [L]’infamie du pouvoir britannique en Irlande à l’heure actuelle, malgré toutes les discussions […] sur la liberté et la justice, est telle qu’aucune humiliation ni brutalité connues ne pourraient la surpasser. » Peu avant sa mort, il écrivit : « Je suis un Irlandais. Ce serait de l’hypocrisie de ma part de dire que j’ai oublié les cruautés des Anglais à l’égard de mes ancêtres irlandais. Mais je suis prêt à pardonner. » Dans son esprit, l’Empire britannique promulguait et défendait des idéaux chrétiens. Le fait que la plupart des Britanniques ne soient plus dans le giron du catholicisme n’empêchait pas Fallon de penser que leurs institutions reposaient sur des assises chrétiennes. Tant et aussi longtemps que les Britanniques feraient passer les principes chrétiens avant leurs propres intérêts politiques, croyait-il, leur empire bénéficierait du soutien divin. Fallon fit de son mieux pour rendre le royaume plus accueillant aux catholiques : par exemple, à compter de 1899, il milita publiquement pour le retrait des propos anticatholiques dans le serment prononcé par les monarques britanniques à leur couronnement. On doit probablement lui attribuer une part du mérite dans la décision du roi George V de reformuler le sien en 1911.
Fallon considérait le leadership britannique dans le monde comme une source de stabilité et de paix. En 1897, au cours d’une activité à Ottawa à laquelle assistaient le gouverneur général lord Aberdeen [Hamilton-Gordon] et lady Aberdeen [Marjoribanks], Fallon avait salué l’empire comme étant « le dernier et le plus important obstacle humain à la propagation de doctrines perverses et dangereuses relatives à l’ordre social et à la gouvernance internationale » et « l’influence humaine la plus puissante pour amener les hommes vers le haut et vers l’avant sur la voie du progrès humain ». Le caractère militariste du nationalisme allemand l’avait inquiété dès qu’il l’avait découvert pendant ses études en Europe dans les années 1880, et il avait eu la prémonition de la Première Guerre mondiale plusieurs années avant son déclenchement. En 1910, il confia à des membres du 7th Battalion of Fusiliers de London : « Si vous, messieurs, pensez que vous ne faites que jouer aux soldats, je vous supplie d’accorder un peu plus d’attention à la question. » En 1911, il s’adressa ainsi au Canadian Club de London : « J’ai l’intime conviction que l’Allemagne a l’intention de prendre les commandes des affaires mondiales. » Il soutint fermement la cause britannique pendant la Première Guerre mondiale et recruta des aumôniers pour le service outre-mer au sein du Corps expéditionnaire canadien, où on avait cruellement besoin d’eux [V. John Joseph O’Gorman ; Alfred Edward Burke*]. Pendant la campagne précédant les élections fédérales du 17 décembre 1917, Fallon exhorta les catholiques à voter pour les unionistes favorables à la conscription dirigés par sir Robert Laird Borden. L’année suivante, l’évêque se rendit sur le front de l’Ouest. Ses sentiments pour l’Empire et son appui à l’effort de guerre lui attirèrent bien sûr encore une fois l’antipathie de nombreux Canadiens français.
Fallon ne perdait aucune occasion de participer à des événements publics dans le but de mettre en lumière les réalisations de l’Église catholique. Selon lui, 1926 marquait le tricentenaire de la fondation de la ville de London, car un missionnaire récollet, Joseph de La Roche* Daillon, y avait célébré la première messe. Ce moment historique fournit à l’évêque un prétexte pour organiser des célébrations ; il souhaitait ainsi souligner publiquement le fait qu’un catholique était arrivé là avant tout protestant européen.
La Catholic centennial week, qui se déroula du 26 septembre au 3 octobre, servit de vitrine aux accomplissements de Fallon dans son diocèse, en particulier ceux liés aux institutions consacrées à la promotion des idéaux catholiques dans les domaines du culte, de l’éducation et de la santé. En premier lieu, on attira l’attention sur les rénovations récemment terminées à l’intérieur de la cathédrale St Peter. Ensuite, le Brescia Hall, construit pour le collège féminin des ursulines, affilié à la University of Western Ontario, ouvrit officiellement ses portes. (À la suggestion de Fallon, les religieuses avaient volontiers relocalisé le collège de Chatham à London en 1920.) Enfin, on inaugura un nouvel édifice qui hébergerait l’œuvre personnelle de Fallon, le St Peter’s Seminary, qu’il avait fondé en 1912. Parmi d’autres activités commémoratives, on procéda également à l’ouverture d’une résidence pour infirmières au St Joseph’s Hospital et à la réouverture de l’église St Mary, après des travaux majeurs d’aménagement intérieur. De plus, des ordres religieux locaux (les Frères des écoles chrétiennes, les rédemptoristes et les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang) reçurent des marques de reconnaissance publiques.
Fallon déclencha lui-même sa dernière fervente bataille pour la défense des principes catholiques, bataille qui lui valut l’approbation et le soutien des catholiques de tout le Canada, y compris de certains de ses anciens ennemis au Québec. Fallon décrivit ainsi le problème : la « situation mexicaine ». En octobre 1927, à la demande du gouvernement du Mexique, le premier ministre libéral William Lyon Mackenzie King* y dépêcha le président de la Canadian National Railway Company, sir Henry Worth Thornton, pour offrir une aide organisationnelle à la société nationale des chemins de fer du Mexique. En décembre, Fallon adressa une lettre ouverte à King pour contester le droit du gouvernement fédéral, qui représentait une population dont près de la moitié était catholique, de permettre à l’un de ses fonctionnaires de rendre service au gouvernement mexicain qui, selon Fallon, persécutait l’Église catholique. La lettre fit l’objet d’une large diffusion dans la presse canadienne. Le gouvernement de King reçut un flot de protestations par la poste et certains éditoriaux demandèrent l’expulsion du consul général du Mexique à Toronto, Don Luis Medina Barrón. L’un des adversaires les plus virulents de Fallon, le directeur de journaux Henri Bourassa*, signa un éditorial dans le Devoir pour dénoncer le voyage de Thornton.
Le 22 février 1931, Michael Francis Fallon mourut après une longue lutte contre le diabète. Il avait été évêque de London pendant près de 21 ans. Ses obsèques à la cathédrale St Peter attirèrent une foule immense, où figuraient des autorités ecclésiastiques et des personnalités politiques, entre autres William Donald Ross*, lieutenant-gouverneur de l’Ontario. De son vivant, on l’avait catalogué comme autocrate, arrogant et intellectuellement hautain dans ses prises de position publiques, émotif dans ses réactions et imbu de préjugés à l’égard des Canadiens français. Pourtant, Mgr Stagni, dans une lettre au cardinal Rafael Merry del Val, émit l’opinion que Fallon n’avait agi que par zelus domus Dei (zèle envers la maison de Dieu). Le père John Joseph O’Gorman résuma l’homme après sa mort en ces termes : « L’évêque Fallon manqua parfois de patience et d’humilité, mais Dieu sait qu’il recherchait véritablement la vertu, la piété, la foi et la charité […] Il préférait commettre une erreur en essayant de servir Dieu et ses semblables plutôt que de commettre dix erreurs d’omission en dissimulant les talents qui lui avaient été conférés par son Seigneur. »
Michael Francis Fallon a écrit The declaration against Catholic doctrines which accompanies the coronation oath of the British sovereign (Ottawa, [1899]) et The final judgment of Rome ([London, Ontario, 1921]). Une brochure contenant son discours livré à Toronto le 12 mars 1922 et un discours de J. J. O’Gorman a paru sous le titre Some aspects of the separate school question : plain facts for fair minds ([Londres, 1922]). Fallon a rédigé la préface de l’ouvrage qu’il a compilé, Shorter poems by Catholics (Londres, 1930), pour lequel il a aussi fourni des notes biographiques.
Arch. Deschâtelets-NDC des Missionnaires Oblats (Richelieu, Québec), HE 1811–1820 (fonds Deschâtelets, sér. Cardinaux et évêques, dossier Mgr Michael Fallon).— Arch. of the Diocese of London, Bishop M. F. Fallon papers, Catholic centennial week – programming, 1926, box 1, file 20 ; Corr. – apostolic delegate, box 5, file 3, Sbarretti to Fallon, 11 mai 1904 ; Corr. – political, Mexico, box 2, file 11, Fallon to King, 14 déc. 1927.— Arch. of the Roman Catholic Archdiocese of Toronto, ME (Archbishop Fergus McEvay fonds), Fallon to McEvay, 18 août. 1910.— Arch. apostoliques du Vatican, Arch. Nunz. Canada, 19/2, fasc. 10.1, De Lai to Sbarretti, 17 févr. 1909 ; McEvay to Sbarretti, 25 mars 1909 ; 19/2, fasc. 10.2, Sbarretti to Merry Del Val, 25 mai 1909 ; 25/1, fasc. 1, Stagni to Merry Del Val, 29 nov. 1914.— Le Devoir, 17 déc. 1927.— Globe, 17 oct. 1910, 7 déc. 1917.— Marilyn Barber, « The Ontario bilingual schools issue : sources of conflict », CHR, 47 (1966) : 227–248.— J. D. Cecillon, Prayers, petitions, and protests : the Catholic Church and the Ontario schools crisis in the Windsor border region, 1910–1928 (Montréal et Kingston, Ontario, 2013) ; « Turbulent times in the diocese of London : Bishop Fallon and the French–language controversy, 1910–1918 », dans Schooling in transition : readings in Canadian history of education, S. Z. Burke et Patrice Milewski, édit. (Toronto et Buffalo, N.Y., 2012), 302–320.— Robert Choquette, Langue et Religion : histoire des conflits anglo-français en Ontario (Ottawa, 1975).— Adrian Ciani, « “An imperialist Irishman” : Bishop Michael Fallon, the Diocese of London and the Great War », SCHEC, Hist. Studies, 74 (2008) : 73–94.— J. K. A. Farrell, « Michael Francis Fallon, bishop of London, Ontario – Canada, 1909–1931 : the man and his controversies », SCHEC, Hist. Studies, 35 (1968) : 73–90.— Pasquale Fiorino, « Bishop Michael Francis Fallon : the man and his times, 1910–1931 » (thèse de ph.d., univ. pontificale grégorienne, Rome, 1993) ; « The nomination of Michael Fallon as bishop of London », SCHEC, Hist. Studies, 62 (1996) : 33–46.— Roger Guindon, la Dualité linguistique à l’Université d’Ottawa (4 vol., Ottawa, 1989–1998), 1 (Coexistence difficile, 1848–1898).— Michael Power, « Fallon versus Forster : the struggle over Assumption College, 1919–1925 », SCHEC, Hist. Studies, 56 (1989) : 49–66 ; « The mitred warrior : a critical reassessment of Bishop Michael Francis Fallon, 1867–1931 », Catholic Insight (Toronto), 8 (2000), no 3 : 18–26.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), vol. 1.
Pasquale Fiorino, « FALLON, MICHAEL FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fallon_michael_francis_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fallon_michael_francis_16F.html |
Auteur de l'article: | Pasquale Fiorino |
Titre de l'article: | FALLON, MICHAEL FRANCIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2022 |
Année de la révision: | 2022 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |