GOREHAM (Gorham), JOSEPH, officier et fonctionnaire, né le 29 mai 1725 à Barnstable, Massachusetts, sixième fils de Shobal (Shubael) Gorham et de Mary Thacter, et frère de John Gorham* ; il épousa le 29 décembre 1764, à Halifax, Anne Spry, et ils eurent six enfants, et en secondes noces, en 1787, Elizabeth Hunter ; décédé le 20 juillet 1790 à Calais, France.
Contrairement à son frère John, Joseph Goreham entra jeune dans la carrière militaire. En 1744, peu de temps après avoir quitté l’école, il reçut le titre de lieutenant dans la compagnie de rangers de son frère, qui fut dépêchée à Annapolis Royal (Nouvelle-Écosse), afin de renforcer la garnison contre les attaques françaises. Plus tard, cette année-là, Joseph en prit temporairement le commandement, lorsque John partit pour Boston. En 1752, Joseph avait atteint le rang de capitaine et commandait sa propre compagnie qui constituait le seul effectif de l’armée entretenu par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.
On recourait aux rangers pour protéger les tout premiers établissements britanniques, comme Lunenburg, contre les raids indiens, et cela jusqu’à l’éclatement de la guerre de Sept Ans ; dès lors, ils participèrent de plus en plus aux opérations militaires d’envergure, vu leur habileté à la guerre d’embuscade. En juillet 1757, par exemple, Goreham et quelques-uns de ses hommes furent dépêchés en mission de reconnaissance à Louisbourg en prévision de l’expédition de lord Loudoun ; un an plus tard, ils servirent sous Amherst au siège qui amena la chute de la forteresse. En 1759, la compagnie fit partie de l’expédition contre Québec, commandée par Wolfe*, et, à l’instar des autres rangers, le général les utilisa pour sa campagne de terreur dirigée contre les établissements canadiens. Le 9 août, Goreham et ses hommes rasèrent le village de Baie-Saint-Paul, en représailles pour les attaques des habitants contre les transports britanniques, et brûlèrent de même les hameaux de La Malbaie et de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière). En septembre, on incorpora la compagnie aux troupes du major George Scott*, qui détruisirent les paroisses, de Kamouraska à Québec.
Promu major de l’armée britannique en août 1760, Goreham réussit, au mois de septembre suivant, à obtenir que sa compagnie fût portée parmi les effectifs réguliers, probablement grâce à ses bonnes relations avec les commandants précédents, comme Amherst et George Townshend*. Il est significatif qu’aucune autre unité de rangers n’ait reçu pareil honneur. En 1762, après avoir été en garnison en plusieurs endroits, les rangers de Goreham s’embarquèrent pour La Havane, Cuba, où ils participèrent au siège de la ville. À l’instar de l’ensemble des troupes britanniques, l’unité fut décimée par la maladie ; Goreham rapporte que les médecins le « condamnèrent » deux fois. L’année suivante, quelques rangers accompagnèrent la colonne de secours du capitaine James Dalyell dépêchée à Détroit [V. Henry Gladwin].
Après le licenciement de ses troupes à la suite de la paix de 1763, Goreham retourna en Nouvelle-Écosse, probablement la même année, et au cours des années qui suivirent on lui accorda une quantité considérable de terres dans cette province, en particulier plus de 20 000 acres sur la rivière Petitcodiac (Nouveau-Brunswick). Lors de ses voyages réguliers en Angleterre, il sollicitait activement des fonctions officielles, en faisant jouer ses relations ; en 1764, on le recommanda au gouverneur Montagu Wilmot* pour le poste de lieutenant-gouverneur. À son arrivée à Halifax, toutefois, il découvrit, à son grand regret, que Wilmot avait déjà arrêté son choix sur Michæl Francklin. Goreham retourna alors en Angleterre et présenta une requête aux fins d’obtenir « des emplois [...] représentant un salaire équivalent à celui de lieutenant-gouverneur », à titre de compensation pour sa déception. Gratifié d’une nomination au Conseil de la Nouvelle-Écosse et du poste d’agent adjoint des Affaires indiennes de la province, il se vit aussi octroyer le contrat d’approvisionnement en combustible des troupes de la Nouvelle-Écosse, mais il ne rentra pas à Halifax avant la fin de 1766. Goreham n’assistait pas souvent aux assemblées du conseil, mais il s’intéressait sincèrement au bien-être des Indiens ; Guy Johnson et d’autres fonctionnaires du département des Affaires indiennes critiquèrent cependant ses trop grandes dépenses.
En dépit de ces nominations, la situation financière de Goreham empirait d’une façon régulière. Ses nombreux voyages à la recherche de postes lucratifs l’amenèrent à accumuler de grosses dettes et, même après avoir vendu la plupart de ses propriétés, à l’exception de ses concessions de terrains qu’il hypothéqua, ses arrérages restèrent considérables. En septembre 1768, il subit « une perte très grande des revenus » provenant de son contrat d’approvisionnement en combustible quand on déplaça la garnison de Halifax à Boston, et, l’année suivante, une modification dans l’organisation du département des Affaires indiennes amena sa révocation comme agent adjoint. Il reprit son poste à la suite du recours personnel de lord Hillsborough, secrétaire d’État des Colonies américaines, à sir William Johnson. Au cours d’une autre visite en Angleterre en 1770, il obtint aussi le poste de lieutenant-gouverneur de Placentia, à Terre-Neuve. Toutefois, le salaire attaché à ce dernier poste se révéla inférieur à ce qu’il avait escompté et, bien que promu lieutenant-colonel en 1772, il n’obtint pas de grade dans un régiment comme il l’avait espéré. Bien plus, cette année-là, définitivement démis de ses fonctions d’agent adjoint, il continua à toucher son salaire, contractant ainsi des dettes additionnelles. Il arriva pire encore. En 1774, le délai de rigueur concernant la colonisation des terres qu’on lui avait concédées était sur le point d’arriver à échéance, alors que seulement quelques colons tenaient feu et lieu sur ses terres ; afin d’écarter la ruine dont il était menacé advenant la confiscation de ses terres, il fit appel à lord Dartmouth, secrétaire d’État des Colonies américaines, et obtint pour ses concessions une prolongation de dix ans. L’habitude de boire, qu’on lui a attribuée, à cette époque, peut avoir été pour quelque chose dans ses difficultés financières.
Dans ces circonstances, Goreham fut probablement reconnaissant de pouvoir prendre de nouveau du service dans les forces armées. En 1774, alors qu’il y avait menace de rébellion dans les colonies du Sud, il soumit le projet de lever un corps de « loyaux sujets nord-américains de Sa Majesté », qui fut rapidement approuvé. En juin 1775, des officiers faisaient du recrutement à Boston, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve pour le compte des Royal Fencible Americans, nom donné à ce corps. Bien que Goreham espérât recruter principalement ses effectifs en Nouvelle-Angleterre, il ne rassembla que quelques déserteurs rebelles et, en Nouvelle-Écosse, ses officiers étaient en concurrence avec ceux du lieutenant-colonel Allan Maclean et du gouverneur Francis Legge, qui étaient également à constituer des régiments provinciaux. Forcé de se tourner vers Terre-Neuve, il n’avait encore que 190 hommes à Halifax en décembre.
Au mois de mai 1776, la plus grande partie des effectifs du régiment reçut l’ordre de se mettre en garnison au fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), sur l’isthme de Chignectou. Au début de novembre, un groupe disparate de rebelles, sous les ordres de Jonathan Eddy*, fit son apparition dans la région et, après avoir pris un avant-poste, mit le siège devant le fort Cumberland. Heureusement pour Goreham, les attaques d’Eddy étaient mal conduites, et la garnison les repoussa facilement avec des pertes mineures de part et d’autre. Goreham se montrait prudent dans sa défense, préférant attendre des renforts plutôt que de porter ses hommes à demi entraînés et mal équipés à l’attaque d’un ennemi qu’on croyait bien supérieur en nombre. Des troupes britanniques arrivèrent de Windsor le 27 et aidèrent la garnison à mettre les rebelles en déroute deux jours plus tard, mettant ainsi fin à la seule véritable menace militaire que connut la Nouvelle-Écosse pendant la Révolution américaine. Par la suite, Goreham essaya de détendre la situation en pardonnant aux habitants de l’endroit qui, croyait-il, avaient été forcés de se joindre à Eddy. Plusieurs de ses propres officiers et les habitants loyaux désapprouvèrent vivement cette décision, et le major Thomas Batt tenta même, sans succès, de faire démettre Goreham pour négligence dans l’accomplissement de son devoir, mais la ligne de conduite de Goreham fut probablement la bonne.
En 1780, on transféra la garnison du fort Cumberland à Halifax, où elle resta jusqu’au licenciement du régiment en octobre 1783. Promu colonel en 1782, Goreham s’absenta la plus grande partie de l’année suivante. Il était en Angleterre où il sollicitait probablement de l’emploi pour alléger ses difficultés financières. Il semble avoir vécu un bon moment en France par la suite, peut-être pour fuir ses créanciers. Trois mois avant sa mort, Goreham fut promu major général, devenant l’un des rares Américains de naissance et le seul officier des tankers à atteindre ce grade. La carrière de Goreham ressemble quelque peu à celle de Robert Rogers, un autre officier des rangers. Comme ce dernier, Goreham connut une carrière militaire heureuse pendant la guerre de Sept Ans et, comme lui aussi, il était « un vétéran possédant plusieurs années d’expérience dans la technique du favoritisme à la mode du xviiie siècle ». Mais, malgré les problèmes financiers qu’ils connaissaient tous les deux, la carrière de Goreham se termina sur une note plus favorable que celle de Rogers : s’il ne sortit jamais véritablement de ses difficultés d’argent, au moins les apparences extérieures de succès doivent lui avoir apporté quelque consolation.
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David A. Charters et Stuart R. J. Sutherland, « GOREHAM (Gorham), JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/goreham_joseph_4F.html.
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Auteur de l'article: | David A. Charters et Stuart R. J. Sutherland |
Titre de l'article: | GOREHAM (Gorham), JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |