GAY DESENCLAVES, JEAN-BAPTISTE DE, prêtre, sulpicien, missionnaire, né à Limoges, France, le 29 janvier 1702, décédé à une date et dans des circonstances inconnues après 1764.

Jean-Baptiste de Gay Desenclaves se joint à la Compagnie de Saint-Sulpice quelques mois après son ordination, le 15 juin 1726. Les autorités le destinent aux missions du Canada où il arrive en juillet 1728. Il exerce son ministère dans plusieurs paroisses du gouvernement de Montréal : a Notre-Dame en 1728, à Sainte-Anne-du-Bout-de-l’Île (Sainte-Anne-de-Bellevue) de 1729 à 1731, à Repentigny de 1732 à 1734, à Longue-Pointe de 1734 à 1735 et au Sault-au-Récollet en 1736. Il semble qu’il retourne alors en France. En juin 1739, il accepte de passer en Acadie à la demande de l’abbé Jean Couturier, supérieur de Saint-Sulpice. Le 9 septembre suivant, il arrive à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en même temps que François Bigot* et Isaac-Louis de Forant*.

Parmi les missionnaires qui ont œuvré en Acadie au xviiie siècle, Desenclaves a ceci de particulier que ses relations avec les autorités anglaises de la Nouvelle-Écosse ont toujours été cordiales ; en conséquence, sa conduite a donné prise à la critique des autorités françaises, tant religieuses que politiques. Desenclaves se rend d’abord au bassin des Mines qui se trouvait privé de son curé, l’abbé Claude-Jean-Baptiste Chauvreulx, alors en disgrâce auprès du gouverneur Lawrence Armstrong*. Après le retour de Chauvreulx en décembre 1739, Desenclaves prend en charge la paroisse de Rivière-aux-Canards, aux Mines. C’est de là qu’il échange plusieurs lettres avec l’administrateur anglais, Paul Mascarene, sur les difficultés que la juridiction ecclésiastique pouvait occasionner à la justice civile et vice-versa. Plusieurs historiens, notamment Henri-Raymond Casgrain* et Francis Parkman, * se sont prévalus de cette correspondance pour conclure soit à l’ingérence de Mascarene dans l’administration des sacrements, soit à l’influence indue des missionnaires dans les affaires civiles. Cet échange de lettres constitue en fait une mise au point entre Mascarene et Desenclaves concernant leur juridiction respective et la position délicate des missionnaires en Nouvelle-Écosse.

En juin 1742, l’évêque de Québec, Mgr de Pontbriand [Dubreil], nomme Desenclaves à la cure d’Annapolis Royal. Depuis le traité d’Utrecht en 1713, cette charge avait toujours engendré des conflits entre les gouverneurs et les curés. Avec l’arrivée de Desenclaves, s’ouvre une ère de bonne entente entre les deux parties, si bien qu’un officier anglais peut se plaindre que les soldats y ont fait baptiser leurs enfants par les prêtres de l’Église romaine.

En 1744, au moment où les troupes de l’île Royale tentent de s’emparer d’Annapolis Royal et font le siège de la ville [V. Joseph Du Pont Duvivier] la conduite de quelques missionnaires, parmi lesquels Desenclaves, est sévèrement critiquée par les autorités françaises. « Le sieur Desenclaves, écrit Maurepas, ministre de la Marine, à l’évêque de Québec, informait exactement le gouverneur anglais de tout ce qu’il pouvait apprendre des allées et venues des Français et exhortait ses paroissiens à être fidèles au roi d’Angleterre. » L’évêque de Québec ne peut qu’admettre le bien-fondé de ces critiques.

On comprend que Mascarene ait loué la conduite des missionnaires. Cependant, en mai, juin et novembre 1747, Desenclaves accepte de communiquer des renseignements concernant les activités des Anglais aux officiers de l’expédition canadienne dirigée par Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay*, mais il semble que ce soit surtout pour hâter la retraite des troupes françaises. En effet, de concert avec Mascarene, il écrit en même temps une lettre aux habitants des Mines, « pour les tranquiliser et les engager à ne prendre aucun parti », précisant qu’il souhaite que les Canadiens se soient déjà retirés.

Le 1er août 1749, au moment de la fondation de Halifax, Desenclaves est convoqué dans la nouvelle capitale pour se mettre en règle avec les autorités et recevoir de nouvelles instructions relativement à la politique du gouvernement britannique au sujet des Acadiens. Le missionnaire continue d’entretenir de bonnes relations avec le gouvernement anglais. Il recommande à ses paroissiens de prêter le serment d’allégeance au roi d’Angleterre mais il réussit cependant à éluder pour lui-même le serment en question ; par contre, son collègue Chauvreulx le prête. En 1752, après le départ de l’abbé Jacques Girard* pour l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), il se retrouve seul avec Chauvreulx à œuvrer en Acadie anglaise. Bien que l’abbé de l’Isle-Dieu, vicaire général de l’évêque de Québec à Paris, multiplie les effectifs missionnaires dans tous les postes de l’Acadie française, il refuse d’accorder des renforts aux deux sulpiciens qui, à son gré, n’entrent pas suffisammant dans les vues du gouvernement français. Cependant, en 1753, le grand vicaire cède à la demande de l’évêque de Québec et envoie l’abbé Henri Daudin avec des instructions visant à inciter la population de l’Acadie anglaise à demeurer sous l’allégeance française.

Soit qu’il « ait été travaillé de jalousie contre l’abbé Daudin », comme le pense l’abbé de l’Isle-Dieu, soit qu’il ait été en désaccord avec la politique française, ce qui est plus vraisemblable, Desenclaves quitte la cure d’Annapolis au printemps de 1754 pour se retirer dans la seigneurie d’Entremont, au sud de la péninsule, à Pobomcoup (Pubnico). Ainsi il échappe à la déportation de 1755 ; en avril 1756, impuissant, il assiste au raid de Jedediah Preble dans la région de Pobomcoup, incident dont il est le seul témoin oculaire. Il réussit à se soustraire à cette nouvelle déportation et se retire avec une vingtaine de personnes dans les bois, où il compte « que les Anglais auront de la peine à [le] trouver ». Néanmoins, il est capturé en 1758 avec une soixantaine d’Acadiens par le capitaine Joseph Gorham* et emprisonné à Halifax. Déporté en France, il arrive au Havre en février 1759. L’abbé de l’Isle-Dieu réussit à lui obtenir une pension de 400#. C’est à cette époque que le missionnaire envoie au ministre Nicolas-René Berryer une lettre extrêmement curieuse dans laquelle il expose ses vues sur la politique de la France en Amérique. Il se montre plus au fait des objectifs de la politique britannique que de ceux de la politique française ; il est, entre autres, partisan du projet de transmigration des Canadiens en Louisiane advenant la perte du Canada.

De Honfleur, où il a écrit cette lettre, Desenclaves se rend, probablement en 1759, à Limoges où le réclament des affaires de famille depuis près de cinq ans. Souffrant d’une maladie pulmonaire depuis 1746, il est épuisé par les dernières années de sa mission. Un certificat de 1764 nous apprend qu’il est à Saint-Iriex-la-Pérèche, près de Limoges, mais on ignore tout de sa mort.

Desenclaves a été particulièrement bien vu par les historiens de langue anglaise. L’opinion de l’un d’eux, Arthur George Doughty*, résume assez bien celle des autres, lorsque, en 1916, il écrit : « Si les Acadiens avaient eu plus de conseillers du type de l’abbé Desenclaves, une bonne partie des souffrances qui furent leur lot auraient pu leur être épargnées. » D’après cette affirmation, Desenclaves aurait été, semble-t-il, le seul missionnaire de l’Acadie anglaise qui n’ait pas joué auprès de la population acadienne de rôle politique en faveur de la France. Quoi qu’il en soit, il nous semble difficile d’affirmer que le sort des Acadiens aurait été différent si tous leurs missionnaires avaient agi à l’instar de l’abbé Desenclaves.

Micheline D. Johnson

AAQ, 312 CN, Nouvelle-Écosse, II : 2ss ; 1W, Église du Canada, II ; 519, 791.— AN, Col., B, 69, ff.55, 77v. ; 78, f.6 ; 81, f.64 ; 110, ff.60, 119, 214 ; Col., C11A, 78, f.407 ; 82, f.306 ; 86, f.140 ; 87, f.365 ; 93, f.80 ; 95, ff.150–154 ; 100, f.130 ; Col., C11B, 20, f.85 ; 21, f.21 ; 22, f.116.— ASQ, Lettres, S, 7i, 103 ; T, 59 ; Polygraphie, VII : 5, 114, 122 IX : 29 ; Séminaire, XIV : 6, no, 14, p. 6.— Acadiens certificats concernant l’état civil, 1764, Nova Francia, IV (1929) 183–187.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, I 12–16 ; 41–46 ; II : 10–75 ; III : 60–80, 181–191.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., III : 343, 346, 369, 438.— Knox, Historical journal (Doughty), I : 275 ; III : 341–348.— Lettres et mémoires de l’abbé de l’Isle-Dieu, RAPQ, 1935–1936, 301–306, 317, 321, 332, 383 ; 1936–1937, 404, 405, 416, 422 ; 1937–1938, 169, 185.— N.S. Archives, I, 111–113, 118, 122–126, 146–150, 170, 211, 305 ; II, 135, 144, 149, 153, 155, 160.— RAC, 1894, 134, 148, 157, 164, 192, 210 ; 1905, II, iiie partie, 409–420.— H. R. Casgrain, Un pèlerinage au pays d’Évangéline, 419–432 ; Les Sulpiciens en Acadie, 281–287.— Parkman, Half-century of conflict (1892), I : 194.— Richard, Acadie (D’Arles), I : 402–406 ; III : 285–291.

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Micheline D. Johnson, « GAY DESENCLAVES, JEAN-BAPTISTE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gay_desenclaves_jean_baptiste_de_3F.html.

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Auteur de l'article:    Micheline D. Johnson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    20 nov. 2024