Brasseur de Guelph, en Ontario, très impliqué dans sa communauté, George Sleeman a contribué significativement à la structuration et à la professionnalisation du baseball :
Passionné de baseball, [Sleeman] devint lanceur au Maple Leaf Base Ball Club en 1863, l’année où ce jeu commença à se pratiquer à Guelph. Bientôt, l’équipe fit la fierté de la ville. Des centaines d’amateurs la suivaient pour assister à des matches dans le sud de l’Ontario et aux États-Unis [V. Thomas Goldie*]. En 1869, elle remporta le championnat canadien contre des équipes d’Ingersoll et de Woodstock à l’issue d’un tournoi de trois jours à London. Durant encore sept ans, elle resterait la meilleure équipe de l’Ontario. En tant qu’organisateur en chef et bailleur de fonds du club (il en fut élu président en 1874), Sleeman fut l’un des premiers à faire venir des joueurs américains ; il leur donnait une part des surplus de fin de saison. Ces changements marquèrent les débuts des sports d’équipe professionnels au Canada. Renforcée par la présence de ces joueurs étrangers, l’équipe des Maple Leafs gagna en 1874 à Watertown, dans l’État de New York, un tournoi que ses organisateurs appelaient « le championnat mondial non professionnel ». Deux ans plus tard, Sleeman commença à verser des salaires aux joueurs et à encourager les autres équipes d’un nouvel organisme dont il était président, la Canadian Association of Base Ball Players, à en faire autant. Ironie du sort, cette initiative ouvrit la voie à l’américanisation du baseball et fit en sorte que les clubs des petites localités se classèrent moins bien dans les compétitions.
Au début des années 1900, le journaliste, éditeur et philanthrope John Ross Robertson était soucieux de limiter la croissance du hockey professionnel afin de préserver une des facettes de l’idéal amateur du sport, soit l’absence de rémunération liée à sa pratique. Il a travaillé, comme d’autres dirigeants d’associations sportives au Canada, à le réglementer :
Fervent partisan du sport amateur, [Robertson] accéda à la présidence de l’Ontario Hockey Association en 1899, à un moment critique de l’histoire de ce sport. En raison du combat qu’il mena pour préserver le hockey de l’influence du professionnalisme, on le surnomma le « père du hockey amateur en Ontario ». Selon Alan Metcalfe, l’héritage de Robertson fut à la fois positif et négatif : l’association fut en mesure de fixer les règles définissant le professionnalisme au hockey, mais ce sport fit un bond spectaculaire en tant qu’activité professionnelle à compter de 1910, de sorte que la participation au hockey amateur dans le centre du Canada se limitait à une élite bourgeoise. Quand Robertson quitta la présidence en 1905, l’association lui décerna le titre de membre à vie. Il continua d’en diriger les destinées au sein du groupe que l’on appelait les « trois tsars blancs ». Il s’employa surtout à éliminer la violence croissante au hockey, tant sur la patinoire qu’en dehors. En outre, il encouragea les compétitions d’amateurs en donnant des trophées d’argent pour le hockey, le cricket et les quilles. Il entra au Temple de la renommée du hockey en 1945.
Promoteur de l’amateurisme et secrétaire de la Canadian Amateur Athletic Union, Norton Hervey Crow s’est trouvé au cœur des débats sur la rémunération des athlètes au tournant du xxe siècle. Ces débats, révélateurs d'une évolution des rapports sociaux au sport, ont causé un schisme en 1906 :
À l’époque, la question de la rémunération des athlètes et des joueurs divisait les milieux sportifs. L’idée de ne pas les payer (amateurisme), issue du préjugé des aristocrates victoriens contre les salariés, renforçait l’idéal du jeu héroïque et désintéressé qui attirait la classe moyenne vers le sport, et avait pour conséquence de maintenir les coûts à un faible niveau. L’habitude de payer les sportifs (professionnalisme) vit le jour dans des concours tenus dans les fêtes foraines, dans des courses dont le vainqueur recevait un prix en argent (les championnats remportés par Jacob Gill Gaudaur*, Edward Hanlan* et William Joseph O’Connor* entraient dans cette catégorie) et dans la pratique de sports d’équipe tel le baseball, où il y avait un avantage immédiat à recruter de meilleurs joueurs en leur offrant des espèces sonnantes.
En raison de ces deux tendances opposées, la Canadian Amateur Athletic Union – l’association de clubs qui, à partir de Toronto, tentait de réglementer les principaux sports – était devenue ingouvernable. En 1906, son aile modérée quitta ses rangs, sous l’impulsion de l’Association des gymnastes amateurs de Montréal, et forma l’Amateur Athletic Federation of Canada, qui autoriserait un certain degré de collaboration entre professionnels et amateurs, selon la formule appliquée dans le baseball américain et le soccer britannique. Pendant quelques années, les dirigeants des deux associations rivales sillonnèrent le pays pour recruter des membres, tandis que les athlètes et les joueurs, les rédacteurs sportifs et les fanatiques du sport poursuivaient le débat.
Les biographies regroupées dans les listes suivantes permettent d’en savoir davantage sur le développement du sport professionnel, sur l’idéal amateur, de même que sur les débats entre les partisans du sport amateur et du sport professionnel et leurs répercussions.