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FABRE, ÉDOUARD (baptisé François-Charles-Édouard), coureur de fond et fonctionnaire, né le 21 août 1888 à Montréal, fils de Léon Fabre, chapelier, et d’Alphonsine Daoust ; le 19 décembre 1915, il épousa dans la paroisse Saint-Joseph, Montréal, Blanche Dufour, et ils eurent six enfants, dont deux filles et un garçon atteignirent l’âge adulte ; décédé le 1er juillet 1939 à Montréal et inhumé le 4 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans la même ville.
La jeunesse d’Édouard Fabre reste entourée de mystère. Selon une de ses filles, en raison des mauvais traitements que lui inflige sa belle-mère (sa mère est morte en 1891), Édouard bénéficie de la protection d’une famille d’origine iroquoise, les Montour, qui demeure en face de la maison des Fabre. Les Amérindiens étant alors reconnus pour leurs habiletés dans les courses en raquettes ou à pied, ce serait à leur contact qu’il aurait développé ses qualités de coureur de fond. Il semble que Fabre a gagné sa première course en raquettes le 4 mars 1904, à l’âge de 15 ans, comme membre d’un club de la Cité de Saint-Henri (Montréal). Appartenant à l’Association athlétique d’amateurs nationale, la plus importante organisation de sport amateur canadienne-française de l’époque, Fabre est le vainqueur, le 19 septembre 1908, d’une course de neuf milles à Montréal.
Par la suite, Fabre prend part à plusieurs compétitions, à pied ou en raquettes, planifiées par les principaux quotidiens montréalais (Montreal Daily Herald, la Presse, Montreal Daily Star, la Patrie) et divers clubs sportifs et associations. Il accumule les victoires et bâtit sa réputation d’excellent coureur de fond. Par exemple, le 14 janvier 1911, il établit un record à la course d’obstacles en raquettes de la Presse. Il parcourt les six milles et demi en 42 minutes et 49,6 secondes. Ses succès poussent l’Association athlétique d’amateurs nationale à l’entraîner pour la plus importante course sur route d’Amérique, le marathon de Boston. Fabre participe pour la première fois à cette fameuse épreuve le 19 avril 1911 et termine troisième sur 127. Au mois de mai 1912, à Hamilton, en Ontario, il se qualifie au Hamilton Spectator Marathon avec James Duffy* pour les Jeux olympiques de Stockholm, qui ont lieu cette année-là. Sans doute handicapé par une blessure, il s’y classe onzième. En 1914, sa participation à un match de lutte compromet même son statut d’amateur, peu avant son quatrième départ au marathon de Boston, le 20 avril, où il arrive deuxième, quelques secondes derrière Duffy. Finalement suspendu pour un an du rang des amateurs, Fabre, grâce aux pressions exercées par ses amis et admirateurs, y est réintégré six mois plus tôt, par l’Amateur Athletic Union of Canada.
En 1915, Fabre atteint un sommet. Le 19 avril, il devient le premier Canadien français à remporter les honneurs du marathon de Boston, qui se déroule cette année-là dans des conditions climatiques particulièrement difficiles. Le 28 août, Fabre gagne un autre prestigieux marathon, à San Francisco. À son retour, ses compatriotes lui réservent une réception digne de son exploit avec défilé, feux d’artifice et discours. Le lendemain de cette fête, le héros obtient un emploi dans un bureau de poste.
Près de cinq mois plus tard, la guerre ravageant l’Europe, Fabre s’enrôle dans l’armée. Il est rattaché au 6e hôpital général canadien de l’université Laval [V. Gustave Archambault]. Peut-être à cause de son état de santé, il ne se rend jamais en France. Gagnant de quelques courses en 1916–1917, il est atteint, à la mi-octobre 1918, par la grippe espagnole qui le cloue au lit au Meurling Municipal Refuge, à Montréal. Après avoir frôlé la mort, il rentre chez lui faible et amaigri. Au début d’avril 1919, il subit deux opérations à l’hôpital Royal Victoria.
Établi à Akron, en Ohio, au printemps de 1920, Fabre fait un retour convaincant à la compétition en 1921. En avril, il est troisième au marathon de Detroit, son premier depuis celui de San Francisco. Deux semaines plus tard, il termine sixième à Boston. Il participera à cette épreuve classique une dixième et dernière fois le 19 avril 1928 ; il y finira vingtième. Gagnant de deux courses en Ohio le 30 mai 1921 – une à Cleveland, l’autre à Akron –, il réussit, en juillet, à Charleroi, en Pennsylvanie, à devancer le Finlandais Hannes Kolehmainen, vainqueur ex æquo l’année précédente du marathon olympique d’Anvers, en Belgique. Des journaux de Boston le considèrent alors comme le meilleur marathonien de l’époque. De retour à Montréal, vraisemblablement tard dans l’année, Fabre prend part à plusieurs courses en raquettes.
La présentation de nombreuses épreuves d’endurance à la fin des années 1920 donne un nouvel élan à Fabre. Entre le 1er et le 6 février 1930, ce dernier participe à l’événement le plus médiatisé de sa carrière : une course en raquettes Québec-Montréal en six étapes. Pour la première fois, il court comme professionnel. Malgré ses 41 ans, un rhumatisme qui le fait souffrir, le froid et la poudrerie, il remporte les six étapes. Le 6 février, près de 75 000 personnes l’applaudissent sur la route. Lorsque Fabre entre au Forum de Montréal, 6 000 spectateurs l’accueillent par une immense ovation. Le lendemain, il se voit remettre 1 900 $, dont 1 000 $ de la bourse du vainqueur, somme importante en cette période de crise économique. Une souscription s’organise pour aider le héros du jour, qui, avec sa famille, vit plutôt modestement. Entre le 20 et le 27 juillet, Fabre fait équipe avec le Finlandais Olli Vänttinen au marathon Peter Dawson, course à relais de 500 milles dans la province de Québec, dotée d’un prix de 10 000 $. Ils se classent troisièmes. Malgré une santé défaillante, Fabre s’accroche. Les 9 et 10 août, au stade Delorimier, il participe avec Joie Ray à une course de 26 heures contre des chevaux ; ils obtiennent la deuxième place. Puis, Fabre reprend le départ de la course en raquettes Québec-Montréal le 1er février 1931. Brûlant de fièvre, il doit abandonner le 3 février à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Incapable de renoncer, il participe à la même épreuve en février suivant. Son indomptable détermination lui permet de terminer en onzième place. À partir du 2 mars 1933, il fait équipe avec Eugène Clouette dans une course à pied de six jours au stade Delorimier. Les deux coureurs se retirent deux jours plus tard parce qu’ils considèrent qu’ils ne gagnent pas assez d’argent. Avec cet événement, Fabre, après 315 courses, dit adieu à la compétition.
Tous les exploits d’Édouard Fabre, ses records, ses très nombreuses victoires lui ont peut-être procuré la gloire, mais ne lui ont pas apporté la richesse, d’autant plus que sa carrière s’est presque entièrement déroulée sous le signe de l’amateurisme. En 1937, paralysé, affaibli par des problèmes cardiaques, ses ressources financières épuisées, il vit dans la misère. Pour lui venir en aide, une autre souscription s’organise et un ministre du gouvernement de Maurice Le Noblet Duplessis* lui offre un emploi de gardien à l’île Sainte-Hélène. Deux ans plus tard, le 1er juillet 1939, Fabre s’éteint dans sa demeure. Avec lui disparaît l’un des plus grands coureurs de longue distance du Canada. En 1964, pour honorer sa mémoire, le Temple de la renommée des sports du Canada l’a reçu en son sein.
Nous tenons à remercier Mme Marcelle Fabre, fille d’Édouard Fabre, pour l’entrevue qu’elle nous a accordée le 27 novembre 2008.
La substance de cette biographie de Fabre est tirée de journaux, particulièrement du Devoir, 1910–1939, de la Patrie, 1908–1939, et de la Presse, 1908–1939. Nous avons également utilisé : l’Autorité nouvelle (Montréal), 24, 26 avril, 7 juin, 12 juill., 9 août 1914 ; le Canada (Montréal), 19–21 avril 1911 ; 30 août, 2 sept. 1915 ; 7 févr., 19, 21, 30 mai 1930 ; le Miroir (Montréal), 8 juin, 3 août, 7, 14, 21, 28 sept., 19, 26 oct., 2, 9 nov. 1930 ; 1er févr., 9, 19 août 1931 ; Montreal Daily Star, 15 avril 1921 ; Montreal Herald, 3 juill. 1939 ; Montreal Star, 3 juill. 1939 ; le Petit Journal (Montréal), 3 oct. 1937, 2 juill. 1939 ; et le Réveil (Montréal), 13 janv. 1916.
Arch. de l’univ. du Québec à Montréal, 1P, 160/4.— BAC, R3102-0-4.— BAnQ-CAM, CE601-S29, 22 août 1888 ; CE601-S51, 5 nov. 1891, 25 janv. 1893.— FD, Notre-Dame (Montréal), 18 févr. 1911, 4 juill. 1939 ; Saint-Joseph (Montréal), 19 déc. 1915.— Annuaire, Québec, 1885–1939.— David Blaikie, Boston : the Canadian story (Ottawa, 1984).— Tom Derderian, Boston marathon : the history of the world’s premier running event (Champaign, Ill., 1994).— S. F. Wise et Douglas Fisher, les Grands Athlètes canadiens (Don Mills [Toronto], 1976).
Gilles Janson et Serge Gaudreau, « FABRE, ÉDOUARD (baptisé François-Charles-Édouard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fabre_edouard_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fabre_edouard_16F.html |
Auteur de l'article: | Gilles Janson et Serge Gaudreau |
Titre de l'article: | FABRE, ÉDOUARD (baptisé François-Charles-Édouard) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |