Alexander Muir, enseignant et auteur-compositeur de la région de Toronto, écrivait des chansons patriotiques. Il utilisait la poésie et la musique dans le but de stimuler l’intérêt pour le Canada et son histoire :
[Muir] est surtout connu en tant qu’auteur de la chanson The maple leaf for ever, écrite en octobre 1867 pendant qu’il vivait à Leslieville […] cette chanson devint si populaire auprès de la population anglophone que souvent, on en parlait comme de l’hymne national du Canada. Toutefois, elle connut un déclin prononcé bien avant que le Ô Canada de Calixa Lavallée* et d’Adolphe-Basile Routhier* n’acquière ce statut officiel, en 1980. Il était exclu que ce titre échoie à la chanson de Muir en raison de son ton probritannique. Elle célébrait en effet le Canada comme un lieu où « le chardon, le trèfle et la rose enlacent / Pour toujours la feuille d’érable », sans mentionner la fleur de lis, et le major-général James Wolfe* y était appelé « le héros intrépide ». Ces paroles lui aliénaient inévitablement les Canadiens français.
Sir Adolphe-Basile Routhier, juge de la Cour supérieure de la province de Québec, apporta une contribution durable au Canada en 1880 :
Durant sa carrière de juge, Routhier fut aussi un écrivain prolifique. Au printemps de 1880, il composa les paroles de ce qui allait devenir l’hymne national Ô Canada, mis en musique par Calixa Lavallée*. L’œuvre fut jouée pour la première fois à la Convention nationale des Canadiens français, tenue à la fin de juin 1880 sous l’égide de la Société Saint-Jean-Baptiste de la cité de Québec. Par la suite, Routhier travailla sur une vingtaine de versions ou traductions différentes de son hymne.
Le poète Charles Sangster passa de thèmes personnels à des sujets plus vastes. Ses œuvres témoignent de l’influence d’Archibald Lampman, de William Bliss Carman et d’autres « poètes de la Confédération » :
Dans Norland echoes and other strains and lyrics, qui contient 60 poèmes dont une introduction sans titre, c’est le patriotisme qui domine, un patriotisme d’une générosité et d’une sincérité admirables. La pièce du début, Our norland, et celle de la fin, Our own far-north, expriment une même fierté nationale ; entre les deux, des poèmes sur des lieux, des événements historiques, des personnages du Canada.
Au Québec, le nationalisme littéraire était souvent associé à l’image d’un Canada français conservateur et influencé par l’Église catholique, mais la plume de certains poètes, comme celle de Louis Fréchette, était au « au service du libéralisme radical ». La plupart des nationalistes littéraires canadiens-français travaillaient au sein de la Confédération et l’acceptaient. Le journaliste et auteur Jules-Paul Tardivel fut cependant une exception notoire :
Pendant dix ans, soit de l’affaire Riel à 1895, Tardivel raffine son projet autonomiste qui aboutit à l’indépendantisme pour des raisons qui tiennent autant de la défense religieuse que de l’épanouissement national. Son roman Pour la Patrie, publié à Montréal en 1895, marque l’aboutissement de sa pensée séparatiste qu’il ne fera ensuite que préciser ou expliciter. La solution religieuse et nationale pour Tardivel réside dans la « fondation d’un état canadien-français et catholique ».
Le musicien et compositeur Ernest Gagnon s’intéressait à la musique et notamment à son lien avec le passé du Canada français :
[C]’est peut-être surtout grâce à Chansons populaires du Canada qu’Ernest Gagnon est passé à la postérité. Publié par tranches à Québec dans le Foyer canadien de 1865 à 1867, ce recueil fit l’objet en 1880 d’une deuxième édition qui fut réimprimée au moins 13 fois entre cette date et les années 1950. On y trouve l’intégrale (texte et musique) d’une centaine de chansons folkloriques. Une partie d’entre elles ont été notées sur le terrain par Gagnon et d’autres ont été ajoutées par lui en raison de leur importance dans la tradition chantée de l’époque […] En replaçant le recueil dans son contexte historique, on voit qu’il s’inscrivait dans la volonté d’affirmer l’identité canadienne-française par une remise au jour du passé, car pour Gagnon comme pour beaucoup de Canadiens français, le folklore était un aspect essentiel et unique de ce passé.
La poète Emily Pauline Johnson puisa son inspiration dans son héritage autochtone :
Pendant 17 ans, les tournées d’Emily Pauline Johnson la menèrent d’un bout à l’autre du Canada et dans certaines régions des États-Unis […] Son deuxième recueil, Canadian born, parut à Toronto en 1903. Comme il donnait un aperçu plus général de la réalité canadienne et exprimait le patriotisme de l’époque de la guerre des Boers, il remporta moins de succès que le premier, axé sur la réalité autochtone. En fait, la poésie d’Emily Pauline Johnson a un caractère plus exploratoire et une thématique plus riche que ne le suggère la tradition, qui a retenu surtout ses vers lyriques sur le paysage et la vie amérindienne. Certains de ses poèmes célèbrent le Nord canadien en tant que lieu de détente (Under canvas et The camper, par exemple). D’autres reflètent le nationalisme et l’idéalisme fervents du Canada édouardien (Canadian born et Prairie greyhounds) ou abordent des thèmes chrétiens (Brier et Christmastide). D’autres encore sont d’un ton léger ou comique (par exemple Canada (acrostic) et A toast). Pris ensemble, ces thèmes suggèrent une sensibilité plus diversifiée et un engagement plus solide qu’on ne le croit d’ordinaire.
Pour en apprendre davantage sur la relation entre la littérature, la musique et les identités nationales, nous vous invitons à explorer les listes de biographies suivantes.