DOYLE, LAWRENCE, fermier, fonctionnaire et auteur de chansons, né en 1847 sur le chemin Fortune, lot 56, Île-du-Prince-Édouard, fils de James Doyle, fermier, et de Sarah O’Hanley ; le 12 février 1872, il épousa à St Peters, Île-du-Prince-Édouard, Margaret Whitty, et ils adoptèrent trois enfants ; décédé le 31 janvier 1907 à Farmington et inhumé à St Peters.

Fils d’immigrants irlandais, Lawrence Doyle fut élevé par sa mère veuve dans une ferme du chemin Fortune, près de Farmington et à cinq milles au sud-est de St Peters. Il fréquenta probablement l’école de Birch Hill. Pendant le reste de sa vie, il cultiva la terre tout en travaillant à l’occasion comme charpentier. On sait qu’il acquit aussi des compétences en art vétérinaire. Manifestement, ses voisins lui demandaient souvent de les aider à rédiger des documents juridiques et à préparer les morts pour l’inhumation. Dans les années 1870, il fut maître de poste de Farmington ; à compter des années 1880, il fit partie du conseil de l’école de Birch Hill. En politique, c’était un libéral. Toute sa vie, il alla à l’église catholique St Peters. Ce fermier tout à fait moyen a laissé le souvenir d’un homme ni pauvre ni riche, travailleur, et doué de civisme.

Si Doyle mérite d’échapper à l’oubli, c’est en raison d’une activité en laquelle il ne voyait probablement qu’un passe-temps : il composait des chansons. Faute de manuscrits, il est difficile de dire combien il a pu en écrire, mais la tradition locale en a conservé environ une douzaine, plus des fragments de quelques autres. Un échantillon de ces pièces donne une bonne idée de ses talents ainsi que du genre de personnes et d’événements qui inspiraient ce parolier si créateur. The picnic at Groshaut, peut-être sa chanson la plus connue, raconte avec un humour affectueux ce qui arriva à un pique-nique où, par mégarde, on avait servi du cidre fort plutôt que l’habituel cidre doux :

Il y avait d’la bousculade et pas mal de vacarme
On s’poussait, on s’chamaillait, c’était l’chaos,
Et de chauves grands-pères lançaient leur manteau en l’air
Prêts à se battre ce jour-là à Groshaut.

Fogan MacAleer raconte l’histoire d’un fermier timide avec les femmes qui va chez un voisin pour acheter une jument et qui découvre trop tard que l’enjeu du marché qu’il a conclu est la fille de ce voisin, tout cela parce qu’il a laissé un forgeron lui servir d’intermédiaire. Prince Edward Isle, adieu évoque les malheurs que, selon l’opinion générale, la Confédération et la Politique nationale de sir John Alexander Macdonald* engendrèrent dans la province, entre autres un exode de jeunes insulaires vers les Etats-Unis :

Abattu, cœur lourd, ventre creux,
Le pauvre homme avance.
Un sifflet strident retentit
C’est le « Cheval de fer ».
Sur son dos l’homme met son sac,
Que pourrait-il faire d’autre ?
En route pour Bangor, en route pour le Maine
Île-du-Prince-Édouard, adieu.

Il y a d’autres chansons, par exemple When Johnny went plowing for Kearon, The merchants of the Bay et The potato bug, mais celles dont on vient de citer des extraits sont typiques.

Le folklore canado-américain de langue anglaise – comme les traditions celtique et anglaise dont il est issu – est traversé par un courant de chansons satiriques et de chansons d’invectives inspirées par les gens et les événements du lieu. Les chansons de ce genre ne survivent pas longtemps dans la tradition orale ; c’est pourquoi les folkloristes, qui prennent pour critères d’authenticité la continuité et la variation dans le temps, ont tendance à les dédaigner, voire à les laisser de côté. Pourtant, en général, la satire entre pour une part importante dans les chansons qui circulent en tel lieu à une époque donnée. La tradition qui compte est la tradition de composition de ces chansons : qui les écrit et pourquoi, de quoi elles parlent, comment elles sont accueillies. En ce sens, la carrière de Lawrence Doyle offre un aperçu des fascinants problèmes culturels et artistiques qu’affrontent la créativité et l’innovation dans un milieu restreint.

Selon toutes probabilités, Doyle interprétait ses chansons dans des réunions familiales et sociales. On les connaît presque exclusivement dans un triangle dont la pointe ouest est Morell, la pointe est, Souris, et la pointe sud, Cardigan – aire folklorique dont on peut dire qu’elle est déterminée, dans une large mesure par l’économie, puisque cette région est couverte d’un réseau de localités agricoles et de petits ports.

Lawrence Doyle adoptait le plus souvent un ton doucement satirique. Il se moquait des gens et des situations sans recourir à l’invective ni au portrait cruel, contrairement à d’autres auteurs de chansons de l’Île-du-Prince-Édouard, tel Lawrence Gorman*. Cependant, cette douceur n’est plus du tout présente dans les cas où il est question de politique : Doyle, alors, s’affiche comme un irréductible libéral. À l’époque, écrire des chansons n’avait rien d’exceptionnel – comme le disait le petit-neveu de Doyle, James Whitty, « tout le monde faisait des poèmes » à l’est de St Peters. Cependant, Doyle avait la réputation d’en faire régulièrement de mémorables. Dans le nord du comté de Kings, où il naquit, plusieurs d’entre elles subsistent dans des versions différentes et sont encore chantées.

Edward D. Ives

On peut trouver plus de détails sur Lawrence Doyle dans Edward D. Ives, Lawrence Doyle : the farmer-poet of Prince Edward Island ; a study in local songmaking (Orono, Maine, 1971). En ce qui concerne la tradition de la chanson satirique, on consultera l’étude du même auteur intitulée Larry Gorman : the man who made the songs (Bloomington, Ind., 1964).

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Edward D. Ives, « DOYLE, LAWRENCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/doyle_lawrence_13F.html.

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Auteur de l'article:    Edward D. Ives
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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