CAMPBELL, WILLIAM WILFRED, ministre de l’Église d’Angleterre, poète, écrivain et fonctionnaire, né probablement le 15 juin 1860 à Newmarket, Haut-Canada, deuxième des cinq fils du révérend Thomas Swainston Campbell et de Matilda Frances Wright à survivre au delà de l’enfance ; le 6 octobre 1883, il épousa à Walkerton, Ontario, Mary Louisa DeBelle (Dibble), et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 1er janvier 1918 à Ottawa.

Thomas Swainston Campbell œuvra à Farmersville (Athens, Ontario) et à Meaford avant de s’installer à Wiarton en 1871 et de fonder la congrégation anglicane Trinity. Homme instruit à l’esprit curieux, il fut démis de sa charge en 1876, à cause de son goût pour la bouteille, semble-t-il. Matilda Frances Campbell, pianiste et compositrice de talent, jouait de l’harmonium pendant les offices et dirigeait une chorale qui, en 1871, comprenait William Wilfred, son frère Herbert et un autre garçon. Après avoir passé ses années de formation à Wiarton et terminé ses études secondaires à Owen Sound en 1879, William Wilfred enseigna dans des écoles rurales près de Wiarton. En 1880, il entra au University College de la University of Toronto ; en 1882–1883, il fréquenta à Toronto la Protestant Episcopal Divinity School (qui deviendrait en 1885 le Wycliffe College), puis, de 1883 à 1885, il étudia à l’Episcopal Theological School à Cambridge, au Massachusetts. En juillet 1885, il fut fait diacre de l’Église épiscopale protestante et devint rector d’une paroisse de West Claremont, au New Hampshire. Ses fidèles furent très surpris lorsque, cet automne-là, sa femme arriva à West Claremont. Mary Louisa DeBelle avait enseigné dans la région de Wiarton à partir de 1883 ; le couple n’avait pas révélé son mariage, célébré en 1883, peut-être parce que William Wilfred n’était pas capable d’assurer la subsistance d’une épouse et parce que Mary Louisa n’aurait pas été autorisée à enseigner si l’on avait su qu’elle était mariée.

Campbell fut ordonné ministre le 7 juillet 1886. Lui-même, Mary Louisa et leur petite fille demeurèrent à West Claremont jusqu’en septembre 1888. Ensuite, il occupa une fonction plus lucrative à St Stephen (St Stephen-Milltown, Nouveau-Brunswick) ; au moment où il quitta ce poste, à l’automne de 1890, il avait deux autres enfants. Sa dernière affectation, à Southampton, en Ontario, fut courte et déplaisante ; l’assemblée des fidèles ne le payait pas, la vie ecclésiastique le frustrait, il se posait des questions sur sa foi et sa santé était chancelante. Au début de 1891, il installa sa famille à Ottawa, car on lui avait promis un poste de fonctionnaire.

Dès 1891, Campbell était un poète renommé ; ses œuvres paraissaient en bonne place dans les plus prestigieuses revues du continent. Peut-être avait-il commencé à publier quand il était encore instituteur ; son premier livret, Poems !, semble avoir été imprimé dans l’atelier d’un journal vers 1879 ou 1880. À la University of Toronto, il fit paraître des poèmes dans le Varsity dès 1881. Des périodiques américains le publièrent dès 1885. Son premier livre, Snowflakes and sunbeams (1888), fit l’objet de recensions favorables au Canada et aux États-Unis à cause de ses jolis poèmes lyriques sur la nature. L’un d’eux, Indian summer (qui commence par « Devant les collines brumeuses / Se tient la forêt pourpre ») demeure l’un des poèmes préférés du répertoire canadien. Les morceaux de Lake lyrics and other poems (1889), avec leurs rythmes intenses, leur imagerie dramatique et leur ardente spiritualité, expriment la dévotion de Campbell à la nature en tant que révélation de la présence divine ; ce livre a établi sa réputation de « lauréat des lacs ».

À Ottawa, Campbell n’obtint pas le poste promis, mais en mai 1891, il fut engagé à titre de commis temporaire à 1,50 $ par jour au département des Chemins de fer et Canaux grâce à sir John Alexander Macdonald*. En avril, un poème de Campbell, The mother, avait paru à New York dans le Harper’s New Monthly Magazine ; il fit sensation dans la presse littéraire et fut reproduit dans des journaux tels le Week et le Globe de Toronto. En septembre, la Chambre des communes débattit de l’opportunité de confier à Campbell un poste permanent dans la fonction publique en raison de ses aptitudes littéraires (le Sénat examinerait la question en 1892). La proposition fut battue, officiellement pour des raisons pratiques ; par la suite, on invoquerait cette décision pour refuser des faveurs à des artistes. Néanmoins, Campbell obtint discrètement en 1893 un poste au département de la Milice et de la Défense, et demeurerait fonctionnaire jusqu’à sa mort.

Du 6 février 1892 au 1er juillet 1893, Campbell et ses collègues fonctionnaires Duncan Campbell Scott* et Archibald Lampman* tinrent dans le Globe une chronique sur des sujets littéraires et autres sous le titre de « At the Mermaid Inn ». Lancée en partie pour aider Campbell à joindre les deux bouts (il était père d’un quatrième enfant), cette chronique fut abandonnée notamment parce qu’elle avait « pas mal fait son temps », mais aussi parce que les deux associés de Campbell avaient de la difficulté à l’empêcher d’exprimer trop franchement ses opinions hétérodoxes. Après qu’il eut retracé l’histoire de la croix en tant que symbole mythique, des lecteurs s’en prirent au Globe. Il s’excusa d’avoir surestimé leurs capacités intellectuelles, ce qui ne le racheta guère auprès du Globe ni des deux autres auteurs de la chronique.

En 1893, Campbell publia un deuxième recueil de poèmes, The dread voyage. Plus sombre que Lake lyrics, ce livre commençait à révéler une préoccupation qui était née chez Campbell à l’époque où il était encore ministre du culte et qui allait persister tout au long de ses années de maturité : comment harmoniser religion, science et théorie sociale. En 1895, Campbell composa les deux premiers de ses sept drames en vers, Mordred et Hildebrand (publiés à Ottawa en 1895 sous le titre de Mordred and Hildebrand : a book of tragedies et réédités en 1908 avec deux autres pièces, Morning et Daulac, dans Poetical tragedies).

Élu en 1894 à la Société royale du Canada, Campbell y fut vice-président en 1899–1900 et président en 1900–1901. De 1903 à 1911, il fut secrétaire de la section ii ; cette fonction lui plaisait particulièrement, car elle lui permettait des échanges suivis avec les hommes qu’il en était venu à trouver les plus intéressants, soit les philosophes, les historiens et les théoriciens politiques. Ses amitiés avec des hommes tels le duc d’Argyll [Campbell], lord Grey, Nicholas Flood Davin*, William Dawson LeSueur, Charles Albert Edwin Harriss* et Robert Tait McKenzie* nourrirent sa passion pour l’Empire britannique et ses nouvelles idées sur l’art, l’évolution humaine, l’ethnologie et la généalogie. Ces intérêts sont manifestes dans Beyond the hills of dream (1899), quoique ce recueil soit en grande partie lyrique, mais, au moment où il publia Collected poems (1905), le patriotisme et l’impérialisme étaient au cœur de sa foi religieuse, de sa vie et de son œuvre. Dans une chronique intitulée « Life and letters » qu’il tint dans l’Ottawa Evening Journal d’août 1903 à juin 1905, Campbell développa des idées inspirées d’auteurs tels Richard Maurice Bucke*, John Fiske, LeSueur et sir Daniel Wilson*, de même que Shakespeare, Matthew Arnold et d’autres figures littéraires, idées qui formeraient la base de sa philosophie pour le reste de sa vie.

Campbell était passé du département des Chemins de fer et Canaux au Secrétariat d’État en 1892. Il obtint un poste permanent au département de la Milice et de la Défense en 1893, puis fut affecté en 1897 au bureau du Conseil privé. En 1908, il trouverait enfin une place à sa convenance à la direction des archives du département de l’Agriculture. Bien qu’il soit resté commis tout au long de sa carrière de fonctionnaire, il se définissait comme écrivain.

Le patriotisme de Campbell et sa passion pour l’histoire influencèrent le texte qu’il écrivit pour accompagner les peintures de Thomas Mower Martin* dans Canada (1907). Ils lui inspirèrent également trois romans – Ian of the Orcades (1906), A beautiful rebel (1909) et « Richard Frizzell », paru en feuilleton dans le Christian Guardian en 1909–1910 – ainsi qu’un ouvrage descriptif, The beauty, history, romance and mystery of the Canadian lake region (publié en 1910, puis en 1914 avec des révisions) et le premier volume de The Scotsman in Canada (1911). Des principes impérialistes guidèrent ses choix dans Poems of loyalty by British and Canadian authors (Londres, 1913) et The Oxford book of Canadian verse (Toronto, 1913). Une bonne partie de ses poèmes écrits pendant cette période reflète ses préoccupations politiques et philosophiques. Sagas of vaster Britain (1914) fut son dernier livre, mais chaque jour de l’An, de 1915 à 1918, il distribua des brochures de poèmes sur la Première Guerre mondiale. Pendant les hostilités, la direction des archives, où il avait participé à des recherches sur les loyalistes, les bâtiments historiques, le comté ontarien de Glengarry et d’autres sujets, prêta les services de Campbell à l’Imperial Munitions Board, où il commença à rédiger une histoire de l’industrie canadienne des munitions. Campbell mourut d’une pneumonie le 1er janvier 1918.

La popularité de Campbell disparut avec lui. Son œuvre est généralement d’une forme conservatrice, et ses idées sont dépassées. On a comparé sa poésie aux œuvres plus raffinées de sir Charles George Douglas Roberts*, de William Bliss Carman*, de Duncan Campbell Scott et d’Archibald Lampman, principalement parce que, comme lui, ils sont tous nés entre 1860 et 1862. En fait, Campbell recherchait moins le raffinement que le naturel, la sincérité et la simplicité d’expression, et il se donnait beaucoup de mal pour y parvenir. Il tentait de transmettre des vérités universelles afin de pousser ses lecteurs vers leurs plus nobles idéaux. De ce point de vue, le mérite artistique de beaucoup de ses poèmes devient évident.

William Wilfred Campbell exerça surtout une influence politique sur ses contemporains. Il fit la connaissance de William Lyon Mackenzie King* en 1901, à l’occasion de la publication, par l’Ottawa Evening Journal, de A Canadian Galahad, élégie qu’il avait composée pour le voisin de chambre de King, Henry Albert Harper*. Le poète et l’homme politique s’inspiraient mutuellement sur le plan intellectuel, spirituel et politique ; à vrai dire, ni l’un ni l’autre n’établissaient de distinctions claires entre ces domaines. Quelques jours après le décès de Campbell, leur ami commun, le révérend William Thomas Herridge, décrivit Campbell comme quelqu’un qui savait « diriger les pouvoirs de l’homme dans les canaux les plus larges et révéler la solennelle beauté et la grandeur de la vie ». Au nom de la Société royale, William Douw Lighthall* rappela comment Campbell régalait ses nombreux amis en leur faisant partager son « flot débordant de connaissances historiques et littéraires, [ses] souvenirs de voyage et [ses] nombreuses théories originales ». L’exécuteur littéraire de Campbell, William John Sykes, résuma ainsi les sentiments des collègues du disparu : « L’existence semble plus pauvre, plus conventionnelle et banale depuis qu’il n’est plus. »

Laurel Boone

Les principales publications de William Wilfred Campbell comprennent Snowflakes and sunbeams ([St Stephen (St Stephen-Milltown), N.-B.], 1888 ; réimpr., Ottawa, 1974) ; Lake lyrics and other poems (Saint-Jean, N.-B., 1889) ; The dread voyage : poems (Toronto et Montréal, 1893) ; Beyond the hills of dream (Boston et New York, 1899) et (Toronto, 1900) ; Ian of the Orcades ; or, the armourer of Girnigoe (Édimbourg et Londres, 1906) et (New York, 1906) ; The collected poems of Wilfred Campbell (New York, 1905 ; publié aussi à Toronto la même année sous le titre The poems of Wilfrid Campbell, avec The collected poems figurant sur la couverture) ; le texte qui accompagnait les illustrations de Thomas Mower Martin dans Canada (Londres, 1907) ; Poetical tragedies (Toronto, 1908) ; A beautiful rebel : a romance of Upper Canada in eighteen hundred and twelve (Toronto, 1909) et (New York et Londres, 1909) ; The beauty, history, romance and mystery of the Canadian lake region (Toronto, 1910 ; nouv. éd., 1914) ; le volume premier de The Scotsman in Canada (Toronto, 1911) ; Sagas of vaster Britain ; poems of the race, the empire and the divinity of man (Toronto, 1914).

Parmi les ouvrages de Campbell qui ont été édités, on trouve The poetical works of Wilfred Campbell, W. J. Sykes, édit. (Londres, [1922]) ; At the Mermaid Inn : Wilfred Campbell, Archibald Lampman, Duncan Campbell Scott in the « Globe » 1892–3, Barrie Davies, édit. (Toronto, 1979) ; « The collected poems of William Wilfred Campbell », Laurel Boone, édit. (thèse de ph.d., Univ. of N.B., Fredericton, 1981) ; et William Wilfred Campbell : selected poetry and essays, introd. de Laurel Boone, édit. (Waterloo, Ontario, 1987).

QUA, Lorne and Elizabeth Pierce Coll. of Canadian mss, W. W. Campbell papers.— Laurel Boone, « Evolution and idealism : Wilfred Campbell’s « The tragedy of man » and its place in Canadian intellectual history », Studies in Canadian Lit. (Fredericton), 8 (1983) : 93116, et « Wilfred Campbell reconsidered », Canadian Lit. (Vancouver), no 94 (automne 1982) : 67–82.— C. F. Klinck, Wilfred Campbell : a study in late provincial Victorianism (Toronto, 1942 ; réimpr., Ottawa, 1977).

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Laurel Boone, « CAMPBELL, WILLIAM WILFRED », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_william_wilfred_14F.html.

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Titre de l'article:    CAMPBELL, WILLIAM WILFRED
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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