YEOMAN, ERIC MACKAY, écrivain et poète, né le 9 octobre 1885 à Newcastle, Nouveau-Brunswick, fils aîné de James Yeoman, directeur de banque, et d’Elizabeth L. Mackay ; décédé célibataire le 3 février 1909 à Halifax.

Eric Mackay Yeoman perdit son père quand il avait cinq ans ; sa mère décida alors de s’installer à Halifax, où sa famille et celle de son défunt mari étaient établies depuis longtemps. Avec sa fille et ses trois fils, Elizabeth Yeoman alla vivre chez sa mère, veuve elle aussi, et en 1895, environ un an après le décès de celle-ci, elle partagea une maison avec le ménage formé par sa sœur Catherine Olivia et son mari John James Stewart. Stewart, qui était éditeur du Halifax Herald, venait tout juste d’acheter une grande maison rue Inglis, dans le quartier le plus huppé de la ville.

Après avoir fréquenté des écoles primaires de la ville et avoir reçu son diplôme de la Halifax Academy, Yeoman entra à la Dalhousie University en 1903. Il y étudia trois ans, mais les registres le mentionnent comme étudiant de quatrième année en 1906–1907 et 1907–1908. Il est probable que la perturbation causée dans la famille par le décès soudain de Stewart, en février 1907, conjuguée à la prise de conscience de son talent d’écrivain, contribua à détourner l’attention du jeune homme de ses études en lettres. En effet, des remarques de ses confrères laissent entendre qu’il était déjà obsédé par l’écriture et pouvait avoir décidé de devenir journaliste. Quoi qu’il en soit, l’intensité et la qualité de ses premiers vers publiés suggèrent que la poésie, plus que toute autre forme d’expression, semble avoir canalisé ses énergies en 1907–1908. Quand le Canadian Magazine publia The contrast, poème lyrique, en avril 1907, ce fut le début de la reconnaissance extérieure dont un poète a besoin pour passer des pastiches de jeunesse du genre « mon cœur se gonfle et pleure en moi » à une voix distincte et personnelle. Le jeune poète, soudainement encouragé, ne tarda pas à parler avec une autorité hardie : « Ceci est mon univers, et mon cœur fragile / En est le centre. » L’univers de Yeoman est fait d’interrogations profondes, et ses frontières sont « une écarlate agonie de chagrin ». Il excellait à prévoir son destin : « Quelle main ruineuse du temps trouvera une proie / Dans mon âme immatérielle ? » Ce qu’il dit de « Rosalie » aurait pu être son épitaphe :

Tu fus une fleur gelée au cœur de l’été
Une violette brisée dans sa fragile apogée
Frêle dans sa beauté, sans force dans sa grâce.
Tu fus une fleur dans un climat étranger,
Que la mort cueillit dans une étreinte de glace,
Et porta promptement vers un meilleur espace.

Entre avril 1907 et avril 1910, le Canadian Magazine allait publier 15 des poèmes de Yeoman, ainsi que deux de ses œuvres en prose à titre posthume. La première, qui parut en août 1909, était un récit de voyage intitulé « In the land of windmills », qui comprenait sept photographies de scènes d’hiver hollandaises prises par lui. Ce récit s’inspirait d’un séjour aux Pays-Bas qu’il avait fait à l’occasion d’un voyage outre-mer dont il était revenu seulement quelques semaines avant sa mort. La seconde œuvre, qui fut publiée en décembre, était une nouvelle intitulée « The wooing of the widow », délicat exercice humoristique dans une veine plutôt légère du style kailyard du Canada rural. Les deux œuvres montrent un talent comique qui serait demeuré inconnu des lecteurs de ses poèmes.

Le numéro de janvier 1910 du Canadian Magazine publia un hommage en vers à la « plume rayonnante » et au « flambeau merveilleux » de Yeoman par John Mortimer, poète lui aussi. Un volume intitulé Poems by Eric Mackay Yeoman parut à Toronto la même année, avec une introduction de l’éditeur du Canadian Magazine, Newton McFaul MacTavish*. Cet ouvrage comprend les poèmes publiés dans le magazine, 5 pièces lyriques et les 17 sonnets de la séquence intitulée « Rosalie ». Sa publication fut un autre témoignage du respect que vouaient ses contemporains au talent de Yeoman.

L’avènement de la poésie moderne au Canada a relégué l’œuvre d’Eric Mackay Yeoman dans l’oubli. Toutefois, avec l’ouverture qui se manifeste envers l’évolution de la poésie canadienne de la période de 1890 à 1910, son œuvre sera probablement réévaluée. On explore actuellement l’aspect sombre des poètes de la fin de la période victorienne comme William Wilfred Campbell* ; ainsi, les sombres nuances de l’imagination de Yeoman peuvent être mieux appréciées et étudiées comme expression distincte d’un lyrisme mystique et transcendant. Bien que sa poésie adhère aux conventions attachées à ce genre de sensibilité lyrique, elle se démarque par sa force inventive à l’intérieur des limites du mode d’expression admis à l’époque. Sa puissance et son originalité résident non seulement dans l’habile maniement du langage, mais aussi dans la perception instantanée, clairvoyante et translucide de l’identité et du destin individuels. La brièveté de la carrière de Yeoman ou une réaction incrédule devant sa précocité ne devraient pas inciter les lecteurs de ses poèmes à continuer de faire peu de cas de la réputation dont il jouissait en son temps.

Kenneth A. MacKinnon

« To E. M. Yeoman », texte poétique composé par John Mortimer en hommage au sujet, a été publié dans le Canadian Magazine, 34 (nov. 1909–avril 1910) : 229 ; on trouve des commentaires de Newton McFaul MacTavish sur Yeoman et son œuvre dans son introduction aux Poems by Eric Mackay Yeoman ([Toronto, 1910]), pages 1s., et dans deux brefs commentaires éditoriaux parus dans le Canadian Magazine, 33 (mai–oct. 1909 : 87 et 34 : 203. On trouve également des commentaires de nature biographique et critique dans Atlantic province authors of the twentieth century : a bio-bibliographical checklist, C. T. Laugher, compil. (Halifax, 1982), 617 ; Songs of the Maritimes ; an anthology of poetry of the Maritime provinces of Canada, Eliza Ritchie, édit. (Toronto, 1931), 169, 213 ; Wallace, Macmillan dict. ; et A wreath of Canadian song, containing biographical sketches and numerous selections from deceased Canadian poets, Mme C. M. Whyte-Edgar, édit. (Toronto, 1910), 227–229.

Dalhousie Univ. Arch. (Halifax), MS 2-193 (papiers J. J. Stewart), files C10, O5.— North York Public Library (Toronto), Canadiana Coll., Newton MacTavish coll., items 862–863 (mfm aux AN, MG 30, D278).— PANS, MG 1, 1057 : 31, 197, 200 ; RG 32, WB, 67 : 174, 182 ; 68 : 308 ; 70 : 225 ; 71 : 70.— St James and St John United Church (Newcastle, N.-B.), St James Presbyterian Church, reg. of baptisms, 1880–1907 (mfm aux APNB).— Acadian Recorder, 3, 6 févr. 1909.— Halifax Herald, 28 févr. 1907, 4 févr. 1909, 14 nov. 1912.— Morning Chronicle (Halifax), 4 févr. 1909.— Morning Herald (Halifax), 23, 25 avril 1891.— North Shore Leader (Newcastle), 5 févr. 1909.— Annuaire, Halifax, 1872–1911.— W. W. Campbell, William Wilfred Campbell : selected poetry and essays, Laurel Boone, édit. (Waterloo, Ontario, 1987), 36, 210s.— Dalhousie College and Univ., Calendar (Halifax), 1904–1907, publié par la suite sous le titre Dalhousie Univ., Calendar, 1907–1910.— Dalhousie Gazette (Halifax), 14 févr. 1905 : 121 ; 12 juin 1907 : 259–268, 277–283.— T. S. [Thomas Sedgewick], « In memoriam : John James Stewart », N.S. Hist. Soc., Coll., 13 (1908) : 153–155.— Waite, Man from Halifax.— Terry Whalen, « Wilfred Campbell : the poetry of doubt », Journal of Canadian Poetry (Ottawa), 2 (1979), no 2 : 35–47.

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Kenneth A. MacKinnon, « YEOMAN, ERIC MACKAY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/yeoman_eric_mackay_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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