BOURQUE, ANDRÉ-T. (baptisé André), père de Sainte-Croix, musicien, compositeur et auteur, né le 27 juillet 1854 à Beaumont, Nouveau-Brunswick, fils de Thaddée Bourque, agriculteur, et d’Anne Bourque ; décédé le 28 juin 1914 à Memramcook, Nouveau-Brunswick.
André-T. Bourque fréquente d’abord la petite école de son village et, à 11 ans, s’inscrit au collège Saint-Joseph de Memramcook que vient d’ouvrir le père Camille Lefebvre*. Il y fait ses études classiques et reçoit une solide formation musicale. À sa sortie du collège, en 1873, il s’oriente vers la médecine puis, l’année suivante, se rend dans le district de Clare, en Nouvelle-Écosse, pour y enseigner. Sa réputation de musicien l’a déjà précédé, de sorte qu’on lui offre aussi le poste d’organiste et de directeur du chœur de chant à l’église Sainte-Marie de Church Point. L’ardeur du musicien ne s’arrête pas là ; bientôt, il organise une fanfare dans la région.
En 1880, au milieu de l’année scolaire, Bourque décide d’entrer au noviciat des pères de Sainte-Croix à Saint-Laurent, près de Montréal. Simple profès, il revient à Memramcook en 1881, y complète ses études théologiques et est ordonné prêtre le 3 juin 1884. Tout en étudiant, il a assumé une tâche assez exigeante : l’enseignement de la musique et la direction de la fanfare au collège Saint-Joseph, ainsi que la tenue de l’orgue de la paroisse. Pendant neuf ans, Bourque marquera la scène musicale de Saint-Joseph tant par ses cours que par sa participation dynamique et de haute qualité à toutes les manifestations culturelles de son collège. Les journaux de l’époque ne manquent pas de souligner son apport. Ce séjour à Memramcook permet aussi au professeur Bourque de faire connaître ses talents de compositeur. Le Moniteur acadien surtout mentionne quelques-unes de ses premières créations pour chœur de chant ou fanfare, mais à peu près rien n’a été conservé si ce n’est la cantate pour les noces d’argent du collège en 1889, publiée par Israël-J.-D. Landry*.
Les festivités du vingt-cinquième anniversaire sont à peine terminées que le père Bourque est nommé musicien au collège de Saint-Laurent. Il n’y restera que deux ans, mais ce séjour l’amènera à prendre une décision quelque peu étonnante : se faire missionnaire dans l’est de l’Inde. La Congrégation de Sainte-Croix assure alors le ministère dans plusieurs villages du Bengale, où les conditions climatiques surtout ne favorisent guère le renouvellement ou le renforcement de la main-d’œuvre. Face à ce besoin de la communauté, le père Bourque va rejoindre l’équipe en place. Il travaille six ans (1891–1896) dans la mission de Solepore (Bangladesh), mais laisse peu de traces écrites de ses diverses occupations à part les notes de voyage promises au Moniteur acadien et envoyées au tout début de son séjour dans l’est de l’Inde. Des articles de confrères éclairent cependant certaines activités du curé. Par exemple, on signale qu’il fait chanter les petits garçons de façon exceptionnelle. Longtemps après son passage à Solepore, quelques-uns des villageois se rappelleront « qu’il jouait admirablement bien le violon » et chanteront encore un cantique composé par le missionnaire acadien.
En revenant du Bengale, Bourque passe quelques mois en France afin d’y refaire sa santé plutôt ébranlée. Quand il arrive à Memramcook à l’été de 1897, un collègue occupe son ancien poste de professeur de musique ; Bourque enseigne donc diverses matières, mais il revit son rêve missionnaire en donnant des conférences sur les coutumes du peuple bengali. Au bout de trois ans, l’Acadie semble devenue trop étroite pour celui qui a traversé mers et pays et qui regrette sans doute ses activités musicales des années 1880, activités qui l’ont toujours propulsé à l’avant-scène. En janvier 1901, on retrouve l’ex-missionnaire à Tacoma, dans l’État de Washington. De là, il obtient la dispense de ses vœux et c’est comme prêtre séculier qu’il exerce son ministère auprès des Américains.
Bourque revient au pays en 1909 et accepte un poste dans le diocèse de Chatham, au nord du Nouveau-Brunswick. Il œuvre pendant quelques mois à Campbellton, juste le temps d’y vivre le grand incendie de juillet 1910, qui détruit la ville, et de composer une série de cinq chants. Cette fois, l’inspiration est d’un autre ordre. Peut-être à cause d’une longue absence de l’Acadie, le père Bourque sent le besoin d’étaler ses couleurs nationalistes et, coup sur coup, il publie Plainte et Pardon, Évangéline, la Marseillaise acadienne, le Pêcheur acadien et la Fleur du souvenir. Ces compositions véhiculent l’idéologie de Bourque, qui est aussi celle de nombreux intellectuels de l’époque : langue, foi et traditions sont les valeurs qu’il faut conserver à tout prix. Pour le musicien, la force de la chanson semble être encore plus grande que celle du discours : « Les chants patriotiques, on le sait, sont de puissants facteurs pour soutenir et raviver le patriotisme chez les peuples. J’oserais même dire que les chants nationaux sont à la Nation ce que les chants religieux sont à l’Église. »
Au mois d’août 1910, le père Bourque change de paroisse pour devenir vicaire à Newcastle, toujours au nord-est du Nouveau-Brunswick. C’est de là qu’il demande sa réadmission dans la Congrégation de Sainte-Croix et qu’il amorce la publication de son livre Chez les anciens Acadiens : causeries du grand-père Antoine. En faisant paraître le premier livre qui traite de folklore acadien, l’auteur a un but évident, celui de sauvegarder le patrimoine afin que les générations futures ne soient pas coupées de leurs racines. Même si elle ne contient pas les références de dates, de lieux et de sources exigées aujourd’hui, cette publication brosse un tableau, sinon complet, du moins authentique du quotidien au siècle dernier. Le grand-père Antoine – conteur que Bourque met en scène – devient l’équivalent de l’informateur que l’ethnologue interroge, magnétophone en mains.
Réadmis dans la Congrégation de Sainte-Croix en 1911 et installé à Saint-Joseph, le père André-T. Bourque reprend avec enthousiasme le travail de musicien qu’il a assumé 30 ans plus tôt. À l’automne, il compose même un autre chant, le Gondolier, qui n’a toutefois rien du caractère patriotique des œuvres précédentes. Ce sera sa dernière composition. Le musicien ne peut terminer l’année 1913–1914. Après quelques semaines d’hospitalisation à Moncton, il meurt à l’infirmerie du collège Saint-Joseph le 28 juin 1914.
L’ouvrage intitulé Chez les anciens Acadiens : causeries du grand-père Antoine, d’André-T. Bourque, a paru à Moncton, N.-B., en 1911. Depuis, on en a réimprimé des chapitres dans divers journaux et anthologies. Lauraine Léger a publié une édtion critique de cet ouvrage à Moncton en 1994. D’autres écrits de Bourque sont dignes de mention : « Aux Indes orientales : notes de voyage d’un missionnaire acadien », le Moniteur acadien, 25–29 mars, 5–12, 22–29 avril 1892 ; « Chants acadiens », l’Évangéline (Moncton), 31 août 1910 : 4 ; et « le Rév. Ph. F. Bourgeois, c.s.c. », l’Évangéline, 9 avril 1913 : 4s.
Les partitions de certaines compositions musicales de Bourque on été publiées séparément : Salut! Frères, salut! Cantate aux anciens élèves réunis pour la célébration des noces d’argent du collège Saint-Joseph, Memramcook, 26 juin, 1889 (Saint-Jean, N.-B., 1889) ; Plainte et Pardon (Montréal, s.d.) ; la Marseillaise acadienne (Montréal, 1910) ; le Pêcheur acadien (s.l., s.d.) ; et la Fleur du souvenir (Montréal, s.d.). La plupart ont également paru dans des journaux de l’époque. Les paroles d’Évangéline ont été publiées d’abord dans le Moniteur acadien, 12 mai 1910 : 6. Toutes les compositions de Bourque ont paru dans divers recueils de chansons. On trouve le Gondolier dans Chants populaires des Franco-Américains, sous la direction d’Eusèbe Viau et J.-E. Philie (12 vol., Woonsocket, R.I., [1923]–1938, et dans les « éditions [réimpressions] » subséquentes), 4 (3e éd., 1945) : 2–7.
Arch. des Pères de Sainte-Croix (Montréal), Bourque à Georges Dion, 29 août, 11 oct. 1910, 30 juin 1911.— Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, Bourque à Stanislas Doucet, 24 janv. 1910 ; Fonds Placide Gaudet, 1.66-1 ; Fonds Pascal Poirier, 6.1-4.— A. R., « Sur les bords du Gange : une entrevue avec un missionnaire », l’Évangéline, 4 oct. 1923 : 1.— Amicus, « les Causeries du grand-père Antoine », l’Évangéline, 18 oct. 1911 : 5.— L’Auteur des « Propos divers », « Salut! Frères, salut! » Courrier des provinces Maritimes (Bathurst, N.-B.), 4 juin. 1889 : 3.— Louis Des Roses, « le Rév. Père André-T. Bourque », l’Évangéline, 12 juin. 1923 : 3.— J.-O. G., « Chez les anciens Acadiens », l’Évangéline, 11 oct. 1911 : 4.— Philemon, « Échos de la baie Ste. Marie », Courrier des provinces Maritimes, 3 sept. 1885 : 3.— Rusticanus, « Au Bengale : nouvelles du révérend père André T. Bourque, missionnaire acadien », le Moniteur acadien, 29 sept. 1893 : 1.— L’Acadie des Maritimes : études thématiques des débuts à nos jours, sous la direction de Jean Daigle (Moncton, 1993).— Anthologie de textes littéraires acadiens, Marguerite Maillet et al., édit. (Moncton, 1979), 296–306.— P.-F. Bourgeois, Vie de l’abbé François-Xavier Lafrance, suivie d’une courte notice biographique de l’abbé François-Xavier Cormier [...] (Montréal, 1913).— Étienne Catta, le Révérend Père Camille Lefebvre (1831–1895) et la renaissance acadienne (3 vol., [Moncton], 1983), 1322s.— Marguerite Maillet, Histoire de la littérature acadienne : de rêve en rêve (Moncton, 1983).— Pascal Poirier, le Père Lefebvre et l’Acadie (Montréal, 1898).
Lauraine Léger, « BOURQUE, ANDRÉ-T. (baptisé André) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bourque_andre_t_14F.html.
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Auteur de l'article: | Lauraine Léger |
Titre de l'article: | BOURQUE, ANDRÉ-T. (baptisé André) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |