PRESCOTT, sir HENRY, officier de la marine anglaise et administrateur colonial, né à Kew, Angleterre, le 4 mai 1783, fils de l’amiral Isaac Prescott ; épousa, en juillet 1815, Mary Anne Charlotte d’Auvergne, dont il eut au moins une fille, la poétesse Henrietta Prescott Lushington ; décédé à Londres le 18 novembre 1874.

Henry Prescott s’engagea dans la marine anglaise en 1796 et servit sur le Formidable. Il reçut un brevet de lieutenant en 1802 et fut promu commandant en 1808. Pendant les guerres napoléoniennes, Prescott passa presque toutes ses années de service en Méditerranée. Il dut son accession rapide à un poste de commandement, en 1810, à la bravoure dont il avait fait preuve à Amantea, en Italie, la même année. Le capitaine Prescott continua son service dans la marine, au large du Brésil et dans le Pacifique, jusqu’en 1825, date à laquelle il retourna en Angleterre et fut licencié.

Henry Prescott, qui devait être le dernier des officiers de marine gouverneurs de Terre-Neuve au cours du xixe siècle, fut nommé à ce poste en 1834. Il arriva à St John’s le 3 novembre de la même année, la semaine où Thomas Cochrane quitta l’île. Le départ de ce dernier aurait dû lui faire comprendre qu’il ne serait pas à l’abri des calomnies, malgré son poste éminent. Prescott trouva dans l’île une situation sociale et politique agitée. Il allait être presque impossible au nouveau gouverneur d’éviter les faux pas dans cette colonie où l’antagonisme entre les Anglais et les Irlandais était compliqué par l’hostilité qui régnait entre catholiques et protestants. La situation était encore envenimée par les différends entre commerçants et pêcheurs et par la rivalité qui existait, pour l’accès aux fonctions publiques, entre les Terre-Neuviens de naissance et ceux qui étaient originaires de la région ouest des îles britanniques.

Prescott tenta immédiatement d’apaiser les tensions religieuses et politiques dans la colonie ; il mit fin au procès en diffamation intenté par Cochrane contre le père Edward Troy, et essaya désespérément de jouer un rôle d’administrateur impartial entre les parties adverses, aussi bien dans les affaires ecclésiastiques que dans les affaires d’État. Sa neutralité fut bientôt compromise, cependant, en raison des disputes déplacées qui eurent lieu entre l’évêque catholique, Michael Anthony Fleming*, et le juge en chef, Henry John Boulton*, porte-parole inflexible de l’establishment. Boulton, qui était protestant, demandait avec insistance une révision des lois concernant les pêcheurs et les marchands, et qui aurait favorisé ces derniers, alors que Mgr Fleming défendait les pêcheurs de la région. En 1835, un désaccord entre la firme protestante Slade, Elson and Company et les pêcheurs catholiques, à St Mary’s, avait fait dégénérer la situation en un conflit ouvert entre le juge en chef et l’évêque. Prescott, qui était en faveur des accommodements, les considérait tous deux comme dangereux. Au début, il avait établi des relations amicales avec l’évêque mais, un an après son arrivée, il était brouillé avec lui et on l’accusait publiquement d’être l’instrument de marchands, tels que John Munn, Thomas Bennett et William Thomas*, qui tenaient en main l’économie de la colonie et dominaient le Conseil exécutif. L’opinion de Daniel Woodley Prowse*, selon laquelle Prescott « détestait Boulton, mais sembl[ait] n’avoir pu ou n’avoir pas voulu prendre de l’ascendant sur lui », est loin d’être exacte. On peut s’en rendre compte par la lettre que le gouverneur fit parvenir au ministre des Colonies, lord Glenelg [Charles Grant], le 5 janvier 1838. Ce rapport est à l’origine des mesures qui amenèrent, le 5 juillet, la révocation de l’intraitable juge en chef et son expulsion du conseil. Prescott poussa le gouvernement de Londres à se débarrasser de Mgr Fleming et, comme il ne put y parvenir, cette tentative ne fit que lui attirer davantage la défaveur des radicaux catholiques. Cela n’empêcha pas Prescott, plus tard, de joindre ses efforts à ceux du gouvernement de Londres pour demander au pape le rappel de Fleming. C’est grâce aux œuvres qu’il accomplit dans le domaine spirituel que ce dernier dut de ne pas être destitué en 1840, et il semble qu’après sa convocation à Rome cette année-là, son influence politique alla en diminuant.

L’administration de Prescott doit être jugée non seulement dans le contexte des problèmes auxquels avaient à faire face toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique dans les années 1830, mais en tenant compte également du manque d’expérience de Terre-Neuve dans l’exercice du gouvernement constitutionnel. Lorsque Prescott arriva dans l’île, le parlement était en place depuis à peine deux ans et les problèmes qui l’assaillirent faisaient partie des hauts et des bas de la vie dans la colonie. Les deux partis le maudissaient, l’un pour avoir fait révoquer Boulton et l’autre pour avoir baillonné Mgr Fleming. L’Assemblée, dominée par les catholiques (après 1837), lui reprochait le favoritisme dont il avait fait preuve à l’égard du conseil où les protestants étaient en majorité. Et ce dernier organisme lui en voulait d’avoir nommé un catholique radical, Patrick Morris*, au conseil en 1840, dans un effort pour y améliorer la position des catholiques. Le ministère des Colonies le blâma d’avoir recommandé le renforcement de la garnison pour aider le pouvoir civil (bien que la police fût insuffisante en nombre et que la situation constituât un danger continuel), et en même temps, de ne pas avoir envoyé à temps, pour éviter une émeute, des troupes à Bay Roberts, pendant les troubles qui survinrent lors de l’élection de 1840. Les années de son mandat furent quand même marquées par des réalisations concrètes : l’établissement des premières écoles élémentaires non confessionnelles grâce à la loi sur l’instruction de 1836 – la première à Terre-Neuve – la continuation du programme de construction de routes entrepris par Cochrane, la nomination, en 1837, des premiers commissaires à la voirie de la colonie et l’encouragement à l’agriculture pour augmenter les revenus aléatoires provenant de la pêche. Mais toutes ces mesures furent appuyées, combattues et jugées selon des opinions politiques et religieuses étroites. Il est évident que Prescott n’était pas un administrateur colonial de métier, mais il possédait une grande sagacité et un jugement très sûr, comme on peut le constater par la dépêche importante qu’il fit parvenir le 4 juillet 1839 à lord Normanby [Phipps]. Dans ce rapport, il jette les bases de ce qui peut être considéré dans l’ensemble comme une politique prudente, destinée à faire face à une situation politique qui ne cessait de s’aggraver. Prescott réclama du gouvernement de Londres une mise en application des dispositions du Newfoundland Representation Act de 1834, qui divisait Terre-Neuve en un plus grand nombre de districts, et qui soumettait les députés au cens d’éligibilité. Dans une lettre complémentaire, il recommanda que dans toute la colonie la présentation des candidatures ait lieu le même jour, ainsi que la tenue des élections.

Au cours de l’été de 1838, eurent lieu à St John’s des événements qui décidèrent Prescott à tenter de démissionner. John Kent, membre de l’Assemblée, et Edward Kielly*, officier des services de santé, eurent une dispute dans la rue, à la suite de laquelle Kent se plaignit devant l’Assemblée que Kielly avait commis une « infraction flagrante » aux prérogatives de cette dernière. William Carson*, président de l’Assemblée, convoqua Kielly devant la chambre et lui demanda de faire des excuses. Il s’ensuivit un différend sur les pouvoirs de l’Assemblée qui, à l’automne, fut porté devant la Cour suprême de Terre-Neuve, laquelle prit une décision contre Kielly et, par conséquent, en faveur de l’Assemblée. Auparavant, Prescott, consterné par la conduite arbitraire du parlement de Terre-Neuve dans la défense dg ses prérogatives, l’avait prorogé pour une semaine, puis il remit sa démission en janvier 1839. Celle-ci ne fut pas acceptée par Glenelg qui, par la suite, appuya les mesures prises par Prescott. (L’affaire fut finalement portée devant le Conseil privé, le 11 janvier 1843, lorsqu’on proposa à la reine de renverser la décision de la Cour suprême de Terre-Neuve.)

En 1841, Prescott alla en Angleterre pour faire partie d’une commission d’enquête dont les conclusions devaient amener la modification de la constitution de Terre-Neuve. Le ministère des Colonies n’accepta pas les recommandations de Prescott sur la réforme de la constitution et c’est sur cette question de principe que ce dernier remit de nouveau sa démission au mois de mai. Cette fois, elle fut acceptée, car un accord intervenu entre le gouvernement anglais et sir Richard Henry Bonnycastle* prévoyait la nomination d’un administrateur civil. Sir John Harvey* succéda à Prescott, qui reprit du service dans la marine.

En 1841, Prescott reçut une pension pour ses services comme capitaine, puis fut promu contre-amiral en 1847 ; la même année, il fut ministre de la Marine, jusqu’au mois de décembre, alors qu’il accepta le poste de commandant de l’arsenal de Portsmouth, fonction qu’il occupa jusqu’en 1852. Il fut promu vice-amiral en 1854, amiral en 1860 et amiral de l’escadre bleue en 1862. Prescott fut fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain en 1856 et grand-croix du même ordre en 1869. Il fut pendant quelque temps juge de paix dans le Surrey.

Frederic F. Thompson

PRO, CO 194/90–194/111.— Times (Londres), 20 nov. 1874.— DNB.— John Marshall, Royal naval biography [...] (2 vol., Londres, 1823–1830), 2e supp., 197.— The navy lists (Londres), 1844–1874.— O’Byrne, Naval biog. dict.— Gunn, Political history of Nfld.— Prowse, History of Nfld.

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Frederic F. Thompson, « PRESCOTT, sir HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/prescott_henry_10F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
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