MARIN DE LA MALGUE (La Marque), PAUL, officier dans les troupes de la Marine, baptisé à Montréal le 19 mars 1692, fils aîné de Charles-Paul de Marin* de La Malgue et de Catherine Niquet, décédé le 29 octobre 1753.
Paul Marin de La Malgue, fils d’un officier dans les troupes de la Marine, épousa Marie-Joseph Guyon Desprez, le 21 mars 1718, à Montréal. Plusieurs enfants naquirent de ce mariage et, parmi eux, Joseph*, qui, tout comme son père, embrassa la carrière des armes.
En 1720, Paul Marin de La Malgue était en service dans l’Ouest où il passera la plus grande partie de sa vie. C’est dans les troupes de la Marine qu’il reçut une commission d’enseigne, le 26 mai 1722. Cette même année, on lui confia le commandement du poste de Chagouamigon (près d’Ashland, Wisc.), auquel était attaché l’habituel monopole de la traite des fourrures dans la région, dont le produit servait à payer les frais d’entretien du poste. Marin avait pour mission principale de garder les nations indiennes fidèles aux intérêts français et de les maintenir en paix entre elles. Il gagna la confiance du gouverneur, Philippe de Rigaud* de Vaudreuil, et celle de son successeur, Charles de Beauharnois ; ce dernier déclara que Marin était craint et respecté des Indiens et toujours prêt à risquer sa vie au service du roi. Après avoir servi pendant sept ans au grade d’enseigne en pied, il fut promu lieutenant en 1741. Toutefois, des informateurs persuadèrent le ministre de la Marine que Marin était un piètre officier, plus intéressé à retirer des bénéfices de la traite des fourrures qu’à maintenir la paix parmi les Sioux, les Renards et les Sauks. Le ministre ordonna donc son rappel, mais Beauharnois prit la liberté de passer outre à cet ordre. Il expliqua, en 1741, que Marin avait réussi à pacifier les tribus belliqueuses et avait convaincu les délégués des Sioux et de cinq autres nations de l’accompagner à Québec afin de ratifier un traité de paix générale et qu’il y allait de l’intérêt du roi de le laisser au poste des Sioux.
Deux ans plus tard, Marin traversa en France pour affaires de famille et rentra au Canada lorsque la guerre de la Succession d’Autriche s’étendit en Amérique en 1744. Il fit campagne en Acadie et à la frontière de la colonie de New York. En 1746, il commandait le parti de guerriers qui détruisit Saratoga (Schuylerville, N.Y.) et ravagea les établissements d’alentour. Ces campagnes lui créèrent une réputation de bravoure et de cruauté. En 1748, il était promu capitaine.
À la fin des hostilités, il retourna dans l’Ouest pour reprendre le commandement de Baie-des-Puants (Green Bay, Wisc.), le plus lucratif des postes de l’Ouest et celui que les officiers des troupes de la Marine enviaient le plus. Il semble avoir tiré tout le parti possible des circonstances. Au cours de son précédent commandement dans l’Ouest, jusqu’en 1738, il n’avait jamais eu plus de six voyageurs par année à son service pour assurer le transport des marchandises à son poste ; en 1739, il en engagea 11, 23 en 1740, 29 en 1741 et 31 en 1742 ; or pendant les années 1750–1752, il en eut au moins 190. II a pu réaliser des bénéfices considérables mais, étant donné le coût élevé de la traite et les limites du marché, il est peu probable que ses gains aient été aussi mirifiques que le voulaient les rumeurs non confirmées. Il est possible d’alléguer pour sa défense qu’un des objectifs fondamentaux de la politique française était de conserver l’allégeance des nations de l’Ouest et les empêcher de faire le commerce avec les Anglo-Américains. C’est pourquoi les Français devaient fournir aux Indiens les articles que ceux-ci exigeaient et accepter leurs fourrures en échange. Si cet échange procurait un bénéfice, alors tant mieux ! Les visées politiques étant atteintes, le service du roi n’eut certainement pas à souffrir pendant que Marin avait le commandement de Baie-des-Puants.
Lorsque Duquesne*, à peine arrivé à Québec en qualité de gouverneur, en 1752, prit la décision de dépêcher l’année suivante une troupe importante de soldats et de miliciens pour enlever aux Anglo-Américains le contrôle de la vallée de l’Ohio, il est assez significatif qu’il ait choisi d’en confier le commandement à Marin. Ce dernier reçut instruction d’établir un poste fortifié sur la rive sud du lac Érié, de construire une route jusqu’au cours supérieur de la rivière Alléghany, de rendre navigable la rivière au Bœuf (French Creek, Penn.), puis d’ériger une série de forts jusqu’à la rivière Ohio, et d’établir des garnisons dans ces forts. Marin, maintenant âgé de 61 ans, se surmena tout au long de l’été et de l’automne de 1753 et fit travailler ses 1 500 hommes sans merci. Il ne souffrait aucune entrave. Les jeunes officiers qui ne montraient pas assez de zèle à la tâche se voyaient menacés d’être mis à la réforme. Lorsque les Iroquois élevèrent des protestations devant l’envahissement de leur territoire, on leur répondit sans ambages que s’ils s’y opposaient, ils seraient anéantis [V. Tanaghrisson]. Les trafiquants de fourrures anglo-américains surpris dans la région furent enchaînés et expédiés à Montréal pour servir d’avertissement aux autres. Des centaines de manœuvres canadiens tombèrent malades de faim et de surmenage ; nombre d’entre eux succombèrent et ceux qui survécurent avaient l’air de revenants, et Duquesne pâlit de saisissement à leur vue lorsqu’ils retournèrent à Montréal. Marin lui-même tomba malade et il refusa malgré les ordres de revenir se soigner. En septembre, Duquesne lui expédia la croix de Saint-Louis qui lui avait été décernée, son nom ayant, cette année-là, été placé sur la liste des honneurs. Cette récompense lui parvint trop tard ; il avait succombé le 29 octobre au fort de la rivière au Bœuf (Waterford, Penn.). Il avait délibérément choisi de mourir à la tâche plutôt que d’abandonner son commandement.
Marin n’avait pas réussi complètement à ouvrir la route jusqu’à l’Ohio, mais il avait préparé la voie. L’année suivante, la tâche fut menée à bonne fin, et le fort Duquesne (Pittsburgh, Penn.) érigé, donnant ainsi à la France la mainmise sur la région [V. Claude-Pierre Pecaudy* de Contrecœur]. Ayant appris la mort de Marin, Duquesne écrivit qu’il en était très affecté : « Le Roy perd un excellent sujet qui étoit fait pour la guerre [...] j’avois conçu la plus haute opinion de cet officier. »
AN, Col., C11A, 71, p. 35 ; 77, pp. 102, 113s ; Col., D2C, 47, pp. 12, 17, 402 ; 48, pp. 39, 70 ; 49, pp.257, 320, 326 (copies aux APC).— Journal de Marin, fils, 1753–1754, Antoine Champagne, édit., RAPQ, 1960–1961, 240s.— Mémoire sur le Canada, depuis 1749 jusqu’à 1760.— Papiers Contrecœur (Grenier).— Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, 154.— Massicotte, Répertoire des engagements pour l’Ouest, RAPQ, 1929–1930 ; 1930–1931.— Stanley, New France.— Régis Roy, Les capitaines de Marin, sieurs de la Malgue, chevaliers de Saint-Louis, officiers canadiens, etc., en la Nouvelle-France, de 1680 à 1762, MSRC, 2e sér., X (1904), sect. i : 25–34.
W. J. Eccles, « MARIN DE LA MALGUE (La Marque), PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/marin_de_la_malgue_paul_3F.html.
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Auteur de l'article: | W. J. Eccles |
Titre de l'article: | MARIN DE LA MALGUE (La Marque), PAUL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |