MARIN DE LA MALGUE, JOSEPH (habituellement désigné sous le nom de Marin fils), officier dans les troupes de la Marine et explorateur, baptisé à Montréal le 5 février 1719, fils de Paul Marin* de La Malgue et de Mane-Joseph Guyon Desprez, décédé en 1774 à la baie d’Antongil, Madagascar.

Issu d’une famille de militaires qui se distinguèrent dans les guerres contre les Britanniques, dans les affaires indiennes et dans le commerce des fourrures, Joseph Marin de La Malgue entra très jeune « au Service du Roy ». Il avait à peine 13 ans lorsqu’il fut envoyé, en 1732, dans les pays d’en haut « pour y faire des découvertes » sous les ordres de son père et il passa la plus grande partie des 13 années suivantes dans cette région. Il explora la région de Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) en 1737. Bien que malade, il servit avec honneur pendant la campagne menée contre les Chicachas, en 1739–1740, par Pierre-Joseph Céloron* de Blainville. En 1740, il conclut un traité de paix et une entente commerciale avec les Sioux vivant à l’ouest de Baie-des-Puants (Green Bay, Wisconsin). Au cours de ces années, il se trouva le plus souvent au poste de Baie-des-Puants ; il se familiarisa à fond avec le système complexe de la traite des fourrures et il apprit à parler couramment le sioux ainsi que plusieurs dialectes algiques.

Marin et son père, comme de nombreux Français dans les pays d’en haut, furent rappelés en 1745 pour combattre les Britanniques en Acadie et à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). Le 1er août, Marin apporta à Montréal la nouvelle de la chute de la forteresse. Peu après, il se rendit à Québec où, le 20 septembre, il épousa Charlotte, fille de Joseph de Fleury* de La Gorgendière. Par ce manage, il devenait beau-frère de François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil et neveu du futur gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud de Vaudreuil. À la fin de cette même année, il prit part, sous le commandement de son père, à l’expédition qui détruisit Saratoga (Schuylerville New York).

En 1746, Marin était de nouveau en Acadie. Il prétendit plus tard avoir mené un raid à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) contre un détachement de ravitaillement britannique, bien qu’un document de l’époque rapporte que c’est Joseph-Michel Legardeur de Croisille et de Montesson qui était à la tête de ce coup de main. En 1747, Mann se trouvait à Grand-Pré, Nouvelle-Écosse, avec Nicolas-Antoine Coulon* de Villiers, puis, à la frontière de la province de New York avec François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil. À l’été de 1748 il retourna en Acadie et, en septembre, se rendit à l’île Royale. Ignorant la fin des hostilités, il patrouilla la région avoisinant Louisbourg à la tête d’une petite troupe et fit quelques prisonniers qui essayèrent de le convaincre que la paix avait été conclue, mais ils n’y parvinrent qu’à moitié. Il relâcha un certain nombre d’entre eux qui rapportèrent l’incident au gouverneur britannique de Louisbourg, Peregrine Thomas Hopson*. Une fois la situation clarifiée, Marin libéra tous ceux qui restaient, sauf un, accusé de trahison par les Français. Cette même année, il reçut le grade d’enseigne en second.

En 1749, à la demande du gouverneur La Jonquière [Taffanel*], Marin fut nommé commandant à Chagouamigon (près d’Ashland, Wisconsin), au sud-ouest du lac Supérieur. Ce poste l’amenait à faire partie du réseau de traite qui relevait de son père, commandant à Baie-des-Puants, et de La Jonquière. Marin, père, surtout en raison de ses bons rapports avec le gouverneur et l’intendant Bigot, était plus qu’un simple officier des troupes de la Marine affecté à un poste éloigné : il était, en fait, responsable de l’Ouest. Joseph Mann fut chargé de faire la paix avec les Sioux et les Sauteux, qui guerroyaient autant entre eux que contre les Français, et il rapporta que cette mission avait été couronnée de succès. En 1750, il fut promu enseigne en pied. Son père et La Jonquière tentèrent de le faire nommer commandant en second à Baie-des-Puants, mais ils durent y renoncer lorsque les fermiers de Chagouamigon, exigèrent, semble-t-il, qu’il fût maintenu à son poste. Il passa la plus grande partie de l’année 1751 en garnison à Québec.

En 1752, nanti d’une importante commission, Marin revint à Baie-des-Puants : il était chargé de remplacer son père au commandement du poste, de chercher une route menant à la mer de l’Ouest par le Missouri et de conclure des traités avec les diverses tribus indiennes. Jacques Legardeur* de Saint-Pierre, qui négocia une trève entre les Cris et les Sioux en 1752, affirma : « Monsieur Marin fils n’étoit pas moins occupé que moy de cette paix. » Un journal que Marin commença le 17 août 1753 à Michillimakinac nous renseigne sur ses occupations cette année-là et l’année suivante. Le 14 octobre, il se trouvait à l’embouchure de la rivière Wisconsin où il commença la construction du fort Vaudreuil et étouffa une querelle qui risquait d’éclater entre les Sauteux et les Sioux de l’endroit. Pendant l’hiver de 1753–1754, Marin et Louis-Joseph Gaultier* de La Vérendrye, qui lui avait succédé à Chagouamigon, se disputèrent au sujet des territoires de traite avoisinant l’actuelle frontière du Minnesota et du Wisconsin. Marin accusa La Vérendrye de s’ingérer dans les affaires de ses trafiquants et d’adopter à l’égard des Sauteux une attitude partiale qui ne pouvait qu’irriter les Sioux. Il fut incapable de mener à bien toute sa mission puisqu’il ne trouva pas de route allant au Pacifique ; son journal constitue néanmoins le compte rendu d’exploration le plus riche de cette époque en ce qui a trait au Minnesota : il renferme des observations non seulement sur les questions militaires, le commerce et les affaires indiennes, mais aussi sur La Vérendrye, Luc de La Corne et d’autres éminents personnages.

En 1754, Marin retourna à Québec, mais il fut de nouveau envoyé dans l’Ouest l’année suivante par le gouverneur Duquesne. Le 11 juillet 1756, ayant été rappelé pour participer aux campagnes contre les Britanniques, il arriva à Montréal avec un fort contingent de guerriers de la tribu des Folles Avoines qui venaient de Baie-des-Puants. Au cours des deux années suivantes, Marin – alors lieutenant – prit part à plusieurs engagements à la frontière de la colonie de New York. En 1756, il se battit près de Chouaguen (ou Oswego ; aujourd’hui Oswego, New York) où, avec sa bande de Folles Avoines, il remporta des succès contre des détachements britanniques supérieurs en nombre. Au mois d’août, près du fort George (appelé aussi fort William Henry ; aujourd’hui Lake George, New York), il prit la tête d’une trouve de 100 hommes et il infligea une défaite à un groupe de 65 hommes qui furent tous tués ou captures, à l’exception de leur chef, que Marin présuma être Robert Rogers. En décembre, il menait un groupe de 500 Français et Indiens à l’attaque des établissements situés le long de la rivière Connecticut ; lorsque ses guides hurons et iroquois s’opposèrent à ce projet, Marin décida d’obliquer vers Albany. Comme les Indiens protestaient de nouveau, la troupe marcha plutôt sur Saratoga.

Au mois de juillet 1757, Marin partit en reconnaissance dans la région du fort Lydius (également appelé fort Edward ; aujourd’hui Fort Edward, New York). Malgré la désertion d’une partie de ses hommes, Marin se rendit jusqu’au fort britannique où il anéantit une patrouille de 10 hommes, puis une garde de 50 hommes. Le petit détachement dut ensuite faire face à un corps d’armée assez nombreux auquel il tint tête pendant plus d’une heure avant de se retirer en bon ordre. Marin n’avait perdu que trois hommes. Ce fut, selon le commissaire ordonnateur des guerres André Doreil*, « l’Expedition la plus audacieuse ». Au début d’août 1758, Marin rencontra un détachement commandé par Rogers dans les bois voisins du lac Champlain. Il fit replier peu à peu ses troupes, affirmant qu’il aurait remporté une victoire décisive si la plupart des miliciens canadiens n’avaient pas déserté. Dans son rapport sur la bataille, Doreil indiqua que Marin était un « officier des troupes de la Colonie de grande réputation ».

Joseph Marin fut promu capitaine en janvier 1759. Il passa les premiers mois de l’année dans la region du fort Machault (Franklin, Pennsylvanie) et du fort britannique Cumberland (Cumberland, Maryland) où il harcela les établissements de la frontière. À l’été, il rallia la troupe de secours que François-Marie Le Marchand* de Lignery mena vers le fort Niagara (près de Youngstown, New York) en vue d’obliger les Britanniques à lever le siège. La troupe tomba dans une embuscade britannique alors qu’elle approchait du fort, et Marin fut fait prisonnier. C’était pour lui la fin de la gloire. Il écrivit par la suite : « Ils annoncèrent ma prise comme un triomphe leur gazette en fait foi. » Son séjour en prison fut une « horreur ». Durant la bataille qui décida du sort de la Nouvelle-France, sa maison de Québec fut pillée et brûlée par les Britanniques. Il estima ses pertes à plus de 60 000# et signala que tous les documents personnels et les papiers d’affaires de la famille avaient été détruits.

Avec d’autres prisonniers de marque, Marin fut envoyé en Angleterre ; plus tard, il fut relâché et transporté en France, la mère patrie qu’il n’avait jamais vue. En 1762, il faisait partie des renforts qui s’embarquèrent pour St John’s, Terre-Neuve, à la suite de la prise de cette île par Charles-Henri-Louis d’Arsac de Ternay ; mais il fut fait prisonnier de nouveau le 22 septembre quand les Britanniques prirent le François-Louis. Encore une fois, il fut rapatrié en France.

Ayant perdu ses biens et vivant d’une maigre pension que lui versait la couronne, Marin ne fut pas heureux en France. Il tenta d’obtenir de la cour la reconnaissance de sa condition de noble, affirmant qu’il descendait de la famille Marini de Toulon, Toulouse et Marseille. Il n’est pas exclu que les Marin aient appartenu à la petite noblesse du sud de la France. Paul et Joseph se considéraient comme des nobles et ils étaient certainement traités comme tels dans la colonie. En 1767, le lieutenant-gouverneur Guy Carleton* inscrivit le nom de Joseph Marin dans un rapport sur la noblesse canadienne. La cour de France reconnut en Marin « un homme de guerre courageux par tempérament, avide de gloire et désireux des occasions périlleuses d’en acquérir », mais ces qualités ne lui parurent pas suffisantes pour accéder à sa requête. Toutefois, Marin avait reçu la croix de Saint-Louis en 1761, alors que le roi cherchait à récompenser les officiers de la Nouvelle-France pour leurs services dans une cause perdue. En 1773, tout probablement, Marin fut nommé lieutenant-colonel dans les troupes qui tentèrent d’établir, sous la direction du comte de Benyovsky, une colonie française à la baie d’Antorgil, à Madagascar. L’année suivante, peu après leur arrivée sur l’île, Marin et son fils, qui l’accompagnait, succombèrent aux fièvres.

Les Marin furent parmi les quelques familles qui, avant 1760, dans les pays d’en haut, jouèrent un rôle prédominant dans les domaines de l’exploration, de la traite des fourrures et des affaires militaires. La mainmise que certaines familles exerçaient en permanence sur les meilleurs postes de traite a souvent été dénoncée et les Marin n’ont pas échappé à cette critique. Le revenu du trafic des fourrures est difficile à évaluer, mais il est certain que l’association des Marin avec La Jonquière, Bigot et Legardeur fut profitable. Nul doute que les liens qui unissaient Joseph Marin à la famille de Vaudreuil facilitèrent son travail dans l’Ouest. On pourrait conclure avec Louise Phelps Kellogg que La Jonquière et les Marin établirent un réseau de traite des fourrures qui, fondé sur « le favoritisme, la corruption et les profits excessifs, précipita la chute de la Nouvelle-France ». Cependant, pareille généralisation ne rend pas justice au succès obtenu par les Marin dans les régions éloignées. Ils maintinrent la paix dans l’Ouest, explorèrent de nouveaux territoires et, par leur diplomatie, ils attachèrent les tribus si étroitement à la cause des Français que les Indiens des pays d’en haut participèrent en grand nombre aux campagnes contre les Britanniques. Marin affirma qu’il avait amené au moins 20 tribus à se joindre aux Français.

L’un des chefs militaires français les plus habiles, Marin commanda avec succès, en diverses occasions, des détachements de réguliers, de miliciens et d’Indiens. Il était, bien sûr, un officier des troupes de la Marine, type de militaire méprisé par les réguliers. Montcalm*, qui préféra toujours son armée régulière et qui détestait le gouverneur Vaudreuil avec lequel Marin était parent, fut bien obligé de lui attribuer le mérite de quelques victoires, même s’il le qualifia de « brave, mais sot ». André Doreil, qui partageait le mépris de Montcalm pour les troupes de la Marine, loua toujours Marin comme un officier dynamique et compétent.

Donald Chaput

[Joseph Marin de La Malgue], Journal de Marin, fils, 1793–1754, Antoine Champagne, édit., ANQ Rapport, 1960–1961, 235–308.

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Donald Chaput, « MARIN DE LA MALGUE, JOSEPH (Marin fils) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/marin_de_la_malgue_joseph_4F.html.

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Auteur de l'article:    Donald Chaput
Titre de l'article:    MARIN DE LA MALGUE, JOSEPH (Marin fils)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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