CÉLORON DE BLAINVILLE, PIERRE-JOSEPH, officier dans les troupes de la Marine, né le 29 décembre 1693 à Montréal, fils de Jean-Baptiste Céloron* de Blainville et d’Hélène Picoté de Belestre ; il épousa à Montréal Marie-Madeleine Blondeau le 30 décembre 1724 et, en secondes noces, Catherine Eury de La Pérelle le 13 octobre 1743 ; décédé à Montréal le 12 avril 1759.
Le grand-père de Pierre-Joseph Céloron de Blainville appartenait à la noblesse de robe et son père fut capitaine dans les troupes de la Marine. Pierre-Joseph entra aussi dans ce corps militaire en qualité de cadet à l’âge de 13 ans, en 1707. Il reçut une expectative d’enseigne en 1712 et, trois ans plus tard, il recevait le grade d’enseigne en pied. Il fut promu lieutenant en 1731, puis capitaine en 1738. Ce dernier grade lui fut accordé quelques mois après sa nomination au poste de commandant de Michillimakinac.
Lorsque Bienville [Le Moyne], gouverneur de la Louisiane, lança en 1739–1740 une vaste campagne contre les Chicachas, tribu amie des Anglais, Céloron commandait le détachement de l’Ouest formé de 200 Canadiens et de 300 Indiens qui descendit vers le sud pour participer à la lutte. C’est grâce à l’assaut vigoureux mené par ses hommes que les Français purent échapper à la défaite et obtenir une paix négociée. En guise de récompense, on lui décerna la croix de Saint-Louis en 1741. L’année suivante, il fut transféré de Michillimakinac à Détroit afin d’en assumer le commandement. Les chefs des Outaouais à Michillimakinac firent part de la haute estime dans laquelle ils tenaient Céloron et exprimèrent le souhait que son successeur fût un officier de même calibre. Les commerçants qui faisaient la traite des fourrures à Détroit ne partagèrent pas cet avis. Ils prétendirent qu’il entravait l’exercice de leur commerce. Le gouverneur Beauharnois et l’intendant Hocquart* ajoutèrent foi à leurs doléances et Céloron fut retiré de Détroit en 1744 et affecté au fort Niagara (près de Youngstown, N.Y.) en qualité de commandant. Encore là, il fut en butte aux récriminations des trafiquants, aussi le rappela-t-on à la fin de 1745.
Le gouverneur avait néanmoins confiance en sa compétence militaire et, au printemps de 1747, en pleine guerre, Céloron fut nommé commandant du fort Saint-Frédéric (Crown Point, N.Y.), qui était alors le bastion avancé des défenses de la colonie. Le printemps suivant il fallut dépêcher en toute hâte des renforts et des munitions pour mater un soulèvement des tribus de l’Ouest qui menaçaient de chasser les Français de leur région [V. Orontony] ; on confia le commandement de l’expédition à Céloron. Barrin de La Galissonière, successeur de Beauharnois, déclarera par la suite que les Indiens avaient été subjugués par l’attitude calme mais inflexible de Céloron.
La situation dans l’Ouest demeurait toutefois menaçante. Les trafiquants de la Pennsylvanie et de la Virginie avaient commencé à fonder des postes dans la vallée de l’Ohio et avaient conclu des alliances commerciales avec les tribus de la région. Les Indiens qui traitaient avec les Français étaient fortement tentés par les marchandises et l’eau-de-vie que les Anglais leur vendaient à bas prix. En outre, lors de la signature du traité d’Utrecht (1713), les Français avaient reconnu que les Iroquois étaient sujets anglais et maintenant les Anglais réclamaient le droit à la vallée de l’Ohio sous prétexte que cette région était territoire iroquois. Des spéculateurs fonciers de la Virginie et de la Pennsylvanie formaient des sociétés dans le but d’ouvrir la vallée de l’Ohio à la colonisation anglaise. Ces activités se révélaient une menace sérieuse, non seulement pour les communications entre le Canada et la Louisiane, mais pour la position elle-même des Français dans l’Ouest. Ceux-ci décidèrent donc d’envoyer une expédition à travers la vallée de l’Ohio pour revendiquer leurs droits sur la région, dresser une carte du parcours et chasser les trafiquants anglais. Céloron se vit confier le commandement de l’opération.
Il quitta Montréal le 15 juin 1749 avec un détachement de 213 hommes, composé de troupes de la Marine, de miliciens et de quelques Indiens. La route qu’ils empruntèrent les amena au lac Érié, en passant par Niagara ; ils suivirent la rive sud du lac jusqu’au portage Chatacouin (près de Westfield, N.Y.) puis ils prirent vers le sud jusqu’à la rivière Allegheny où Céloron enfouit la première d’une série de plaques de plomb gravées revendiquant le territoire comme propriété de la France et fixa à un arbre une autre plaque aux armes du roi. Plus bas sur l’Ohio, il fit la rencontre de petits groupes de commerçants anglais à qui il intima l’ordre de retourner d’où ils venaient. Il remit à un de ces groupes, à l’adresse du gouverneur de la Pennsylvanie, une lettre de protestation contre la violation du territoire français par des hommes qui relevaient de sa juridiction. Céloron fit la troublante découverte que les tribus des Tsonnontouans de la vallée de l’Ohio, des Chaouanons et des Miamis avaient épousé les intérêts des Anglais encore plus étroitement qu’on ne l’avait craint. Ses menaces ne firent pas plus d’effet que ses flatteries et certains Indiens manifestèrent ouvertement leur hostilité.
À la fin d’août, au moment où les approvisionnements commençaient à se faire rares, Céloron mit en terre la dernière de ses plaques de plomb à l’embouchure de la rivière à la Roche (rivière Great Miami, Ohio) et reprit la direction nord. Il atteignit le village du chef Miami Memeskia (La Demoiselle), le 13 septembre, et ce dernier lui fit comprendre sans ambiguïté que sa tribu ne romprait pas son alliance avec les Anglais. Après un court arrêt au fort des Miamis (vraisemblablement à Fort Wayne, Ind. ou tout près), poste avancé des Français au sud du lac Érié, Céloron et ses hommes reprirent le chemin du retour et ils atteignirent Montréal le 9 novembre. Il avait fallu 5 mois et 18 jours pour parcourir 3 000 milles à travers une région hostile et dont on ne possédait aucun relevé topographique. C’est un témoignage rendu aux dons de chef de Céloron que l’expédition n’ait entraîné la perte que d’un seul homme, lequel se noya lorsque son canot chavira dans des rapides. Le jésuite Joseph-Pierre de Bonnecamps*, aumônier et cartographe de l’expédition, loua hautement Céloron, disant de lui qu’il était « un homme fait pour commander ». Les renseignements alarmants qu’avait recueillis Céloron indiquaient clairement que les Français devraient agir avec détermination, sinon la vallée de l’Ohio était perdue pour eux, faute d’une action concertée. Il recommanda la construction d’une route militaire fortifiée qui relierait le lac Érié à la partie supérieure de l’Ohio, ajoutant que le coût en serait élevé.
Son rapport à peine soumis, Céloron fut envoyé de nouveau à Détroit en qualité de major du poste. En 1751, le gouverneur La Jonquière [Taffanel] lui donna l’ordre de rassembler une armée de Canadiens et d’Indiens alliés et d’aller anéantir les Miamis récalcitrants, mais Céloron s’y objecta, faisant valoir que dans l’éventualité d’un échec, la campagne aurait des conséquences désastreuses et, qu’en outre, il faudrait 1 800 hommes de troupe et de milice pour en assurer le succès. La Jonquière fut irrité de son refus d’obéir et fit tenir un rapport défavorable au ministre de la Marine. La conduite de Céloron en tant que commandant avait donné lieu à d’autres plaintes ; on lui reprochait son arrogance et son manque de jugement, même si par ailleurs il était incontestablement courageux et intelligent. Il avait apparemment plus d’aptitude pour l’action strictement militaire que pour l’administration civile. En 1753, après que Duquesne* eut été nommé gouverneur général, Céloron fut rappelé et on lui confia la fonction moins exigeante de major de Montréal. Duquesne déclara qu’il était « fort bon officier » mais qu’il était peu apte à s’occuper des « détails » de l’administration à Détroit.
On ne sait rien de la carrière ultérieure de Céloron. Il semble peu probable qu’il ait succombé à des blessures reçues au cours de la campagne de 1759, comme on l’a prétendu, puisque les opérations militaires de cette année-là ne débutèrent qu’en mai et que, de toute évidence, il mourut à Montréal le 12 avril. Il ne s’était pas enrichi au service du roi. Son fils, Pierre-Joseph, plusieurs fois blessé, rentra en France en 1760, avec le grade de capitaine, ne possédant rien de plus que sa demi-solde de 600#. Après sa mort, sa femme entra chez les sœurs grises et demeura au Canada, sacrifiant ainsi la pension de 300# que le roi lui avait octroyée.
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W. J. Eccles, « CÉLORON DE BLAINVILLE, PIERRE-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/celoron_de_blainville_pierre_joseph_3F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/celoron_de_blainville_pierre_joseph_3F.html |
Auteur de l'article: | W. J. Eccles |
Titre de l'article: | CÉLORON DE BLAINVILLE, PIERRE-JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |