ORONTONY (Orontondi, Rondœnie, Wanduny, Nicolas), chef huron qui aurait appartenu à une tribu du clan de la Tortue, circa 1739–1750.

Les Hurons ayant été chassés par les Iroquois de leurs villages de la péninsule ontarienne au milieu du xviie siècle, une partie des tribus huronnes et tionnontatées (qu’on désignera généralement par la suite sous le nom de Wyandots) allèrent se fixer dans la région de Détroit. Des dissensions entre ceux-ci et leurs voisins outaouais eurent pour résultat qu’Orontony et deux autres chefs hurons présentèrent en 1739 une pétition afin que les leurs puissent s’établir plus près du centre de la Nouvelle-France. L’année suivante, Orontony se rendit en personne auprès du gouverneur Charles de Beauharnois pour appuyer cette pétition. Les Hurons ne se sentaient pas en sécurité à Détroit et, par suite de l’inertie des autorités françaises, une partie de la tribu quitta Détroit pour s’établir dans le village d’Etionnontout (Ayonontout, Junundat), près de la baie de Sandoské (Sandusky), sur la rive sud-ouest du lac Érié, où ils tombèrent sous l’influence des traiteurs anglais et d’une population indienne mixte, en partie iroquoise, établie sur la rivière Cuyahoga (près de l’actuel Cleveland, Ohio).

Pour renforcer ces liens, trois « Janondides » (habitants de Junundat), sous la direction d’Orontony, firent leur apparition à Albany, New York, le 30 juillet 1743, apportant avec eux une ceinture de porcelaine (wampum) donnée aux Hurons 40 ans auparavant, à l’époque où Michipichy tentait d’attirer les traiteurs anglais dans la région de Détroit. Les privilèges de traite que sollicitèrent de nouveau les Hurons leur furent accordés sur-le-champ.

Les trafiquants, en particulier ceux de la Pennsylvanie, envahissaient la région au sud du lac Érié. Les manœuvres d’opposition des Français n’eurent qu’un succès limité, étant donné le prix toujours élevé de leurs articles de traite. Orontony et d’autres chefs se plaignirent aussi de ce que les Français « réussissaient toujours à convaincre leurs jeunes hommes [indiens] à aller guerroyer contre leurs ennemis, les utilisant comme s’ils étaient des leurs, c’est-à-dire comme des esclaves ». Le déclenchement de la guerre entre la France et l’Angleterre en 1744 donna lieu à des actes d’hostilité déclarés. Au printemps de 1747, cinq trafiquants français qui revenaient de Détroit furent tués près de Cuyahoga. Les hommes d’Orontony furent impliqués dans cette affaire et Paul-Joseph Le Moyne* de Longueuil, commandant à Détroit, estima, à la lumière de ces événements, que la position générale des Français dans cette région était mise en péril.

George Croghan, chef de poste anglais à Cuyahoga, fit appel à la Pennsylvanie en mai 1747 afin que la province soutînt dorénavant les tentatives des Indiens. En novembre, dix guerriers iroquois de l’Ohio, sans aucun doute encouragés par Croghan mais aussi à l’affût d’avantages personnels, arrivèrent à Philadelphie et firent part de leur désir de s’en prendre aux Français. La province approuva des gratifications de £150 pour les Indiens de l’Ohio et de £50 pour ceux de Cuyahoga.

En fait, les Iroquois n’avaient pas déclaré la guerre aux Français, mais à Détroit on était inquiet. Les Outaouais de la bande de Mikinak, les Potéouatamis et les Sauteux du voisinage du fort étaient du côté d’Orontony ; le commerce normal des Indiens et les relations diplomatiques avec les Français furent interrompus. Orontony continua de recevoir la visite des trafiquants anglais dans son village fortifié de Sandusky et, aux environs d’août 1747, il réussit à convaincre les Miamis de détruire un poste de traite français dans le pays miami. Il se rendit à Détroit, soi-disant pour faire la paix, mais pendant qu’il y séjournait, un parti d’Indiens tua trois Français près du fort puis se réfugia non loin de là, sur l’île aux Bois-Blancs.

À la fin de septembre 1747, des renforts français arrivèrent à Détroit et, le 7 avril 1748, Longueuil apprit qu’Orontony avait incendié son fort et son village et s’était enfui vers la vallée de l’Ohio avec 119 guerriers. Les Hurons furent aidés dans leur fuite par les Indiens de la région de l’Ohio, et environ 70 guerriers s’établirent avec leurs familles à Conchaké (Coshocton, Ohio). Les autres poussèrent plus à l’est et fondèrent un nouveau village à Kuskusky (près de New Castle, Penn.).

Johann Conrad Weiser, agent de la Pennsylvanie auprès des Indiens, arriva à Chiningué (Logstown, aujourd’hui Ambridge, Penn.), vers la fin d’août 1748, avec des présents dont la valeur atteignait les £700. Dans l’impressionnante assemblée d’Indiens qui accueillit Weiser, Orontony et quatre autres Hurons de Kuskusky ne passèrent pas inaperçus ; « ils se conduisirent comme des gens doués de bon sens et sincères ; la plupart étaient des hommes à cheveux gris ». Ils exhibèrent la ceinture (wampum) de paix qu’Orontony avait apportée à Albany cinq ans auparavant ; un porte-parole des Six-Nations, au nom des autres Indiens et de la Pennsylvanie, les reçut au feu du conseil comme des alliés.

Sans que ces négociateurs de traité le sachent, les hostilités avaient pris fin entre Anglais et Français ; Orontony était mort avant octobre 1750, victime, semble-t-il, d’une épidémie qui ravagea sa bande. Toutefois, les rivalités entre trafiquants continuèrent de plus belle. Un commerçant anglais qui visita Conchaké en décembre 1750 rapporte que le village comprenait 100 familles de Hurons et que le drapeau anglais flottait sur « la maison du Roi » et sur le magasin de Croghan.

Le 10 août 1751, le gouverneur de la Nouvelle-France, Taffanel de La Jonquière, mentionnait l’arrestation, au sud du lac Érié, de John Pattin et d’autres trafiquants anglais qu’il accusait de vouloir faire revivre les projets d’Orontony. Les Indiens dissidents et leurs associés, les trafiquants anglais, essuyèrent un deuxième coup du sort lorsque, le 21 juin 1752, un groupe de Miamis, qui avaient conclu la paix avec les Anglais et s’étaient fixés à Pickawillany (Piqua, Ohio), furent attaqués par Charles-Michel Mouet* de Langlade à la tête d’un groupe d’Indiens, alliés des Français, et furent mis en déroute, après avoir perdu leur chef.

À un moment donné, avant 1755, les membres de la tribu d’Orontony abandonnèrent leurs villages dans la vallée de l’Ohio et retournèrent, semble-t-il, à Etionnontout. En août 1755, une délégation huronne se rendit à Philadelphie pour répondre à l’invitation qui leur avait été faite. Cette mission coïncida de manière bien inopportune avec la défaite que Jean-Daniel Dumas* avait fait subir au major général Edward Braddock et dont les Indiens furent informés en cours de route. Ils trouvèrent le gouverneur (de la Pennsylvanie plein d’hospitalité mais impuissant sur le plan militaire. Lorsqu’ils prirent congé, les Hurons remercièrent les autorités de leur bienveillance, les assurèrent de leur amitié et ajoutèrent avec une pointe d’ironie : « Nous habitons de ce côté-ci du lac Érié, dans un endroit appelé Deonandady. S’il vous arrivait d’avoir le dessus sur les Français et que vous veniez dans nos régions, vous nous trouverez toujours vos amis et nous nous joindrons à vous. »

William A. Hunter

APC, RG 10, A3, 1820, 253–254.— Bibliothèque municipale de Montréal, Fonds Gagnon, père Potier, Vocabulaire huron-français, 195, 200, 212.— Moravian Church Archives (Bethlehem, Penn.), Conrad Weiser’s Reise Diarium 1748.— Christopher Gist’s journals [...], W. M. Darlington, édit. (Pittsburgh, Penn., 1893), 37–41.— Early western travels, R. G. Thwaites, édit. (32 vol., Cleveland, Ohio, 1904–1907), I : 29.— French regime in Wis., 1727–48 (Thwaites), 279–288.— French regime in Wis., 1743–60 (Thwaites), 74s.— Journal de Joseph-Gaspard Chaussegros de Léry, lieutenant des troupes, 1754–1755, RAPQ, 1927–1928, 404s., 425–428.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), VI, IX, X.— Minutes of the council of Pennsylvania, V. VI.— Pennsylvania archives, 1re sér., I, II.

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William A. Hunter, « ORONTONY (Orontondi, Rondœnie, Wanduny) (Nicolas) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/orontony_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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