KAYAHSOTAˀ (Gaiachoton, Geyesutha, Guyasuta, Kayashoton, Kiashuta, Kiyasuta, Quiasutha), chef tsonnontouan et diplomate, né vers 1725, probablement à la rivière Genesee, New York, mais sa famille déménagea dans la région de l’Ohio alors qu’il était jeune ; décédé probablement en 1794 à Cornplanter Grant (près de Corydon, Pennsylvanie). Son nom, écrit Kayahsota" selon les règles de l’orthographe phonémique de la langue actuelle des Tsonnontouans établies par Wallace L. Chafe, signifie « ce qui érige ou supporte la croix ».

Bien que depuis 1701 la confédération iroquoise fût engagée officiellement à garder la neutralité dans les guerres franco-britanniques, les Iroquois de la région de l’Ohio et les Tsonnontouans qui habitaient sur la Genesee poursuivaient en général une politique favorable aux Français. Ces derniers renforcèrent leurs positions dans la région au début des années 1750 en construisant une chaîne de forts à partir du lac Érié jusqu’à la bifurcation de l’Ohio [V. Paul Marin* de La Malgue]. Les Britanniques répliquèrent en 1753 en envoyant le jeune George Washington demander le retrait des Français de cette région que ces deux puissances revendiquaient. Des années plus tard, Washington rappelait la présence de Kayahsotaˀ dans son escorte indienne lors de ce voyage infructueux. En 1755, le major général Edward Braddock tenta de s’emparer du fort Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie), et Kayahsotaˀ faisait partie de la troupe, composée de Français et d’Indiens, qui lui fit face et qui, sous les ordres de Jean-Daniel Dumas, le mit en déroute. À l’automne, Kayahsotaˀ, à la tête d’une délégation de 20 Tsonnontouans, alla conférer avec le gouverneur Vaudreuil [Rigaud], à Montréal.

La fortune des armes tourna au désavantage des Français et de leurs alliés indigènes et, malgré l’aide de Kayahsotaˀ et d’autres Tsonnontouans de l’Ouest, le fort Duquesne tomba aux mains des Britanniques sous les ordres de John Forbes* en 1758. Les Français se retirèrent effectivement de l’Ouest en 1759, mais les hostilités n’étaient pas terminées. L’attitude mesquine adoptée par Amherst relativement aux présents à faire aux Indiens aggrava les difficultés entre la population aborigène et les Britanniques ; il en résulta l’insurrection généralement connue sous le nom de soulèvement de Pondiac*, bien qu’on l’ait aussi appelée la guerre de Kiyasuta et de Pondiac.

Les chefs politiques de ces sociétés égalitaires qu’on trouvait presque partout en Amérique du Nord antérieurement à sa conquête par les Blancs n’avaient pas l’autorité de forcer leurs mandants à agir et devaient plutôt compter sur la persuasion. Comme il n’avait pas le pouvoir de dicter la ligne de conduite de la collectivité et qu’il ne possédait que ses talents de diplomate pour former l’opinion publique, Kayahsotaˀ ne paraît pas mériter une part importante du blâme, ou de la louange, en ce qui regarde le conflit qui éclata soudainement sur la frontière ouest en 1763. La population indigène était à peu près unanime à croire qu’il était désirable d’attaquer les « habits rouges », ces soldats qui, il y avait si peu de temps, avaient remplacé les Français dans cette région, mais Kayahsotaˀ joua un grand rôle en donnant une orientation à l’amertume des siens et fut parmi les premiers à prôner l’usage de la force. Dès 1761, lui et son compatriote Tahahaiadoris faisaient circuler une grande ceinture de porcelaine rouge, connue sous le nom de la hache de guerre, parmi la population indigène rassemblée aux environs de Détroit. Selon l’adjoint de sir William Johnson, George Croghan, ils lui avouèrent privément que leur objectif était de déclencher un soulèvement général, de Détroit à la vallée de la Mohawk. Sir William lui-même vint à Détroit en septembre 1761 pour faire obstacle à leurs tentatives. Au cours de la conférence, Kayahsotaˀ nia les accusations portées contre lui mais fut contredit par un Wyandot, et le vacarme qui s’ensuivit ne fut calmé que grâce aux efforts de Johnson. Plus tard, un orateur outaouais, Mécatépilésis, désigna publiquement Kayahsotaˀ comme « le mauvais oiseau récemment [venu] parmi nous ». Johnson rencontra privément Kayahsotaˀ et tenta de la convaincre de l’erreur qu’il faisait en recourant à ces moyens, mais sa démarche diplomatique n’obtint qu’un bref répit. En juin 1763, la guerre se propagea sur toute la région frontalière. La plupart des Six-Nations, y compris les Tsonnontouans de l’Est, gardèrent la paix, mais les Tsonnontouans de l’Ouest prirent les armes contre les Britanniques. Kayahsotaˀ et quelques autres Tsonnontouans combattirent aux côtés des Loups (Delawares) au siège du fort Pitt (anciennement fort Duquesne) et contre le détachement de secours aux ordres du colonel Henry Bouquet. Le témoignage des indigènes laisse entendre aussi qu’il participa à la prise du poste britannique de Venango (Franklin, Pennsylvanie).

Quand les combats prirent fin, Kayahsotaˀ fut au nombre de ceux qui signèrent l’accord préliminaire de paix, le 12 août 1764, et il se vit confier la tâche de communiquer les conditions de la paix aux groupes qui étaient encore sur le sentier de la guerre. À la fin d’octobre 1764, il se rendit à Tuscarawas (près de Bolivar, Ohio) avec des délégués des Loups, des Chaouanons et des Tsonnontouans pour y rencontrer Bouquet. La préoccupation principale de Bouquet, à ce moment, était la libération des prisonniers blancs encore aux mains des Indiens. Il rapporta que les négociations avaient réussi, même s’il avait été nécessaire de dépêcher Kayahsotaˀ chez les Loups pour protester contre le meurtre d’un soldat britannique. Plus de 200 prisonniers blancs furent relâchés (bien que quelques-uns firent montre de tant de répugnance à rentrer dans la société des Blancs que Bouquet dut désigner des gardes pour les empêcher de retourner vers leurs ravisseurs indigènes). À la suite de la conférence, Bouquet envoya Kayahsotaˀ chercher les prisonniers blancs détenus par les Wyandots.

Au printemps de 1765, George Croghan rencontra les Indiens de l’Ouest au fort Pitt, et de nouveau le retour des prisonniers fut au centre des discussions. Kayahsotaˀ était présent et fut nommé délégué à une autre conférence, cette fois avec sir William Johnson à Johnson Hall (Johnstown, New York). Kayahsota" et d’autres Indiens de l’Ouest s’y réunirent du 4 au 13 juillet afin de négocier une paix définitive. Le dernier jour, Kayahsotaˀ dessina un loup, d’où le clan tire son nom, au bas du traité.

Pendant la décennie suivante, Kayahsotaˀ servit continuellement d’intermédiaire entre les autorités britanniques et les indigènes habitant la région de l’Ohio. Voyageant fréquemment entre Johnson Hall et l’Ohio, il portait les ceintures de porcelaine et les paroles de Johnson, au cours de tentatives pour maintenir la paix dans l’Ouest ou pour isoler diplomatiquement des groupes aussi peu coopératifs que les Chaouanons. Le surintendant des Affaires des Indiens du Nord le considérait comme un « chef très capable et d’une grande influence » et le trouvait « très utile dans de telles occasions ». Quand un groupe de Chaouanons firent leur apparition au fort Pitt au printemps de 1773, se plaignant des arpenteurs de la Virginie, ce fut Kayahsotaˀ qui les reçut et qui leur fit présent d’une ceinture de porcelaine. D’autre part, les Indiens de l’Ouest faisaient souvent parvenir leurs griefs à Johnson par son intermédiaire. Par exemple, les participants à une conférence de première importance tenue au fort Pitt en octobre 1773 envoyèrent Kayahsotaˀ porter leurs plaintes à Johnson Hall au sujet de l’absence de réglementation de la traite, et de celle des boissons alcooliques en particulier.

Kayahsota" ne fut jamais capable de mener à bien l’un des objectifs principaux de Johnson, qui était de retourner les Mingos, Iroquois ayant émigré dans la région de l’Ohio, à leurs anciennes demeures, dans ce qui est maintenant le nord de l’état de New York. Le surintendant craignait que ces guerriers, éloignés de l’influence modératrice du conseil d’Onondaga et même plus encore de Johnson Hall, et portant avec eux la réputation bien méritée dont jouissaient les Iroquois comme hommes de guerre, ne se joignissent peut-être à leurs voisins de langue algique contre les Britanniques. En 1765, Johnson avait une première fois demandé à Kayahsotaˀ de persuader les Mingos de retourner chez eux, et, en 1773, le chef tsonnontouan tentait encore en vain de réaliser cet objectif.

En plus de son activité diplomatique, Kayahsotaˀ trouva le temps de travailler pour divers Blancs dans la vallée de l’Ohio. Sa connaissance de la géographie et des habitants de la région lui permettait de servir de guide et d’intermédiaire aux voyageurs et aux trafiquants. Ses tâches l’amenèrent plusieurs fois au fort de Chartres (près de Prairie du Rocher), dans le pays des Illinois.

Quand éclata la Révolution américaine, Kayahsotaˀ était déjà étroitement lié, sur le plan du travail, avec Guy Johnson, successeur de sir William à titre de surintendant du département des Affaires des Indiens du Nord. Les rebelles, cependant, recherchèrent activement la faveur du chef. Kayahsotaˀ fut au nombre des meneurs indiens qui rencontrèrent les représentants du Congrès continental au fort Pitt en octobre 1775. Kayahsotaˀ fut d’accord pour que les Chaouanons rendissent les prisonniers et le butin dont ils s’étaient emparés dans leur guerre avec la Virginie, qui venait tout juste de se terminer, et il consentit à se rendre dans leurs villages pour s’assurer que la restitution serait faite. En retour, il demanda l’assurance que les limites fixées à la colonisation blanche par le traité du fort Stanwix (Rome, New York), signé en 1768, seraient respectées. Il fit aussi remarquer avec finesse que les disputes des représentants rebelles entre eux pourraient bien empêcher que s’enflamme un brillant feu de conseil, si nécessaire à une communication réelle entre Indiens et Blancs.

Les Six-Nations conservèrent une position de neutralité pendant les premières années de la Révolution américaine. Kayahsotaˀ voyagea librement entre le poste rebelle de fort Pitt et la place forte des Loyalistes à Niagara (près de Youngstown, New York). Aux commandants de l’un et l’autre poste, il affirma la détermination des Six-Nations de ne prendre part d’aucune façon à une quelconque guerre entre la Grande-Bretagne et les colonies. Au fort Pitt, le 6 juillet 1776, il fit valoir l’opposition des indigènes aux mouvements des troupes de l’un et l’autre belligérant à travers les terres des Indiens. Plus tard, il alla en ambassade chez les Mingos afin de les gagner à la position de neutralité adoptée par les autres tribus de l’Ouest. En reconnaissance de ses services, le Congrès continental lui décerna une commission de colonel et un hausse-col d’argent.

Mais, inévitablement, la population indigène devait, dans la querelle, prendre éventuellement le parti de la couronne. On avait trop de griefs au sujet des empiétements américains et, bien que la guerre interrompît le cours de la vie économique, un rôle actif dans le conflit promettait d’être largement récompensé sur le plan matériel. À partir de la décision des Six-Nations, à l’été de 1777, de sortir de la neutralité, Kayahsotaˀ commença à travailler activement à la cause royale, et à celle des Indiens. Plus tard cet été-là, il était du fort groupe d’Indiens qui accompagnaient Barrimore Matthew St Leger dans son attaque contre les rebelles du fort Stanwix. Le siège de ce fort situé à l’extrémité ouest de la vallée de la Mohawk en était à ses débuts quand on apprit de Mary Brant [Koñwatsiˀtsiaiéñni] que 800 miliciens étaient en marche pour attaquer les assiégeants. Les Indiens furent principalement dépêchés à leur rencontre et ils repoussèrent les rebelles à la sanglante bataille d’Oriskany, situé tout près. De nouveau, Kayahsotaˀ fut bientôt sur le terrain ; en décembre 1777, Simon Girty* rapporta que le chef tsonnontouan ou des membres de son parti avaient tué quatre personnes près de Ligonier, Pennsylvanie. En 1779, quand une armée rebelle commandée par Daniel Brodhead partit du fort Pitt et remonta la rivière Allegheny, brûlant les villages tsonnontouans, Kayahsotaˀ arriva au fort Niagara, demandant 100 soldats pour aider à repousser les envahisseurs. Le commandant britannique, lui-même aux abois, refusa, et l’expédition dévastatrice de Brodhead rencontra bien peu de résistance.

Kayahsotaˀ fut envoyé du fort Niagara, en 1780, pour remplir une tâche diplomatique familière. Désireux de conserver l’alliance des Indiens de l’Ouest, Guy Johnson le chargea de faire la tournée de la région de l’Ohio afin de convoquer une conférence à Détroit. La plupart des chefs de la région étaient absents, étant en guerre dans le Kentucky avec l’expédition de Henry Bird ; aussi les messages furent-ils laissés aux Wyandots pour qu’ils les livrent plus tard durant l’été. Il y a quelques indications à l’effet que Kayahsotaˀ commanda alors un parti de 30 Wyandots qui firent des razzias près du fort McIntosh (Rochester, Pennsylvanie) en juillet. Au printemps de 1781, Kayahsotaˀ était de nouveau sur les sentiers de la diplomatie, mais la maladie l’arrêta quelque temps à Cattaraugus (près de l’embouchure du ruisseau Cattaraugus, New York). Le chef, alors âgé, alla en guerre une fois encore, dirigeant le parti qui, le 13 juillet 1782, brûla Hannastown, Pennsylvanie, et qui alla ensuite attaquer Wheeling (Virginie occidentale).

Quoi qu’il en soit, la Révolution américaine était terminée, et les Tsonnontouans firent bientôt la paix avec les États-Unis. Il y a un rapport qui veut que la nouvelle république ait essayé d’utiliser Kayahsotaˀ comme pacificateur dans la région de l’Ohio, mais ce rôle fut en grande partie dévolu à Kaiũtwahˀkũ (Cornplanter), probablement un neveu de Kayahsotaˀ. Les Indiens de l’Ohio, toutefois, s’obstinèrent dans un affrontement majeur avec les Américains, que la diplomatie des Tsonnontouans fut impuissante à arrêter. Comme les événements allaient atteindre leur point culminant, Kayahsota" porta des messages tant personnels que publics au commandant américain, Anthony Wayne, à Pittsburgh, en 1792, et accompagna Cornplanter à une réunion avec Wayne en 1793. Wayne organisait et entraînait ses hommes de façon à pouvoir envahir la région de l’Ohio et dompter ses populations indigènes, et il allait y réussir à la bataille de Fallen Timbers (près de Waterville, Ohio) en août 1794.

Les efforts diplomatiques de Cornplanter lui valurent une terre en Pennsylvanie ; lui et ses fidèles tsonnontouans s’y rassemblèrent à la fin du siècle. Kayahsotaˀ y mourut et y fut enseveli, probablement en 1794.

Thomas S. Abler

BL, Add. mss 21767.— Wis., State Hist. Soc. (Madison), Draper mss, ser. F ; ser. S.— Anthony Wayne [...] the Wayne-Knox-Pickering-McHenry correspondence, R. C. Knopf, édit. (Pittsburgh, Pa., 1960).— Colonial records of Pa. (Hazard), IX : 23 août, 5 déc. 1764, 4 juin 1765.— [George Croghan], George Croghan’s journal, 1759–1763 [...], N. B. Wainwright, édit., Pennsylvania Magazine of History and Biography (Philadelphie), LXXI (1947) : 303–444.— Frontier defense on the upper Ohio, 1777–1778 [...], R. G. Thwaites et L. P. Kellogg, édit. (Madison, 1912 ; réimpr., Millwood, N.Y., 1973).— Frontier retreat on the upper Ohio, 1779–1781, L. P. Kellogg, édit. (Madison, 1917).— John Adlum on the Allegheny : memoirs for the year 1794, D. H. Kent et M. H. Deardorff, édit., Pennsylvania Magazine of History and Biography, LXXXIV (1960) :265–324, 435–480.— Johnson papers (Sullivan et al.), III : 488 ; IV : 607 ; V : 681 ; VIII : 615s., 641, 643, 679, 835, 1 012 ; X : 347 ; XII : 994, 1 016, 1 034s., 1 044–1 061, 1 090, 1 095–1 100, 1 115 ; XIII : 233, 293–255, 666s., 681s., 686.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), VII : 750–757 ; VIII : 315, 363s., 501, 503 ; X : 345–347.— The revolution on the upper Ohio, 1775–1777 [...], R. G. Thwaites et L. P. Kellogg, édit. (Madison, 1908 ; réimpr., Port Washington, N.Y., et Londres, 1970).— W. L. Chafe, Handbook of the Seneca language (Albany, N.Y., 1963).— R. C. Downes, Council fires on the upper Ohio : a narrative of Indian affairs in the upper Ohio valley until 1795 (Pittsburgh, 1940).— H. R. Schoolcraft, Information respecting the history, condition and prospects of the Indian tribes of the United States (6 vol., Philadelphie, 1851–1857), IV : 269–278.— N. B. Wainwright, George Croghan, wilderness diplomat (Chapel Hill, N.C., 1959).

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Thomas S. Abler, « KAYAHSOTAˀ (Gaiachoton, Geyesutha, Guyasuta, Kayashoton, Kiashuta, Quiasutha) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kayahsota_4F.html.

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Auteur de l'article:    Thomas S. Abler
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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