Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3022686
COOK, JAMES, officier de marine, hydrographe et explorateur, né le 27 octobre 1728 à Marton-in-Cleveland (Marton, North Yorkshire, Angleterre), fils de James Cook, ouvrier agricole écossais, et de Grace Pace de l’endroit, décédé le 14 février 1779 à la baie de Kealakekua, îles Sandwich (Hawaii).
James Cook passa la plus grande partie de son enfance à Great Ayton, non loin de son lieu de naissance, où son père s’était établi pour travailler comme maître valet de ferme. À l’âge de 17 ans, il trouva son premier emploi permanent dans un magasin du petit port de pêche de Staithes (Cleveland). En 1746, il signa un contrat d’apprentissage de trois ans avec John Walker, propriétaire de navires à Whitby ; il tira profit de cette période de formation, ardue mais inestimable, à la rude école des manœuvres le long de la côte est de l’Angleterre – littoral de hauts-fonds traîtres et mouvants, de bancs et de bas-fonds ignorés des cartes, et de ports difficiles d’accès – et fit quelques voyages dans la Baltique. Le 17 juin 1755, Cook refusa l’offre de prendre le commandement de l’un des navires de Walker pour s’engager dans la marine royale comme gabier breveté. Les volontaires de l’envergure de Cook étaient rares ; en l’espace de quelques semaines, il devint master’s mate sur l’Eagle (où il devait faire connaissance avec le capitaine Hugh Palliser). En juin 1757, il réussit ses examens de master (officier non breveté chargé de la navigation et des détails techniques du navire) et devint ainsi admissible au poste naval comportant le plus de responsabilités, celui d’officier chargé de la navigation et de la manœuvre d’un navire de la marine royale.
Cook passa la plus grande partie de la guerre de Sept Ans dans les eaux nord-américaines et participa à sa première campagne au large de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), où, en tant que master d’un bâtiment de 60 canons, le Pembroke, il assista à la reddition de la forteresse à l’armée d’Amherst en juillet 1758. Son affectation à cet endroit capital de la lutte franco-anglaise devait avoir des résultats considérables et imprévus pour lui. Cook avait probablement déjà commencé à s’intéresser à l’hydrographie – quel master, en effet, ne porterait pas un intérêt professionnel aux cartes – mais la vue de rivages inconnus, que les cartes existantes ne représentaient que très sommairement alors qu’ils étaient d’une importance vitale dans la stratégie et la diplomatie de la guerre, semble l’avoir stimulé beaucoup plus que s’il avait servi dans les eaux métropolitaines. Dès l’été de 1758, Cook fit sa première carte, celle de la baie et du port de Gaspé (Québec), suffisamment bonne et utile pour être publiée à Londres l’année suivante. L’hiver de 1758–1759 fut important pour Cook qui se trouvait alors sous le commandement général de Philip Durell*. Encouragé et par le capitaine du Pembroke, John Simcoe, et par une nouvelle connaissance, l’ingénieur militaire Samuel Jan Holland*, il poursuivit des études de navigation et d’hydrographie, matières où l’on enregistrait depuis peu des progrès techniques considérables, surtout dans la conception des instruments. Mis au courant de l’assaut imminent sur Québec, Cook et Holland passèrent, semble-t-il, bien du temps cet hiver-là à tracer une carte préliminaire du golfe et du fleuve Saint-Laurent aussi satisfaisante que possible d’après les cartes médiocres qui existaient de la région. L’arrivée spectaculaire de Wolfe* et de Saunders au large de Québec l’été suivant ne fut rendue possible que grâce au soin avec lequel les masters des navires britanniques, y compris Cook, sondèrent un chenal dans la navigation tortueuse du Saint-Laurent afin que la grande flotte des bâtiments de guerre et de transport pussent passer en sécurité. Cook n’était qu’un de ces hommes dévoués et de grande habileté que comptait la marine royale, mais on a la preuve qu’il eut une part très active dans l’élaboration de la « New Chart of the River St. Lawrence » qui fut publiée à Londres en 1760. Cette carte très complexe était dotée de nombreux cartons et de profils côtiers ; elle devint tout de suite la carte courante de cette voie d’eau difficile. Les souvenirs ultérieurs de Holland de même qu’une comparaison entre la carte publiée et les ébauches manuscrites laissent penser que Cook joua un rôle prépondérant quoique la preuve intrinsèque n’en soit en aucune façon concluante, vu la difficulté qu’il y a à dater les variantes. Cook commençait à attirer l’attention et les £50 (les deux tiers de son salaire annuel normal) qu’on lui décerna en janvier 1761 « en récompense de son inlassable zèle à se rendre maître du pilotage du fleuve Saint-Laurent, etc. » en sont une indication supplémentaire. Il était en train de devenir hydrographe par la force des choses ; sa présence dans l’escadre de lord Colvill* au large de Terre-Neuve après l’attaque française de St John’s en 1762 [V. Charles-Henri-Louis d’Arsac de Ternay] lui donna l’occasion de dresser la carte d’une partie de la côte orientale de l’île, y compris le port de St John’s, la rade de Placentia, la baie de Bulls, Harbour Grace et la baie de Carbonear.
La guerre tirant à sa fin, Cook retourna en Angleterre et fut licencié en novembre 1762, quittant ainsi le Northumberland sur lequel il avait été master depuis septembre 1759. Le 21 décembre 1762, il épousa Elizabeth Batts, de Barking (Londres) ; néanmoins, Cook ne put jouir longtemps de sa vie domestique car, en avril 1763, l’Amirauté, le trouvant « une personne très habile à lever des plans », le chargea de dresser la carte des côtes de Terre-Neuve. Malgré l’importance de l’île pour la pêche de la morue dans l’Atlantique Nord, et indirectement pour la puissance maritime de la Grande-Bretagne, il n’existait pas de cartes détaillées et sûres de son littoral ; Cook allait remédier à cette faiblesse au cours de cinq saisons de levés établis avec soin et au prix de grands efforts. Il devait sa nomination, du moins en partie, à l’impression favorable que ses méthodes d’hydrographie avaient fait l’année précédente sur le capitaine Thomas Graves*, gouverneur de Terre-Neuve ; en mai 1763, les deux hommes firent voile ensemble vers Terre-Neuve. Au cours de sa première saison de travail, Cook fit le levé des îles Saint-Pierre et Miquelon avant leur rétrocession aux Français aux termes du traité de Paris de février 1763, puis continua à dresser la carte de certains endroits de la côte à l’entour de la pointe septentrionale de l’île, y compris les ports de Croque, de la baie de Noddy et de Quirpon, qui faisaient partie de la côte française, le long de laquelle la France conservait des droits de pêche selon les termes du traité de paix. Les deux séries de levés avaient un net rapport avec les conditions du traité et permettent de se souvenir des implications politiques et commerciales des travaux de Cook à Terre-Neuve.
Le mode de vie de Cook pendant les quatre années suivantes était tout tracé quand il revint passer l’hiver de 1763–1764 à Londres. C*est alors qu’il acheta une maison à East London. où naquirent ses six enfants. Lorsqu’il fit à nouveau voile vers l’Amérique du Nord au printemps de 1764, ce fut comme capitaine de son propre bateau, un petit schooner de 68 tonneaux, le Grenville. L’utilisant comme base, il se fraya sans relâche un chemin le long des côtes accidentées de Terre-Neuve, dressant le levé de la partie nord-ouest en 1764, de la côte méridionale entre la presqu’île de Burin et le cap Ray en 1765 et en 1766, et, en 1767, de la côte occidentale en rejoignant au nord la pointe extrême méridionale de son levé de 1763. Quoique sans prétention, Cook était déjà très conscient de la valeur de ses travaux, et peut-être de leurs perspectives commerciales car, avec la bénédiction de l’Amirauté, il fit coup sur coup publier ses levés : deux cartes en 1766, une autre en 1767 et une dernière en 1768. Ces cartes, qui constituaient un nouveau modèle de levés hydrographiques britanniques, alliaient des levés trigonométriques établis à partir des terres et des travaux exécutés du côté de la mer à l’aide d’une petite embarcation ; en outre, elles étaient tracées avec un souci scrupuleux du détail et une multitude de sondages, de profils côtiers et de notes de navigation. Elles furent réimprimées maintes fois et incorporées au célèbre North American pilot [...] de 1775 et, pendant près d’un siècle, les marins se fièrent essentiellement à ces levés pour connaître les côtes dangereuses de Terre-Neuve. Cook n’oubliait pas les raisons politiques qui avaient présidé à l’orientation de ses travaux. Ces cartes contenaient une quantité de renseignements sur les pêcheries existantes, de même que des suggestions pour en établir de nouvelles puisque Cook avait indiqué soigneusement les emplacements favorables de ports et d’échafauds. Il repéra même un banc de poissons au large de la côte méridionale, qu’ignoraient les flottilles de pêche. Dans l’ensemble, non seulement ses levés aidèrent à concrétiser la souveraineté juridique de la Grande-Bretagne sur l’Amérique du Nord, qu’elle avait acquise aux négociations de paix, mais encore favorisèrent l’expansion de la pêche dans des mers jusque-là inconnues. Pendant toutes ces années, Cook fit preuve d’une indépendance et d’un sens de l’autorité de plus en plus marqués. Les requêtes concernant des renforts d’hommes et de matériel, les améliorations qu’il apporta aux techniques courantes et souvent pénibles des travaux d’hydrographie ainsi que la transformation du schooner Grenville en un brick, toutes ces initiatives révèlent le perfectionniste. Il y avait chez lui cet enthousiasme constant pour s’améliorer, pour tenter de nouvelles expériences intellectuelles : à preuve la façon dont il s’y prit pour diriger avec succès l’opération délicate (qui n’était pas strictement de son ressort) consistant à effectuer des observations de l’éclipse de soleil en juillet 1766, apparemment à partir de l’île Éclipse au large de la côte méridionale. On présenta ses calculs, qui parurent dans les Philosophical Transactions de la Royal Society de Londres en 1768, comme étant de « M. Cook, bon mathématicien et très expert en son domaine ». Les cinq saisons que Cook passa à Terre-Neuve fournirent les premières cartes à grande échelle et exactes des côtes de l’île ; elles lui permirent également de posséder à fond la technique de l’hydrographie, acquise dans des conditions souvent défavorables, et qui le fit remarquer de l’Amirauté à un moment décisif aussi bien de sa carrière personnelle que de l’orientation des découvertes britanniques outre-mer.
Lorsque Cook revint en Angleterre pour l’hiver de 1767–1768, ses travaux à Terre-Neuve étaient loin d’être achevés ; cependant, il ne devait jamais retourner sur la côte atlantique de l’Amérique du Nord. En revanche, il reçut en avril 1768 le commandement d’un ancien charbonnier de Whitby rebaptisé l’Endeavour ; nouvellement nommé lieutenant, il partit pour les mers du Sud en août. Ce voyage terminé en 1771 de même que sa seconde circumnavigation pendant la période 1772–1775 bouleversèrent ce que l’Europe connaissait du Pacifique Sud en apportant sûreté et précision à des informations qui, avant 1775, étaient fragmentaires et confuses. Lors du premier voyage, la Nouvelle-Zélande, la côte orientale de l’Australie et le détroit de Torres surgirent des brumes, des rumeurs et des mythes ; au cours du second, Cook navigua plus au sud qu’aucun autre explorateur précédent, anéantissant ainsi l’idée que se faisaient les géographes en vase clos d’un continent austral vaste et fertile. Il réussit à ce qu’il n’y eût pas une seule perte de vie due au scorbut ; cet exploit était tellement remarquable qu’il aurait surpassé les résultats géographiques du voyage si ceux-ci avaient été moins importants. À son retour, il fut promu capitaine de vaisseau mais sa renommée s’était répandue bien au delà des milieux navals : il était, selon la description que le comte de Sandwich, premier lord de l’Amirauté, en donna à la chambre des Lords en novembre 1775, « le premier navigateur d’Europe ». En mars 1776, il fut reçu fellow de la Royal Society et, en même temps, se vit décerner la médaille d’or Copley de cette société pour sa communication sur le scorbut.
En dehors de ses voyages d’exploration, Cook n’allait pas avoir beaucoup de répit. En effet, nommé capitaine, en août 1775, à un poste de retraite à l’hôpital de Greenwich, il n’y resta que jusqu’en avril 1776, date à laquelle il décida d’accepter un défi que n’avaient pu relever les navigateurs les plus remarquables de l’Europe pendant près de trois siècles, la recherche d’un passage du Nord-Ouest. Cook fut tenté d’entreprendre une expédition de ce genre à cause de récentes découvertes qui avaient ravivé l’optimisme quant à la possibilité de découvrir un passage navigable et de réclamer la récompense de £20 000 offerte par un acte du parlement en 1775. Le voyage épique qu’avait fait Samuel Hearne par voie de terre jusqu’à l’embouchure de la rivière Coppermine (Territoires du Nord-Ouest) en 1771 avait, pour le moment, discrédité les narrations apocryphes de Juan de Fuca*, de Bartholomew de Fonte* et d’autres qui étaient censés être passés par des détroits en se dirigeant vers l’est, de la côte du Pacifique à la baie d’Hudson ; Hearne n’avait traversé ni détroit ni rivière navigable. Cependant, le fait qu’il avait aperçu le littoral de l’Arctique indiquait qu’il était possible de trouver une voie maritime qui contournait le continent nord-américain plutôt que de le traverser. De plus, en 1774, alors que l’Amirauté recevait des nouvelles des explorations de Hearne, une carte russe qui venait de paraître à Londres représentait une voie plus libre, du Pacifique à la mer polaire, plus à l’est que celle du détroit peu connu de Vitus Jonassen Béring. Cette carte, présumément fondée sur les récits de trafiquants de fourrures russes qui côtoyaient les îles Aléoutiennes en direction du continent américain, présentait l’Alaska comme une île, longée par un large détroit du côté du continent américain, que les navires pourraient emprunter pour aller vers le nord. On dirigea donc la recherche d’un passage plus au nord, et pendant que Cook cherchait l’entrée sur le Pacifique, des expéditions sous le commandement de Richard Pickersgill en 1776 et de Walter Young en 1777 furent envoyées à la baie de Baffin à la recherche de l’entrée sur l’Atlantique. D’après les ordres reçus, Cook devait faire voile jusqu’au 65° de latitude nord pour entreprendre la recherche du passage, « prenant soin de ne pas perdre de temps à explorer rivières ou inlets, ou pour toute autre raison, jusqu’à ce qu’il atteigne la latitude mentionnée auparavant ». Ces ordres expliquent la hâte inhabituelle avec laquelle Cook cinglera, au cours de l’été de 1778, le long de la côte de ce qui est maintenant la Colombie-Britannique.
Cook quitta l’Angleterre avec le Resolution et le Discovery en juillet 1776, franchit le cap de Bonne-Espérance, traversa le Pacifique en passant par la Nouvelle-Zélande, Tahiti et les îles Sandwich et ainsi de suite jusqu’à la côte nord-ouest de l’Amérique. Le 7 mars 1778, la côte de ce qui est maintenant l’Oregon fut reconnue au 44° 33’ de latitude nord mais la brume et les orages ne permirent que des aperçus, brefs mais séduisants, de la côte. La principale préoccupation de Cook était de découvrir un havre où il pourrait s’approvisionner de bois et d’eau et radouber ses navires. Il avait espéré découvrir un endroit de ce genre dans une ouverture qui apparaissait sur le flanc éloigné d’un promontoire par 48° 15’ de latitude nord mais, quand les bateaux s’en approchèrent, il jugea que l’ouverture était trop petite pour fournir un refuge et rebaptisa cette pointe cap Flattery (Washington) ; il ajouta dans son journal de bord : « C’est à la latitude même où nous étions alors que les géographes ont placé le prétendu Détroit de Juan de Fuca, mais nous n’avons rien vu qui lui ressemble et il n’y a pas la moindre probabilité que jamais pareille chose existât. » Cook était rarement catégorique dans ses affirmations sans avoir de bonnes raisons et cependant, dans ce cas, il ne s’était pas suffisamment approché de la côte pour justifier cette déclaration car le cap Flattery constitue la pointe méridionale de l’entrée du détroit auquel on a donné maintenant le nom de Juan de Fuca. Pendant la nuit, Cook quitta le détroit avec l’intention de se rapprocher de la terre à l’aube mais des vents violents l’en empêchèrent pendant près d’une semaine. Quand les navires revirent la terre le 29 mars, ils se trouvaient au large des côtes océaniques couvertes d’épaisses forêts de l’île de Vancouver (Colombie-Britannique), que Cook prit pour la terre ferme. Les bateaux y mouillèrent à l’anse de Ship (Resolution), dans la baie de King George (baie de Nootka), où ils allaient rester près d’un mois. Les équipages virent beaucoup d’Indiens (Nootkas) de l’endroit qu’ils ne trouvèrent pas d’un physique attrayant étant donné leurs visages et leurs corps abondamment décorés et enduits de graisse et de saletés ; toutefois, ils savaient manœuvrer leurs lourdes pirogues creusées dans des troncs d’arbres et construire de longues maisons en bois sculpté de totems contournés. Ils obtinrent des Nootkas de grandes quantités de fourrures, surtout des peaux épaisses et lustrées de loutre marine. L’habileté des Nootkas à commercer et le fait qu’ils possédaient deux cuillers en argent et quelques outils en fer portèrent Cook et ses officiers, dont Charles Clerke, à en déduire que ces Indiens avaient déjà été en contact, direct ou indirect, avec des Européens : peut-être bien des Espagnols venus du sud, des Russes du nord ou même des trafiquants rattachés à une compagnie de Montréal, ou des hommes de la Hudson’s Bay Company venus de l’est. La première de ces possibilités était la plus probable car les Espagnols avaient fait voile le long de cette côte lors de tentatives de reconnaissance en 1774 et en 1775, et l’une de ces expéditions, commandée par Juan Josef Pérez Hernández, avait mouillé au large de la baie de Nootka. Des nouvelles de ces entreprises étaient parvenues en Angleterre deux mois avant le départ de Cook mais sous forme abrégée et trompeuse. Comme d’ailleurs furent tout aussi fallacieuses certaines des rumeurs sur l’expédition de Cook, qui parvinrent à Madrid en 1776. Les autorités espagnoles s’en alarmèrent parce qu’elles craignaient l’implantation britannique le long de la côte américaine du Pacifique que l’Espagne avait revendiquée dès 1493. Madrid donna ordre au vice-roi de la Nouvelle-Espagne (Mexique), Antonio Maria Bucareli y Ursúa, de faire obstacle à Cook s’il atteignait la Californie ; le vice-roi protesta en vain que ces ordres n’étaient pas réalisables et il réussit à retarder jusqu’en 1779 l’envoi de navires espagnols à la recherche de Cook.
Le 26 avril 1778, les vaisseaux de Cook quittèrent la baie de Nootka et se dirigèrent vers le nord. Le mauvais temps les contraignit à demeurer au large ; ils n’aperçurent à nouveau la terre que lorsqu’ils eurent dépassé de beaucoup la frontière du Canada actuel et furent dans les eaux de l’Alaska. Cook continua de longer le littoral qui devenait plus rude et plus désert, puis il se mit à obliquer inexorablement vers l’ouest, s’éloignant ainsi de la région où Hearne, plus de 1 000 milles au nord-est, avait aperçu les rives de la mer polaire. Finalement, les bateaux doublèrent la grande langue de la péninsule de l’Alaska, franchirent le détroit que Béring avait atteint en 1728, mettant le cap au nord-est et essayant ainsi désespérément de côtoyer le littoral septentrional du continent américain. La sinistre réalité de la navigation polaire se manifesta bientôt quand l’expédition rencontra une muraille de glace qui bloquait la route de l’est et qui, en dérivant vers la côte, mettait les bateaux en danger. Ceux-ci battirent en retraite par le détroit de Béring et partirent passer l’hiver dans les îles Sandwich où Cook trouva la mort à la baie de Kealakekua le 14 février 1779 dans un incident où il fit preuve d’un peu moins de discernement peut-être que de coutume.
Cook s’était vu confier une tâche impossible dans l’Arctique par des géographes qui, se fondant sur des conjectures, traçaient des cartes absurdes, et par des pseudo-scientifiques qui soutenaient que la glace ne constituerait pas un obstacle dangereux à la navigation d’été dans la mer polaire ; l’on comprend que, dans ces circonstances, il ne témoigna pas toujours de son savoir-faire et de son détachement professionnels ordinaires. Malgré tout, analysés de quelque façon que ce soit, les résultats de cette unique saison d’exploration furent extraordinaires. Cook avait fait les levés hydrographiques du littoral, du mont Saint-Élie (à la frontière entre l’Alaska et le Canada) jusqu’au détroit de Béring et au delà. Au sud du mont Saint-Élie, il avait fait escale, de même que les explorateurs espagnols de 1774 et de 1775, le long d’une côte que les Européens n’avaient pas visitée auparavant. Les cartes que rapportèrent ses officiers et qui furent publiées avec le récit officiel du voyage en 1784, indiquent l’immensité de son exploit. Selon la page de titre de ce récit, le voyage avait pour but « de faire des découvertes dans l’hémisphère nord, afin de déterminer la position et l’étendue du côté occidental de l’Amérique du Nord ; sa distance de l’Asie ; et la viabilité d’un passage septentrional vers l’Europe ». Dans ses grandes lignes au moins, l’on connaissait enfin la forme et la position de la côte nord-ouest de l’Amérique. Ni les Russes ni les Espagnols ne pouvaient rivaliser avec ce progrès de la science : ils n’avaient pas sur cette côte de marins dont l’expérience et la résolution s’approchaient de celles de Cook ; quant à leurs levés, ils paraissaient parfois sous forme tronquée, ou bien ne paraissaient pas du tout. Il est vrai que Cook n’était pas le premier explorateur à faire de nombreuses escales le long de la côte nord-ouest. Néanmoins, lui et ses officiers furent les premiers à révéler au monde, au moyen de récits, de cartes et de dessins, où ils avaient été et ce qu’ils avaient vu [V. James King ; John Webber]. Cependant, ces explorations de Cook n’étaient pas probantes comme celles qu’il avait faites dans le Pacifique Sud, car ni lui ni ses prédécesseurs espagnols et russes n’avaient découvert si les côtes qu’ils avaient longées appartenaient à des îles ou à la terre ferme. L’intérieur, parfois même à peu de distance du bord de l’eau, était encore inconnu, comme l’étaient d’ailleurs ses habitants. À cette époque, les explorations du littoral ne donnaient que peu de renseignements susceptibles d’élucider la question de savoir jusqu’où les montagnes Rocheuses s’étendaient au nord, ce qui était la principale préoccupation des géographes. Or, pour la première fois, le grand public et les commerçants, en Europe et aux États-Unis, furent attirés par la côte nord-ouest dont les paysages grandioses et les habitants devinrent familiers aux lecteurs des comptes rendus du dernier voyage de Cook. Qui plus est, ces relations où l’on contait que les Nootkas échangeaient pour une poignée de verroterie des peaux de loutre marine valant une centaine de dollars pièce sur le marché chinois attirèrent l’attention sur le potentiel commercial de cette région éloignée. La recherche du castor avait attiré des individus de la côte est du continent presque jusqu’aux Rocheuses ; l’on se précipitait maintenant pour équiper des expéditions maritimes en direction de la côte nord-ouest [V. James Hanna ; John Kendrick]. Parmi les hommes remarquables qui commandaient ces expéditions de commerce, plusieurs avaient été des membres d’équipage de Cook, parmi lesquels George Dixon et Nathaniel Portlock* ; leurs voyages prouvèrent que Cook avait sous-estimé la ténacité de ses compatriotes lorsqu’il considérait, en juin 1778, qu’ « un trafic de fourrures très profitable pourrait s’exercer avec les habitants de cette vaste côte mais, à moins de trouver un passage au nord, il semble très peu probable que la Grande-Bretagne en retire quelque avantage ». Les entreprises commerciales des années 1780 devaient révéler que Cook s’était trompé en 1778 en supposant qu’il côtoyait la terre ferme sans interruption entre le cap Flattery et l’Alaska. Il convenait particulièrement bien cependant que l’Anglais qui fit l’étude hydrographique définitive au xviiie siècle de la côte ouest du Canada fût Vancouver qui avait navigué avec Cook lors de ses deuxième et troisième voyages ; il estimait que son travail de détail complétait les grandes lignes tracées par son ancien capitaine. À nouveau, le commerce avait succédé à l’exploration, et la concurrence internationale était allée de pair. En effet, le dernier voyage de Cook fut le prélude, en fait l’incitation, à une longue période d’intense rivalité internationale sur la côte nord-ouest ; ce fut à cause de cet antagonisme que la Grande-Bretagne et l’Espagne en vinrent à s’affronter dans un conflit, en 1790, qui mena presque à la guerre [V. Esteban José Martinez]. Leurs positions respectives furent toutefois submergées par la marée montante des opérations américaines. La progression de cette rivalité, la crise de la baie de Nootka, l’arrivée sur la côte des explorateurs, des trafiquants et des colons venus de l’est et, enfin, la question de l’Oregon et le traité de juin 1846, tous ces événements jouèrent leur rôle dans le façonnement du Canada actuel.
Les biographies de James Cook foisonnent mais l’ouvrage définitif de J. C. Beaglehole, The Life of Captain James Cook (Londres, 1974), les éclipse toutes. Un complément essentiel à ce monumental travail d’érudition est l’édition des journaux de bord du Pacifique de Cook par la Hakluyt Society : Journals of Captain James Cook édités par J. C. Beaglehole en 4 volumes. Le volume III : The voyage of the « Resolution » and « Discovery », 1776–1780 s’est avéré le plus pertinent pour cette étude biographique. Il comporte non seulement le texte intégral des journaux manuscrits de Cook (BL, Egerton mss 2 177A ; 2 177B), mais aussi de longs extraits des journaux de bord des différents membres de ses équipages. Pour connaître les opinions de Cook, mieux vaut consulter cette édition moderne que le compte rendu officiel contemporain de James Cook et James King : A voyage to the Pacific Ocean [...] (3 vol. et atlas, Londres, 1784) car, si les deux premiers volumes étaient signés par Cook, de style ils étaient du docteur John Douglas qui écrivait, à l’époque : « Le public ne sut jamais combien il m’était redevable dans cet ouvrage » (BL, Egerton
Glyndwr Williams, « COOK, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cook_james_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cook_james_4F.html |
Auteur de l'article: | Glyndwr Williams |
Titre de l'article: | COOK, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |