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VANCOUVER, GEORGE, officier de marine et explorateur, né le 22 juin 1757 à King’s Lynn, Angleterre, sixième et dernier enfant de John Jasper Vancouver, percepteur adjoint des douanés à King’s Lynn et descendant d’une famille titrée parmi les plus anciennes de Hollande, les Van Coeverden, et de Bridget Berners, fille d’une vieille famille de l’Essex et du Norfolk qui descendait de sir Richard Grenville, le commandant fameux de la ballade de Tennyson, The Revenge, décédé le 12 mai 1798 à Petersham (dans la banlieue de Londres).
George Vancouver entra dans la marine royale en 1771. Quelqu’un d’influent, sans aucun doute, attira sur lui l’attention de Cook, qui préparait alors le deuxième de ses trois grands voyages de découverte, car, en janvier 1772, Cook affecta Vancouver à son propre navire, le Resolution. Bien qu’il eût le rang nominal de gabier breveté, Vancouver était en fait apprenti midship. Un astronome connu, William Wales, était à bord comme surnuméraire, et Vancouver eut la chance de profiter de ses enseignements. Le voyage, consacré à la recherche du légendaire continent austral, dura trois ans ; on atteignit le 71° 10, de latitude sud.
En février 1776, Cook nomma Vancouver midship et l’affecta au Discovery, qui devait accompagner le Resolution au cours du troisième voyage de l’explorateur, à la recherche d’une sortie du fabuleux passage du Nord-Ouest sur le Pacifique. Les navires arrivèrent au large de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord en mars 1778. Parmi les compagnons de Vancouver, sur le Discovery, il y avait Joseph Billings*, George Dixon et Nathaniel Portlock*, qui devaient tous trois, par la suite, commander des navires de traite et visiter cette côte. Le 29 mars, Cook arriva à la baie de King George (baie de Nootka, Colombie-Britannique) et s’y arrêta pour réparer ses avaries ; Vancouver et ses compagnons du Discovery furent les premiers Européens connus à mettre le pied sur le rivage de ce qui est maintenant la Colombie-Britannique [V. Juan Josef Pérez Hernández]. Après avoir exploré la côte bien avant vers le nord, Cook fit voile vers les îles Sandwich (Hawaii) où il périt dans un affrontement avec les indigènes, le 14 février 1779. Vancouver avait de justesse échappé à pareil sort le jour précédent. L’expédition rentra en Angleterre en octobre 1780 ; le 19 du même mois, Vancouver passa l’examen de lieutenant. Ses huit années au service de Cook lui avaient donné une occasion incomparable de s’initier au métier de la mer et à l’observation hydrographique avec le plus grand navigateur de son temps.
La carrière de Vancouver se divise en trois périodes bien nettes : d’abord, ses années avec Cook ; puis neuf années sur des navires de combat ; enfin, son voyage de découverte. La seconde période, il la passa presque entièrement dans la mer des Caraïbes. Le 9 décembre 1780, il fut affecté au sloop Martin, qui partit pour les Antilles au début de 1782. En mai, il fut transféré sur le Fame, un navire beaucoup plus grand (74 canons). Il resta à son bord jusqu’à la proclamation de la paix et au retour du navire en Angleterre, en juillet 1783. La fin des hostilités amena le désarmement de beaucoup de navires, et Vancouver se retrouva à la demi-solde pendant les 15 mois suivants. En novembre 1784, il fut nommé sur l’Europa (50 canons), vaisseau de l’amiral Alexander Innes, le nouveau commandant en chef de la station de la Jamaïque. Le taux des décès dans les Antilles était effroyable, par suite de la fièvre jaune et d’autres maladies, mais les vides causés par la mort favorisaient souvent les promotions. Tôt au début de 1787 l’amiral Innes mourut ; lui succéda le commodore Alan Gardner, un officier énergique et ami du progrès, destiné à prendre rapidement du galon et à devenir membre du Board of Admiralty au début des années 1790. Il se lia d’amitié avec Vancouver et fut un protecteur influent ; les décès lui permirent de le promouvoir au poste de lieutenant en second de l’Europa en novembre 1787, et de lieutenant en premier (commandant en second) deux mois plus tard. En 1789, après cinq années passées en mer, l’Europa mit le cap sur l’Angleterre, où Vancouver fut licencié à la mi-septembre.
À cette époque, l’intérêt pour le Pacifique croissait tout à coup. La pêche à la baleine dans le Pacifique Sud retenait l’attention, et un établissement venait tout juste d’être créé dans la Nouvelle-Hollande (Australie). Mais c’est la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord qui occupait davantage la Grande-Bretagne. Les peaux de loutre marine recueillies occasionnellement par les équipages de Cook avaient été vendues à haut prix en Chine et, quand cela fut connu, des navires de traite commencèrent à courir la côte [V. James Hanna ; John Kendrick]. La Grande-Bretagne s’intéressait aux possibilités commerciales que pouvait offrir le trafic des fourrures ; par ailleurs, elle n’était pas disposée à accepter la thèse de l’Espagne, qui proclamait ses titres exclusifs sur l’ensemble de la côte, depuis San Francisco jusqu’au détroit du Prince–Guillaume (Alaska). En outre, l’Amirauté désirait vivement être fixée, une fois pour toutes, sur l’existence – ou l’absence – d’un passage entre l’Atlantique et le Pacifique. Cook avait démontré qu’il n’y en avait aucun qui eût une valeur commerciale au nord du 55° de latitude nord. Restait, toutefois, la possibilité que l’Alaska fût une île immense, grâce à un passage dont l’entrée se trouverait plus au sud.
À l’automne de 1789, on décida d’envoyer une expédition pour vider la question. Un navire de 340 tonneaux, propre à cette destination, fut acheté, nommé Discovery et armé le 1er janvier 1790. On en donna le commandement au capitaine Henry Roberts qui, à l’instar de Vancouver, avait navigué avec Cook lors de ses deux derniers voyages. Grâce à l’influence de Gardner, Vancouver fut nommé commandant en second.
La mise en place du gréement du Discovery était bien avancée quand parvinrent à Londres des renseignements relatifs à la fameuse affaire de la baie de Nootka. On dénonça comme une insulte à la nation la saisie de plusieurs navires britanniques qu’y avait faite en temps de paix le commandant espagnol Esteban José Martínez, de même que l’on refusa catégoriquement de reconnaître le droit, revendiqué par l’Espagne, d’empêcher les trafiquants étrangers d’entrer dans cette région. Une puissante escadre fut mobilisée et la Grande-Bretagne se prépara énergiquement à la guerre. L’Espagne, qui n’était pas en mesure de livrer bataille, dut accepter les termes de la convention de la baie de Nootka, signée à Madrid le 28 octobre 1790 : elle s’engageait à restituer aux sujets britanniques les biens saisis, et, clause plus importante, à abandonner toute prétention à la propriété comme à l’occupation exclusives de la côte.
La mobilisation avait arrêté les préparatifs du Discovery. En mai, ses officiers et son équipage avaient été affectés à des navires de combat. Roberts était parti pour les Antilles et Vancouver était à bord du Courageux, commandé par Gardner. Dès qu’arriva la nouvelle de la signature de la convention, au début de novembre, les préparatifs de l’expédition du Pacifique reprirent. Le 17, Vancouver fut rappelé à Londres, et le 15 décembre, sans doute sur la recommandation de Gardner, il fut nommé commandant du Discovery.
Ses instructions, datées du 8 mars 1791, traitent de deux questions, outre celle de l’étude hydrographique de la côte. D’abord, il devait se faire remettre, par les officiers espagnols de la baie de Nootka, « telles terres ou telles constructions qui doivent être restituées aux sujets britanniques « ; puis il devait hiverner dans les îles Sandwich et en compléter l’étude hydrographique. L’objectif principal du voyage était d’étudier la côte de près entre les 30° et 60° de latitude nord et de « se renseigner précisément sur la nature et l’étendue de toute voie de communication par eau » qui pourrait « dans une mesure sérieuse » servir de passage au nord-ouest « pour les fins du commerce ». Le Discovery, naviguant de conserve avec un petit ravitailleur armé de 131 tonneaux, le Chatham, mit à la voile à Falmouth, leur dernier port de relâche en Angleterre, le 1er avril 1791. Le voyage vers la côte nordouest devait durer plus d’un an, via Ténériffe (îles Canaries), le cap de Bonne-Espérance, la Nouvelle-Hollande, la Nouvelle-Zélande, Tahiti et les îles Sandwich. Vancouver avait espéré rencontrer le navire ravitailleur Dædalus aux îles Sandwich, mais le navire ne se présenta pas. Il mit le cap sur son objectif principal, la côte nord-américaine, qui fut en vue le 17 avril 1792. On mit pied à terre au 39° 27´ de latitude nord, soit quelque 110 milles au nord de San Francisco.
Naviguant au nord, Vancouver entreprit l’étude hydrographique de la côte, qu’il devait poursuivre, malgré toute la complexité de la ligne côtière, jusqu’à un point situé au delà du 60e parallèle. Le 29 avril, il atteignit le détroit de Juan de Fuca, qui devait, selon ses ordres, être l’objet d’une attention particulière. On a beaucoup critiqué Vancouver pour avoir omis d’entrer dans le fleuve Columbia, à l’embouchure duquel il passa en route vers le nord ; il est évident, toutefois, qu’il en soupçonna l’existence mais qu’il décida d’en remettre l’examen à plus tard. À la vérité, il porta peu d’attention aux rivières, les montagnes qu’il apercevait au loin lui laissant croire avec beaucoup de vraisemblance qu’elles ne seraient navigables que sur une courte distance à l’intérieur des terres. De plus, pour sauver du temps, on lui avait donné l’ordre « de ne remonter aucun inlet ou rivière plus loin qu’il n’apparaîtrait possible aux vaisseaux conçus pour naviguer sans danger sur l’océan Pacifique ».
Son plan, pour mener à bien l’examen de la côte, était simple : il dessinerait le tracé de chaque pied du rivage continental, de manière qu’aucun passage ne pût lui échapper. L’étude des côtes sans accidents particuliers des états actuels de l’Oregon et de Washington ne posa pas de problèmes, mais, au nord du détroit de Juan de Fuca, ce fut une autre affaire. Vancouver se rendit compte, tout d’abord, des difficultés de sa tâche, quand il explora le dédale des bras de mer se ramifiant au large du détroit de Puget (Washington). L’Amirauté avait envoyé le Chatham avec le Discovery en espérant que le plus petit navire pourrait explorer les passages étroits dans lesquels il aurait été imprudent que le Discovery s’aventurât. Mais Vancouver découvrit vite que les conditions de la marée et du vent, et souvent la profondeur de l’eau qui plaçait le fond hors d’atteinte des ancres, mettaient en péril le Chatham lui-même ; il fut forcé, après une expérience d’un mois, de recourir aux pinasses, aux canots et aux chaloupes, quelque dangereuse et difficile que fût l’utilisation d’embarcations non pontées. Le Discovery et le Chatham trouvaientils un ancrage convenable, les embarcations partaient explorer la ligne côtière adjacente. Chaque bras de mer fut exploré et dessiné, jusqu’où il se refermait, de crainte qu’il ne fût une section de ce passage du Nord-Ouest si longtemps recherché. Les embarcations apportaient généralement des provisions pour sept ou dix jours, mais les officiers, et les hommes de même, faisaient tout leur possible pour les faire durer davantage s’ils pouvaient par là faire progresser leur recherche. On fit grand effort pour traiter correctement les indigènes et établir des relations amicales avec eux. Toutefois, les embarcations, pas plus grandes que bien des canots indiens, constituaient une tentation à cause des armes et des provisions qu’elles portaient et, vers la fin de l’exploration, plusieurs attaques durent être repoussées.
Tant que sa santé le lui permit, Vancouver prit souvent part aux expéditions des barques. Le 22 juin 1792, à son retour aux navires après avoir exploré la baie de Howe, l’inlet de Jervis et ce qui est maintenant le port de Vancouver, il trouva les navires hydrographes espagnols Sútil et Mexicana, également en mission d’exploration sous le commandement de Dionisio Alcalâ-Galiano*, ancrés au large de la pointe Grey. D’Alcalâ-Galiano il apprit que des explorateurs espagnols l’avaient précédé aux détroits de Juan de Fuca et de Georgia, mais non point au détroit de Puget. Les relations furent cordiales et on s’entendit sur quelques formes de coopération, limitées cependant par l’affirmation de Vancouver à l’effet que ses instructions l’empêchaient d’accepter tout relevé de la rive continentale autre que le sien.
En août 1792, Vancouver avait navigué tout le long de ce qui est maintenant l’île de Vancouver, dont il avait obtenu la preuve de l’insularité au moment où ses navires entrèrent dans le détroit de la Reine-Charlotte, le 9 août. Il poussa jusqu’au détroit de Burke, au 52° de latitude nord, et de là fit voile en direction sud vers la baie de Nootka, sachant que son navire ravitailleur et le commandant espagnol Juan Francisco de la Bodega y Quadra l’y attendaient.
Une chaleureuse amitié se développa entre Vancouver et Bodega, mais ils ne purent s’entendre sur les détails du transfert des propriétés prévu par la convention de la baie de Nootka. Vancouver s’attendait à recevoir un grand territoire et peut-être la baie entière ; mais, à la suite des informations qu’il avait recueillies, Bodega était convaincu que John Meares*, propriétaire en partie des navires saisis en 1789, n’avait occupé qu’un petit lopin de terre dans l’anse Friendly. Ils décidèrent tous deux d’en référer à leur gouvernement et d’attendre des instructions. Le navire ravitailleur apportait à Vancouver des instructions additionnelles datées du 20 août 1791, mais il ne reçut aucune autre communication de l’Amirauté pendant les trois dernières années de son voyage.
De la baie de Nootka, Vancouver fit voile au sud, en direction de San Francisco, puis de Monterey en Alta California (aujourd’hui la Californie), et enfin se dirigea vers les îles Sandwich, où il passa l’hiver. En mai 1793, il était de retour sur la côte et, en septembre, avait relevé la ligne côtière jusqu’au 56° de latitude nord. En juin, il explora le détroit de Dean ; quelques semaines plus tard, il aurait rencontré Alexander Mackenzie * qui y termina son voyage par terre jusqu’au Pacifique vers la fin de juillet.
À la fin de la saison de navigation de 1793, Vancouver visita de nouveau l’Alta California alors qu’il faisait voile vers ses quartiers d’hiver des îles Sandwich. Après avoir relâché à Monterey, il se rendit à San Diego, et ensuite, conformément à ses instructions, fit voile au sud, le long de la côte du Mexique, pour pousser son exploration à la limite fixée du 30e parallèle. En deux saisons, il avait ainsi fait un relevé de la côte depuis le 30° de latitude nord jusqu’au 56° de latitude nord, prouvant que le détroit de Juan de Fuca n’était pas l’entrée d’une grande mer intérieure, ainsi que Fuca* l’avait prétendu, et que les grands cours d’eau que Bartholomew de Fonte* disait avoir remontés au 53° de latitude nord n’existaient pas.
Au cours de son troisième et dernier séjour aux îles Sandwich, Vancouver acheva d’en faire le relevé du littoral et intervint même dans les affaires intérieures des insulaires. Afin de mettre un terme à leurs luttes civiles, il prôna leur unification politique sous le roi Kamehameha. Il persuada également ce dernier de céder l’île d’Hawaii à la Grande-Bretagne, avec l’espoir qu’une petite armée s’y installerait, qui assurerait la protection des îles, maintenant que les navires de nombreuses nations s’y arrêtaient. L’acte de cession fut signé le 25 février 1794, mais Londres ne fit rien pour en confirmer la teneur.
Le programme que s’était fixé Vancouver, pour la saison de 1794, était de faire voile directement vers l’inlet de Cook (Alaska), le point extrême de son étude hydrographique au nord, pour ensuite redescendre là où il s’était arrêté l’année précédente. Au dernier ancrage du Discovery et du Chatham, dans une baie de la côte sud-est de l’île de Baranof, Vancouver donna le nom bien approprié de Port Conclusion. Les embarcations revinrent de leur dernière sortie le 19 août, et on célébra la fin de l’exploration par « une ration additionnelle de grog amplement suffisante pour satisfaire tous les désirs de festivité à [cette] occasion ». Plus tard, Vancouver devait écrire dans son livre, A voyage of discovery to the north Pacific ocean [...] : « J’ai confiance que la précision avec laquelle l’étude hydrographique [...] a été menée à bien lèvera tout doute et fera mettre de côté toute croyance relativement à un passage du Nord-Ouest ou à toute autre voie de communication accessible aux navires entre le Pacifique Nord et l’intérieur du continent américain, dans les limites de nos recherches. »
Le relevé hydrographique avait été conduit avec une rigueur remarquable. Les latitudes de Vancouver diffèrent très peu de celles d’aujourd’hui ; ses longitudes, dont le calcul était encore plus difficile, accusent des variantes d’un tiers de degré à un degré seulement. Les résultats obtenus méritaient d’être comparés à ceux de Cook ; au reste, les reférences nombreuses au volume imprimé de ce dernier, A voyage to the Pacific ocean [...] (Londres, 1784), indiquent qu’il fut toujours le modèle idéal que Vancouver avait à l’esprit. John Cawte Beaglehole, le grand spécialiste de Cook, note que, de tous les hommes qui furent formés par lui, Vancouver fut « le seul que ses travaux comme hydrographe allaient placer dans la même classe que son commandant ».
Pour le long voyage de retour en Angleterre, Vancouver emprunta la route du cap Horn, en faisant relâche à Monterey, à Valparaiso (Chili) et à Sainte-Hélène. La Grande-Bretagne étant en guerre, le Discovery se joignit à un convoi à partir de Sainte-Hélène. Il arriva dans l’estuaire du Shannon, en Irlande, le 13 septembre 1795. Vancouver quitta immédiatement son navire pour se diriger vers Londres, mais le rejoignit à son arrivée sur la Tamise le 20 octobre. Alors prit fin une des plus longues expéditions de découverte de l’histoire – plus de quatre ans et demi. On avait parcouru quelque 65 000 milles, à quoi il faudrait ajouter quelque 10 000 milles qu’on estime devoir mettre au crédit des embarcations. Le soin que prit Vancouver de la santé de ses hommes est digne de remarque : un seul homme mourut de maladie ; un autre mourut des suites d’un empoisonnement et quatre se noyèrent.
La belle réussite de Vancouver ne fut guère reconnue de son temps, en grande partie à cause des accusations voulant qu’il eût été un commandant excessivement dur. Dès janvier 1793, Thomas Manby, master’s mate du Chatham, écrivait privément que Vancouver était « devenu hautain, orgueilleux, mesquin et insolent, ce qui fit que lui et ses officiers furent continuellement à se quereller pendant tout le voyage ». Ses difficultés avec le botaniste et chirurgien Archibald Menzies* eurent des conséquences graves, vu que Menzies était un des protégés de sir Joseph Banks*, l’influent président de la Royal Society de Londres. Plus sérieux encore le cas de Thomas Pitt, héritier de lord Camelford, un des apprentis midships du Discovery. C’était un jeune homme difficile et déséquilibré dont la conduite jeta Vancouver dans une telle fureur qu’il le débarqua à Hawaii en 1794. Pitt était proche parent du premier ministre et du premier lord de l’Amirauté, John Pitt, et l’un des frères de lady Grenville, l’épouse du secrétaire d’État aux Affaires étrangères ; le mécontentement combiné de toutes ces personnalités pesa lourd sur l’explorateur. Il est évident que son état de santé – il souffrait probablement d’hyperthyroïdie – avait rendu Vancouver irritable et prompt à s’enflammer, mais ce n’était pas un commandant brutal. Il tenait son équipage fermement en main, ainsi que cela s’imposait sur un navire fort éloigné de toute autorité capable d’appuyer la sienne, et si ses officiers ne l’aimaient pas, du moins le respectaient-ils et admiraient-ils ses talents.
Vancouver prit sa retraite à la demi-solde en novembre 1795. Il s’établit à Petersham, près de Richmond Park, et s’occupa bientôt à revoir son journal en vue de la publication. Il mourut prématurément, à l’âge de 40 ans, alors qu’il manquait encore à son récit, qui comptait déjà 500 000 mots, une centaine de pages pour qu’il fût complet. La révision en fut terminée par son frère John, et le Voyage [...] parut en 1798 dans une belle édition en trois volumes in quarto et un atlas in folio.
La plupart des quelques centaines de toponymes choisis par Vancouver pour désigner les diverses réalités géographiques ont été conservés. Le plus important de ces toponymes est celui de l’île de Vancouver, d’abord nommée, en l’honneur de son ami le commandant espagnol, île de Quadra et de Vancouver. Les travaux et la mémoire de Vancouver ont suscité plus d’intérêt en ces récentes années, et sa tombe, dans le cimetière de St Peter, à Petersham, est chaque année la scène d’une cérémonie commémorative organisée par la Colombie-Britannique.
On conserve à la National Portrait Gallery (Londres) un portrait qu’on a longtemps cru être celui de Vancouver, mais dont on doute maintenant de l’authenticité. On n’en connaît aucun autre. Les manuscrits des journaux de Vancouver, y compris les copies partielles qui en furent envoyées à l’Amirauté au cours de son voyage de découverte, sont aujourd’hui perdus. Ses journaux de bord en sa qualité de lieutenant sur le Martin, le Fame et l’Europa se trouvent au National Maritime Museum, ADM/L/M/16B, log of hms Martin, 9 déc. 1781–16 mai 1782 ; ADM/L/F/115, log of hms Fame, 17 mai 1782–3 juill. 1783 ; ADM/L/E/155, log of hms Europa, 24 nov. 1787–23 nov. 1788. Ses lettres à l’Amirauté se trouvent au PRO, Adm. 1/2 628–2 630, et ses dépêches originales, au PRO, CO 5/187. Ses dessins et ses cartes relatifs au voyage sont conservés au Ministry of Defence, Hydrographer of the Navy (Taunton, Angl.), 226, 228–229, 523 (levés de la côte ouest de l’Amérique du Nord).
La plupart des journaux de bord des officiers de marine qu’on trouve au PRO sont peu détaillés et ne s’intéressent guère qu’aux mouvements des navires et aux affaires commerciales, mais deux d’entre eux sont riches de renseignements : le premier, Peter Puget*, PRO, Adm. 55/17 et Adm. 55/27, janv. 1791–mars 1794 (la BL, sous la cote Add. mss 17 542–17 545, conserve des brouillons des journaux de Puget et des journaux de bord pour la période allant de janvier 1791 à décembre 1793), Add. mss 17 552, documents relatifs au voyage du Discovery et du Chatham, 1790–1795, et, en particulier, quelques lettres de Vancouver et un récit de Puget dont une page a été décrite de façon erronée par G. S. Godwin comme étant le seul fragment connu du journal original de Vancouver ; le second, James Johnstone, PRO, Adm. 53/335, qui ne couvre malheureusement que la période de janvier 1791 à mai 1792. Il existe trois importants journaux privés : celui d’Archibald Menzies, pour la période allant de décembre 1790 à février 1794, conservé à la BL, Add. mss 32 641, et du 21 févr. 1794 au 18 mars 1795, à la National Library of Australia (Canberra), ms 155 ; celui d’Edward Bell, « Journal of voyage in H.M.S. « Chatman » to the Pacific Ocean, 1er janv. 1791–26 févr. 1794 », conservé à la National Library of New Zealand, Alexander Turnbull Library (Wellington) ; et celui de Thomas Manby, « Journal of the voyage of H.M.S. Discovery and Chatham, under the command of Captain George Vancouver, to the northwest coast of America, 10 févr. 1791 au 30 juin 1793 », conservé à la Beinecke Rare Book and Manuscript Librarale University (New Haven, Conn.), Western Americana coll.
La University of B.C. Library (Vancouver) possède, dans sa Special Coll. Division, une photocopie d’une lettre de Thomas Manby au capitaine Barlow, du 9 janvier 1793. La State Library of New South Wales, Mitchell Library (Sydney, Australie), conserve dans les Banks papers, Brabourne coll., vol. 9, de la correspondance, des brouillons, etc., relatifs au voyage de Vancouver. On trouve d’autres papiers de Banks à la California State Library, Sutro Library (San Francisco), Sir Joseph Banks coll.
[George Vancouver], A voyage of discovery to the north Pacific Ocean, and round the world [...], [John Vancouver, édit.] (3 vol. et atlas, Londres, 1798 ; réimpr., Amsterdam et New York, 1967 ; nouv. éd., [John Vancouver, édit.], 6 vol., Londres, 1801). Une traduction fut publiée en français (3 vol. et un atlas, Paris, [1799–1800]), une en danois (2 vol., Copenhague, 1799–1802) et une autre en russe (6 vol., Saint-Pétersbourg, Russie, 1827–1838). Une version abrégée parut en allemand (2 vol., Berlin, 1799–1800), puis en suédois (2 vol., Stockholm, 1800–1801). Une édition abrégée du Voyage est également en cours de préparation pour le bénéfice de la Hakluyt Society. On trouvera une liste exhaustive des éditions antérieures dans Navigations, traffiques & discoveries, 1774–1848 : a guide to publications relating to the area now British Columbia, G. M. Strathern et M. H. Edwards, compil. (Victoria, 1970), 308–310. L’ouvrage de E. S. Meany, Vancouver’s discovery of Puget Sound : portraits and biographies of the men honored in the naming of geographic features of northwestern America (New York et Londres, 1907 ; réimpr., 1915 ; Portland, Oreg., 1942 ; réimpr., 1949), reproduit une partie du Voyage pour la période d’avril à octobre 1792. [George Vancouver], Vancouver in California, 1792–1794 : the original account, M. [K.] E. Wilbur, édit. (3 vol., Los Angeles, 1953–1954), reproduit les sections relatives à 1792, 1793 et 1794 qui décrivent les visites en Californie.
Bern Anderson, Surveyor of the sea : the life and voyages of Captain George Vancouver (Seattle, Wash., 1960 ; réimpr., Toronto, 1966).— G. H. Anderson, Vancouver and his great voyage : the story of a Norfolk sailor, Captain Geo. Vancouver, R.N., 1757–1798 (King’s Lynn, Angl., 1923).— G. [S.] Godwin, Vancouver ; a life, 1757–1798 (Londres, 1930 ; réimpr., New York, 1931).— J. S. et Carrie Marshall, Vancouver’s voyage (2e éd., Vancouver, 1967).-C. F. Newcombe, The first circumnavigation of Vancouver Island (Victoria, 1914).— H. R. Wagner, The cartography of the northwest coast of America to the year 1800 (2 vol., Berkeley, Calif., 1937) ; Spanish explorations in the Strait of Juan de Fuca (Santa Ana, Calif., 1933).— Glyndwr Williams, The British search for the northwest passage in the eighteenth century (Londres et Toronto, 1962).— Adrien Mansvelt, Vancouver : a lost branch of the Van Coeverden family, British Columbia Hist. News (Vancouver), 6 (1972–1973), no 2 : 20–23, et ses articles : « The original Vancouver in old Holland » (p.37), et « Solving the Captain Vancouver mystery », Vancouver Sun, 1er sept. 1973, 36. [w. k. l.]
W. Kaye Lamb, « VANCOUVER, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/vancouver_george_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/vancouver_george_4F.html |
Auteur de l'article: | W. Kaye Lamb |
Titre de l'article: | VANCOUVER, GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 16 nov. 2024 |