Le remarquable William Fitz William Owen (1774–1857), enfant illégitime et orphelin à un jeune âge, grandit en foyer nourricier. Un ami de son père le fit entrer au service de la marine royale, où il trouva sa place. Volontaire et turbulent, il se querella souvent avec d’autres personnes, mais ses supérieurs reconnurent son habileté. On le promut et on lui donna le mandat d’effectuer des levés hydrographiques d’une partie du Canada, qui fournirent de nombreuses informations nouvelles, puis des côtes africaines. La traite des esclaves horrifia Owen et ses officiers, et l’expédition entraîna d’énormes pertes humaines. Néanmoins, ce qu’il réalisa en Afrique le hisse au rang des plus grands hydrographes de Grande-Bretagne. 
Titre original :  William FitzWilliam Owen

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OWEN, WILLIAM FITZ WILLIAM, officier de marine, hydrographe, propriétaire foncier, homme politique, auteur, juge de paix et juge, né le 17 septembre 1774 à Manchester, Angleterre, fils du capitaine William Owen* et peut-être de Sarah Haslam ; en janvier 1818, il épousa Martha Evans, « du Bedfordshire », et ils eurent deux filles, puis le 11 décembre 1852, à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Amy Nicholson, née Vernon ; il mourut dans cette même ville le 3 novembre 1857.

Les 30 premières années de la vie de William Fitz William Owen ne laissèrent guère prévoir l’importance qu’il allait acquérir plus tard. Enfant illégitime et orphelin dès l’âge de quatre ans, il fut mis en foyer nourricier dans le nord du pays de Galles et ne connut point la chaude et affectueuse ambiance familiale. Il fut cependant un élève talentueux qui excellait en mathématiques et dans les langues. Un ami de son père, sir Thomas Rich, qui veilla sur Owen et son frère aîné, Edward Campbell Rich Owen, fit entrer les deux jeunes garçons au service de la marine. À 13 ans, William s’embarqua sur le Culloden, propriété de Rich, et, à partir de ce jour, la vie à bord constitua son univers. Sur terre et dans la société civile, il était hors de son élément et se comportait d’une façon excentrique. En tant que midshipman, il se spécialisa dans l’art de naviguer et il devint plus tard officier adjoint de navigation. Volontaire et turbulent, il fut rétrogradé deux fois au rang de gabier breveté, pour indiscipline. Le 6 mars 1794, il fut admis à l’examen du Navy Board ; nommé lieutenant de vaisseau le 24 octobre, il se brouilla avec son capitaine, passa en conseil de guerre au Cap (Afrique du Sud) et fut rayé des cadres le 25 juin 1795. L’influence de ses protecteurs fut suffisante pour lui permettre de reprendre du service, puisqu’il était midshipman sur le London lors d’une mutinerie à la rade de Spithead, au large des côtes d’Angleterre, en mai 1797. Sa réputation de partisan d’une discipline rigide était déjà établie : étiqueté comme « trop dur » par les mutins, il fut mis aux fers dans la cale, mais il réussit à s’évader avec d’autres officiers. Pour la seconde fois, le 12 juin 1797, il reçut une commission de lieutenant de vaisseau et le commandement de la canonnière Flamer ; il servit sous lord Nelson dans la Manche jusqu’en 1803.

Owen commença à se faire valoir comme un commandant de marine expérimenté, d’une énergie et d’une habileté peu communes, pendant les neuf années de guerre qu’il passa dans l’océan Indien, à bord du Seaflower, à partir de mars 1804. Il commanda durant des combats, dirigea des premiers détachements lors de débarquements et conduisit la flotte au combat dans des eaux inexplorées. Au sud-ouest de Sumatra, les Français capturèrent le Seaflower, et Owen, prisonnier de guerre, dut rester dans l’île Maurice pendant 21 mois, au cours desquels il fut promu commander. Après sa libération, il devint quartier-maître général, responsable de l’embarquement des troupes et du chargement du matériel en vue de l’attaque des Britanniques contre l’île Maurice, en octobre 1810. En mai de l’année suivante, il reçut le grade de post-captain.

Le capitaine Owen avait déjà commencé à faire preuve d’assurance dans l’art et la science de l’hydrographie au cours de son service dans l’océan Indien. À partir de 1806, il avait fait un certain nombre de relevés d’itinéraires de navigation et avait dressé des cartes. Certains auteurs ont pensé qu’Owen avait appris du capitaine Matthew Flinders les complexités de la topographie maritime ; ni l’un ni l’autre ne fit jamais allusion à une telle collaboration, bien que Flinders, qui avait fait des levés hydrographiques sur les côtes australiennes, et Owen aient été prisonniers ensemble dans l’île Maurice. L’intérêt bien personnel d’Owen pour l’hydrographie ainsi que sa confiance en ses propres possibilités apparaissent dans le journal de bord du Seaflower. Le 7 août 1807, il faisait cette réflexion sur les méthodes des opérations hydrographiques des fonctionnaires de l’East India Company, sur les côtes de Chine : « Donnez-moi la santé, un diplômé de l’académie navale, un bâtiment de 70 tonneaux, 20 hommes et une petite coquille de noix, et je ferai tout [le travail] durant le temps qu’ils s’y préparent. » De retour en Angleterre en 1813, Owen se tint en rapport avec le service hydrographique de l’Amirauté. Ce service publia, l’année suivante, la traduction qu’il fit de l’ouvrage de Marino Miguel Franzini, décrivant les côtes du Portugal.

Mandat au Canada 

La première nomination d’Owen comme hydrographe l’amena à assumer ses fonctions au Canada, de mai 1815 à août 1817, à titre d’assistant de son frère. Son travail devait se faire en deux temps : tout d’abord, une reconnaissance rapide, durant l’été de 1815, afin de relever nombre de détails qu’il fallait connaître de toute urgence, puis un levé hydrographique scientifique complet du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Au cours de la traversée de l’Atlantique, il commença un « journal astronomique », qui finit par contenir la longitude et la latitude des lieux importants situés le long de la voie maritime canadienne entre Québec et Penetanguishene, sur la baie Géorgienne. Ces points fixes servirent de base au plan général du levé hydrographique qui suivit.

Pendant son premier été dans le Haut-Canada, Owen accomplit un certain nombre de travaux urgents. Il vérifia les travaux hydrographiques qui se faisaient déjà sur le lac Ontario et la rivière Grand, et parcourut l’embouchure de cette dernière ainsi que la baie jusqu’à la pointe Turkey, à la recherche d’un emplacement approprié pour une base navale. On situa la frontière internationale à Saint-Régis, près de Cornwall, et on fit dans la rivière de Detroit de nombreux sondages afin de reconnaître les quelques chenaux qui serviraient à l’établissement de la frontière internationale à cet endroit. En plus du levé topographique en cours sur la rive nord du lac Érié, Owen en commença un autre sur la rive est du lac Huron et de la baie Géorgienne, jusqu’aux environs de ce qui est aujourd’hui Victoria Harbour ; à ce deuxième levé s’ajoutaient des observations sur la forme des terres, les ressources forestières et les dangers pour la navigation et, de nouveau, on chercha un emplacement pour une base navale. Le travail fut retardé durant toute la fin de l’été, à cause de la fièvre dont souffrirent le capitaine Owen et son personnel, et des rapports très tendus entre Britanniques et Américains à la frontière de Detroit. On arrêta et on détint à Detroit un des principaux officiers hydrographes travaillant sous la direction d’Owen, le lieutenant Alexander Thomas Emeric Vidal, ce qui donna naissance à d’interminables négociations et à une correspondance prolongée entre les autorités britanniques et américaines. Néanmoins, le travail de cet été-là apporta une mine de renseignements pour la connaissance de rivages en grande partie inexplorés.

À Kingston, le 5 novembre 1815, on donna des ordres formels pour faire des levés hydrographiques complets et systématiques du Saint-Laurent et des lacs Érié et Ontario ; on envisageait d’abord des travaux dans la région voisine de Kingston puis dans celle des lacs Huron, Michigan et Supérieur. Si le temps le permettait, on s’attaquerait ensuite aux eaux frontalières du lac Champlain. Les travaux commencèrent le 1er février 1816 ; le capitaine Owen menait personnellement 7 officiers, environ 50 matelots et fusiliers marins sur les glaces près des Mille-Îles, pour y mesurer les bases des levés. Pendant les 69 jours qui suivirent, on mesura quelque 300 milles de bases dans un rectangle de 30 milles sur 80 milles, tout en relevant quelques 10 000 angles et orientations. Owen croyait que la marge d’erreur ne pouvait « excéder deux pouces par mille ». Cet épisode, qui marque le début de l’hydrographie de précision au Canada, reflète bien le caractère d’Owen, dont le rapport respire l’énergie : par une température atteignant les -20°F, on travailla « tous les jours sans arrêt sauf le dimanche, de huit heures du matin à six heures du soir ». En contrepartie cependant, un salaire spécial était prévu, de même que des vêtements supplémentaires et des rations doubles de rhum pour les hommes. On était ainsi venu à bout d’un énorme problème hydrographique tout en sortant la garnison navale de l’ennui de son train-train hivernal. Plusieurs mois plus tard, le Navy Board blâma les méthodes comptables, posant des questions sur une dépense supplémentaire de £400 18 shillings en salaire et sur un déboursé additionnel de £96 5 shillings pour quatre chevaux destinés à « remplacer ceux qu’on [avait] perdus » dans le fleuve : le premier jour, le capitaine Owen avait failli se noyer quand l’attelage s’enfonça sous la glace.

Une maison de pierre de Kingston abrita le bureau hydrographique et servit de logement aux officiers de l’équipe, de local pour la projection de leurs travaux, ainsi que d’endroit de consultation et de formation. La jeune femme de John Harris, Amelia Ryerse*, y vivait et apportait à leur société une atmosphère particulière de vie de famille, ce dont les officiers se rappelèrent affectueusement des années plus tard dans leur correspondance. Cette expérience incita probablement le capitaine à se marier peu après son retour en Angleterre. Au cours du printemps et de l’été de 1816, on parvint à faire le levé hydrographique du lac Ontario et du Saint-Laurent jusqu’aux abords de Prescott. Tôt en 1817, ce fut le tour de la rivière Niagara. Le 14 juin, les hydrographes étaient devant le lac Érié quand les travaux furent interrompus pour des raisons d’économie en temps de paix. En juin 1817, Owen retournait en Angleterre et, pour terminer le travail, on ne laissait que le lieutenant Henry Wolsey Bayfield*, qui avait fait ses premières armes en hydrographie sous la direction d’Owen, sur la glace, en février 1816.

Du 26 octobre 1815 au 31 mai 1816, le capitaine Owen s’était aussi chargé du fardeau considérable de l’administration navale journalière, puisque, pendant l’absence du commandant en chef et du commissaire de la marine, il était le doyen des officiers de marine ayant juridiction sur les lacs canadiens. En plus des détails administratifs et de la direction des travaux hydrographiques, il avait continué de s’occuper des problèmes autrement plus importants de la planification stratégique ; il avait fait des rapports détaillés sur l’emplacement des bases navales en amont de Niagara ainsi que sur les lignes de communication qui seraient sûres en temps de guerre. Le levé topographique des rives ouest du lac Ontario et de la rivière Grand avait permis d’envisager la possibilité d’une route allant de la baie de Burlington (port de Hamilton) jusqu’à la rivière Grand et le lac Érié. Owen s’était étendu longuement aussi sur certaines améliorations à apporter à la route reliant York (Toronto) et le lac Huron en passant par la rivière Nottawasaga. En mai et au début de juin 1817, il avait parcouru la voie d’eau Trent-Severn avec un petit groupe d’hommes et des guides indiens ; il avait jugé cependant la route peu praticable en raison des travaux coûteux qu’elle nécessitait. Son ardeur au travail, sa perspicacité ainsi que ses découvertes contribuèrent à une meilleure compréhension des nombreuses positions géographiques stratégiques qui jusqu’alors n’étaient pas claires. Ses 27 mois de service au Canada en avaient fait un maître de l’hydrographie, et son travail jeta les bases de l’hydrographie scientifique au Canada.

Levés hydrographiques des côtes africaines 

Owen est surtout connu pour ses levés hydrographiques des côtes de l’Afrique dans les années 1822–1826. On l’envoya travailler à partir du cap de Bonne-Espérance en allant vers l’est, et, peu à peu, on étendit son mandat jusqu’à ce que l’expédition ait dressé la carte de toute la côte orientale de l’Afrique ainsi que du sud de l’Arabie, de Madagascar et de plusieurs archipels de l’océan Indien. Sur le chemin du retour vers l’Angleterre, on examina de longues portions des côtes occidentales de l’Afrique et on fit une étude hydrographique minutieuse du fleuve Gambie. En tout, on fit le relevé de quelque 30 000 milles de rivages et établit une chaîne de distances longitudinales qui allait des îles Britanniques à Bombay. L’ampleur de cette réalisation plaça Owen parmi les plus grands hydrographes britanniques.

Une fièvre tropicale qui se manifesta en novembre 1822 causa de terribles ravages parmi les membres de l’expédition, et ces pertes humaines captèrent l’attention du public, reléguant au second rang le succès de ces levés hydrographiques. Le capitaine Owen dénonça avec force à l’Amirauté les pratiques médicales, répétant l’inutilité des « saignées copieuses » et des « fortes doses de calomel ». En 1829, sur la côte ouest de l’Afrique, la fièvre fit encore des ravages parmi les membres de l’expédition. Les chirurgiens en moururent, et Owen prit la direction des soins médicaux. Il prouva qu’il était bien en avance sur son temps en évitant les saignées et les traitements énergiques et en prescrivant un purgatif, du repos et de l’air frais, tout en administrant de la quinine au moment des rémissions.

L’attention d’Owen ne se limitait pas à l’hydrographie. Lui et ses officiers furent épouvantés par les ravages de la traite des esclaves et leur témoignage alimenta le mouvement antiesclavagiste que dirigeait Thomas Fowell Buxton en Angleterre. Dans deux cas mettant en cause des territoires dont l’autorité politique était l’objet de litige, soit la baie Delagoa (Mozambique) et Mombasa (Kénya), Owen accepta la cession temporaire de ces régions, en attendant la décision finale de son gouvernement. Bien que dans les deux cas ses accords n’aient jamais été rendus officiels, ils servirent de base aux revendications britanniques en Afrique orientale à la fin du siècle.

À peine les membres de la première expédition avaient-ils été libérés que le capitaine Owen retourna en Afrique, en 1827, afin de créer dans l’île de Fernando Po (Bioko) un nouvel établissement pour y réinstaller la cour internationale chargée des bateaux négriers capturés, laquelle travaillait dans le milieu malsain de la Sierra Leone. Même si le déménagement n’eut pas lieu, l’énergie, l’esprit novateur et la perspicacité d’Owen se manifestèrent à nouveau, et une colonie s’y établit. Malgré tout cela, sa carrière professionnelle n’avait pas progressé. Ses principaux protecteurs à l’Amirauté occupaient d’autres fonctions, et Owen se trouvait mêlé à des disputes avec des fonctionnaires coloniaux, des marchands de la Sierra, Leone, des collègues officiers de marine et un dirigeant de la région. De plus, il profita de la situation avantageuse de l’île de Fernando Po pour capturer plusieurs négriers, même s’il n’avait pas parmi ses responsabilités celle de patrouiller ; à l’Amirauté, on le soupçonna d’être attiré par le butin provenant des prises. Ces problèmes ainsi qu’une attaque de fièvre l’épuisèrent ; des années de service astreignant sous les tropiques avaient temporairement affecté son caractère et son jugement. Dans une lettre adressée à Robert William Hay du ministère des Colonies au sujet du refus d’Owen d’accepter le poste civil de surintendant de Fernando Po, sir John Barrow de l’Amirauté témoigna à contrecœur l’admiration qu’il éprouvait pour Owen : « Je vois que, comme nous, vous avez des dépêches d’Owen, cet homme à moitié timbré mais intelligent [qui refuse] l’offre [...] J’en suis bien peiné, parce que, de tous, il est l’homme qu’il faut pour faire progresser un nouvel établissement, et il semble y avoir fait des merveilles. »

Owen servit dans la station d’Amérique du Sud à partir de la fin de 1829. Il devait à l’origine retourner en Angleterre en passant par l’Inde, complétant ainsi une chaîne ininterrompue de longitudes autour du monde, mais son bateau n’étant pas en état de servir pendant plusieurs mois sans un important radoub, on le chargea de traverser l’Atlantique avec une grosse cargaison de lingots. Owen arriva en Angleterre en août 1831, malade, épuisé et en défaveur ; là et à Jersey, il passa quatre années à dresser des itinéraires nautiques basés sur les levés hydrographiques africains, à régler des comptes et à s’occuper d’affaires publiques et personnelles qui s’étaient accumulées. Ayant été un des premiers membres de la Royal Geographical Society et de la Royal Astronomical Society, il eut alors la possibilité d’assister aux réunions ; il fournit de la matière pour le programme des activités de la première société et fit don d’instruments à la seconde. Après avoir vainement tenté de préparer un récit de ses expéditions hydrographiques de 1822 à 1826, il remit ses documents à un éditeur, Heaton Bowstead Robinson, qui en tira deux volumes en 1833. La préparation du texte était fautive et prêtait à confusion ; de plus, la traite des esclaves et la fièvre tropicale, dont il était question dans l’ouvrage, avaient à ce moment-là perdu de sa nouveauté. Les quelques comptes rendus qui parurent manquaient d’enthousiasme. C’est seulement plus tard que le récit, lu en parallèle avec ses dépêches, s’avéra une source d’une importance inestimable pour la connaissance des côtes africaines.

Établissement au Nouveau-Brunswick 

Alors âgé de 60 ans, et n’ayant devant lui aucune perspective de nomination dans la marine, Owen prit la décision d’aller s’établir avec sa famille en Amérique du Nord britannique. Il acquit le titre de propriété de l’île Campobello au Nouveau-Brunswick, qui avait été concédée en 1767 à son père et à plusieurs de ses cousins, dont David Owen*, et il y établit sa résidence en septembre 1835. L’île, qui comptait quelques 700 habitants, souffrait d’un manque criant de direction novatrice ; l’économie était dépendante de la pêche, il y avait peu de terres fertiles et la petitesse de l’île en limitait les ressources forestières. Investissant son maigre capital, Owen fit une sérieuse tentative de mise en valeur du potentiel commercial de l’île ; il constitua juridiquement la Campobello Mill and Manufacturing Company, le 1er juin 1839, et projeta d’établir une banque. Ces entreprises ne connurent pas de succès, en partie à cause de l’âge et de la personnalité d’Owen, mais aussi à cause de la conjoncture économique. Partisan enthousiaste de la St Andrews and Quebec Railway, compagnie dans laquelle il avait acheté des actions et dont il présida la première assemblée publique en 1835, Owen siégea à son conseil d’administration pendant des années, après le nouvel essor de la compagnie en 1846.

Très tôt, Owen s’intéressa aux questions d’intérêt public. Élu à la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick comme député de la circonscription de Charlotte aux élections générales de 1837, il prit possession de son siège le 27 février 1838. À la chambre et dans les comités, les opérations bancaires, le commerce, la pêche, la défense, les guides de navigation et un service de paquebot à vapeur à destination des îles Campobello et Grand Manan retinrent son attention. De plus, il fit des pressions afin qu’on accorde des subventions pour les écoles, les routes et les phares de la région. Pendant plusieurs années, son expérience et sa réputation en firent un membre notoire de la chambre. Il fut battu aux élections générales tenues à la fin de 1842 et, le 30 décembre 1843, on le nommait au Conseil législatif où il siégea jusqu’en 1851.

En 1841, le capitaine Owen avait publié à titre privé et sous un pseudonyme The Quoddy hermit ; or conversations at Fairfield on religion and superstition, ce qui marque un sommet dans l’intérêt croissant qu’il portait à la pensée et à la pratique religieuse. Dans l’ouvrage, Owen exposait ses idées religieuses, le tout accompagné de nombreux détails révélateurs sur sa vie et sa personnalité. Il y plaidait en faveur de l’Église d’Angleterre, s’opposait au méthodisme et s’avouait millénariste. Sur le plan de la pratique religieuse, Owen était un lecteur laïque attitré qui officiait deux fois le dimanche. Il consacra de l’argent et beaucoup d’énergie à la régénération de la vie paroissiale de Campobello. À sa demande pressante, la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts envoya Thomas McGhee comme missionnaire dans la paroisse en 1842 ; mais après seulement un an, McGhee quitta l’île pour aller aider le rector de la paroisse St Andrew. En dépit des efforts soutenus d’Owen, plusieurs insulaires persistèrent dans la tradition New Light [V. Henry Alline*].

Dans la tradition orale de l’île, ce personnage singulier qui devint vice-amiral apparaît plus grand qu’il ne le fut en réalité. Homme d’autorité qui prenait de l’âge et dont les intentions étaient essentiellement charitables, Owen ne s’adonnait pas à la boisson comme bon nombre de ses pairs, mais avait plutôt un penchant pour les femmes. Il ambitionnait de jouer le rôle d’un propriétaire terrien britannique dans un établissement colonial et insulaire. Juge de paix à partir de 1841, il exerça des pouvoirs étendus dans le domaine de la justice criminelle et du gouvernement local. Sa nomination à la même date au poste de juge de la Cour inférieure des plaids communs, qui traitait des causes civiles, suscita peu d’intérêt chez lui. Il détenait le pouvoir de célébrer les mariages, étant donné l’absence de pasteur résidant, ce qui lui permettait de prendre part aux noces et aux réjouissances où il brillait.

Depuis au moins le mois d’août 1838, Owen avait espéré obtenir quelque nomination faisant appel à sa formation professionnelle et, en septembre 1842, il commença pour l’Amirauté le levé hydrographique définitif de la baie de Fundy. Pendant l’hiver de 1842–1843, on mesura des lignes sur la glace de la rivière Saint-Jean ; l’étude hydrographique de la rivière ainsi que celle de son port se terminèrent deux ans plus tard. Une série de sept échelles des marées fournit une base statistique qui permit de comprendre le mouvement des plus hautes marées au monde. Le capitaine Owen, qui avait participé à des commissions provinciales et locales sur les phares, critiquait le choix de leur emplacement et insistait auprès des autorités de Saint-Jean et de Halifax, pour faire valoir ses idées, tandis que les autorités britanniques et coloniales lui demandèrent conseil, à titre de principal expert technique, sur la possibilité de creuser un canal à la frontière de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et sur le meilleur endroit pour construire le terminus maritime du chemin de fer intercolonial. Le vétéran de la marine ambitionnait fortement d’avoir l’autorité nécessaire pour assurer une présence navale armée afin d’intimider les pêcheurs américains entreprenants, mais ce furent plutôt les navires de l’escadre de Halifax qui, à l’occasion, s’occupèrent de patrouiller.

Promu contre-amiral le 21 décembre 1847, Owen abandonna ses fonctions d’hydrographe, et Peter Frederick Shortland* le remplaça. Naviguant sous sa propre flamme, il fit un dernier voyage sur son navire, le Columbia, qu’il ramena en Angleterre pour le radouber. À l’âge de 73 ans, il était satisfait de laisser son gendre, le capitaine John James Robinson-Owen, assumer de plus en plus ses responsabilités dans l’île Campobello, à la St Andrews and Quebec Railway et au Conseil législatif. Après la mort de sa première femme en 1852, il s’établit à Saint-Jean, dans la maison d’Amy Nicholson, qu’il épousa moins d’un an plus tard. Promu vice-amiral le 27 octobre 1854, il fut mis à la retraite dans le cadre de réserve le 6 février 1855. Il mourut moins de trois ans plus tard et fut enterré dans le cimetière de l’île Campobello.

Doté d’une grande énergie et d’une détermination remarquable dans l’accomplissement de son devoir, Owen marqua visiblement et profondément les événements de son époque. Son courage, sa foi, son dynamisme, sa confiance en lui-même expliquent sa longue et fructueuse carrière. Son insistance à se targuer de son rang et de son ancienneté, une rivalité combative avec ses pairs et une incapacité de se rendre clairement compte des aspirations et des buts légitimes des autres le rendirent d’un commerce difficile. Il ne reçut aucune marque d’honneur pour ses longues années de service, sans nul doute à cause de sa personnalité et des innombrables controverses qui marquèrent tous les échelons de sa carrière. Malgré cela, il entretint des amitiés durables dans son propre cercle d’officiers et de connaissances.

Figure légendaire de l’histoire du Nouveau-Brunswick et de l’Afrique méridionale, Owen fut le premier à faire de l’hydrographie scientifique au Canada et acquit à juste titre une réputation durable pour son travail en Afrique. Passé maître en hydrographie, il avait débuté avec les techniques mises au point par le capitaine James Cook*, mais avait développé son propre système de procédés et de notations, en plus d’insister sur la création de meilleurs instruments et leur adaptation à différents usages. Dès 1810, il expérimenta avec succès l’emploi de fusées, visibles à de très grandes distances, afin de coordonner l’identification d’un même moment dans le temps. Il tenta de perfectionner l’usage des observations astronomiques comme guides de la navigation et de l’hydrographie ; son livre de longitudes, de 1827, fit époque, dans ce secteur d’activité.

Pour le comté de Charlotte et le Nouveau-Brunswick, William Fitz William Owen était un officier à la demi-solde, mais aussi un homme qui ne passait jamais inaperçu. Titulaire de nombreux postes civils, propriétaire foncier, officier supérieur de marine et bon vivant, membre du corps législatif ‘ homme excentrique plein de ferveur religieuse, il laissa une marque durable dans la vie de la province.

Paul G. Cornell

William Fitz William Owen est l’auteur de : Tables of latitudes and longitudes by chronometer of places in the Atlantic and Indian oceans, principally on the west and east coasts of Africa, the coasts of Arabia, Madagascar, etc. [...] to which is prefixed an essay on the management and use of chronometers, by [...] an officer of the expedition (Londres, 1827) et de The Quoddy hermit ; or conversations at Fairfield on religion and superstition, publié en 1841 à Boston sous la signature de William Fitzwilliam of Fairfield. Owen a aussi traduit l’ouvrage de M. M. Franzini, Roteiro das costas de Portugal, ou Instrucções nauticas [...] ([Lisbonne], 1812), sous le titre de Description of the coasts of Portugal and nautical instructions ([Londres], 1814) ; le manuscrit de cette traduction est conservé au G.-B., Ministry of Defence, Hydrographic Dept. (Taunton, Angl.), Mise. papers, 105. Le récit de sa première expédition en Afrique a été édité par H. B. Robinson et publié sous le titre de Narrative of voyages to explore the shores of Africa, Arabia, and Madagascar ; performed in H.M. ships Leven and Barracouta, under the direction of Capt. W. F. W. Owen, R.N. (2 vol., Londres, 1833).

Une riche collection comprenant le manuscrit d’Owen et des cartes imprimées peut aussi être consultée à l’Hydrographie Dept., de même que ses commentaires sur la côte orientale de l’Afrique et l’océan Indien, 1813–1834 (OD 26). On trouve d’autres collections de ses écrits au National Maritime Museum (Londres), COO/3/A ; au Musée du N.-B., qui conserve les documents ayant trait à ses propriétés ; et au County of Grey-Owen Sound Museum (Owen Sound, Ontario), auquel le journal de son expédition de 1826 à 1832 en Afrique orientale a été donné en 1969 par l’arrière-petit-fils d’Owen, le contre-amiral sir Edward O. Cochrane, maintenant décédé. Les papiers d’Howell, une autre collection de lettres et de récits d’événements mémorables rassemblés par le contre-amiral Cochrane, sont demeurés en possession de sa fille, Mme David Howell de Londres. On peut trouver dans les papiers Harris la correspondance d’Owen avec John et Amelia Harris, entre 1815 et 1850. Ces documents sont la propriété du docteur Robin Harris de Toronto, mais sont temporairement en dépôt aux UCA.

G.-B., Ministry of Defence, Hydrographic Dept., Letterbooks, no 10 (1841–1842) ; Minute-books, 3 (1837–1842)–4 (1842–1845) ; Misc. papers, 30–31, 58, 61, 64–65, 68, 86–91 ; OD 324, Lieut. Pullen, « Narrative of proceedings of a party from HMS Columbia, 1843, Captain W. F. W. Owen ».— Musée du N.-B., W. F. Ganong coll., box 20, packet 1.— National Maritime Museum, COO/l/A (William Owen papers) ; FL/1 (Matthew Flinders papers).— PRO, ADM 1/2262–2275 ; 51/155 ; 51/221 ; 51/1914 ; 51/2162 ; 51/2229 ; 51/2355 ; 51/3254 ; 51/4094 ; 52/3949 ; 53/126 ; 53/364 ; CO 42/1 ; 42/172 ; 82/2–3, 82/10–11 ; 267/83 ; 267/94 ; 267/98 ; 324/81 ; FO 54/1.— USPG, C/CAN/NB, 5 : 91 ; Journal of SPG, 45.— Thomas Boteler, Narrative of a voyage of discovery to Africa and Arabia, performed in his majesty’s ships, Leven and Barracouta, from 1821 to 1826, under the command of Capt. F. W. Owen, R.N. (2 vol., Londres, 1835).— William Owen, « The journal of Captain William Owen, R.N., during his residence on Campobello in 1770–71 [...] », W. F. Ganong, édit., N.B. Hist. Soc., Coll. (Saint-Jean), 1 (1894–1897), no 2 : 193–220 ; 2 (1899–1905), no 4 : 8–29.— Report on the climate and principal diseases of the African station [...], Alexander Bryson, compil. (Londres, 1847).— SPG, [Annual report] (Londres), 1842–1843.— An account of the Saint Andrews and Quebec Railway, being the original intercolonial railway, from its first inception in 1835 to the present time (Saint-Jean, N.-B., 1869).— R. T. Brown, « William Fitzwilliam Owen : hydrographer of the African coast, 1774–1857 » (thèse de ph.d., Syracuse Univ., Syracuse, N.Y., 1972).— E. H. Burrows, Captain Owen of the African survey [...] (Rotterdam, Pays-Bas, 1979).— John Gray, The British in Mombasa, 1824–1826 : being a history of Captain Owen’s protectorate (Londres, 1957).— M. V. Jackson, European powers and south-east Africa ; a study of international relations on the south-east coast of Africa, 1796–1856 (Londres, [1942]).— J. G. Boulton, « [Paper on Admiral Bayfield] », Literary and Hist. Soc. of Quebec, Trans. (Québec), nouv. sér., 28 (1909–1910) : 27–95.— P. G. Cornell, « William Fitzwilliam Owen, naval surveyor », N.S. Hist. Soc., Coll., 32 (1959) : 161–182.— R. F. Fleming, « Charting the Great Lakes », Canadian Geographic Journal (Montréal), 12 (janv.–avril 1936) : 68–77.— Robin Harris, « The beginnings of the hydrographic survey of the Great Lakes and the St. Lawrence River », Historic Kingston, no 14 (1966) : 24–39.— Olive [Mitchell] Magowan, « The Owens of Glensevern : part ii, Admiral William Fitzwilliam Owen », Saint Croix Courier (St Stephen, N.-B.), 12 oct. 1977 : 14.

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Paul G. Cornell, « OWEN, WILLIAM FITZ WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/owen_william_fitz_william_8F.html.

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Auteur de l'article:    Paul G. Cornell
Titre de l'article:    OWEN, WILLIAM FITZ WILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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