SHORE, GEORGE, officier dans l’armée et dans la milice, fonctionnaire, homme politique et propriétaire foncier, né vers 1787, en Angleterre ; le 8 février 1815, il épousa à Fredericton Ariana Margaretta Jekyll Saunders, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 18 mai 1851 à Fredericton.
Nommé enseigne dans les New Brunswick Fencibles le 9 juillet 1803, George Shore quitta sans délai l’Angleterre pour rejoindre son régiment, alors en garnison à Fredericton. Le 25 mars 1804, il fut promu lieutenant et, en 1810, il fut fait capitaine et placé à la tête de la compagnie d’infanterie légère, succédant à Dugald Campbell*. En septembre de cette année-là, son régiment devint le 104e d’infanterie et, l’année suivante, Shore prit le commandement de l’une de ses compagnies, cantonnée à Charlottetown. En tant qu’officier supérieur de la garnison, il semble alors avoir pris pour acquis qu’il était le premier responsable des militaires de la colonie. Cette présomption lui valut une dispute avec le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres* et une comparution devant un conseil de guerre, où il eut à répondre de plusieurs accusations, dont celles d’avoir fait volontairement des rapports erronés à son officier commandant et d’avoir répandu et encouragé l’insubordination et la mutinerie. Il fut acquitté complètement au cours d’un procès tenu à Halifax du 27 mai au 8 juin 1812. Sous le commandement d’Alexander Halkett, Shore dirigea l’une des six compagnies de son régiment lors de la fameuse marche de Fredericton au Haut-Canada à l’hiver de 1813 ; partis le 21 février, les soldats parcoururent en 52 jours les 700 milles qui les séparaient de Kingston.
Blessé légèrement à Sackets Harbor le 29 mai 1813, Shore servit à la frontière du Niagara l’année suivante. Tandis qu’il commandait la compagnie d’infanterie légère du 104e régiment à Lundy’s Lane, en juillet, il mit à profit la connaissance qu’il avait acquise de la géographie locale, ayant été stationné dans la région au printemps, pour amener rapidement ses troupes en position, ce qui lui permit d’apporter du renfort à un moment critique de la bataille. En août, il combattit à l’avant-garde lors de l’attaque menée sans succès contre le fort Erie (Fort Erie, Ontario) par Gordon Drummond. Quand le 104e régiment d’infanterie fut licencié, le 24 mai 1817, Shore fut mis à la demi-solde.
Sa femme, qu’il avait épousée à Fredericton au cours d’une permission pendant qu’il servait dans le Haut-Canada, était une femme intelligente, énergique et intéressée à la politique. À la fin de la guerre, ils rentrèrent tous deux à Fredericton, où Shore devint un confident du lieutenant-gouverneur, le major général George Stracey Smyth*. À compter de 1819, il lui servit d’aide de camp et de secrétaire particulier et quand Smyth mourut, en mars 1823, il fut l’un de ses exécuteurs testamentaires.
Smyth, attaché aux anciens usages et conservateur dans sa politique, ne ménagea aucun effort pour obtenir à Shore un poste permanent et bien rémunéré. Il ne parvint pas à le faire nommer arpenteur général ni receveur général, même si Shore occupa concurremment ces deux postes pendant plusieurs mois à titre temporaire. En 1819, Shore devint vérificateur général des comptes, puis, en 1821, membre du Conseil du Nouveau-Brunswick, et, en 1822, greffier de la Cour suprême, poste qui lui rapportait environ £600 par an. Pour libérer ce dernier poste, Smyth avait congédié Henry Bliss*, membre du family compact local dont il essayait de contrer l’influence. En 1824, Bliss en appela au ministère des Colonies pour être réintégré dans ses fonctions et obtint gain de cause, mais il ne retourna pas au Nouveau-Brunswick. Shore demeura donc greffier et, au moment de la démission de Bliss, deux ans plus tard, sa nomination fut confirmée. En 1827, il démissionna de son poste de vérificateur général des comptes.
Smyth avait aussi nommé Shore adjudant général de la milice provinciale en lui donnant le grade de major. Les premiers ordres que Shore donna, au début de 1821, montrent bien qu’il entendait accroître l’efficacité des troupes. Il fixa le lieu et le moment du rassemblement de chacune des 14 unités et entreprit de faire une inspection. Étant donné son manque d’ancienneté et ses affiliations politiques, quelques officiers supérieurs furent mécontents de sa nomination. L’un d’eux, le major John Allen, commandant du 1er bataillon de milice du comté d’York, refusa de faire manœuvrer ses hommes pour l’inspection. Shore porta une accusation contre lui et convoqua un tribunal d’enquête. Le verdict rappelle le jugement de Salomon : Allen fut trouvé coupable d’avoir désobéi à un ordre légitime, mais l’appel qu’il avait logé à propos de son ancienneté par rapport à Shore fut retenu. Smyth précisa par la suite le statut de l’adjudant général en déclarant que, pour exercer les fonctions d’officier supérieur de visite, il n’avait pas besoin d’avoir un grade supérieur à celui du commandant des troupes. Shore appliqua avec soin les règlements, réprimandant les commandants qui ne mettaient pas les contrevenants à l’amende, insistant pour que les rapports et les relevés soient soumis sans délai et de façon régulière et plaçant les finances des unités sous sa surveillance. Quand il fut nommé greffier de la Cour suprême en 1822, il offrit de quitter son poste dans la milice, estimant qu’il était incompatible avec ses nouvelles fonctions, mais rien ne prouve que sa démission fut acceptée. En 1823, pour contrebalancer l’autorité de Shore, on nomma John Allen officier supérieur de visite. Durant les années suivantes, les deux hommes s’employèrent à réorganiser la milice, laquelle, sous le mandat du lieutenant-gouverneur sir Howard Douglas*, atteignit le sommet de sa popularité et probablement sa plus grande efficacité. Puis la réduction des tensions à la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine, au début des années 1830, amoindrit l’intérêt que l’on portait à la milice ; cet intérêt se raviva lors de la crise qui éclata plus tard au cours de la décennie, mais s’éteignit finalement avec le règlement de la question frontalière en 1842.
En tant que membre du conseil de Douglas, Shore se vit confier beaucoup de tâches qui prirent une grande partie de son temps. Par exemple, il s’occupa, à titre de commissaire, de la reconstruction de la résidence du gouverneur, rasée par les flammes en 1825, et fut membre du comité central d’aide aux victimes de l’incendie de Miramichi, survenu la même année. Il siégea au sein de plusieurs comités spéciaux qui s’occupaient de l’administration des terres de la couronne et de l’amélioration des voies publiques. Toutefois, Shore n’était pas un homme politique de premier plan et, quand le Conseil du Nouveau-Brunswick fut aboli à la fin de 1832, pendant le mandat de sir Archibald Campbell*, il ne fut pas nommé au nouveau Conseil exécutif, même s’il devint membre à vie du Conseil législatif.
Après cette modification des institutions, ce fut le commissaire des Terres de la couronne, Thomas Baillie*, qui devint la figure dominante de la scène provinciale, si l’on excepte le lieutenant-gouverneur. Quand Baillie arriva au Nouveau-Brunswick en 1824, les Shore cultivèrent leurs relations avec lui, dans l’espoir de bénéficier de son influence au ministère des Colonies. Cependant, pour des raisons qu’on ignore, Shore et Baillie empruntèrent des voies différentes et, comme le montrent les procès-verbaux du Conseil législatif faisant état des scrutins, ils votèrent presque toujours pour des camps opposés. En 1837, la faction de l’Assemblée qui s’opposait à la politique de Baillie réussit à détruire son pouvoir : le ministère des Colonies se laissa convaincre de transférer l’administration des terres publiques à la province. Afin d’appliquer son nouveau programme libéral, le ministère des Colonies nomma en mai de cette année-là sir John Harvey comme lieutenant-gouverneur, en lui donnant instructions de faire en sorte que le Conseil exécutif soit plus sensible à l’opinion politique de la province. Harvey démit deux conseillers, dont Baillie, et en nomma trois nouveaux, Charles Simonds, Hugh Johnston* et Shore. C’est ainsi que l’on se mit à identifier Shore au régime réformiste qui gouverna la province pendant la période que l’historien William Stewart MacNutt* a appelée « l’âge de l’harmonie ». Apparemment, Shore devait surtout sa nomination au fait que Harvey et lui avaient été des compagnons d’armes. Tant par les idées politiques que par le style, le contraste entre le conseil où il avait été nommé en 1821 et celui où il entra en 1837 était remarquable. En 1821, il avait été le protégé de l’austère Smyth, dernier lieutenant-gouverneur attaché à des principes ultra-tories ; en 1837, il entra dans un gouvernement qui reflétait les idées et les manières de la nouvelle époque libérale. Il fallait qu’il soit doué d’une faculté d’adaptation extraordinaire pour passer de l’époque de Smyth, pieuse et étroite d’esprit, à la période d’exubérance inaugurée par Harvey, qui fut un jour décrite par le journaliste Thomas Hill comme « une ère de gaieté débordante et de folles dépenses », où les plaisirs à la mode étaient « les bals, le billard et le brandy », et où il était « de bon ton de festoyer, de s’amuser et de jurer ».
Shore n’avait pas de portefeuille, mais en tant qu’adjudant général de la milice, il eut à faire face aux problèmes relatifs à la frontière du Maine pendant la crise qui déboucha sur la « guerre d’Aroostook » en 1839. En 1837, il joua un rôle de confiance dans la libération de l’agent américain Ebenezer Greeley. Plus tard, Harvey demanda à Shore et au procureur général Charles Jeffery Peters* d’enquêter sur la partialité avec laquelle sir John Caldwell* avait apparemment été traité. Le lieutenant-gouverneur le consulta aussi sur l’envoi de vivres aux Acadiens de l’établissement du Madawaska. Shore démissionna du Conseil exécutif après les élections de 1843, mais il y fut nommé de nouveau le 5 février 1846 et demeura à son poste jusqu’à ce que les principes du gouvernement responsable soient adoptés, en mai 1848, par le lieutenant-gouverneur sir William MacBean George Colebrooke*.
Le beau-père de Shore, John Saunders*, était l’un des plus grands propriétaires terriens du Nouveau-Brunswick ; aussi Shore et sa femme accumulèrent-ils une quantité considérable de propriétés, soit en les recevant en cadeau ou en héritage, soit en les achetant. Ils avaient une maison à Fredericton, appelée Rose Hall, et une autre, Shore’s Folly, dans une île de la rivière Saint-Jean, neuf milles en amont de la ville. Tous deux étaient doués pour le dessin et la peinture, et Shore dressa en 1822 une carte de la province qui fut considérée comme « la plus exacte de toutes ». Apparemment, il exerça ses fonctions publiques avec compétence, sans mériter de distinction particulière mais sans s’attirer de critique sérieuse. En privé, il était reconnu pour sa gentillesse envers ses amis et pour sa charité ; il était aussi considéré comme un bon père de famille qui donnait des réceptions agréables. À sa mort, un de ses amis nota que « comme toutes ses filles étaient mariées, la famille avait soudainement fondu comme neige au soleil de juillet ». Son mode de vie représentait l’idéal auquel la bureaucratie de Fredericton en vint à aspirer. Il avait atteint la maturité dans un milieu social dominé par les valeurs de la meilleure bourgeoisie et continua de les incarner à l’époque de la démocratie et du libéralisme.
Shore ne manifesta pas une grande autorité personnelle dans ses fonctions administratives, mais celles-ci étaient une source d’influence, car elles le mettaient régulièrement en contact avec le lieutenant-gouverneur et le juge en chef et pouvaient être mises au service de deux groupes influents, celui des avocats et celui des notables qui dirigeaient les unités de milice des comtés. En tant que paroissien dévoué et gros propriétaire foncier, il était un porte-parole discret et efficace de ces intérêts. La famille de sa femme, les Saunders, n’était pas liée par le mariage aux Hazen, Odell et Simonds, ces grandes familles qui dominèrent la scène politique de la colonie pendant cette période, mais cela ne fut peut-être pas toujours un désavantage, car il est probable qu’à l’occasion l’indépendance de Shore, reconnue dans la communauté, l’aida dans sa carrière.
C’est surtout à cause de sa carrière militaire et de ses liens avec la milice que l’on se souvient de George Shore. « Grâce à ses efforts, qui furent peut-être plus grands que ceux de tout autre, la milice s’était améliorée et avait survécu. Ce ne fut que dans ses dernières années que l’âge le priva de l’énergie nécessaire pour servir encore. »
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D. Murray Young, « SHORE, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/shore_george_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/shore_george_8F.html |
Auteur de l'article: | D. Murray Young |
Titre de l'article: | SHORE, GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |