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SCOTT, THOMAS, aventurier, né vers 1842, probablement à Clandeboye, comté de Down (Irlande du Nord), décédé le 4 mars 1870 à la Rivière-Rouge (Manitoba).
On ne sait presque rien des premières années de Thomas Scott dont la mort, survenue lors des troubles de la Rivière-Rouge en 1869 et 1870, provoqua une vague d’hostilité entre les Canadiens anglais et les Canadiens français de l’Ontario et du Québec. Quatre ans après sa mort, lord Dufferin [Blackwood*], alors gouverneur général du Canada, décrivait Scott comme « le descendant d’une famille très honorable [...] ses parents sont actuellement fermiers sur mes terres proches de Clandeboye [...] mais lui-même, semble-t-il, s’est montré violent et tapageur, type d’homme qu’on rencontre souvent en Irlande du Nord ».
Scott passa sa jeunesse en Irlande ; vers 1863, il fit son apparition dans le Haut-Canada, où il fut probablement manœuvre. Il était presbytérien, orangiste ardent et zélé, membre du 49e Hastings Battalion of Rifles de Stirling. À l’été de 1869, il arriva à la Rivière-Rouge et se fit engager comme manœuvre pour le projet de la « Dawson Road », une nouvelle voie charretière reliant la Rivière-Rouge au lac Supérieur, sous la direction de John Allan Snow* [V. Simon James Dawson*]. En août, il dirigea une grève contre ce dernier, qui capitula sagement après s’être vu menacé par Scott d’être jeté dans la Seine, proche de la rivière Rouge. Toutefois, contrarié, le surintendant porta plainte pour coups et blessures contre Scott et trois de ses compagnons à la session d’automne de la Cour générale des sessions trimestrielles d’Assiniboia. Scott fut reconnu coupable et frappé d’une amende de £4, en novembre. Sans emploi, il flâna dans Upper Fort Garry (Winnipeg) et tomba sous l’influence de John Christian Schultz*, chef du « parti canadien », petit groupe anglophone qui prônait l’annexion de la Rivière-Rouge au Canada. Dès ce moment, Thomas Scott s’engagea dans la lutte pour l’avenir de la colonie de la Rivière-Rouge.
En s’alliant au groupe de Schultz au début de l’hiver de 1869–1870, Scott trouva peut-être des âmes sœurs mais il avait choisi le parti des perdants. C’était Louis Riel* et les Métis qui avaient la haute main sur la colonie. Après que le parti canadien eut tenté de résister mais en vain, Schultz, Scott, Charles Mair* et 53 autres furent arrêtés le 7 décembre et incarcérés à Upper Fort Garry. Scott fut un prisonnier exemplaire jusqu’à la nuit du 9 janvier 1870 où il réussit à s’évader, en compagnie de Mair et de quelques autres. Il se réfugia dans l’enclave canadienne de Portage-la-Prairie et raconta des fables sinistres sur les traitements que lui avaient fait subir ses ravisseurs. Le mois suivant, il participa à l’organisation d’une expédition de secours des Canadiens, soi-disant pour assurer la libération des prisonniers restants, mais aussi pour essayer de capturer Riel. Entre temps, celui-ci avait relâché tous les prisonniers, comme il l’avait promis à Donald Alexander Smith*, l’émissaire d’Ottawa.
Scott et le groupe de Portage-la-Prairie descendirent sur la colonie de la Rivière-Rouge vers la mi-février et tentèrent, en vain, de s’assurer l’aide des colons de Kildonan. À part les plus irréductibles des Canadiens, les habitants de la Rivière-Rouge étaient prêts à permettre au gouvernement provisoire de Riel, qui devait être largement représentatif, d’en arriver à un arrangement avec Ottawa. Riel envoya aux colons de Kildonan un message de conciliation qui mit fin aux menaces, et l’opposition s’évanouit.
Sans guère d’autre solution que de regagner Portage-la-Prairie, Scott et son groupe décidèrent de se livrer à un dernier acte de défi, traverser Winnipeg sous les murs mêmes d’Upper Fort Garry où Riel et ses partisans métis s’étaient installés. Ignorant que le gouvernement provisoire n’était plus menacé, Riel lui-même ordonna probablement la capture du groupe, qui se fit sans violence le 18 février 1870. Thomas Scott et 47 autres personnes, entre autres leur meneur présumé, le major Charles Arkoll Boulton*, furent enfermés dans le fort. Presque immédiatement, une cour martiale dirigée par des Métis décida d’exécuter Boulton, mais on put convaincre Riel de lui sauver la vie en faisant promettre en échange à Smith de faire tout ce qu’il pourrait pour susciter des appuis au gouvernement provisoire.
Hors de l’enceinte d’Upper Fort Garry, la crise semblait finie, mais dans le fort, Thomas Scott se montrait un prisonnier difficile. Même si les preuves ne sont pas parfaitement concluantes, il semble bien toutefois que Scott ne déguisait pas son dédain des Métis. Il injuria et provoqua ses gardiens à un point tel que, le 28 février, ils le traînèrent dehors et le battirent. Cet incident marqua un virage tragique.
Si la plupart des habitants de la Rivière-Rouge étaient d’accord, quoique sans enthousiasme, pour que Riel et le gouvernement provisoire négocient avec Ottawa l’entrée de la colonie dans la Confédération, l’autorité de Riel reposait en fin de compte sur l’appui permanent des Métis armés. Après avoir subi pendant des mois des tensions et avoir craint l’attaque du parti canadien, ceux-ci étaient surexcitables et indisciplinés. On pouvait interpréter la commutation de la sentence de Boulton comme de la mansuétude fondée sur la force. Ignorer le défi de Scott pouvait paraître une faiblesse. Les Métis étaient de plus en plus d’opinion que Scott devait être puni. Le soir du 3 mars, une cour martiale métisse, tribunal d’exception souvent sollicité dans les Prairies, se réunit ; elle comprenait Ambroise-Dydime* et Jean-Baptiste Lépine*, André Nault* et Elzéar Goulet. Scott fut jugé pour insubordination. À la majorité, la cour martiale le condamna et demanda la peine de mort. Le lendemain, Scott fut abattu par un peloton de tireurs métis.
À longue échéance, l’exécution de Scott fut une bévue. Elle mit en péril l’entrée du territoire de la Hudson’s Bay dans le dominion, envenima les relations entre Canadiens français et anglais, condamna Riel au même sort 15 ans plus tard et menaça le progrès futur du Manitoba. Pour se justifier, Riel expliqua à Smith : « nous devons nous faire respecter du Canada. » Ce respect dépendait de son aptitude à maîtriser la situation locale et à prouver qu’il la dominait. On peut affirmer sans se tromper que cette manœuvre était une erreur, mais ce n’est qu’à posteriori qu’elle pouvait apparaître ainsi.
Peu connu de son vivant, Scott devint après sa mort une cause célèbre. Il finit, dans une mesure disproportionnée à sa propre tragédie, par devenir un symbole des problèmes qu’avait encore à résoudre la nouvelle Confédération. Le Nord-Ouest devait-il revenir à l’Ontario, ou sa colonisation devait-elle être l’œuvre de Canadiens anglais et français ? C’est une résolution des orangistes de Toronto, publiée par le Globe du 13 avril 1870, qui fait preuve de la réaction la plus extrême : « Attendu que Thomas Scott, notre frère, et membre de notre ordre, a été cruellement assassiné par les ennemis de notre reine, il a été décidé que nous, [...] membres de la L[oyal] O[range] L[odge] no 404, mettions en demeure le gouvernement de venger sa mort, et que nous nous engagions à sauver le territoire de la Rivière-Rouge de ceux qui l’ont fait verser dans le papisme et à traîner devant les tribunaux les meurtriers de nos compatriotes. » C’est ainsi que Thomas Scott devint un martyr de l’expansion de l’Ontario vers l’Ouest, sentiment implicite même dans la lettre pathétique adressée par son frère, Hugh Scott, à sir John Alexander Macdonald* : « Dans sa jeunesse, mon frère était fort paisible et inoffensif, mais lorsque les principes et la loyauté envers sa Reine et sa Patrie entraient en jeu, il se montrait courageux et fidèle. »
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J. E. Rea, « SCOTT, THOMAS (mort en 1870) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_1870_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_1870_9F.html |
Auteur de l'article: | J. E. Rea |
Titre de l'article: | SCOTT, THOMAS (mort en 1870) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 4 nov. 2024 |