RICHARDSON, JOHN (il employait aussi, à l’occasion, le deuxième prénom de Frederick), officier, auteur, journaliste, éditeur et fonctionnaire, né le 4 octobre 1796, probablement au fort George (Niagara-on-the-Lake, Ontario), fils de Robert Richardson et de Madelaine Askin ; le 12 août 1825, il épousa Jane Marsh, puis le 2 avril 1832 Maria Caroline Drayson, et aucun enfant ne naquit de ces unions ; décédé le 12 mai 1852 à New York.

John Richardson était, par sa mère, le petit-fils de John Askin*, trafiquant de fourrures et marchand, et de Manette (Monette), qui aurait été probablement une Outaouaise. Quant à son père, originaire du district d’Annandale, en Écosse, il était venu dans le Haut-Canada en qualité de chirurgien des Queen’s Rangers. En 1793, à Queenston, il fit la connaissance de Madelaine Askin et l’épousa, puis s’établit à Amherstburg, sur la rivière de Detroit. C’est là que John passa son adolescence.

En juillet 1812, un mois après le début de la guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, Richardson, âgé de 15 ans, se joignit au 41e d’infanterie à titre de volontaire. Il participa à plusieurs engagements près du lac Érié. Combattant aux côtés des troupes indiennes menées par son héros Tecumseh*, Richardson eut l’occasion d’étudier le tempérament des guerriers indiens. Il allait s’inspirer de cette expérience en écrivant ses romans Wacousta ; or, the prophecy [...], Hardscrabble ; or, the fall of Chicago [...], et Wau-nan-gee ; or, the massacre at Chicago [...]. Fait prisonnier le 5 octobre 1813, à la bataille de Moraviantown, il fut détenu dans le Kentucky. Il décrirait plus tard ses années de guerre dans un essai, « A Canadian campaign, by a British officer ».

Libéré en juillet 1814, Richardson rejoignit en octobre le 8e d’infanterie (il avait reçu un brevet d’enseigne dans ce régiment le 4 août 1813) et, en juin 1815, il partit pour l’Europe avec son régiment afin de combattre la dernière armée de Napoléon. Arrivé trop tard pour participer à la bataille de Waterloo, il fut promu lieutenant en juillet ; mis à la demi-solde en février 1816, il séjourna à Londres avant de se joindre, en mai, au 2e d’infanterie comme lieutenant en second. Il demeura dans ce régiment pendant plus de deux ans, servant surtout à la Barbade et à la Grenade. À cause d’un grave accès de malaria et de raisons personnelles, il fut de nouveau mis à la demi-solde à l’automne de 1818 par le 92e d’infanterie. Durant au moins trois ans, Richardson habita à Londres, après quoi il vécut à Paris où, en 1825, il se maria pour la première fois. Sa connaissance de ces villes se retrouverait plus tard dans ses romans Écarté ; or, the salons of Paris et Frascati’s ; or, scenes in Paris. En 1826, il était de retour à Londres, où il publiait deux ans plus tard un poème intitulé Tecumseh ; or, the warrior of the west [...]. Son récit autobiographique, « A Canadian campaign », parut par tranches en 1826–1827 dans le New Monthly Magazine and Literary Journal (Londres) ; un autre texte, « Recollections of the West Indies », fut probablement publié pour la première fois à la même époque (il devait paraître par tranches dans le New Era, or Canadian Chronicle, en 1842). C’est aussi pendant cette période que Richardson commença à faire du journalisme et à écrire des romans, tout en faisant pression auprès du ministère de la Guerre pour reprendre du service actif.

Le premier roman de Richardson, Écarté, fut publié par Henry Colburn à Londres en 1829. Même s’il devint un ouvrage de référence pour les prédicateurs désireux de prévenir leurs fidèles contre les dangers du jeu, il avait plus de sensibilité et de profondeur qu’un simple texte édifiant et était, comme le notait un critique, rempli de « fines antithèses morales ». Dans ses romans, Richardson visait une description réaliste de la vie, perspective dont il louerait plus tard la présence dans les œuvres de Charles Dickens, qui était selon lui « le peintre le plus pur et le plus fidèle de la nature ». La suite d’Écarté, Frascati’s (1830), écrite en collaboration avec Justin Brenan, décrit comment les escrocs de la capitale française dupaient les touristes irlandais. Mais ce fut son troisième ouvrage, le roman historique Wacousta (1832), qui gagna la faveur du public et établit la réputation de Richardson.

Dans Wacousta, sir Reginald Morton, noble anglais, vient en Amérique du Nord britannique pour se venger de la perte de sa fiancée, conquise par l’un de ses amis et officier comme lui, Charles de Haldimar. Déguisé en Indien et ayant adopté le nom de Wacousta, il aide Pondiac* à mener en 1763 une insurrection armée contre les forts anglais du Nord-Ouest. Seul Detroit est épargné parce qu’une Indienne, amoureuse du fils aîné du commandant du fort, Haldimar, lui révèle la ruse qu’entendent employer les Indiens : jouer au hockey sur l’herbe à l’extérieur du fort, faire semblant de poursuivre la balle à l’intérieur des murs, puis massacrer les habitants. Au terme du roman, Wacousta tue deux des enfants de Charles de Haldimar et sa nièce jette une malédiction qui annonce la fin de la lignée du commandant.

Pour écrire son roman, Richardson se servit des comptes rendus du siège de Detroit, tenu en 1763, et s’inspira des récits de l’attaque du fort Michillimackinac (Mackinaw City, Michigan) [V. Minweweh*] qu’il avait entendus dans son enfance. Wacousta lui-même rappelait quelque peu John Norton*, fils d’un Cherokee et d’une Écossaise qui fut élevé en Écosse et vint en Amérique du Nord britannique en 1785 avec le 65e d’infanterie. Plus tard, Norton devint l’un des chefs des Agniers (Teyoninhokarawen) et collabora étroitement avec Joseph Brant [Thayendanegea*] lorsque celui-ci négocia l’installation controversée des Six-Nations près de la rivière Grand. Dans sa petite enfance, Richardson avait rencontré Norton, qui avait été un agent de traite pour John Askin, et il avait fait appel à son aide lorsque, en 1816, il tentait de recouvrer une pleine solde à Londres. Cependant, le personnage de sir Reginald Morton tire son nom de sir Reginald Norton qui mourut en 1500 à Faversham, en Angleterre. La famille Norton fut étroitement liée aux Drayson pendant quelques siècles ; sir Reginald épousa une Drayson, et plusieurs membres des deux familles occupèrent le poste de maire de Faversham durant le xvie siècle. Richardson lui-même fit la cour à Maria Caroline Drayson à l’époque où il écrivait Wacousta et il l’épousa l’année où il publia cette œuvre. Sans doute entendit-il parler par le père de Mlle Drayson, William, qui s’intéressait à la généalogie, des liens qui les unissaient aux Norton. De plus, le puissant Wacousta, hors-la-loi exerçant sa vengeance sur la société pour une injustice commise envers lui, a des antécédents littéraires évidents. Le Satan de Milton et le Karl Moor de Schiller comptent parmi eux, tout comme les héros de Byron qui demandent réparation pour une amitié trahie. Quand l’édition américaine de 1851 parut, le critique Evert Augustus Duyckinck écrivit : « C’est l’une de ces œuvres curieusement composées devant lesquelles le critique s’arrête parce que, d’abord, elle est assurée [d’obtenir] la sympathie d’un large cercle de lecteurs ; [elle] manifeste de bout en bout du talent ; et pourtant, en même temps, [elle] peut difficilement être évaluée selon les normes strictes du jugement. »

C’est avec moins de bonheur que Richardson se servit d’événements historiques dans la suite de Wacousta, intitulée The Canadian brothers ; or, the prophecy fulfilled [...]. Il qualifia cette œuvre de « roman national canadien » parce que, s’inspirant encore de ses expériences personnelles, il y avait décrit d’un point de vue canadien les combats frontaliers de la guerre de 1812. Mais The Canadian brothers n’avait pas l’intensité de Wacousta et ne fut pas aussi populaire. Publié à Montréal en 1840, ce fut le seul de ses romans à paraître initialement au Canada. En 1851, il fut publié aux États-Unis dans une version modifiée, intitulée Matilda Montgomerie : or, the prophecy fulfilled [...] ais il ne parut jamais en Angleterre, sans doute à cause de son caractère canadien.

En 1835, Richardson avait pu, selon son vœu, reprendre du service actif : il s’était joint, à titre de capitaine, à la légion auxiliaire levée en Grande-Bretagne pour servir en Espagne, où sévissait alors la première guerre carliste. Son ouvrage, Journal of the movements of the British Legion, paru en 1836, de même que la seconde édition parue l’année suivante sous le titre de Movements of the British Legion [...], fut utilisé par les tories pour embarrasser le gouvernement whig de lord Melbourne, dont les représentants répliquèrent en formulant au sein du Parlement des attaques personnelles contre Richardson. Mais la légion britannique avait aussi des problèmes internes et Richardson, en racontant ce qu’il avait souffert sous le commandement du lieutenant général George de Lacy Evans, mit au jour les intrigues mesquines des aventuriers et quémandeurs de postes de l’année. Dans Personal memoirs [...] (1838) et dans un roman satirique, Jack Brag in Spain (publié en feuilleton dans le New Era en 1841–1842), il poursuivit sa description de la légion britannique. Pendant son service en Espagne, il avait été traduit devant un tribunal militaire pour avoir jeté du « discrédit sur la conduite de la Légion », accusation qui avait été transformée en celle de « lâcheté au combat ». Richardson, qui avait été blessé au cours de la campagne, fut exonéré de tout blâme, puis promu major en 1836. Dès lors, ses livres, qui avaient été publiés anonymement, portèrent son nom et son grade.

Richardson retira aussi, de la campagne d’Espagne, le titre de chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Ferdinand, pour son courage au combat. Mis à part son grade de major, c’était la récompense qu’il appréciait le plus. Dès son enfance, Richardson s’était passionné pour la chevalerie et, pendant son séjour en Europe, il en était venu à épouser la thèse de Claude-Henri de Saint-Simon selon laquelle il appartient à l’individu de préserver sa dignité personnelle, don direct du Créateur. Plus tard, il ferait d’un chevalier le personnage central d’un de ses romans : dans The monk knight of St. John ; a tale of the Crusades (1850), un croisé nommé Abdallah, moine-chevalier, est mis à l’épreuve en cette ère de meurtres et de rapines.

Au printemps de 1838, le Times de Londres, journal tory, engagea Richardson pour un an à titre de correspondant étranger afin d’obtenir des comptes rendus des rébellions de 1837–1838, dans le Haut et le Bas-Canada, peut-être en reconnaissance des services qu’il avait rendus aux tories. Après son arrivée à Montréal, toutefois, Richardson devint un fervent partisan du gouverneur en chef, lord Durham [Lambton*], ce qui poussa le Times à le congédier. Une fois Durham rappelé en Angleterre, Richardson demeura d’ailleurs avec des ennemis politiques dans les Canadas.

Dans Eight years in Canada [...] (1847) et sa suite, The guards in Canada ; or, the point of honor [...] (1848), Richardson fait un intéressant récit des événements survenus sous les mandats de Durham, lord Sydenham [Thomson*], sir Charles Bagot* et sir Charles Theophilus Metcalfe*, et décrit les vicissitudes qu’il a lui-même connues de 1838 à 1848. Pendant ces années, il se lança dans le journalisme et la mêlée politique pour appuyer l’opposition conservatrice. Ayant vendu son grade de lieutenant pour acheter une presse à imprimer en juin 1840, il s’établit à Brockville en juillet et y publia, de juin 1841 à août 1842, le New Era dans lequel il tenta de présenter de la « littérature raffinée » aux Canadiens. Puis, installé à Kingston, il publia le Canadian Loyalist, & Spirit of 1812 de janvier 1843 à juillet 1844. Une fois de plus, Richardson s’exposa à la controverse. Il croisa le fer avec des membres de l’armée britannique et avec des conservateurs canadiens-français qui, sous la direction de Clément-Charles Sabrevois* de Bleury, s’opposaient au plan d’union du Haut et du Bas-Canada conçu par Durham. En 1842., Richardson réédita son essai antérieur, « A Canadian campaign », y ajouta des extraits de documents officiels sur la guerre et le publia en tranches dans le New Era sous le titre de « Opérations of the right division [...] ». Les articles furent bien accueillis et publiés de nouveau en livre sous le titre de War of 1812 [...]. Richardson espérait que cet ouvrage serait employé dans les écoles et demanda une subvention à l’Assemblée législative de la province du Canada pour publier deux autres volumes. Il reçut £250 mais affirma que cette somme ne faisait que couvrir les frais qu’il avait lui-même engagés pour publier le premier volume. En fait, il mit à l’encan les exemplaires restants de War of 1812 pour rembourser ses créanciers ; un seul exemplaire fut vendu, et aucun autre volume ne fut publié. Francis Hincks*, qui s’était opposé au versement de la subvention de peur que Richardson ne l’affecte à ses journaux, devint alors un de ses adversaires politiques impitoyables et l’attaqua régulièrement dans des écrits. En 1843, Richardson souleva encore une controverse lorsque, le 17 octobre, il se battit en duel contre Stewart Derbishire*, qui avait ardemment défendu les responsables de la mort d’un jeune homme de 16 ans, survenue lors d’un affrontement le jour de la fête des orangistes.

Malgré ses fréquentes querelles avec des hommes politiques importants, Richardson tenta à plusieurs reprises d’obtenir un poste du gouvernement. Mais ses ennemis étaient trop nombreux. Au début de 1842, il s’était adressé en vain à la reine Victoria pour obtenir une pension, alléguant être « le seul auteur que ce pays [ait] produit jusqu’[alors] ». Après la faillite de ses journaux, il se retrouva criblé de dettes. Enfin, en mai 1845, le gouverneur en chef Metcalfe, que Richardson avait soutenu énergiquement dans le Canadian Loyalist, le nomma surintendant de la police du canal Welland. Richardson et sa femme s’installèrent alors à St Catharines.

Assisté seulement d’un petit groupe d’hommes, Richardson avait alors une responsabilité peu enviable : maintenir l’ordre sur le canal Welland, où des rixes, souvent organisées par des adversaires politiques du gouvernement pour embarrasser celui-ci, s’étaient déclarées parmi les ouvriers irlandais, qui protestaient aussi contre les salaires de famine que leur versaient les entrepreneurs privés. En dépit de l’antagonisme de son employeur, le bureau des Travaux publics, dont les membres étaient des réformistes opposés à Metcalfe, Richardson entreprit de constituer une force disciplinée et de mettre fin à la violence qui sévissait le long du canal. Humiliations, affrontements violents, parodie de procès, il subit tout cela en tentant d’affirmer son autorité, jusqu’à ce qu’on lui enlève tout pouvoir réel. Puis un autre malheur le frappa : tourmenté par les difficultés de son mari, Maria Caroline Drayson mourut subitement le 16 août 1845 d’une crise d’apoplexie. Quand, en décembre, il apparut qu’une paix relative avait été restaurée, Samuel Power, ingénieur en chef et employé bien vu du bureau des Travaux publics, recommanda que la force policière soit réduite et que Richardson soit démis de ses fonctions, puisque sa présence n’était plus requise. Ce dernier fut congédié à la fin de janvier 1846. La même année, il publia sa version de l’épisode du canal Welland dans Correspondence (submitted to parliament)[...].

D’août 1846 à janvier 1847, Richardson s’employa à déterrer des scandales politiques en publiant un hebdomadaire à Montréal, le Weekly Expositor ; or, Reformer of Public Abuses and Railway and Mining Intelligencer. Au cours de la même période, il écrivit aussi quelques articles pour le Courier de Montréal. En avril 1849, l’adoption du projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion, qui accordait aux rebelles de 1837–1838 des indemnités égales à celles que les loyalistes avaient reçues, indigna les loyalistes et provoqua des émeutes à Montréal. Ces désordres poussèrent Richardson à s’installer à New York à l’automne de 1849. Après tout, les Américains l’estimaient comme auteur tandis que les Canadiens s’intéressaient peu à son œuvre.

L’arrivée de Richardson sur la scène littéraire américaine fut marquée par la publication en feuilleton, dans le Sartain’s Union Magazine of Literature and Art (Philadelphie), de février à juin 1850, de son nouveau roman, Hardscrabble, dont l’intrigue est centrée sur le siège du fort Dearborn (Chicago) par les Indiens en 1812. Ses écrits augmentèrent le nombre de lecteurs du Sartain’s ; la publication par tranches de son roman suivant, Wau-nan-gee, eut le même effet pour le Sunday Mercury de New York en 1851. Pourtant il semble que, malgré son succès évident, Richardson ne se trouvait pas dans une meilleure situation financière qu’auparavant. Même si ses romans Écarté, Wacousta et The Canadian brothers (sous le titre de Matilda Montgomerie) furent réédités et reçurent, tant de la critique que du public, un aussi bon accueil que ses romans plus récents, dont The monk knight, il en tirait peu d’argent parce que, démuni, il devait les vendre aux éditeurs pour de maigres sommes forfaitaires.

À New York, Richardson écrivit aussi des nouvelles pour des périodiques et au moins deux chansons. Une de celles-ci, All hail to the land, mise en musique par le harpiste Charles Nicholas Bochsa et publiée en octobre 1850, était une chanson nationale. Une nouvelle, Westbrook ; or, the renegade, fut d’abord refusée en 1851 lors d’un concours organisé par le Sartain’s, mais Richardson en fit plus tard un court roman, Westbrook ; the outlaw [...], à la suggestion du rédacteur en chef du Sunday Mercury, journal où il parut en feuilleton à l’automne de 1851. Le roman s’inspirait d’une personne réelle, Andrew Westbrook*, fermier vivant à proximité des Loups, sur la rivière Thames, dans le Haut-Canada. Pendant la guerre de 1812, Westbrook avait été accusé d’avoir conduit des bandes de maraudeurs américains dans la province et avait été mis hors la loi par les tribunaux haut-canadiens en 1816. Richardson le dépeignit comme un scélérat qui se vengea d’avoir perdu le commandement de la milice du district au profit d’un jeune voisin de la gentry de l’endroit en emprisonnant la sœur de cet homme dans une cabane isolée et en la violant tous les jours jusqu’à ce qu’il soit découvert. Richardson s’était peut-être inspiré en partie du soulèvement organisé dans les années 1840 par des fermiers de la région d’Albany, dans l’état de New York, contre les propriétaires fonciers, ainsi que des journaux de New York, qui avaient décrit les insurgés comme des sauvages assoiffés de sang. Même si Westbrook fut publié sous forme de livre en 1853, il devint à toutes fins utiles introuvable jusqu’à ce qu’on découvre, en 1973, sa version en feuilleton dans une vente aux enchères de livres à New York.

La dernière publication de Richardson, Lola Montes : or, a reply to the Private history and memoirs of that celebrated lady [...] (1851), fut écrite à la défense de la danseuse et actrice qui arriva à New York à la fin de cette année-là. Il la fit paraître à ses frais, sous le couvert de l’anonymat, mais ce fut un échec commercial. Plutôt que de s’améliorer, ses finances, qui allaient déjà mal, s’en trouvèrent encore amoindries. Sous-alimenté, il mourut d’érysipèle le 12 mai 1852 à New York. Ses amis firent une collecte pour payer ses funérailles, mais nul document n’indique où il fut inhumé. On sait seulement que son corps fut transporté hors de la ville.

Tout au long de sa vie, Richardson défendit son individualité à un point tel que nombre de gens le jugeaient querelleur, déraisonnable et énigmatique. Sensible aux affronts, il était toujours prêt à se battre en duel, ce qu’il fit effectivement à de nombreuses reprises. Bien qu’excellent tireur au pistolet, il prétendait ne jamais provoquer les affrontements mais plutôt ne les accepter que lorsqu’il n’y avait pas d’autre moyen de préserver sa dignité. S’il critiquait durement ses contemporains et leur utilitarisme, c’était par croyance en la nécessité absolue, pour l’individu, de développer sa personnalité. Au cours des années 1840, il se laissa gagner par les enseignements fatalistes de William Miller, chef d’une secte américaine qui annonçait la fin du monde. Plus tard, à New York, Richardson suivit le prédicateur évangélique William Augustus Muhlenberg, qui proclamait l’universalité du christianisme et insistait sur le pouvoir spirituel de l’amour.

Parmi les bons côtés de Richardson, on peut noter son souci du développement du Canada, particulièrement évident dans l’appui qu’il manifesta à lord Durham et au principe du gouvernement responsable, ainsi que son hostilité envers ce qu’il considérait comme des bureaucraties corrompues et irresponsables. En poursuivant ses buts et ses idéaux avec un zèle excessif et en attendant trop de reconnaissance et de succès, il se fit inutilement des ennemis. De plus, il avait un tempérament impatient et égoïste. Bien que champion de l’intégrité et de la prévenance dont il voyait l’exemple dans le code de la chevalerie, il ne dédaignait pas les petits mensonges et la poursuite de ses intérêts personnels. Il était ainsi humain, comme ses personnages fictifs à travers lesquels il tentait de rendre le réalisme dans ses œuvres. Certes, il était prompt à s’emporter et montrait une persévérance entêtée dans la poursuite de ses objectifs, mais il ne manquait pas des qualités d’un visionnaire, d’un subtil sens de l’humour et de talents littéraires, qui furent reconnus par certains de ses contemporains. Selon Richardson, son « génie inventif » était un talent naturel : « Le pouvoir de tisser ainsi ensemble les faits d’une histoire afin de les rendre compréhensibles et intéressants pour le lecteur n’est qu’un don que certaines personnes possèdent à un degré supérieur ou inférieur ; et, à celui qui l’a reçu, il ne peut donner droit à plus de crédit que ne peut raisonnablement en réclamer tout homme ou toute femme qui a le bonheur d’avoir reçu de la nature une beauté et des attraits personnels supérieurs à ceux dont bénéficient l’ensemble des personnes de son espèce. » Il ne montrait nulle patience à l’endroit des Canadiens qui, en négligeant leurs écrivains, se diminuaient aux yeux du monde civilisé. « Oui, écrivait-il, j’ai noté ailleurs que les Canadiens ne sont pas un peuple liseur. Ils ne le sont pas, en effet ; et pourtant, le pays compte des centaines d’hommes instruits qui devraient se montrer plus éclairés [...] qui possèdent un certain degré d’influence publique et qui auraient dû sentir que, en honorant ceux que les cercles raffinés de la société, et même ceux d’une espèce plus humble, ont placé haut dans l’échelle des conventions, ils adoptaient le meilleur moyen de s’élever eux-mêmes. »

Négligé par les Canadiens, John Richardson tomba presque dans l’oubli. Dans l’un des fréquents accès de frustration qu’il connut au Canada, il écrivit : « si jamais un goût plus raffiné et cultivé était introduit dans le pays terre-à-terre où je suis venu à l’existence, ses habitants ne me feraient pas l’honneur d’inscrire mon nom sur la liste de leurs auteurs ». Il s’écoula beaucoup de temps avant que sa vie ne suscite de l’intérêt et que ses romans, créations énergiques et complexes, ne commencent à recevoir de l’attention. Lui qui, en son temps, affirmait que le Canada devait se donner une littérature nationale aurait été heureux de voir qu’aujourd’hui ses œuvres sont considérées comme ayant contribué à son apparition.

David R. Beasley

Plusieurs des œuvres intégrales de John Richardson ont d’abord été publiées en feuilleton ; certains de ses ouvrages, plus particulièrement les romans et surtout Wacousta, ont connu des réimpressions fréquentes ou de nouvelles versions. La présente bibliographie répertorie ses écrits les plus importants parmi ceux qui existent encore, et donne le titre de la première impression connue. Mon ouvrage, The Canadian Don Quixote : the life and works of Major John Richardson, Canada’s first novelist (Erin, Ontario, 1977), 198–202, et la compilation de W. F. E. Morley, A bibliographical study of Major John Richardson (Toronto, 1973), renferment des bibliographies plus complètes qui renvoient à des œuvres disparues partiellement ou entièrement et fournissent une information exhaustive de la production littéraire de Richardson. Mon ouvrage est la première biographie complète du romancier et celui de Morley. contient, en guise d’introduction, une biographie écrite par Derek F. Crawley. On trouve aussi dans The Canadian Don Quixote une liste de sources additionnelles pour étudier la carrière de Richardson.

Richardson est l’auteur des romans suivants : The Canadian brothers ; or, the prophecy fulfilled : a tale of the late American war (2 vol., Montréal, 1840), publié à nouveau sous le titre de Matilda Montgomerie : or, the prophecy fulfilled ; a tale of the late American war, being the sequel to Wacousta (New York, 1851) ; Écarté ; or, the salons of Paris (3 vol., Londres, 1829) ; Frascati’s ; or, scenes in Paris (3 vol., Londres, 1830), écrit avec Justin Brenan ; Hardscrabble ; or, the fall of Chicago : a tale of Indian warfare (New York, [1850 ou 1851]) ; The monk knight of St. John ; a tale of the Crusades (New York, 1850) ; Wacousta ; or, the prophecy : the tale of the Canadas (3 vol., Londres et Édimbourg, 1832) ; Wau-nan-gee ; or, the massacre at Chicago : a romance of the American revolution (New York, [1852]) ; et Westbrook, the outlaw ; or, the avenging wolf (New York, 1853), qui a été réimprimé avec une préface de D. R. Beasley (Montréal, 1973). Parmi ses poèmes, notons : Kensington Gardens in 1830 : a satirical trifle (Londres, 1830) ; « Miller’s prophecy fulfilled », Canadian Loyalist, & Spirit of 1812 (Kingston, Ontario), 1er févr. 1844, un exemplaire existe encore et se trouve aux APC ; le poème a été édité par D. R. Beasley et W. F. E. Morley et publié dans Soc. bibliogr. du Canada, Cahiers (Toronto), 10 (1971) : 18–28 ; et Tecumseh ; or, the warrior of the west : a poem, in four cantos, with notes (Londres, 1828).

À part ses romans et ses poèmes, Richardson a écrit : « A Canadian campaign, by a British officer », New Monthly Magazine and Literary Journal (Londres), nouv. sér., 17 (juill.–déc. 1826), part. ii : 541–548 ; 19 (janv.–juin 1827), part. : 162–170, 248–254, 448–457, 538–551 ; Correspondence (submitted to parliament) between Major Richardson, later superintendent of police on the Welland Canal, and the Honorable Dominick Daly, provincial secretary [...] (Montréal, 1846) ; Eight years in Canada ; embracing a review of the administrations of Lords Durham and Sydenham, Sir Chas. Bagot, and Lord Metcafe, and including numerous interesting letters from Lord Durham, Mr. Chas. Buller and other well-known public characters (Montréal, 1847) ; The guards in Canada ; or, the point of honor : being a sequel to [...] Eight years in Canada (Montréal, 1848) ; Journal of the movements of the British Legion (Londres, 1836), 2e éd. parue sous le titre de Movements of the British Legion, with strictures on the course of conduct pursued by Lieutenant-General Evans (Londres, 1837) ; Lola Montes : or, a reply to the Private history and memoirs of that celebrated lady, recently published, by the Marquis Papon [...] (New York, 1851) ; « Operations of the right division of the army of Upper Canada, during the American War of 1812 », New Era, or Canadian Chronicle (Brockville, Ontario), 2 mars–22 juill. 1842, publié de nouveau sous le titre de War of 1812, first series ; containing a full and detailed narrative of the operations of the right division, of the Canadian army ([Brockville], 1842) ; Personal memoirs of Major Richardson [...] as connected with the singular oppression of that officer while in Spain by Lieutenant General Sir De Lacy Evans (Montréal, 1838) ; et « Recollections of the West Indies », New Era, or Canadian Chronicle, 2 mars–24 juin 1842.

Certaines réimpressions des ouvrages de Richardson contiennent d’utiles informations biographiques. Ainsi en est-il de : The Canadian brothers [...], introd. de C. F. Klinck (Toronto et Buffalo, N. Y., 1974) ; Richardson’s War of 1812, with notes and a life of the author, A. C. Casselman, édit. (Toronto, 1902) ; et Tecumseh and Richardson : the story of a trip to Walpole Island and Port Sarnia, A. H. U. Colquhoun, édit. (Toronto, 1924). Voir aussi : Major Richardson’s short stories, D. R. Beasley, édit. (Penticton, C.-B., 1985). De plus, le Centre for Editing Early Canadian Texts (Ottawa) compte, parmi ses projets, celui de rééditer Wacousta.  [d. r. b.]

APC, RG 5, C1, 196, Richardson à lord Elgin, 10 mai 1847.— New York Public Library, mss and Arch. Division, Duyckinck family papers, E. A. Duyckinck diary, 13 sept. 1851.— PRO, WO 25/772 : 130vo.— G.-B., Parl., Hansard’s parliamentary debates (Londres), 3e sér., 38 (1837) : 2–123.— Literary World (New York), 1er mars 1851.— Mirror of Parliament (Londres), avril 1837.— New Monthly Magazine and Literary Journal (Londres), nouv. sér., 27 (janv.–déc. 1829), part. iii : 189–190.— Pick (New York), 22 mai 1852.— Sunday Mercury (New York), 16 mai 1852.— DNB.Major John Richardson ; a selection of reviews and criticism, Carl Ballstadt, édit. (Montréal, 1972).— D. R. Cronk, « The editorial destruction of Canadian literature : a textual study of Major John Richardson’s Wacousta ; or the prophecy » (thèse de m.a., Simon Fraser Univ., Burnaby, C.-B., 1977).— Dennis Duffy, Gardens, covenants, exiles : loyalism in the literature of Upper Canada/Ontario (Toronto, 1982).— Michael Hurley, « The borderline of nightmare : a study of the fiction of John Richardson » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1984).— Robert Lecker, « Pattems of deception in Wacousta », The Canadian novel, John Moss, édit. (3 vol. parus, Toronto, 1978–  ), 2 : 4759.— C. W. New, Lord Durham ; a biography of John George Lambton, first Earl of Durham (Oxford, Angl., 1929).— James Reaney, Wacousta ! (Toronto, 1979).— W. R. Riddell, John Richardson (Toronto, 1923).— T. D. MacLulich, « The colonial major : Richardson and Wacousta », Essays on Canadian Writing (Downsview [Toronto]), no 29 (été 1984) : 66–84.— Desmond Pacey, « A colonial romantic : Major John Richardson, soldier and novelist », Canadian Literature (Vancouver), no 2 (automne 1959) : 20–31 ; no 3 (hiver 1960) : 47–56.

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David R. Beasley, « RICHARDSON, JOHN (John Frederick) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/richardson_john_1796_1852_8F.html.

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Auteur de l'article:    David R. Beasley
Titre de l'article:    RICHARDSON, JOHN (John Frederick)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    20 déc. 2024