Titre original :  Image courtesy of Esther Clark Wright Archives, Vaughan Memorial Library, Acadia University, Wolfville, Nova Scotia. 
Photograph of J.F. Herbin. Date Created: [1890?]. Creator: Gauvin & Gentzel, Halifax, NS.

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HERBIN, JOHN FREDERIC, bijoutier, auteur, optométriste, homme politique, historien et promoteur du patrimoine acadien, né le 8 février 1860 à Windsor, Nouvelle-Écosse, fils de John Herbin et de Marie-Marguerite Robichaud ; le 3 juin 1897, il épousa à Grand-Pré, Nouvelle-Écosse, Minnie Rounsefell Simson, et ils eurent cinq enfants, dont deux fils et deux filles atteignirent l’âge adulte ; décédé le 29 décembre 1923 à Wolfville, Nouvelle-Écosse.

La vie professionnelle de John Frederic Herbin fut influencée par son père huguenot qui, au début des années 1850, partit de Cambrai, en France, apparemment à cause d’ennuis politiques, pour immigrer en Nouvelle-Écosse. Le père de Herbin fut horloger à Bedford, puis à Windsor jusqu’en 1870, année où il s’installa avec sa famille à Halifax pour ouvrir une boutique d’orfèvre. John Frederic avait quitté l’école pour prendre part au commerce familial ; il aurait, paraît-il, fabriqué sa première alliance en or à l’âge de neuf ans. La famille retourna en 1877 à Windsor, où John Frederic et son père furent horlogers. En décembre 1882, Herbin suivit son père au Colorado et au Nouveau-Mexique. Après avoir enseigné aux deux endroits jusqu’en avril 1884, il s’établit à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, où il fonda l’année suivante la firme Herbin Jewellers, entreprise familiale qui célébrerait son cent vingtième anniversaire en 2005. Il poursuivit ses études à l’Acadia College, à Wolfville, de 1886 à 1890 et obtint une licence ès arts avec distinction. Tout en exploitant son commerce, il commença à enseigner la sténographie en 1891 et, après avoir terminé le premier de sa classe à l’issue d’un bref cours à l’Ontario Optical Institute de Toronto en 1896, il ajouta l’optométrie à ses services professionnels. Toujours animé d’un sens civique, il fut conseiller municipal de Wolfville et, en 1902–1903, maire de cette ville.

C’est à titre d’auteur ainsi que de promoteur de l’histoire et du nationalisme acadiens que Herbin frappa le mieux l’imagination de ses contemporains. Pendant ses études à l’Acadia College, il avait déjà commencé à publier de la poésie et de la prose dans le journal de cet établissement, l’Acadia Athenæum, tout comme dans des journaux locaux. Inspiré, semble-t-il, par les histoires de sa mère acadienne sur l’exil de son peuple et sur son retour après la déportation de 1755 [V. Charles Lawrence*], il entreprit de se donner la « mission de travailler et d’écrire », comme il l’expliquerait à un reporter de Boston en 1905, « en vue de préserver, pour les intéressés, le nom et la mémoire de [son] peuple, [celui des] Acadiens, terriblement lésés ». « J’imagine, fit-il observer, l’angoisse de mon arrière-arrière-grand-père lorsqu’on l’obligea à partir […] et à se rendre dans un lieu étranger. Je peux presque entendre les pleurs des mères séparées de leurs enfants et je me rends compte […] de l’injustice et de l’horreur de tout cela. »

Les poètes Charles George Douglas Roberts*, Theodore Harding Rand* et Carman saluèrent l’adresse de Herbin à manier le sonnet. Avec à-propos, le philosophe américain William James écrivit de Cambridge, au Massachusetts, en 1897 : « De toute ma vie, je ne pense pas avoir rencontré un mariage aussi parfait de l’âme d’un homme avec la terre qu’il habite. » Pour un vaste lectorat, Herbin traduisit avec beaucoup d’efficacité ses recherches personnelles sur divers aspects du patrimoine acadien (généalogie, sites archéologiques, routes, réseaux d’aboiteaux (digues) et artefacts) dans une série de textes sur l’histoire locale, notamment Grand-Pré : a sketch of the Acadian occupation of the shores of the basin of Minas (Toronto et Montréal, 1898), The history of Grand-Pré : the home of Longfellow’s « Evangeline » (Toronto, 1900) et The land of Evangeline : the authentic story of her country and her people (Toronto, 1921). Les dossiers de publication de Briggs font état de 500 exemplaires (400 à reliure cartonnée, 100 à reliure en toile) de The marshlands pour distribution en 1900, et de la production de 1 000 exemplaires de The history of Grand-Pré, tant pour la première que pour la troisième édition, respectivement parues en 1900 et en 1907. Quant à l’ouvrage intitulé The land of Evangeline, relié avec un exemplaire de l’Évangéline de Henry Wadsworth Longfellow et publié par la Musson Book Company Limited, il connut cinq éditions et se vendit à 15 000 exemplaires en 1921. L’œuvre de fiction romantique de Herbin, The heir to Grand-Pré, eut un plus modeste tirage, de 500 exemplaires, au moment de sa publication chez Briggs en 1907 ; le compte pour cet ouvrage fut fermé en 1914. Son roman Jen of the marshes, publié à Boston en 1921, rappelait sa prédilection des premiers jours pour la fiction teintée de couleur locale ; Herbin y réinventait le personnage d’Évangéline sous les traits d’une nouvelle héroïne, solidement ancrée dans la culture pastorale du Grand-Pré des temps modernes. Les amoureux infortunés mis en scène par Herbin, de culture anglaise et française, sont réunis symboliquement à la fin de chacun des deux romans ; l’auteur avait cependant comme objectif plus manifeste d’utiliser le procédé de la fiction amoureuse pour mettre en valeur le souvenir de ses ancêtres dépossédés.

Les contributions les plus durables de Herbin à la préservation de la culture acadienne d’avant la Déportation furent l’acquisition en 1907 d’un terrain de 14 acres, à l’endroit où la communauté de Grand-Pré s’était à l’origine établie, et la création d’un mouvement en vue d’y aménager un parc commémoratif. Parmi la liste de projets qu’il avait dressée pour ce parc l’année précédente figuraient la mise en place d’une structure pour clôturer l’endroit, l’érection de monuments à la mémoire de Longfellow, des Acadiens et d’Évangéline, la reconstruction de l’église acadienne à l’emplacement d’origine, la restauration de la demeure du prêtre, du puits acadien et du « lieu de sépulture », la protection des saules acadiens de même que l’installation de plaques descriptives en bronze. Dans une lettre adressée au premier ministre sir Wilfrid Laurier* le 25 juin 1906, Herbin avait expliqué que « l’intérêt international », « les bons rapports entre [les] deux grands peuples du Canada » ainsi que « la fierté et [le sentiment de] satisfaction » constituaient les raisons qui justifiaient son projet de 50 000 $, et il invitait Laurier à y donner son appui (avec les hommes politiques Robert Laird Borden* et sir Frederick William Borden*, tous deux originaires du bassin des Mines, région qui avait subi la Déportation). Même si Frederick William Borden reconnaissait que Herbin était un homme « tout à fait honnête et honorable », il conseilla à Laurier de différer son parrainage jusqu’à ce qu’il puisse évaluer dans quelle mesure le projet de restauration était destiné à attirer les touristes américains.

En novembre 1917, puisqu’il n’avait pas réussi à « amener les Acadiens à s’intéresser au projet », et qu’il était préoccupé par l’idée que le site puisse être profané, Herbin vendit le terrain pour la somme de 1 650 $ au Dominion Atlantic Railway (pris à bail par la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique) en vue de la création d’un parc ; le contrat stipulait que l’emplacement de l’église d’origine de Saint-Charles-des-Mines devait être cédé aux Acadiens pour qu’ils y érigent un monument commémoratif de leur passé. Le 28 mai 1919, la Société l’Assomption [V. David-Vital Landry] prit possession du terrain qu’avait occupé l’église. Le Dominion Atlantic Railway, qui, dès les années 1890, avait exploité le caractère antimoderne du mythe d’Évangéline à des fins touristiques, dévoila une statue de ce personnage (conçue par Louis-Philippe Hébert*) dans le parc en 1920. Le poème de Herbin qui faisait l’éloge de ses ancêtres, The returned Acadian, était devenu le véhicule publicitaire du Dominion Atlantic Railway, sous le titre Evangeline’s return. Avant de mourir subitement, en 1923, Herbin eut l’occasion de voir la réalisation de son rêve progresser lorsque commença la construction de l’église commémorative (une fois l’église terminée, la collection d’artefacts acadiens de Herbin se retrouverait au musée installé dans ses murs).

Peut-être parce qu’il était anglophone et protestant (il lisait le français, mais ne le parlait pas), John Frederic Herbin eut toute sa vie de la difficulté à rallier les Acadiens à ses projets. Son apport finit par être reconnu, comme en témoignent un article publié dans l’Évangéline de Moncton en 1924 et une plaque ajoutée en 1925 à la croix de pierre commémorative qu’il avait placée dans le parc en 1909. Ses efforts pour promouvoir la région de Grand-Pré (y compris la production commerciale de cartes postales) continuèrent d’alimenter la mise en marché touristique de la région jusque dans les années 1930. Son œuvre littéraire et ses tentatives pour créer un parc à Grand-Pré ont entretenu la flamme du passé acadien et c’est ainsi que Herbin a le plus efficacement contribué, de son vivant, à susciter tant chez les Acadiens que chez les Canadiens le dessein de bâtir un pays.

Gwendolyn Davies

Acadia Univ., Vaughan Memorial Library, Esther Clark Wright Arch. (Wolfville, N.-É.), John Frederic Herbin fonds.— BAC, MG 26, G : 111544–111548.— Centre d’études acadiennes, Univ. de Moncton, N.-B., Fonds Placide Gaudet, 1.70-8.— EUC-C, Fonds 513/1, 83.061c, file 43-1os.— « Dette de reconnaissance », l’Évangéline (Moncton), 7 mai 1925.— L’Évangéline, 3 janv. 1924.— Sunday Herald (Boston), 20 août 1905.— Blodwen Davies, « Wanted : a literary executor », New Outlook (Toronto), 30 nov. 1927.— Barbara Le Blanc, Postcards from Acadie : Grand-Pré, Evangeline & the Acadian identity (Kentville, N.-É., 2003).— Ian McKay, The quest of the folk : antimodernism and cultural selection in twentieth-century Nova Scotia (Montréal et Kingston, Ontario, 1994).— Harry Piers et D. C. Mackay, Master goldsmiths and silversmiths of Nova Scotia and their marks, U. B. Thomson et A. M. Strachan, édit. (Halifax, 1948).— L. D. Storr, « John Frederic Herbin : the re-creation of the past » (mémoire de m.a., Acadia Univ., 1995).

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Gwendolyn Davies, « HERBIN, JOHN FREDERIC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/herbin_john_frederic_15F.html.

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Auteur de l'article:    Gwendolyn Davies
Titre de l'article:    HERBIN, JOHN FREDERIC
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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