BOURDON, JEAN (appelé parfois M. de Saint-Jean ou sieur de Saint-François), seigneur, ingénieur arpenteur, cartographe, commerçant, procureur-syndic de la ville de Québec, commis général de la Communauté des Habitants, explorateur, procureur général au Conseil souverain, né vers 1601 à Saint-André-le-Vieil, à Rouen, décédé à Québec en 1668.

Il arrive dans la Colonie le 8 août 1634 en compagnie de son ami l’abbé Jean Le Sueur ; il est célibataire et porte le titre d’ingénieur de M. le gouverneur. Dès son arrivée, il s’installe dans la banlieue de Québec, sur le coteau Sainte-Geneviève. Le 5 avril 1639, le gouverneur Huault de Montmagny lui donne en roture le lopin de terre de 50 arpents qu’il occupe depuis son arrivée et qu’il a baptisé « terre Saint-Jean ». Il construit un moulin et une chapelle qui sera desservie par Jean Le Sueur. Plus tard, le 19 mars 1661, la Compagnie de la Nouvelle-France érigera en fief noble cette première concession.

Jean Bourdon reçoit plusieurs autres seigneuries en récompense de services rendus. Le 30 juillet 1636, il obtient la seigneurie de la rivière au Griffon, grande d’une lieue sur trois. Le 1er décembre 1637, on lui concède la seigneurie d’Autray, mesurant une demi-lieue sur deux, qu’il donnera à son fils Jacques le 20 décembre 1653. Le 10 mars 1646, Montmagny lui accorde en roture la terre Saint-François à la condition qu’il y construise un fort de bois pour protéger Québec contre les Iroquois. Bourdon ne possède d’abord qu’une partie de cette terre, mais l’abbé Le Sueur lui fera don de sa part. Le gouverneur Jean de Lauson, le 25 avril 1655, érigera en fief noble cette propriété. Le 15 décembre 1653, Bourdon obtient la seigneurie de Dombourg (anagramme de Bourdon), située à l’endroit qu’on appelle aujourd’hui Pointe-aux-Trembles, et qu’il destine à son fils Jean-François. Quelques jours plus tard, le 21 décembre, le gouverneur lui concède la seigneurie de La Malbaie, d’une profondeur de quatre lieues. Le 30 mars 1655, il acquiert, dans la seigneurie de Lauson, l’arrière-fief Sainte-Anne, qu’il donnera aux Ursulines pour payer la dot de sa fille Anne.

Jean Bourdon ne semble pas consacrer trop de temps à la mise en valeur de ses seigneuries. Il vit dans le fief Saint-Jean qu’il a mis en culture et dans lequel il a construit « un grand corps de logis et un petit corps de logis dans lequel est une chapelle, deux granges et trois greniers ». Il exerce sa profession d’ingénieur arpenteur. Il procède à l’arpentage de la ville de Québec, préside aux constructions et règle les contestations de terrain. Il trace même, lors de son séjour en France en 1641–1642, une carte détaillée de la région située entre Québec et le cap Tourmente, l’île d’Orléans comprise. Il s’associe en 1653 avec Jean-Paul Godefroy et Louis d’Ailleboust pour établir un commerce triangulaire Canada-Antilles-France.

Jean Bourdon devient une figure en vue dans la Colonie. En 1645, on le nomme gouverneur intérimaire de Trois-Rivières. L’année suivante, il se rend avec le père Jogues au pays des Iroquois pour cimenter le traité de paix conclu l’été précédent à Trois-Rivières entre Montmagny et les chefs indigènes, représentés notamment par l’orateur Kiotseaeton. Parti le 16 mai, il arrive en Iroquoisie le 7 juin. Le 10 a lieu la rencontre avec les capitaines. On renouvelle le traité de paix, mais avec réticence. Jogues et Bourdon sont de retour à Trois-Rivières le 29. Au moment de leur départ, une épidémie de petite vérole se répand chez les Iroquois. Des capitaines belliqueux accusent Jogues de sorcellerie et la paix est rompue.

La création de la Communauté des Habitants porte Bourdon au premier rang de la société québécoise. En 1647, on l’élit procureur-syndic de la ville de Québec, puis le gouverneur le nomme commis général de la Communauté. Ce dernier poste l’oblige, les années suivantes, à parcourir la colonie en tous sens, car il doit surveiller la traite des fourrures. En 1650, il passe en France, accompagné de Godefroy qui, selon Burke-Gaffney, va négocier la création de la Compagnie de Tadoussac. À la demande de Lauson, semble-t-il, la Compagnie de la Nouvelle-France le nomme son procureur fiscal avec mission de surveiller les activités de la Compagnie de Tadoussac.

Il est au service de la Communauté quand il entreprend son célèbre voyage à la baie d’Hudson. La Potherie [Le Roy*] Charlevoix* et Garneau* datent ce voyage de 1656. Leur erreur proviendrait d’un faux document fabriqué plus tard par le gouverneur de Brisay* de Denonville dans le but d’établir les droits de la France sur la baie d’Hudson. Les Relations et les documents de l’époque s’entendent sur l’année 1657. Parti de Québec le 2 mai avec 16 Français et 2 Hurons, il se serait rendu au 55e degré, soit à Kibokok, à l’embouchure de l’Ashouanipi. L’assassinat de ses guides hurons l’empêche de continuer sa route. Il revient à Québec le 11 août 1657. Lors des négociations diplomatiques entre la France et l’Angleterre pour la possession de la baie d’Hudson en 1687, les Français ont tenté de fonder leur droit de propriété sur ce voyage de Bourdon. Ce fut en vain, car Bourdon ne s’était pas rendu à la baie d’Hudson et n’avait fait aucune prise de possession officielle.

Le 18 octobre 1660, il passe en France. On l’aurait chargé d’exposer au ministre la situation militaire de la colonie et de demander l’envoi de troupes. Il aurait à cette occasion dessiné une carte de Québec.

En 1662, Bourdon doit répondre à des accusations portées contre lui par Jean Peronne Dumesnil, l’enquêteur de la Compagnie de la Nouvelle-France. Ce dernier accuse Bourdon de n’avoir pas tenu un compte exact des fourrures que la Communauté des Habitants a trafiquées. Rouer de Villeray est impliqué aussi dans cette affaire sur laquelle on possède des témoignages fort contradictoires. Une mauvaise tenue de livres, due à l’incompétence des administrateurs de la Communauté, serait à l’origine des accusations de Dumesnil. Que certains aient sciemment brouillé les cartes, c’est incontestable ; mais on ne saurait y impliquer Bourdon.

En dépit des accusations qui pèsent sur Bourdon, Mgr de Laval*, lors de la réorganisation administrative de 1663, fait appel à son expérience en. recommandant Bourdon au gouverneur et en participant à sa nomination au poste de procureur général. Sauf deux périodes pendant lesquelles il fut remplacé par Louis-Théandre Chartier de Lotbinière, il occupa cette charge jusqu’en 1668. Les registres du conseil nous le montrent assidu aux réunions. Il y prend souvent parti pour l’évêque, s’attirant la colère du gouverneur de Saffray de Mézy. Celui-ci, à deux reprises, tenta de le destituer. En septembre 1664, il nomme de nouveaux conseillers pour faire triompher son point de vue dans la querelle qui l’oppose à Mgr de Laval, mais Bourdon refuse de laisser son poste, jouant sur le texte de l’édit de création du Conseil souverain qui ne prévoyait pas, pour le procureur, de procédure de destitution. Emporté, Mézy le fait expulser et lui donne 24 heures pour partir en France. Le 23 septembre, Bourdon s’embarque avec son fils Jean-François. Il occupe ses loisirs à Paris à tracer une carte des environs de Québec. Une enquête de Prouville de Tracy, arrivé en 1665, conduit à la réinstallation des anciens conseillers en 1666. Bourdon, revenu a Québec le 16 juillet 1665, redevient procureur général le 6 décembre 1666.

Il ne devait pas occuper longtemps encore son fauteuil. La goutte le minait depuis 1663. Le 12 janvier 1668, il mourait à Québec. On l’inhumait le lendemain dans la chapelle du Scapulaire, en l’église Notre-Dame de Québec.

Jean Bourdon s’était marié deux fois. Le 9 septembre 1635, il avait épousé Jacqueline Potel à l’église Notre-Dame-de-la-Recouvrance de Québec. Elle mourut le 11 septembre 1654, après lui avoir donné huit enfants. Ses quatre filles se firent religieuses. Geneviève, sous le nom de mère Marie-de-Saint-Joseph, fut la première ursuline d’origine canadienne ; Anne*, appelée mère Sainte-Agnès, devint supérieure des Ursulines ; Marguerite*, dite mère Saint-Jean-Baptiste, entra chez les Augustines et fut une des trois fondatrices et la première supérieure de l’Hôpital Général de Québec où Marie, qui choisit le nom de mère Marie-Thérèse-de-Jésus, prit le voile.

Le 21 août 1655, Jean Bourdon épousait en secondes noces Anne Gasnier, veuve de Jean Clément Du Vuault de Monceaux. Née en 1611, elle mourut le 27 juin 1698. Amie de Barbe de Boullongne d’Ailleboust, elle avait émigré au Canada dans le but de consacrer sa vie aux miséreux. Marie de l’Incarnation [V. Guyart] l’appelle « la mère des misérables et l’exemple de toutes sortes de bonnes œuvres ». Elle prit en pitié Jean Bourdon demeuré veuf avec sept jeunes enfants. Elle accepta de l’épouser, mais à la condition qu’ils vivraient comme frère et sœur. Il accepta. Marie de l’Incarnation écrit que Bourdon « avait une continuelle présence de Dieu et union avec sa divine Majesté ».

Après la mort de son mari, Anne Gasnier continua de s’occuper de bonnes œuvres. Elle se dévoua particulièrement auprès des filles immigrées. Elle fit plusieurs voyages en France pour recruter des filles honnêtes, désireuses de fonder un foyer au Canada. À leur arrivée à Québec, elle leur fournissait gîte et couvert dans une maison que lui avait laissée son mari à la basse ville.

Jean Hamelin

Charlevoix, Histoire de la N.-F., I : 476.— JJ (Laverdière et Casgrain).— JR (Thwaites).— La Potherie, Histoire (éd. 1722), I : 141.— NYCD (O’Callaghan and Fernow), IX : 286, Jacques René Brisay de Denonville, Memoir on the state of Canada, Nov. 12, 1685 ; et passim.— P.-G. Roy, Inv. concessions.— Transactions betweene England and France relateing to Hudsons Bay, 1687, RAC, 1883 : 173–201.— M. W. Burke-Gaffney, Canada’s first engineer . Jean Bourdon 1601–1668, CCHA Report, 1956–57 : 87–104.— Delanglez, Jolliet, 245–262.— Éloge de la famille Bourdon (Lettre de la Mère Marie de l’Incarnation a son fils, 1668), BRH, XXXIV (1928) :52s.— Garneau, Histoire du Canada, I : 446.— Godbout, Les Pionniers de la région trifluvienne, 28.— Auguste Gosselin, Jean Bourdon, 1634–1668 (« Les Normands au Canada », Évreux, 1892) ; Jean Bourdon et son ami labbé de Saint-Sauveur : épisodes des temps héroïques de notre histoire (« Les Normands au Canada », Québec, 1904).— Parkman, The old régime in Canada (25th ed.), 131–144.— Jean Peronne Dumesnil et ses mémoires, BRH, XXI (1915) :172,193s, 198.— J.-E. Roy, Jean Bourdon et la Baie d’Hudson, BRR II (1896) : 2–9,21–23 ; Les Seigneuries de Jean Bourion, BRH, XLII (1936) : 336–338.

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Jean Hamelin, « BOURDON, JEAN (appelé parfois M. de Saint-Jean ou sieur de Saint-François) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bourdon_jean_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    23 nov. 2024