Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3357217
MEREDITH, sir WILLIAM RALPH, avocat, homme politique, juge et éducateur, né le 31 mars 1840 dans le canton de Westminster, Haut-Canada, fils de John Walsingham Cooke Meredith et de Sarah Pegler ; le 26 juin 1862, il épousa à London, Haut-Canada, Mary Holmes, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 21 août 1923 à Montréal et inhumé à Toronto.
Diplômé du Trinity College de Dublin, le père de William Ralph Meredith avait quelque peu étudié le droit. Précédé au Canada par d’autres membres de cette prestigieuse famille anglo-irlandaise, il s’établit en 1834 dans une ferme située en plein bois, dans le canton de Westminster. Après la naissance de William Ralph, il s’installa à Port Stanley à titre de receveur adjoint des douanes, puis à London en tant que commis du marché. En 1847, la Cour de division du comté de Middlesex, à London, le nomma greffier. Grâce à ce poste influent ainsi qu’à des succès dans l’immobilier, le crédit et l’assurance, la famille Meredith améliora sa situation économique et son rang social au point d’acquérir une place de choix dans l’élite locale. William Ralph, l’aîné de 14 enfants, fit ses études à la London District Grammar School et entreprit en 1856 un stage chez Thomas Scatcherd* à London. Trois ans plus tard, une bourse lui ouvrit pour deux ans les portes de la University of Toronto, où il étudia le droit. Reçu au barreau en 1861, il fut associé à Scatcherd jusqu’au décès de celui-ci en 1876.
Peu à peu, en s’occupant d’une grande variété d’affaires civiles et criminelles, Meredith devint « le chef incontesté du barreau de London ». Il accéda au conseil de la Law Society of Upper Canada en 1871 et, réélu à de nombreuses reprises, il récolta plus de voix que tout autre avocat aux élections de 1881 et de 1886, ce qui témoigne de l’estime de ses collègues. En 1872, il satisfit aux exigences d’un baccalauréat en droit de la University of Toronto. Nommé trois ans plus tard conseiller de la reine par le gouvernement provincial, il reçut en 1880 le même honneur du gouvernement d’Ottawa. En 1876, il avait succédé à Scatcherd au poste de conseiller juridique de la municipalité de London. De 1879 à 1888, il fut le premier président de la Middlesex Law Association. En 1888, il quitta sa pratique à London pour diriger le cabinet de feu William Alexander Foster* à Toronto. La même année, il devint membre honoraire de la faculté de droit de la University of Toronto, qui lui décerna un doctorat en 1889.
Non complètement satisfait de sa réussite dans le monde juridique, Meredith s’était porté candidat en 1872 dans une élection partielle et avait succédé à John Carling* en tant que député de London à l’Assemblée législative de l’Ontario. Installé sur les bancs de l’opposition, parmi le caucus conservateur, il avait adopté bon nombre des valeurs défendues par le chef du parti, Matthew Crooks Cameron*. Très attachés à la Grande-Bretagne, à l’Empire et à l’Église d’Angleterre, tous deux montraient souvent un « tempérament aristocratique ». Toutefois, Meredith se distinguait de Cameron et d’autres conservateurs provinciaux par une attitude que résume bien la formule « noblesse oblige ». En 1874 par exemple, il fut le seul, avec le député conservateur Simpson McCall et le député travailliste Daniel John O’Donoghue*, à appuyer une motion en faveur de l’extension du suffrage à tous les hommes de plus de 21 ans. La plupart des conservateurs et tous les libéraux trouvaient cette mesure prématurée. Des prises de position de ce genre en ont amené certains à qualifier Meredith de radical, mais l’épithète semble mal convenir à cet homme qui ne contesta jamais les principes fondamentaux d’une société dont il retirait tant d’avantages personnels. Néanmoins, il fut, en Ontario, le premier conservateur à afficher des penchants progressistes.
Ces tendances n’empêchèrent pas Meredith de faire son chemin au sein du caucus – où, d’ailleurs, les talents n’abondaient pas. En 1878, Cameron le prit comme adjoint. Plus tard dans l’année, Cameron accéda à la magistrature et, lorsque l’Assemblée se réunit à nouveau, en janvier 1879, les conservateurs choisirent Meredith comme chef sans même tenir un scrutin. Au cours de la campagne menée en toute hâte en vue des élections de juin, il parla beaucoup de la nécessité de réduire les dépenses publiques. Vingt-neuf accusations de prodigalité pesaient alors contre le gouvernement libéral d’Oliver Mowat*. Pendant les quatre autres campagnes électorales qu’il ferait à la tête des conservateurs, soit celles de 1883, de 1886, de 1890 et de 1894, Meredith n’accorderait plus jamais une telle importance aux restrictions budgétaires, mais il continuerait de les évoquer pour courtiser les électeurs. Les programmes électoraux des tories présentaient d’autres constantes. Meredith voulait redonner aux municipalités un pouvoir que la province leur avait retiré par le Crooks Act de 1876, celui de délivrer les permis d’alcool. En outre, il réclamait que l’éducation soit replacée sous l’autorité d’un surintendant en chef libre de toute attache politique, comme c’était le cas avant que les libéraux de Mowat ne la confient à un ministre. Meredith démontra abondamment que ces décisions avaient beaucoup plus aidé les grits à distribuer des faveurs que servi la collectivité. Sur une question, cependant, il était conservateur au point de mériter le titre de réactionnaire. À l’époque, le sexisme n’était pas rare en politique, mais en 1884, Meredith se prononça non seulement contre le suffrage féminin à l’échelle provinciale, mais aussi contre le droit de vote des femmes célibataires et des veuves aux élections municipales, et même contre une mesure gouvernementale autorisant les femmes à s’inscrire au University College de la University of Toronto. En 1892, il appartenait au comité de la Law Society qui refusa à Clara Brett Martin l’autorisation de pratiquer le droit. La même année, en Chambre, il combattit avec plus de véhémence que quiconque le projet de loi présenté par William Douglas Balfour* et prescrivant aux avocats d’interpréter le mot « personne », dans les statuts de la société, de manière à inclure les femmes.
Le progressisme de la pensée politique de Meredith contrebalançait ces opinions. Il lutta pour le suffrage universel masculin jusqu’à ce que le gouvernement l’accepte en 1888 ; à cette occasion, le premier ministre reconnut son rôle primordial. En 1884, Meredith avait reproché au gouvernement Mowat de tarder à verser les montants promis à bon nombre d’Amérindiens. Plus tard dans la session, il se battit, sans succès, pour l’attribution du droit de vote à tous les autochtones de sexe masculin vivant hors des réserves. L’année suivante, en s’inspirant d’une loi britannique, il présenta un projet de loi sur l’indemnisation des accidentés du travail. En 1886, les libéraux intégrèrent cette mesure à un de leurs projets de loi, mais Meredith s’opposa aux changements qu’ils y avaient apportés, les jugeant trop favorables aux employeurs. Les compagnies qui avaient des régimes d’indemnisation volontaires, fit-il valoir, devaient elles aussi être assujetties à la loi, vu l’impossibilité de déterminer si les régimes privés pouvaient être aussi équitables que le régime public. En avril 1887, Meredith se montra à nouveau plus libéral que les libéraux dans sa réaction à la modification de leur loi de 1884 sur les manufactures. Pour assurer une application réelle – la clé du succès dans ce domaine –, il proposa de faire nommer un inspecteur dans chaque comté. Cependant, le gouvernement créerait seulement trois inspectorats, à pourvoir par la province, pour tout l’Ontario.
Malgré ce programme équilibré et apparemment attrayant, le pouvoir échappa toujours à Meredith. D’abord, les conservateurs étaient mal organisés. Pour Meredith, siéger à Queen’s Park était en quelque sorte un à-côté : il ne voyait pas la nécessité de réunir son caucus, de surveiller l’acquittement d’autres responsabilités à l’Assemblée ni de s’occuper de sa circonscription. En outre, tout au long de sa carrière parlementaire, il continua de pratiquer le droit à temps plein. Et, dans une très large mesure, son piètre succès politique découlait tout naturellement d’un fait simple : Mowat était plus doué que lui.
Sur le plan électoral, quatre facteurs surtout expliquent la série de défaites subies par les conservateurs de 1879 à 1894. En premier lieu, les libéraux de Mowat leur dérobèrent beaucoup d’idées. Le journaliste Hector Willoughby Charlesworth* noterait : « Mowat a souvent chevauché jusqu’à la victoire après avoir enfourché des politiques conçues par son brillant adversaire. » En deuxième lieu, le programme de Meredith n’avait guère de quoi plaire aux électeurs ruraux. Quand Meredith portait son attention sur eux, c’était en général sur le ton de la perspective critique. Ainsi, pendant la campagne de 1886, il affirma que concéder des privilèges électoraux aux fils de fermiers tout en les refusant aux fils d’ouvriers urbains était une grave injustice. Logique et courageuse, cette position était politiquement peu rentable dans une société à prédominance agricole. Troisièmement, Meredith perdit des votes à cause de ses relations avec les conservateurs fédéraux de sir John Alexander Macdonald*. Les faveurs qu’il espérait d’Ottawa pour récompenser ses partisans en Ontario venaient toutefois en bien petit nombre. En plus, l’intransigeance de Macdonald dans les différends fédéraux-provinciaux, par exemple le litige sur la frontière entre l’Ontario et le Manitoba, embarrassait Meredith et permettait aux libéraux de l’accuser de « déloyauté » envers la province.
La frustration croissante ressentie par Meredith devant la direction nationale des conservateurs explique en partie son affrontement avec l’Église catholique au sujet des écoles séparées – quatrième facteur de son échec politique. Convaincu de l’importance du vote des Ontariens catholiques, Macdonald entreprit de le conquérir en nouant une alliance avec de hauts dignitaires religieux, dont l’archevêque de Toronto, John Joseph Lynch*, et celui de Kingston, James Vincent Cleary*. En même temps, Mowat les courtisait pour améliorer sa position sur le plan provincial. Meredith se trouvait isolé : il s’était toujours opposé au principe même des écoles séparées et, s’il pensait, comme Macdonald, que le suffrage des catholiques était essentiel au succès politique en Ontario, il estimait de plus en plus que les libéraux de Mowat faisaient des « concessions humiliantes » à cette minorité.
En 1885, pour des motifs de conscience et parce que Macdonald refusait de répondre à ses griefs, Meredith lança une offensive contre les avantages selon lui indus dont bénéficiaient les écoles séparées : la garantie d’un siège aux catholiques dans tous les conseils d’écoles secondaires et l’utilisation de textes non approuvés dans les écoles séparées. Par la suite, il exigea aussi que les élections des écoles séparées, traditionnellement sous la mainmise du clergé, se fassent au scrutin secret et que l’enseignement se donne davantage en anglais dans les écoles francophones de l’Ontario. Mesurées en comparaison de celles d’adversaires plus radicaux, le Toronto Daily Mail entre autres, les critiques de Meredith étaient assez vives pour irriter les chefs catholiques. En mettant tout leur poids dans la balance, ces derniers aidèrent les libéraux à triompher aux élections de 1886, de 1890 et de 1894. Les conservateurs fédéraux tentèrent bien, en 1891, d’amener Meredith à quitter la scène provinciale en le faisant entrer au cabinet à titre de titulaire du siège ontarien devenu vacant à la mort de Macdonald, mais le ministre de la Justice, sir John Sparrow David Thompson*, opposa son veto : influencé par les évêques catholiques de l’Ontario, il trouvait inacceptable la position de Meredith sur les écoles séparées.
À la suite des élections de juin 1894, le caucus conservateur à Toronto ne comptait aucun catholique [V. Solomon White*]. Cette situation gênante, qui s’ajoutait à sa décourageante liste de défaites, contribua sans doute à convaincre Meredith d’accepter, sur l’offre d’Ottawa, de se lancer dans une carrière plus prometteuse. En octobre, il entra à la Haute Cour de justice de l’Ontario en qualité de juge en chef de la Division des plaids communs. Il avait toujours pris soin de conserver son rang en tant qu’avocat. Du 26 février au 8 octobre 1894, il fut conseiller juridique de la municipalité de Toronto et, nominalement, chef du service du contentieux. Créé chevalier en 1896, il deviendrait juge en chef de la Cour d’appel de la province en 1913.
Meredith acquit du prestige ; de l’avis de certains, il était « le juriste le plus compétent de l’Ontario ». Après avoir examiné 750 de ses causes, l’historien du droit R. C. B. Risk a pourtant conclu que, en partie à cause de leur diversité, Meredith n’eut guère l’occasion d’élaborer une philosophie du droit cohérente. Néanmoins, il appliquait avec rigueur la doctrine stare decisis. Il parcourait les jugements britanniques, américains et canadiens pour y trouver des cas qui semblaient s’apparenter à l’affaire dont il était saisi. En présence de jugements contradictoires, il favorisait celui qui avait accompagné le plus grand nombre de verdicts. Tout au long de cette démarche, ses opinions personnelles comptaient peu : le devoir d’un juge était d’appliquer la jurisprudence, non de créer des précédents. En outre, Meredith évitait de laisser transparaître ses propres vues dans des décisions relatives au droit écrit. Quand il travaillait à partir d’une loi, il avait l’impressionnante habitude de l’envisager comme un tout, avec son histoire, de déterminer les intentions des législateurs et d’éviter les interprétations étroites. Les lois sur lesquelles il se pencha le plus souvent étaient le Municipal Act et le Railway Act. Un avocat de la municipalité de Toronto, William Johnston, affirmerait avec raison, dans une nécrologie, qu’il était « l’un des juges les plus versés en droit municipal ».
Au tribunal, dit-on, Meredith était digne et poli, mais pouvait aussi se montrer « sévère ». Par moments, il paraissait irritable et impérieux. Les plaideurs mal préparés ou insuffisamment informés sur le droit recevaient souvent de dures réprimandes. « Sous son agréable courtoisie, confirma l’ancien juge Wallace Nesbitt, affleurait toujours une légère tendance à exploser d’indignation chaque fois que l’exposé d’une affaire lui semblait tourner autour de questions de procédure plutôt que viser à servir la justice. » Meredith adorait pousser ses collègues à atteindre ses hauts critères en matière d’argumentation et de références juridiques. Respecté des autres juges, qui le surnommaient affectueusement « le chef », il était un homme aimable qui comptait « très peu d’intimes » et cultivait des fleurs pour se détendre.
Malgré son refus d’utiliser le processus judiciaire pour modifier le droit, Meredith exerça, hors du tribunal, une grande influence politique. Divers gouvernements firent appel à ses compétences législatives et juridiques. En 1896, puis en 1906, il accomplit un excellent travail à la commission de révision des lois de l’Ontario. Il se révéla aussi un éducateur important, d’abord en qualité de membre du conseil de la University of Toronto, à partir de 1895, puis surtout de chancelier, de 1900 à sa mort. En gagnant James Pliny Whitney* à la cause de la réforme universitaire (Whitney avait été son protégé à l’Assemblée et fut premier ministre de la province à compter de 1905), Meredith fut l’inspirateur de la loi qui, en 1906, modernisa les structures administratives et financières de la University of Toronto. Toujours en 1906, Whitney lui demanda de participer à la rédaction d’un projet de loi sur la réglementation des chemins de fer et d’un autre en vue de créer l’Ontario Railway and Municipal Board. La même année, Meredith analysa la loi créant la Commission d’énergie hydroélectrique de l’Ontario et en encouragea l’adoption. De toute évidence, son avis, mélange pragmatique de conservatisme et de progressisme, comptait beaucoup pour Whitney, qui alla jusqu’à le nommer en 1910 seul membre d’une commission provinciale d’enquête sur l’indemnisation des accidentés du travail. Le projet de loi qui en résulta en 1914 mettait à jour les mesures existantes dans ce domaine et en augmentait beaucoup l’efficacité. Président du Civic Improvement Committee de Toronto de 1909 à 1911, Meredith fit également partie de plusieurs commissions fédérales, enquêta en 1912 sur la faillite de la célèbre Farmers Bank of Canada et, quatre ans plus tard, examina des contrats douteux octroyés par le Comité des obus d’Ottawa pendant la Première Guerre. En Ontario en 1919, il étudia des affaires de police et des accusations relatives à l’administration de la loi provinciale sur la tempérance. À l’issue de cette dernière enquête, il exonéra l’inspecteur des permis John Almayne Ayearst, conclusion que dénonça le chef libéral Herbert Hartley Dewart. En 1921, il appartint à un comité formé par l’administration des Fermiers unis de l’Ontario en vue d’avoir des éclaircissements sur la sélection des conseillers du roi. À cette époque, ses avis transcendaient largement toute considération partisane.
Meredith resta actif jusqu’à la toute fin de sa vie. En 1923, à Montréal, il succomba à une maladie intestinale contractée pendant des vacances dans le Maine. On l’inhuma au cimetière St James de Toronto ; sa succession, y compris sa maison et ses jardins sur Binscarth Road à Rosedale, fut évaluée à 133 877 $. Il laissait dans le deuil sa femme, leurs trois filles et sept frères distingués, dont sir Henry Vincent et Richard Martin, lui aussi juge en chef.
L’influence de sir William Ralph Meredith se fit sentir surtout dans la politique ontarienne, car il donna naissance à la tradition progressiste-conservatrice dont Whitney et d’autres leaders tories furent les continuateurs. En tant qu’éminence grise du régime Whitney, il aida à appliquer bon nombre des notions progressistes qu’il avait prônées en vain dans l’opposition. En qualité de juriste, il exposa moins ses idées, mais ses collègues juges et les gouvernements qui sollicitèrent son avis avec empressement le tenaient en haute estime.
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Peter E. Paul Dembski, « MEREDITH, sir WILLIAM RALPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/meredith_william_ralph_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/meredith_william_ralph_15F.html |
Auteur de l'article: | Peter E. Paul Dembski |
Titre de l'article: | MEREDITH, sir WILLIAM RALPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 déc. 2024 |