MEREDITH, sir HENRY VINCENT, banquier et philanthrope, né le 27 février 1850 à London, Haut-Canada, fils de John Walsingham Cooke Meredith et de Sarah Pegler ; le 14 novembre 1888, il épousa à Montréal Isobel Brenda Allan (décédée en 1959), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 24 février 1929 à Montréal et inhumé dans cette ville au cimetière du Mont-Royal.

Henry Vincent Meredith naquit dans une remarquable famille d'immigrants anglo-irlandais venus s'établir au Canada en 1834. Son père – qui avait entre autres pour frères William Collis, futur juge en chef, et Edmund Allen*, futur haut fonctionnaire fédéral – devint greffier et fut aussi un prospère agent d'immeubles et agent d'assurances à London. Dans ce « foyer riche en éléments culturels » naquirent huit garçons et six filles. L'aîné, William Ralph, deviendrait chef des tories provinciaux en 1879. Les autres frères de Henry Vincent réussiraient eux aussi dans leur profession.

Henry Vincent fit ses premières classes à la maison, puis fréquenta durant une courte période le London Collegiate Institute. En mai 1867, il entra comme commis à la succursale de la Banque de Montréal à Hamilton, au salaire de 200 $ par an. À cette époque au Canada, le milieu bancaire offrait aux jeunes hommes un bon moyen d’accéder à la nouvelle classe professionnelle des villes. Ces derniers acceptaient les piètres salaires et conditions de travail – longues heures et fréquentes mutations – à l’embauchage dans l’espoir de jouir un jour de la sécurité à long terme et du prestige rattachés à leurs fonctions. La Banque de Montréal était la plus ancienne banque du Canada et la plus étendue au pays. Meredith travailla donc tour à tour à Port Hope, à Montréal, à London et à Simcoe. En 1871, il fut promu caissier à Ottawa au salaire annuel de 500 $ ; en 1875, on le nomma comptable à London et son salaire passa à 1 100 $.

Les talents de Meredith furent bientôt reconnus quand, en 1879, la banque lui offrit un poste d’inspecteur adjoint au siège social, à Montréal. Les inspecteurs des banques veillaient à ce que les opérations se fassent dans l’observation rigoureuse des règles ; les employés prometteurs étaient nommés inspecteurs pour acquérir une connaissance approfondie de l’ensemble des activités de la banque. Meredith devint directeur adjoint du siège social à Montréal en 1887, puis, en 1889, directeur au même endroit, au salaire annuel de 5 000 $. Ces affectations dans la métropole le rapprochèrent des centres de décision commerciaux et industriels du pays et lui ouvrirent les portes de la haute société anglo-montréalaise. En 1888, il avait épousé Isobel Brenda, fille du riche propriétaire de navires montréalais Andrew Allan*. Les Meredith n’auraient pas d’enfants, mais ils s’imposeraient bientôt comme des piliers de la philanthropie montréalaise. Meredith se joignit à la Montreal Garrison Artillery Brigade, où il atteindrait le grade de commandant de batterie, et participa à la fondation du Montreal Winter Club. En 1894, lui et sa femme commandèrent à l’architecte montréalais Edward Maxwell un manoir de style Queen Anne – Ardvarna – qui fut construit dans l’avenue des Pins.

Selon un journal du début du xxe siècle, Meredith était « vigilant, zélé et extrêmement minutieux [lorsqu’il s’agissait] des affaires de la banque ». Son allure martiale, qu’il conserverait jusqu’à la fin de ses jours, lui conférait un air autoritaire. Il incarnait les valeurs mêmes des banques canadiennes : l’intégrité et la méticulosité. En 1903, il fut nommé directeur de la principale succursale montréalaise et adjoint d’Edward Seaborne Clouston* à la direction générale de la banque. Les directeurs généraux comme Clouston supervisaient les opérations et l’application des stratégies. Les présidents, généralement choisis parmi les capitalistes montréalais, remplissaient souvent des fonctions symboliques ; tels sir George Alexander Drummond* et Richard Bladworth Angus, ils faisaient bénéficier la banque de leurs relations avec les compagnies ferroviaires et le secteur manufacturier. En novembre 1911, Clouston démissionna, dépité qu’on lui ait préféré Angus à la présidence. Le mois suivant, Meredith lui succéda à la direction générale ; son salaire s’élevait à 30 000 $.

Au départ d’Angus à la retraite en 1913, la banque se donna comme président un homme né pour remplir cette fonction – Meredith – et lui accorda un salaire annuel de 40 000 $. Le poste de directeur général fut comblé par un autre banquier chevronné, sir Frederick Williams-Taylor. Durant 14 ans, la banque aurait à sa barre deux hommes aux caractères fort différents – le premier, prudent et réservé, le second, ouvert et sociable – pour la guider en ces temps tumultueux : effondrement du commerce en 1913, défi sans précédent d’une guerre mondiale, crise économique. L’économie canadienne ne reviendrait pas à un semblant de normale avant la fin du mandat de Meredith en 1927. Sous la présidence de celui-ci, la banque eut donc, essentiellement, à s’adapter aux circonstances.

La Banque de Montréal connut une croissance constante sous la présidence de Meredith. Entre 1913 et 1927, son actif passa de 244 800 000 $ à 831 500 000 $, soit plus du triple. Dès les années 1920, elle put verser en dividendes à ses actionnaires 14 % de ses bénéfices. Malgré les problèmes posés par la révolution mexicaine, elle prit aussi de l’expansion à l’étranger. Au pays, elle absorba la Banque de l’Amérique septentrionale britannique (1918), certaines parties de la Colonial Bank (1920), la Banque des marchands du Canada (1921) et la Banque Molson (1924). Pendant ces années, Meredith fut président de la Royal Trust Company, société de fiducie de la banque, et fit partie du conseil d’administration d’une foule de compagnies montréalaises, dont la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et la Dominion Textile Company. En même temps, il soutint généreusement des établissements comme la McGill University et l’hôpital Royal Victoria.

Pendant la Première Guerre mondiale, Meredith fit habilement en sorte que la Banque de Montréal demeure le banquier du gouvernement canadien et son dépositaire officiel à l’étranger. Comme il avait l’oreille du ministre fédéral des Finances William Thomas White*, il exerça notamment une influence décisive sur la politique monétaire à adopter pour la durée de la guerre ; en 1914, la Loi sur les finances suspendit la convertibilité des billets de banque et billets du dominion en or et instaura au Canada le crédit garanti par l’État. Après la fermeture des marchés de capitaux à Londres, la Banque de Montréal aida le gouvernement à obtenir des emprunts à New York ; elle incita ensuite les investisseurs canadiens à acheter des obligations de la Victoire. À Londres, la Banque de Montréal agit en qualité de banquier des forces canadiennes en Europe. Au pays, Meredith mena la campagne afin que la banque fasse don d’une batterie de mitrailleuses, la Borden’s Motor Machine-Gun Battery, au Corps expéditionnaire canadien. En même temps, il encouragea les employés à s’enrôler et ordonna que la banque continue à leur verser leur salaire pendant les six premiers mois de leur service militaire. Quand les succursales commencèrent à manquer de personnel, il émit des instructions pour qu’on embauche des femmes comme « personnel d’urgence ». Le 14 novembre 1916, il fut fait baronnet, en reconnaissance de ses services. Lady Meredith, pour sa part, œuvra pendant la guerre comme présidente du Purple Cross Service for the Care of Wounded and Disabled Horses on the Battlefield.

Meredith croyait que, avec la paix, le Canada retrouverait son mode de croissance d’autrefois, fondé sur l’exploitation des richesses naturelles, la protection de l’industrie manufacturière, l’immigration massive et la compensation des emprunts à l’étranger par les gains résultant des exportations. Or, il n’en fut rien. Ce n’est qu’à la fin des années 1920 que le président de la Banque de Montréal pourrait publiquement qualifier le rendement du Canada de « satisfaisant ».

Partisan du statu quo en matière économique, Meredith était un président de banque profondément conservateur. Il savait fort bien que c’était la Banque de Montréal qui, en tant que banquier de l’État, avait le plus à perdre d’un changement dans la structure bancaire canadienne, et cette certitude l’incitait à la prudence. En 1918, le directeur général de la Banque royale du Canada, Edson Loy Pease, avait usé de son autorité de président de l’Association des banquiers canadiens pour préconiser la création d’une banque centrale capable d’agir, par le « réescompte », sur le volume du crédit à l’échelle nationale. Soupçonnant le projet de Pease d’être une manœuvre secrète pour détrôner sa banque, Meredith pressa White de maintenir en temps de paix l’application de la Loi sur les finances ; le pays avait déjà bien assez à faire pour se remettre de la guerre, soutenait-il, sans se lancer dans une refonte du crédit national. White écouta son conseil mais, dans les années 1920, l’absence d’un mécanisme d’élargissement du crédit au Canada entachait la crédibilité du système bancaire, surtout dans l’Ouest populiste. Voyant les sentiments négatifs suscités par la révision de l’Acte concernant les banques et le commerce des banques en 1923, Meredith s’en prit aux « étranges dogmes selon lesquels les banques [sont] l’instrument du capital et [constituent] un danger public ».

Meredith était d’une prudence compulsive et ses décisions en souffraient. Les fusions réalisées pendant son mandat n’avaient pas contribué à un véritable développement de la banque ; elles n’avaient permis que d’ajouter des succursales dans les régions où elle était déjà bien enracinée. Les autres banques se servaient des fusions et de leur politique de prêt plus énergiquement pour augmenter leur part du marché. La Banque royale, dont l’actif dépassa celui de la Banque de Montréal en 1925, devint donc la plus grosse banque du pays. Meredith regardait Pease avec mépris et ne lui adressait même plus la parole.

En 1927, tout de suite après l’assemblée annuelle, le conseil d’administration, probablement inquiet du recul de la position de l’établissement, créa le poste de président du conseil ; il y nomma sir Henry Vincent Meredith tout en lui retirant la présidence de la banque pour la confier au vice-président, Charles Blair Gordon*. Meredith continua à présider le comité de direction du conseil, mais, en juillet 1928, il fut frappé de paralysie cérébrale. Il mourut chez lui environ sept mois plus tard. Toute l’élite commerciale et politique de la ville assista à ses funérailles, à la cathédrale Christ Church, pour rendre hommage à cet homme chez qui, rappela-t-on, se croisaient le vieux conservatisme financier canadien et le nouveau professionnalisme bancaire. Meredith avait légué au total 575 000 $ à l’hôpital Royal Victoria, à la McGill University et au Bishop’s College (les deux établissements d’enseignement lui avaient conféré des diplômes honorifiques en 1927), ainsi qu’à deux caisses de retraite spéciales destinées aux employés de la banque, dont une aux employés féminins.

Duncan McDowall

Arch., BMO Groupe financier (Montréal), Cahiers spicilèges des directeurs généraux, 1920–1929 ; Copies de correspondance et de télégrammes, 1913–1918 ; Copies des circulaires de la banque, 1914–1918 ; Dossier biogr. de sir F. W. Taylor ; Dossier biogr. de sir H. V. Meredith ; Dossier de correspondance de sir H. V. Meredith ; Registre des employés, L–Mac.— Arch. de la Banque royale du Canada (Montréal), RBC 2, 43G PeaE (biog. file) ; 46A, WA1 (F. T. Walker reminiscence file).— BAC, MG 26, H ; I ; MG 27, II, D18.— BCM-G, RBMS, St Paul’s Presbyterian Church (Montréal), 14 nov. 1888.— Banque de Montréal, Annual general meeting (Montréal), 1913–1929.— [Archibald Bremner], City of London, Ontario, Canada : the pioneer period and the London of to-day (2e éd., London, 1900 ; réimpr., 1967).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Merrill Denison, la Première Banque au Canada ; histoire de la Banque de Montréal, P.-A. Horguelin et J.-P. Vinay, trad. (2 vol., Toronto et Montréal, 1966–1967), 2.— A. B. Jamieson, Chartered banking in Canada (Toronto, 1953).— « The late Sir Vincent Meredith, bart. », Assoc. des banquiers canadiens, Journal (Toronto), 36 (1928–1929) : 211–214.— Duncan McDowall, Banque royale : au cœur de l’action, Gilles Gamas, trad. ([Montréal], 1993).— Donald MacKay, The Square Mile : merchant princes of Montreal (Vancouver, 1987).— [H.] O. Miller, A century of western Ontario : the story of London, « The Free Press », and western Ontario, 1849–1949 (Toronto, 1949 ; réimpr., Westport, Conn., 1972).

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Duncan McDowall, « MEREDITH, sir HENRY VINCENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/meredith_henry_vincent_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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