Le mouvement vers la création d’un gouvernement responsable dans la province du Canada déconcerta d’abord des conservateurs comme John Alexander Macdonald. Pour George-Étienne Cartier, qui deviendrait le partenaire politique de Macdonald pendant de longues années, l’union du Haut et du Bas-Canada et la perspective d’un gouvernement responsable offraient l’espoir que les Bas-Canadiens puissent poursuivre leurs objectifs au moyen d’un système politique plutôt que de la résistance armée [V. Le retour en politique : la voie réformiste]. Au départ, les deux hommes voyaient donc la situation différemment :
[Dans] ses premières années à l’Assemblée législative, Macdonald se révéla un authentique conservateur en s’opposant à la responsabilité ministérielle, à la sécularisation des réserves du clergé, à l’abolition de la règle de primogéniture et à l’extension du droit de vote. Il estimait que toutes ces mesures étaient contraires à la mentalité britannique et risquaient d’affaiblir le lien impérial ou l’autorité du gouverneur, ainsi que la classe possédante, indispensable au sein du gouvernement et de la société.
Entre 1848 et 1854, cependant, Macdonald s’adapta à l’idée d’un gouvernement responsable et surmonta sa crainte qu’il amenuise l’attachement du Canada à la Grande-Bretagne, déclarant en novembre 1854 : « Il faut vivre avec son temps. » L’époque offrait de nouvelles possibilités. Thomas D’Arcy McGee, réformiste converti au conservatisme, avança l’argument suivant en 1863 :
L’Amérique britannique et les États-Unis […] jouissaient tous deux d’une liberté propre à leur continent et inconnue en Europe. Les Américains avaient beau avoir développé leur liberté dans un système gouvernemental républicain, cette liberté présentait de nombreuses imperfections, même si c’était une expérience magnifique. Les colonies de l’Amérique du Nord britannique, par contre, ne s’étaient pas séparées de la Grande-Bretagne et avaient fondé leurs institutions suivant des normes différentes. En conservant un système monarchique constitutionnel, elles étaient parvenues à établir un meilleur équilibre entre leur liberté naturelle et leur besoin d’autorité, faisant ainsi régner sur leur société un ordre meilleur et une plus grande liberté. Il déclara : « Au citoyen américain qui se vante de jouir d’une plus grande liberté aux États-Unis, je ferai remarquer que le citoyen a une plus grande liberté d’exprimer ses opinions personnelles, sociales, politiques et religieuses ici qu’à New York ou en Nouvelle-Angleterre. D’autre part, la tolérance et les libertés accordées aux minorités sont bien plus grandes au Canada qu’aux États-Unis. »
Avec les Résolutions de Québec de 1864, on projetait de consolider le gouvernement central en tirant parti de la gouvernance britannique en Amérique du Nord [V. Le projet constitutionnel : les Résolutions de Québec]. Au cours des délibérations tenues à Québec, Cartier expliqua sa position :
À la session de février et mars 1865, les Résolutions de Québec contenant les détails du projet de fédéralisme furent discutées et approuvées. Cartier s’en fit le défenseur dans un long discours qu’il prononça le 7 février 1865 : citant d’abord longuement des textes pour prouver que les Canadiens français avaient conservé leurs institutions, leur langue et leur religion par leur adhésion à la couronne britannique et que, par ailleurs, en ne répondant pas aux invitations de Washington, au moment de la révolution, ils avaient permis à la puissance anglaise de demeurer en Amérique, il concluait : « Ces faits historiques nous enseignent que le Franco-Canadien et l’Anglo-Canadien devraient éprouver l’un pour l’autre le même sentiment de sympathie reconnaissante, ayant tous deux à se féliciter de ce que le Canada est encore colonie anglaise. » « Si nous nous unissons, ajoutait-il, nous formerons une nation politique, indépendante de l’origine nationale et de la religion des individus. » Il s’opposait au « système démocratique qui prév[alait] aux États-Unis » en proclamant qu’« en ce pays, il nous faut une forme propre de gouvernement, où se retrouve l’esprit monarchique ».
Macdonald croyait que le lien avec la Grande-Bretagne était essentiel au bien-être politique et économique du Canada, ainsi qu’à son indépendance par rapport aux États-Unis. Son attitude était toutefois nuancée :
La célèbre phrase qu’il avait prononcée dans son discours électoral le 7 [février 1891], « Je suis sujet britannique et né britannique et j’espère mourir sujet britannique », doit être comprise plus comme une expression de nationalisme canadien que comme une envolée lyrique en faveur de l’Empire. En fait, dès 1884, il entrevoyait le jour où la Grande-Bretagne (« vieille Mère » [plutôt] chancelante », disait-il) serait prise en charge par ses grands enfants.
Pour en savoir plus sur Macdonald et ses convictions relativement à la relation entre l’Amérique du Nord britannique (et plus tard le Canada) et l’Empire britannique, veuillez consulter les biographies suivantes.