JERVOIS, sir WILLIAM FRANCIS DRUMMOND, officier et ingénieur militaire, né le 10 septembre 1821 à Cowes, île de Wight, Angleterre, fils de William Jervois (Jervoise) et d’Elizabeth Maitland ; le 19 mars 1850, il épousa à Paddington (Londres) Lucy Norsworthy, et ils eurent trois fils (dont l’un mourut en bas âge) et trois filles ; décédé le 17 août 1897 à Woolston (Southampton) et inhumé à Virginia Water, Angleterre.

William Francis Drummond Jervois (se prononce en anglais Jer-vus) appartenait à une famille de militaires d’ascendance huguenote. Il fit ses études à la Dr Burney’s Academy de Gosport et à la Royal Military Academy de Woolwich (Londres), puis devint lieutenant en second dans le génie royal en 1839. Après avoir fréquenté deux ans le Royal Engineers Establishment de Chatham, il obtint en août 1841 sa première affectation, la colonie du Cap (Afrique du Sud). Il exécuta les premiers levés de la Cafrerie britannique, participa à la construction d’ouvrages de défense et se mit à l’aquarelle, qu’il allait pratiquer toute sa vie avec un certain talent. De retour en Grande-Bretagne en 1848, il devint commandant du génie royal dans le district de Londres en 1855 puis, l’année suivante, inspecteur général adjoint des fortifications. Déjà, il avait rédigé plusieurs rapports techniques de bonne tenue sur la modernisation des défenses londoniennes.

En septembre 1863, donc pendant la guerre de Sécession, Jervois, alors lieutenant-colonel, se vit confier par sir John Fox Burgoyne, inspecteur général des fortifications impériales, la mission d’inspecter les fortifications des Bermudes et du Canada. Cette année-là, il se rendit deux fois aux États-Unis : sous un déguisement d’artiste, il pénétra dans les ports de Boston et de Portland en chaloupe afin d’exécuter des croquis de leurs ouvrages de défense. Il conclut à l’assez forte probabilité d’une guerre en territoire colonial entre la Grande-Bretagne et les armées nordistes, et, dans son rapport qu’il déposa officiellement en février 1864 (les grandes lignes en furent connues plus tôt), il recommanda d’améliorer les fortifications de Halifax, Québec et Montréal, et de concentrer les soldats de l’armée britannique régulière dans ces deux dernières villes. Il ne croyait pas en la possibilité de tenir les Grands Lacs et jugeait impossible d’assurer la défense à l’ouest de Montréal.

Peu après avoir soumis son rapport, Jervois se trouva sous les feux croisés des politiques coloniale et impériale. Londres était prêt à financer les travaux à Québec mais espérait convaincre la province du Canada de prendre en charge ceux de Montréal. Pendant l’été de 1864, Jervois revint en Amérique du Nord afin d’en informer le gouvernement du Canada. Les ministres le rencontrèrent en octobre, au moment de la conférence de Québec sur la Confédération et, le mois suivant, ils reçurent un autre rapport, plus optimiste, dans lequel Jervois parlait aussi du Nouveau-Brunswick et des Bermudes. Conçu en vue d’emporter l’adhésion du Canada, ce document affirmait que, si l’on construisait des fortifications temporaires à l’ouest, jusqu’à Hamilton, et postait sur le lac Ontario une force navale soutenue à partir de Kingston, le repli stratégique serait possible. L’arrivée de la neige – Jervois espérait immobiliser l’adversaire grâce à l’intervention du « Général Hiver » – et la puissance de la flotte atlantique de la Grande-Bretagne permettraient de vaincre les Américains.

Malheureusement pour le copremier ministre, John Alexander Macdonald, et pour Jervois lui-même, le rapport parut à Londres avant la date prévue. Macdonald s’en irrita : il craignait que la panique ne s’empare du Haut-Canada. D’autres Canadiens estimaient avec raison que Jervois n’avait pas envisagé ce qu’il adviendrait du Canada, ni de l’engagement de la Grande-Bretagne, si une invasion américaine réussissait. Le rapport, qui s’appuyait largement sur l’hypothèse de la supériorité navale des Britanniques, reçut bon accueil en Grande-Bretagne, mais les Canadiens, entourés de terre de toutes parts, se sentirent abandonnés. Rappelé à Londres en 1865, Jervois était convaincu que le Canada n’avait pas jugé ses rapports en fonction de leurs qualités techniques et que c’était Macdonald qui avait exigé son renvoi. Le Parlement britannique libéra bien des crédits de £50 000 pour les ouvrages de Québec au début de 1865, mais le gouvernement du Canada n’appliqua pas intégralement les recommandations de son premier rapport, en partie parce que la population faisait pression pour que les troupes britanniques restent dans le Haut-Canada [V. sir Casimir Stanislaus Gzowski]. Par contre, les deux gouvernements convinrent d’appliquer les grandes lignes de son deuxième rapport. En 1868, le gouvernement du dominion autorisa un emprunt dans le but d’élever des fortifications, mais les travaux ne furent jamais entrepris et, en 1871, la garantie des autorités britanniques sur cet emprunt servit plutôt à assurer le financement de la construction du chemin de fer Intercolonial.

De 1865 à 1874, Jervois donna des conférences sur les fortifications en fer et alla inspecter des fortifications impériales, surtout en Inde, en Méditerranée et aux Bermudes. Fait chevalier en 1874, il accepta le poste de gouverneur des Établissements des détroits (fédération de Malaysia) l’année suivante. À cause de sa façon d’agir, la Grande-Bretagne dut intervenir plus avant dans l’archipel. L’incapacité de Jervois à coopérer avec les leaders malais et les groupes rebelles intensifia à tel point un soulèvement local qu’il dut faire venir des renforts de l’Inde et de Hong-Kong. Plus que tout autre gouverneur, il fut à l’origine des décisions qui amenèrent finalement la Grande-Bretagne à acquérir ce territoire. Comme, à l’époque, le ministère des Colonies ne cessait d’émettre des réserves sur l’expansion, Jervois fut rappelé de Singapour en 1877 et envoyé inspecter les ouvrages de défense de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Sir William Cleaver Francis Robinson lui succéda au poste de gouverneur.

À Melbourne, Jervois apprit qu’il avait été nommé gouverneur de l’Australie-Méridionale. À son arrivée à Adelaide, en octobre 1877, il trouva la colonie en pleine crise politique, mais quand le gouvernement démissionna, il sut faire face à la situation avec doigté, ce qui lui valut des éloges de la part des colons. Une fois la crise passée, et :à la faveur d’une période de croissance économique et d’excellente pluviosité, il devint un gouverneur efficace et populaire. Il continua de faire rapport sur les fortifications côtières, supervisa la construction de nouveaux édifices parlementaires et prit plaisir à faire connaître les bains turcs et les courses hippiques à la population coloniale.

Jervois fut nommé gouverneur de Nouvelle-Zélande en 1882 et le resta jusqu’en 1889. Même si cette colonie ne lui plaisait pas, il fut un gouverneur aimé et courageux, dont le mandat ne fut terni que par un affrontement avec le leader politique sir Julius Vogel en 1884. Il acquit du respect pour la culture des Maoris et prôna l’égalité pour les immigrants chinois. Pendant la crise anglo-russe de l’Afghânistân, en 1885, une canonnière russe entra dans le port de Wellington. On demanda à Jervois ce qu’il allait faire. « Faire ? répondit-il. Mais les inviter à prendre le thé », ce qu’il fit.

En 1893, après sa mise à la retraite, sir William Francis Drummond Jervois devint colonel commandant du génie royal. Dans ses dernières années, il publia plusieurs articles et prononça de nombreuses conférences sur les affaires malaises au Royal Colonial Institute. Quand il mourut, dans un accident de voiture en 1897, il avait acquis la plupart des insignes du mérite que les gouverneurs coloniaux de l’époque victorienne pouvaient espérer : il était devenu compagnon de l’ordre du Bain en 1863, chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1874 et grand-croix de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1888.

Robin W. Winks

Les rapports canadiens de sir William Francis Drummond Jervois ont été publiés par G.-B., War Office, sous le titre de Report on the defence of Canada, and of the British naval stations in the Atlantic, by Lieut.-Colonel Jervois ; part I : defence of Canada (Londres, 1864 ; copie aux AN) et Report on the defence of Canada, made to the provincial government on the 10th November 1864, and of the British naval stations in the north Atlantic ; together with observations on the defence of New Brunswick [...] (Londres, 1865).

Arch. privées, R. W. Winks (New Haven, Conn.), Jervois papers.— GRO (Londres), Death certificate, W. F. D. Jervois, 19 août 1897 ; Reg. of marriages in the registration district of Kensington, Paddington, and Fulham ([Londres]), no 115 (19 mars 1850).— Isle of Wight County and Diocesan Record Office (Newport, Angl.), St Mary’s Church (Cowes), reg. of baptisms, 16 oct. 1821.— RHL, Jervois papers.— Corps Archaeological (Chatham, Angl.), 2 (1898).— ADB.— DNB.— Brian Jenkins, Britain & the war for the union (2 vol., Montréal, 1974–1980), 2.— R. A. Preston, The defence of the undefended border : planning for war in North America, 1867–1939 (Montréal, 1977).— R. W. Winks, Canada and the United States : the Civil War years (Baltimore, Md., 1960).

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Robin W. Winks, « JERVOIS, sir WILLIAM FRANCIS DRUMMOND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jervois_william_francis_drummond_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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