Le gouvernement de sir Wilfrid Laurier entretient généralement des rapports cordiaux avec les États-Unis. Néanmoins, ces relations comportent leur lot d’irritants, tel que le mentionne l’extrait suivant de sa biographie :
Au fond, il s’agissait pour lui de […] situer [la nation canadienne] par rapport à la mère patrie et par rapport aux États-Unis, le puissant voisin jugé trop agressif, qui ne considérait le Canada que comme un simple appendice de la Grande-Bretagne. En ce dernier cas, les problèmes les plus sérieux entre les deux pays concernaient les relations commerciales, les droits de pêche et, surtout, la délimitation des frontières de l’Alaska.
La réciprocité commerciale constitue un enjeu majeur dans les relations entre le Canada et les États-Unis. Elle revient constamment pendant la carrière politique de Laurier, tant dans les discussions internes du parti que dans l’opinion publique [V. Le pragmatique : le Canada après la Confédération] :
Jusqu’en 1891, il résista tant bien que mal à l’assaut contre la réciprocité totale que plusieurs ne distinguaient pas vraiment de l’union commerciale qui, à leurs yeux, pourrait priver le Canada de son identité. Il résista ainsi à Blake et à d’autres influents libéraux, puis aux membres de l’Imperial Federation League qui n’arrêtaient pas de crier à la trahison face à l’Empire et à imaginer l’annexion aux États-Unis. Il dut même se défendre contre les Américains qui s’enfermaient dans un protectionnisme étroit. La réciprocité ne constitua pas, cependant, un enjeu aussi mobilisateur de ses troupes qu’il l’aurait souhaité.
Après avoir terminé une tournée dans l’Ouest canadien en 1910 et entendu les réclamations des fermiers, groupe important de pression économique, Laurier revient plus convaincu de la nécessité, pour le Canada, de conclure un accord de réciprocité commerciale avec les États-Unis. Cependant, le premier ministre affronte une vive opposition :
Dès le 26 janvier 1911 Fielding, triomphant, annonça à la Chambre, stupéfaite, le contenu d’un accord qui laisserait pénétrer en franchise dans les deux pays la plupart des produits, dits naturels, et quelques produits manufacturiers seulement. Déconfits, les conservateurs de Borden étaient sûrs de croupir encore longtemps dans l’opposition. Le beau rêve de Laurier ne tarda pas toutefois à s’écrouler. Quelques semaines suffirent pour ragaillardir les conservateurs et animer l’opposition extraparlementaire. À partir de février, quelques députés libéraux mais surtout des financiers et des manufacturiers se mirent à massacrer le projet destructeur de la prospérité et de l’identité canadiennes. Ils s’allièrent même aux conservateurs et parlèrent d’annexion aux États-Unis et de déloyauté à l’Empire. Sifton, toujours député, et 18 hommes d’affaires et financiers libéraux de Toronto s’entendirent secrètement avec Borden pour battre Laurier.
Pour en savoir davantage sur les relations entre le Canada et les États-Unis au temps de l’administration Laurier, nous vous invitons à explorer les listes de biographies suivantes.