La politique réformiste à l’époque coloniale

Titre original :  Nova Scotia Archives - Church Records at Nova Scotia Archives

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En 1832, les six colonies de l’Amérique du Nord britannique comptaient un élément représentatif dans leur gouvernement. D’innombrables groupes aux intérêts différents − francophones du Bas-Canada, fermiers de l’Île-du-Prince-Édouard ou résidents de villages de pêcheurs à Terre-Neuve – comprirent progressivement que l’Assemblée, ses pouvoirs et ses prérogatives (et leur renforcement) constituaient la pierre angulaire de la défense ou de l’expansion de leurs intérêts au sein de la société coloniale. Soutenus par des journaux sympathisants, des réformistes établirent dans chaque colonie les diverses traditions qui permettraient l’instauration du gouvernement responsable dans toute l’Amérique du Nord britannique.

Nouvelle-Écosse

Après la Révolution américaine, la plupart des exilés loyalistes s’installèrent en Nouvelle-Écosse, où ils privilégièrent une forme de gouvernement modelée sur leur expérience dans les colonies américaines [V. Provincial Justice : Upper Canadian Legal Portraits]. Thomas Henry Barclay, avocat et officier loyaliste élu à la sixième législature en 1785, défendit les droits de celle-ci contre ceux de l’exécutif :

Thomas Henry Barclay joua un rôle significatif dans l’évolution politique de la Nouvelle-Écosse durant les sessions houleuses de la sixième législature. Élevés dans l’agitation politique que connurent les anciennes colonies au cours des années qui précédèrent la Révolution américaine, de nombreux loyalistes gardèrent en mémoire certaines conceptions du rôle de l’Assemblée, qui furent plus tard à la base des batailles constitutionnelles de la province. Le discours où Barclay recommandait l’impeachment du conseil exprimait avec force une idée qui allait être constamment défendue, au cours des années suivantes, selon laquelle l’Assemblée était la contrepartie coloniale de la chambre des Communes. De même, la revendication ferme de l’Assemblée de son droit inhérent à la primauté dans les mesures financières, exposé par Barclay à la session de 1790, fut maintenue avec autant de ténacité par les Assemblées qui se succédèrent. Pour Barclay et pour beaucoup de chefs loyalistes, l’entrée dans l’establishment de la colonie devait émousser leur opposition à l’autorité de l’exécutif. Pourtant, l’impulsion qu’ils donnèrent à la vie politique de la Nouvelle-Écosse contribua plus tard à faire naître de nouveaux mouvements de réforme.

 

Les adversaires du gouvernement responsable accusèrent souvent ses partisans de masquer des revendications personnelles sous le discours du principe politique. Par exemple, le conflit entre William Cottnam Tonge et le lieutenant-gouverneur sir John Wentworth, sur les finances, les affectations budgétaires et les nominations, fut exacerbé par une animosité réciproque, comme le remarque le biographe de Tonge :

En raison de ses qualités d’argumentateur et de son amère querelle avec Wentworth, Tonge était le rassembleur naturel des éléments diversifiés qui composaient le parti rural et qui se rejoignaient surtout par leur méfiance envers les gens en place à Halifax et la domination qu’ils exerçaient sur la vie politique et économique de la Nouvelle-Écosse. Tant des loyalistes que des non-loyalistes l’appuyaient quand des questions reliées à leurs préoccupations et à celles de leurs électeurs étaient en jeu. Cependant, comme dans les autres colonies d’Amérique du Nord à l’époque, l’opposition au pouvoir exécutif continuait de reposer davantage sur des questions d’intérêts personnels et de personnalité que sur une pensée politique cohérente.

En dépit des accusations de Wentworth, peu d’indices suggèrent que Tonge visait des modifications essentielles à la constitution néo-écossaise. Le lieutenant-gouverneur prétendait bien que Tonge prônait la formation d’un Conseil législatif électif, mais il n’existe aucune autre mention d’innovation politique véritable, et cette proposition, normale à une époque de conflits entre les organismes élus et nommés, ne donna jamais lieu à des discussions importantes. Le combat politique que connaissait la Nouvelle-Écosse était une manifestation de la dissension assez courante qui opposait d’une part une Assemblée élue cherchant à affirmer son rôle dans le gouvernement et, d’autre part, un conservateur, partisan du statu quo dans les colonies. L’antipathie entre Tonge et Wentworth alimenta cette discorde, et le fait que le ton se calma après qu’ils eurent quitté la scène politique néo-écossaise confirme que la lutte constitutionnelle avait surtout pris racine dans leur aversion mutuelle. Néanmoins, en usant adroitement des tactiques parlementaires pour poursuivre son combat et en soutenant avec ténacité les droits de l’Assemblée, Tonge se tailla une place durable dans l’histoire législative de la province.

 

Pour en savoir davantage sur la politique réformiste en Nouvelle-Écosse, nous vous invitons à consulter les biographies suivantes.