MORTIMER, EDWARD, homme d’affaires, officier de milice, juge et homme politique, baptisé le 6 juin 1768 à Keith, Écosse, quatrième enfant et deuxième fils d’Alexander Mortimer, agent d’accise, et de Mary Smith ; vers 1790, il épousa Sarah Patterson, fille de Robert Patterson ; décédé le 10 octobre 1819 à Pictou, Nouvelle-Écosse.

L’arrivée d’Edward Mortimer en Nouvelle-Écosse, à la fin des années 1780, coïncida avec celle d’autres Écossais dont les entreprises commerciales réorientèrent graduellement, vers l’Écosse, le commerce de la province avec la Grande-Bretagne. Au service de la compagnie Liddell, établie à Halifax et à Glasgow, Mortimer avait, en 1789, acheté des terres à Pictou, principal établissement écossais de l’est de la Nouvelle-Écosse. Durant toute la décennie 1790, il continua apparemment de représenter la compagnie Liddell, tout en construisant des magasins et des débarcadères, accumulant des terres et plaçant de l’argent dans de lucratives entreprises d’expédition transatlantique. Simultanément, il exportait du bois provenant des terres nouvellement ouvertes, en plus de se lancer, à son propre compte, dans le ravitaillement des établissements de pêche et le commerce du poisson. Il maintenait ses liens avec la région de la rivière Clyde, essentiels à ses opérations commerciales, en continuant de participer à l’activité de la compagnie Liddell, d’abord par l’intermédiaire d’Andrew Liddell, à Halifax, puis, à partir de 1805, par son association avec Andrew et William Liddell, à Glasgow, et John Liddell, à Halifax. Pour promouvoir ses intérêts locaux, Mortimer s’associa non seulement à John Liddell à Halifax, mais aussi à John Clark sur la rivière Miramichi (Nouveau-Brunswick), riche en bois. En 1813, tous ses liens antérieurs étant rompus, Mortimer monta une nouvelle compagnie, dont il était le principal associé – les autres étant William Liddell, de Glasgow, et George Smith, de Pictou. L’exploitation des nouveaux territoires par Mortimer ne se limita pas aux aspects classiques de l’économie des Maritimes : expédition, pêcheries, commerce du bois ; en 1818, il réussit à obtenir, en surenchérissant sur ses rivaux, pour une période de 21 ans, le bail exclusif des mines de charbon de Pictou.

La perspicacité de Mortimer et son sens des affaires lui permirent de se hisser au premier rang dans le secteur commercial parmi les immigrés écossais fort nombreux, qui étaient établis dans tout l’est de la Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. Le système par lequel il cédait des marchandises importées d’Écosse en échange de futures livraisons de bois, de poisson ou de produits de la terre était identique à celui qui était en usage dans les petits villages de pêcheurs de Terre-Neuve. Le fait que de toutes parts on était en dette envers son entreprise faisait de lui l’homme le plus puissant de la région. Parmi les opérations menées par Liddell, Clark et Mortimer antérieurement à 1812, seules celles de la succursale de Pictou furent profitables. Après la mort de Mortimer, à cause des dettes de ses associés et de la stagnation économique, surtout en Écosse, sa compagnie devint insolvable.

Au cours des années 1790, Mortimer se fit connaître non seulement comme un important marchand local, mais aussi comme l’un des chefs de file de la communauté. À partir de 1795, il fut un officier haut gradé de la milice de Pictou. Cette ville étant devenue district judiciaire indépendant en 1792, Mortimer fut nommé à la Cour des sessions générales et, plus tard, à la Cour inférieure des plaids communs. Bien qu’il n’assistât que de temps en temps aux séances de la Cour des sessions générales, il fut actif comme fonctionnaire local et travailla au progrès de sa région immédiate. En 1810, il entreprit la construction d’une grande maison de pierre (maintenant connue sous le nom de Norway House), pour laquelle il fit venir d’habiles charpentiers et maçons écossais ; en 1812, il se servit de ces mêmes ouvriers pour la construction d’une batterie destinée à la défense de la ville. En bon Écossais, Mortimer était convaincu de l’importance de l’instruction. Il siégea au sein du conseil d’administration de la grammar school de Pictou à partir de 1811, et il se fit très tôt l’avocat influent et tenace du projet de l’Église presbytérienne scissionniste d’établir à Pictou une institution de haut savoir qu’on pourrait fréquenter, quelle que fût sa confession religieuse, sans se soumettre aux critères religieux qu’imposait le King’s College de Windsor. Mortimer se révéla à la fois le père, sur le plan politique, et le plus généreux bailleur de fonds de la Pictou Academy, depuis l’époque de sa fondation en 1815. Fidèle à ses engagements interconfessionnels, il fut membre de la Nova Scotia Bible Society et président titulaire de la section de Pictou de la British and Foreign Bible Society ; il seconda avec ardeur les efforts faits en vue d’obtenir du gouvernement, pour le clergé dissident, le droit de célébrer légalement les mariages. Membre honoraire de l’organisation charitable des Écossais de Halifax, la North British Society, il sollicita des souscriptions pour la publication d’un dictionnaire des langues celtiques. Il fut aussi un protecteur enthousiaste de l’agriculture scientifique, domaine où les Écossais, sous la conduite de John Young*, apportèrent une contribution particulière à la Nouvelle-Écosse. En plus d’être président de la première société d’agriculture fondée à Pictou en 1817, il appliqua assidûment les nouvelles techniques sur ses propres terres.

En 1799, l’augmentation de la population dans les régions rurales éloignées du comté de Halifax avait rendu impopulaire la mainmise de la ville sur les sièges de ce comté à la chambre d’Assemblée. Cette année-là, Mortimer et James Fulton*, de Colchester, s’unirent à William Cottnam Tonge*, réformiste bruyant désireux de mettre fin à la domination des Loyalistes à l’Assemblée, pour se porter candidats dans le comté. À titre de représentants du parti country, ils reçurent un appui écrasant des électeurs demeurant à l’extérieur de la capitale et furent élus en compagnie du préloyaliste Charles Morris*, de la ville de Halifax. La défaite électorale du trésorier de la province, Michael Wallace*, au cours de ces élections, constitua, à Pictou, le point de départ d’un antagonisme politique qui devait atteindre son sommet 30 ans plus tard. Au début, cet antagonisme prit la forme d’un conflit personnel entre les deux Écossais, les conceptions rurales, écossaises et presbytériennes scissionnistes de l’homme d’affaires Mortimer s’opposant à celles, urbaines et loyalistes, de l’homme du gouvernement, Wallace, lequel, de surcroît, appartenait à l’Église d’Écosse. Les deux hommes se heurtèrent surtout à propos de questions relatives aux affectations des fonds du gouvernement, du favoritisme local et des privilèges religieux. Après la nomination de Wallace au Conseil de la Nouvelle-Écosse, en 1802, l’opposition devint chose acquise dans les relations entre les deux corps législatifs. Elle se centra par la suite sur la Pictou Academy.

Facilement réélu en 1806, 1811 et 1818, Mortimer se révéla un membre de l’Assemblée attentif, pratique, énergique et spirituel. Il orienta son activité en chambre vers la promotion et la défense de questions qui étaient à l’avantage de la partie non urbanisée de la Nouvelle-Écosse, et en particulier de ses commettants de Pictou : affectations de fonds pour les routes et les ponts, amélioration de la circulation monétaire, aide aux colons, progrès des pêcheries, encouragement à l’agriculture et égalité religieuse. En 1818, une charge satirique contre Mortimer, dans l’Acadian Recorder, amena l’Assemblée à réprimander le directeur de ce journal, Anthony Henry Holland*, pour violation des privilèges de la chambre. La mort prématurée de Mortimer, qui laissait la question de la Pictou Academy entre les mains de son successeur inexpérimenté à l’Assemblée, George Smith, et de l’opiniâtre révérend Thomas McCulloch*, contribua à envenimer le conflit politique et religieux des années 1820.

Désigné par certains comme le « roi de Pictou » et « [l’]impérial [producteur] de farine de l’Est », Edward Mortimer était perçu par ses amis comme quelqu’un qui « considérait Pictou et ses habitants presque comme son propre bien et sa propre famille, et qui, en conséquence, exerçait un droit de regard sur leur prospérité et leur bien-être ».

Susan Buggey

L’Art Gallery of Nova Scotia (Halifax) possède un portrait d’Edward Mortimer peint par Robert Field ; une photographie de cette peinture est disponible aux PANS.

Colchester County Registry of Deeds (Truro, N.-É.), Index to deeds, 1771–1870 (mfm aux PANS).— GRO, Reg. of births and baptisms for the parish of Bellie, 20 sept. 1763 ; Reg. of births and baptisms for the parish of Keith, 22 nov. 1764, 7 janv. 1766, 25 mars 1767, 6 juin 1768.— Halifax County Court of Probate (Halifax), Book 4 : 48s. (testament d’Edward Mortimer) (mfm aux PANS).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Index to deeds, 1 ; Deeds, 28 : ff.325–326 ; 42 : ff.371–372 (mfm aux PANS).— King’s County Registry of Deeds (Kentville, N.-É.), Index to deeds, 1764–1859 (mfm aux PANS).— PANS, MG 1, 979, L. M. Wilkins à Peleg Wiswall, 11 mars 1818 ; RG 1, 458, doc. 7, 9, 25–26, 29–30 ; 463, doc. 8, 17–18 ; RG 8, 2 ; RG 34–318, P, 1–4 ; RG 36, 18–27 ; RG 39, C, 75–131.— Pictou County Court of Probate (Pictou, N.-É.), testaments, 1811–1940 (mfm aux PANS).— Pictou County Registry of Deeds (Pictou), Index to deeds, 1771–1840 ; Deeds, Book 1 : ff.95–96, 124–125, 129–132, 170–171, 221–222, 233–239, 251, 277–278 (infra aux PANS).— Acadian Recorder, 7 févr.–11 avril 1818.— Colonial Patriot (Pictou), 11 janv. 1828.— Halifax Journal, 20 janv. 1812, 18 oct., 29 nov. 1819.— North British Soc., Annals of the North British Society of Halifax, Nova Scotia, for one hundred and twenty-five years [...], J. S. Macdonald, compil. (Halifax, 1894), 88, 390.— George MacLaren, The Pictou book : stories of our past (New Glasgow, N.-É., [1954]).— F. H. Patterson, John Patterson, the founder of Pictou town (Truro, 1955), 62–70.— George Patterson, A history of the county of Pictou, Nova Scotia (Montréal, 1877), 250–255.

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Susan Buggey, « MORTIMER, EDWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mortimer_edward_5F.html.

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Auteur de l'article:    Susan Buggey
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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