Le ministre presbytérien James Drummond MacGregor (1759–1830) apprit le gaélique en prévision de desservir les Highlands d’Écosse. On l’envoya plutôt à Pictou, en Nouvelle-Écosse, en 1796, où il ne trouva ni village ni église ni école. Ses fortes croyances doctrinales créèrent des dissensions, tout comme son opinion sur l’esclavage, mais avec l’âge et l’expérience, il se montra plus tolérant et compréhensif. Désireux de faire connaître l’Évangile à ceux qui en étaient privés et de promouvoir l’éducation, il appuya la fondation de la Pictou Academy pour former des ministres du culte. Il contribua aussi à sa terre d’adoption à titre d’auteur, de compositeur et de défenseur de l’agriculture scientifique. 
Titre original :  Title page of DAIN A CHOMHNADH CRABHUIDH - SEUMAS MACGHRIOGAIR.

Source: https://digital.nls.uk/rare-items-in-gaelic/archive/109773371?mode=transcription (National Library of Scotland)

Provenance : Lien

MacGREGOR (McGregor), JAMES DRUMMOND, ministre presbytérien, auteur et compositeur, né en décembre 1759 à Portmore (St Fillans), dans la paroisse de Comrie, Perthshire, Écosse, fils cadet de James Drummond, fermier et tisserand, et de Janet Dochert (Dochart) ; le 11 mai 1796, il épousa à Halifax Ann McKay, et ils eurent trois fils et trois filles, puis le 25 décembre 1811, à Pictou, Nouvelle-Écosse, Janet Gordon, veuve du révérend Peter Gordon, missionnaire presbytérien de l’Île-du-Prince-Édouard, et nièce d’Archibald Bruce, ministre du General Associate Hall d’Alloa, Écosse, et de ce mariage naquirent deux filles et un fils ; décédé le 3 mars 1830 à Pictou.

La famille de James Drummond MacGregor appartenait au clan Gregor, qui fut proscrit après la rébellion survenue en 1715 dans les Highlands. S’étant réinstallé ailleurs dans la région, le grand-père de James adopta le patronyme de Drummond, qui était celui de son protecteur, le comte de Perth. Le père de James conserva ce nom, mais lui-même reprit l’ancien nom de sa famille au cours de ses études universitaires. James grandit dans le sein de l’Église scissionniste, née du départ d’Ebenezer Erskine de l’Église d’Écosse en 1733, et plus particulièrement dans la faction rigoureuse des anti-burghers, qui rejetait le serment imposé aux burghers pour occuper une charge publique. On raconte que le père de James avait été reçu membre de la congrégation par Erskine et qu’il était présent lorsque Erskine fut expulsé de son église en 1740.

Préparation au ministère 

Lors de son baptême, James fut voué au service de Dieu, conformément à une pratique courante dans la paysannerie écossaise. Il fréquenta les grammar schools de Kinkell et de Dunblane, puis étudia à l’University of Edinburgh, où il avait été admis en 1779. De 1781 à 1784, il fréquenta le General Associate Hall, qui était le collège de théologie anti-burgher, mais il fut autorisé à prêcher avant d’avoir terminé le cours de cinq ans. Comme bien des étudiants, il gagna un peu d’argent en enseignant, par exemple à Glen Lednock, près de Comrie, à Morebattle, dans le sud de l’Écosse, et à Argyll. Peu de ministres de l’Église scissionniste parlaient le gaélique et, en raison de son ascendance highlander, James se mit à l’étude de cette langue en prévision du pastorat. Il apprit à connaître les traditions de sa région natale, traduisit le livre des Proverbes en gaélique et enseigna dans l’ouest des Highlands. Admis comme suffragant, il prononça de nombreux sermons et, en 1785 ou 1786, il fut invité à devenir ministre de la congrégation de Craigdam, dans l’Aberdeenshire. Cependant, le General Associate Synod ne l’autorisa pas à répondre à cet appel et le nomma plutôt en Nouvelle-Écosse.

À l’automne de 1784, les habitants de Pictou avaient demandé qu’on leur envoie un ministre qui pourrait prêcher aussi bien en gaélique qu’en anglais. Ils avaient expédié leur demande par l’intermédiaire de deux résidents de Greenock, en Écosse, dont l’un avait des relations d’affaires à Pictou depuis la fondation de l’établissement. Dès que le consistoire de Perth lui eut remis cette requête, MacGregor se mit à la disposition du synode. Même s’il s’attendait à être nommé dans les Highlands, le synode décida à l’unanimité, lors d’une réunion tenue le 4 mai 1786, de l’affecter à Pictou. Ordonné par le consistoire de Glasgow le 31 mai, il prit le 3 juin à Greenock un bateau en partance pour Halifax, où il arriva le 11 juillet.

Premières années à Pictou

MacGregor débarqua dans la colonie avec son bagage culturel, l’esprit encore imprégné de la formation de ses mentors et conscient des possibilités de son intelligence. Comme il put alors le constater pour une première fois, dans les régions isolées d’Amérique du Nord le contexte religieux était plus flou que dans son pays d’origine. Or, quelques jours après son arrivée, il eut la surprise d’être invité à se joindre au consistoire de Truro, organisme formé des ministres burghers déjà établis dans la province. Le révérend Daniel Cock, de Truro, qui avait rédigé la requête des habitants de Pictou, tenait pour acquis que le nouvel arrivant ferait abstraction de l’affiliation qui avait été la sienne en Écosse et deviendrait membre du consistoire afin de travailler, de concert avec ses collègues, à consolider le presbytérianisme dans la province. MacGregor participa aux réunions et prêcha devant l’assemblée, mais il fut incapable d’aller plus loin sur le chemin de la concession : le consistoire acceptait les psaumes d’Isaac Watts, élisait les conseillers presbytéraux suivant un mode qu’il réprouvait, admettait une doctrine qui était censée être impure et adhérait trop mollement à la Confession de Westminster. Cock savait, contrairement à MacGregor, qu’à défaut de pouvoir compter sur quelques ministres ordonnés dans les règles, les colons n’avaient d’autre choix que d’assister aux offices que venaient célébrer à l’occasion des itinérants enthousiastes dont la doctrine et les rites étaient douteux. De plus, aux yeux des ministres néo-écossais, les factions presbytériennes d’Écosse, nées d’un désaccord sur les relations que devaient entretenir l’Église et l’État, n’avaient aucun sens dans la colonie, où le presbytérianisme n’était pas une Église établie et où les citoyens n’avaient pas à prêter un serment d’office. Malgré tout, la conscience de MacGregor lui interdisait de s’intégrer à un consistoire dont les membres étaient des burghers et non des anti-burghers. Son affiliation au consistoire de Glasgow lui semblait exclure toute autre alliance, et il ne pouvait pas transcender le désaccord moral qui séparait burghers et anti-burghers dans son pays natal. Cette intransigeance l’isola de ses collègues pendant près d’une décennie.

L’adhésion stricte de MacGregor aux principes anti-burghers déçut également les attentes de ses paroissiens. À son arrivée à Pictou, il ne trouva ni village, ni église, ni école, mais seulement des colons très dispersés. Il attendit deux ans avant de célébrer la communion, s’employant plutôt à prêcher devant ses paroissiens – il prononçait chaque sermon quatre fois, en anglais et en gaélique, dans deux endroits différents –, à leur rendre visite et à les catéchiser, car il devait s’assurer de leur sincérité avant de les admettre à la sainte table. Ses paroissiens auraient vu avec joie les ministres burghers communier avec eux, mais il ne pouvait se résoudre à les y inviter. De même, comme il n’y avait pas de congrégations établies, il s’inquiétait de savoir comment des conseillers presbytéraux pourraient être ordonnés en bonne et due forme. Aussi fut-il soulagé d’en trouver trois qui, en Écosse, avaient été ordonnés dans les règles parmi les membres de sa faction, ce qui lui permit de former un tribunal ecclésiastique et d’ordonner au besoin d’autres conseillers. Toutefois, ce fut son entêtement à ne baptiser que les enfants des chrétiens sincères qui suscita le plus de critiques à l’égard de ses principes anti-burghers. Dans les établissements qui n’étaient desservis qu’occasionnellement, où les autres ministres baptisaient couramment les enfants qui leur étaient présentés, sans se préoccuper des convictions de leurs parents, MacGregor insistait, avant le baptême, pour que ceux-ci sachent ce que représentait une éducation chrétienne et qu’ils s’engagent à la donner.

Les premières expériences de MacGregor en Nouvelle-Écosse l’affermirent dans sa décision de ne pas se joindre au consistoire de Truro. Solidaire des opinions antiesclavagistes qui se faisaient jour en Grande-Bretagne, il mit ses convictions en pratique en prenant £20 des £27 reçues pour sa première année de service et en les remettant au maître néo-écossais d’une jeune esclave afin qu’il la libère. Il aida par la suite à affranchir d’autres esclaves et fit publiquement valoir à Cock, qui en possédait, combien il était immoral pour un chrétien de tenir des enfants de Dieu sous le joug. La publication de ce blâme, à Halifax en 1788, et la réplique du révérend David Smith, au nom de Cock, concrétisèrent la rupture de MacGregor avec le consistoire de Truro.

Le conflit de MacGregor avec les ministres burghers créa également des tensions à l’intérieur des communautés presbytériennes. Les fidèles qui étaient insatisfaits de leur ministre faisaient à l’occasion appel à lui qui, poussé par son zèle, les encourageait semble-t-il. En 1793, le consistoire de Truro le somma de comparaître devant lui mais, n’étant pas parvenu à le convaincre que « sa désaffection [était] injustifiée et [constituait] une erreur », il publia un avis contre lui. Des accusations portées la même année et attribuées à MacGregor, selon lesquelles Smith négligeait de donner l’enseignement adéquat à sa congrégation de Londonderry, furent interprétées par les burghers comme une tentative visant à préparer la venue d’un ministre anti-burgher, ce qui allait se produire deux ans plus tard, après la mort de Smith, lorsque le révérend John Brown serait affecté à Londonderry. En 1795, MacGregor accueillit ses premiers collègues anti-burghers, Brown et le révérend Duncan Ross, avec qui il forma le 7 juillet un consistoire appelé Associate Presbytery of Nova Scotia, mieux connu sous le nom d’Associate Presbytery of Pictou. En dépit de sa parfaite connaissance du milieu, MacGregor n’avait rien eu à dire dans les affectations de Ross et de Brown, et ce ne fut pas avant 1801 qu’il parvint à s’entendre avec Ross sur une division du territoire de Pictou. Le consistoire de Truro tenta de créer une alliance entre les deux consistoires mais, comme dans le cas de MacGregor, le début d’un nouveau ministère n’était pas propice pour essayer de réaliser un rapprochement.

Diffusion de l’Évangile 

Tout au long de son existence, MacGregor fut poussé par le désir de porter la parole divine parmi ceux qui en étaient privés. Qu’il ait accepté d’être affecté en Nouvelle-Écosse en était un indice. À son arrivée à Pictou, il trouva des colons qui vivaient là depuis 20 ans sans assistance religieuse, sinon celle que leur apportaient de temps à autre des itinérants de diverses confessions. Ses paroissiens, dispersés, étaient pour la plupart des Highlanders qui avaient été élevés dans l’Église d’Écosse et qui, par tradition, étaient hostiles à l’Église scissionniste. Cependant, avec le temps, ils en vinrent à lui vouer un attachement indéfectible. En 1791, des Highlanders catholiques immigrèrent à Pictou, et MacGregor encouragea ses fidèles à leur porter assistance. Moins de deux ans après son arrivée, il entreprit sa première tournée missionnaire, tâche qu’il accomplirait régulièrement pendant plus de 30 ans et qui le mènerait non seulement d’Amherst à Sherbrooke, en Nouvelle-Écosse, mais aussi au Nouveau-Brunswick (à Miramichi en 1797, dans la région de la Saint-Jean en 1805 et dans la baie de Passamaquoddy en 1815), à l’Île-du-Prince-Édouard (en 1791, 1794, 1800 et 1806) ainsi qu’au Cap-Breton (1798 et 1818). À l’instar des prédicateurs New Light, méthodistes, anglicans, catholiques et de ses collègues presbytériens qui, tous, œuvraient sur ce territoire éloigné, MacGregor trouvait sur son chemin des établissements où les colons désiraient des services religieux, quelle que soit la confession de celui qui les leur offrait. Conformément aux besoins de ces lieux et à ce qu’on lui avait dit lors de son ordination – « Fais des chrétiens, non des scissionnistes » –, il « résolut de ne pas limiter [ses] visites aux presbytériens, mais d’en faire à ceux de toute confession qui seraient prêts à [l’]accueillir, car [il] les considérait comme des brebis privées de pasteur ».

Même si les presbytériens formaient le groupe religieux le plus nombreux de la province et que beaucoup d’entre eux voulaient que leur confession y domine, les ministres presbytériens étaient rares en Nouvelle-Écosse. À l’arrivée de MacGregor, il n’y en avait que quatre autres. Dans l’ensemble, les Églises écossaises du xviiie siècle s’intéressaient peu au missionnariat, et l’absence d’un organisme comme la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts de l’Église d’Angleterre entravait sérieusement l’expansion du presbytérianisme. En conséquence, MacGregor devint l’un des intermédiaires des fidèles qui demandaient à l’Écosse d’envoyer des ministres dans les communautés des Maritimes. Dans les premières lettres, qu’il expédia en Écosse, il exprimait son isolement et invitait ses amis et les membres désignés par le synode à venir l’aider dans son œuvre ; des pétitions provenant de diverses congrégations, à commencer par celle d’Amherst en 1788, suivirent. Mais aucun de ceux à qui il avait fait appel ne vint en Nouvelle-Écosse, ce qui sema le découragement dans les établissements dont il s’était fait le porte-parole. En septembre 1792, dans un document passionné, intitulé Letter [...] to the General Associate Synod [...], il mentionna les besoins qu’il avait, parla de confiance trahie et critiqua ouvertement la tiédeur et l’égoïsme du clergé. L’arrivée de Brown et de Ross en 1795 mit fin à son isolement, sans pourtant lui redonner foi en la capacité de l’Écosse de répondre aux besoins d’outre-Atlantique.

À défaut de convaincre assez de ministres de venir dans la région, on pouvait recourir à d’autres moyens de propager la foi. MacGregor demanda de l’aide aux organismes religieux internationaux, dont il connaissait les activités par sa correspondance constante avec l’Écosse et auxquels il s’intéressait vivement. Dès 1807, il entretenait des liens avec la British and Foreign Bible Society, de laquelle il reçut l’année suivante des exemplaires de la Bible et du Nouveau Testament en anglais et en gaélique, qu’il pouvait vendre ou distribuer gratuitement, à sa discrétion. Non seulement versait-il des contributions financières à la société et la servit-il en tant que spécialiste du gaélique, mais il révisa les traductions d’ouvrages anglais qu’elle allait publier. Secrétaire de la section de Pictou de 1813 à 1826, il recueillit et envoya des donations visant à favoriser la diffusion de l’Évangile là où il était peu connu ; on dit qu’il faisait tout le travail de la section à lui seul. Fait unique dans la province, sa section ne s’affilia pas à la branche néo-écossaise de la British and Foreign Bible Society. En partie par intérêt personnel et en partie à cause du grand nombre de Highlanders vivant dans sa région, MacGregor était également très actif au sein de la Gaelic School Society, fondée à Édimbourg en 1811. Sa contribution à cette société, qui agissait surtout dans les Highlands, était l’un des aspects de son dévouement constant pour les habitants de son pays natal et découlait de ses relations suivies avec les mouvements religieux et éducatifs d’Écosse. Il organisa aussi des collectes locales pour la London Society for Promoting Christianity among the Jews et pour la mission baptiste de Birmanie. À Pictou, il encouragea la création d’écoles du dimanche, autre initiative lancée en Grande-Bretagne pour insuffler des connaissances bibliques aux enfants ; il prôna également la mise sur pied d’associations pour lesquelles la souscription était de un penny par semaine, ainsi que d’une société missionnaire instituée par l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse.

Outre ses traductions de l’anglais au gaélique, MacGregor écrivit des ouvrages originaux en gaélique, et particulièrement une série de chants religieux publiés sous le titre de Dain a chomhnadh crabhuidh. Inspiré par la solitude des forêts nord-américaines qu’il traversait et par les œuvres de poètes évangéliques écossais comme Dugald Buchanan, qui avaient été écrites sur les musiques de chansons populaires des Highlands, il composa environ 25 longs poèmes sacrés. Écrits dans un langage simple et portant sur les éléments centraux du christianisme comme la foi, l’Évangile, le jugement dernier et la résurrection, ils étaient destinés non seulement à ses paroissiens originaires des Highlands, mais aussi à l’évangélisation du nord de l’Écosse, où la récitation d’hymnes sacrées demeurait une solide tradition. Le fait que MacGregor ait étudié les poètes séculiers Duncan Ban MacIntyre et Alexander MacDonald avant d’écrire ses poèmes et qu’il ait eu recours à des mélodies profanes suscita à Pictou des calomnies sur ses principes religieux. Toutefois, Dain a chomhnadh crabhuidh atteignit une vaste renommée dans les Highlands. MacGregor céda les droits d’auteur de son ouvrage à la Glasgow Tract Society, à condition qu’elle le diffuse avec diligence. Au moins sept éditions parurent entre 1819 et 1870, mais seulement une, celle de 1861, vit le jour en Amérique du Nord ; MacGregor publia dans d’autres recueils gallois des extraits de Dain ainsi que d’autres poèmes. L’ensemble de ces œuvres lui ont valu le titre d’« apôtre de Pictou » et de premier barde gaélique du Canada.

Le synode et la Pictou Academy 

En poursuivant son travail en Nouvelle-Écosse, MacGregor, comme d’autres ministres, tourna le dos aux querelles de sectes pour embrasser une vision plus œcuménique du presbytérianisme. Quand le consistoire de Pictou fut formé, il suivit l’exemple de celui de Truro et ne se définit aucune norme doctrinale à partir de la Confession de Westminster. MacGregor en était venu ainsi à comprendre, en neuf ans, qu’il ne servait à rien de viser une adhésion stricte aux principes anti-burghers écossais. Comme il l’expliqua à un collègue en Écosse : « Il y a ici un tel mélange de gens de nations différentes que cela ramène la situation de l’Église à ce qu’elle était à l’époque de John Knox. » Le fait que dès 1814 il était question de réunir tous les ministres presbytériens de la province reflétait cette réalité. Les objectifs de l’union, tels que les voyait MacGregor, étaient de dresser un plan plus global pour assurer l’expansion et la publicité du presbytérianisme et, surtout, la formation des ministres dans la province. En 1816, dans un geste commun, les consistoires de Pictou et de Truro envoyèrent dans la région de la rivière St Marys deux missionnaires, dont MacGregor. Même s’il ne faisait pas partie du comité formé pour définir les modalités de l’union, il était un chaud partisan de celle-ci, et lorsqu’en juillet 1817 le synode fut officiellement créé à Truro, sous le nom d’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse, il en devint le premier modérateur. Le synode était dominé par les ministres de Pictou et, de 1817 à 1825, MacGregor fut membre de plusieurs de ses comités, notamment celui qui discutait des « moyens de promouvoir la religion » ; en outre, il assista à tous les synodes, à l’exception de celui qui précéda sa mort. MacGregor prit également part à certaines tentatives officieuses en vue de faire reconnaître l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse par l’Église d’Écosse mais, en raison de l’intransigeance des sectes écossaises, les pourparlers ne débouchèrent pas.

Pour les ministres de Pictou, le grand objectif du synode était de fonder un collège où des Néo-Écossais pourraient se préparer au ministère presbytérien, et ce afin que l’Église ne dépende plus des rares pasteurs que lui envoyaient les synodes d’Écosse. La création de ce collège devait également contribuer à la réalisation d’un objectif plus vaste : permettre aux presbytériens aussi bien qu’aux non-conformistes néo-écossais de se rendre au delà de la grammar school, car les témoignages d’appartenance à l’Église d’Angleterre, introduits en 1803, excluaient dans les faits les non-anglicans du King’s College de Windsor, unique établissement d’enseignement supérieur de la province. La vie de MacGregor illustre à quel point, pour les presbytériens écossais, l’éducation allait de pair avec la religion, lui-même étant un ardent partisan de cette cause et de son promoteur obstiné, le révérend Thomas McCulloch*. En 1805, MacGregor sollicita des cotisations pour une société qui financerait la création d’un établissement où des jeunes gens pourraient se préparer au ministère. Lorsque l’idée fut relancée en 1814, il remonta aux premières lignes et siégea au conseil d’administration de l’établissement dès sa création en 1815 et y demeura jusqu’à sa mort ; il versa à la Pictou Academy des contributions qui ne seraient dépassées que par celles du marchand Edward Mortimer* et il ne cessa de travailler à la réussite de l’entreprise. Ainsi, il prêcha, sollicita des dons et rédigea une partie des très nombreuses lettres dans lesquelles, à compter de 1815, les partisans de l’établissement demandèrent au gouvernement provincial, au lieutenant-gouverneur, aux congrégations de la province, aux journaux, au synode écossais et à des organismes internationaux comme la London Missionary Society de reconnaître la Pictou Academy, de lui accorder un statut juridique, de lui verser des fonds ou de lui expédier des livres. Dans l’une de ces lettres, McCulloch demanda à l’University of Glasgow de remettre des diplômes honorifiques à quatre hommes politiques qui défendaient avec conviction la Pictou Academy ainsi qu’à MacGregor ; c’est pourquoi celui-ci reçut un doctorat en théologie en 1822.

Conflit 

Dans les années 1820, l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse, solidement installée, et les ministres nouvellement envoyés par l’Église d’Écosse s’affrontèrent à Pictou et sur la scène provinciale au sujet de l’éducation et de l’ordination du clergé presbytérien. Fort de l’expérience qu’il avait acquise au cours des 40 dernières années en demandant à l’Écosse d’envoyer des ministres dans la colonie, MacGregor défendit avec acharnement les objectifs de la Pictou Academy – offrir un enseignement supérieur et une formation théologique aux Néo-Écossais – contre les calomnies de l’Église d’Écosse et de son aile missionnaire, la Glasgow Colonial Society. En 1825, à l’occasion de cette querelle, il fut d’ailleurs menacé de poursuites judiciaires par un membre farouche de l’Église d’Écosse, le révérend George Burns de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pour avoir célébré le mariage d’un fermier 20 ans auparavant en violation du droit matrimonial du Nouveau-Brunswick.

La querelle politico-religieuse qui agita la Nouvelle-Écosse de 1815 jusqu’au milieu des années 1830 ne portait pas que sur la Pictou Academy. En fait, elle était au cœur d’un plus vaste mouvement visant à établir dans la province les droits des confessions non anglicanes. L’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse, sous la gouverne de McCulloch, dirigeait ce mouvement, qui contestait notamment que l’Église d’Angleterre ait seule le droit de célébrer des mariages avec dispense de bans, parce qu’elle était l’Église établie et que traditionnellement elle avait été la seule à le faire. MacGregor lui-même s’était marié avec une telle dispense à Halifax en 1796 plutôt que de faire publier les bans comme l’exigeaient en Écosse le droit civil et le droit ecclésiastique, et cette irrégularité lui avait valu de sévères critiques de la part de ses paroissiens et des autres ministres. En pratique, l’autorisation de célébrer les mariages avec dispense de bans était largement accordée depuis des années aux ministres et aux juges de paix, et à mesure que l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse affirmait en principe son droit d’en faire autant, il est probable que MacGregor célébra de tels mariages quand on le lui demandait. En 1832, la loi allait permettre que le clergé non anglican célèbre les mariages avec dispense de bans.

Non seulement l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse cherchait-elle à obtenir officiellement pour toutes les confessions le droit de célébrer les mariages avec dispense de bans, mais elle entendait favoriser les relations entre tous les protestants non anglicans de la province. À compter de 1819, ses représentants offrirent aux prédicateurs méthodistes et baptistes de collaborer avec eux. MacGregor encourageait cette collaboration, et notamment la tentative visant à former un conseil qui défendrait les intérêts communs des parties. Cependant, il ne fit guère directement la promotion de ce conseil, sauf pendant que McCulloch, qui en était l’âme dirigeante, s’absenta pour aller en Écosse en 1825.

Le rite du baptême 

Le milieu des années 1820 fut également marqué par un débat d’un autre genre entre tous les protestants non anglicans. Dès 1822, les ministres méthodistes, baptistes et presbytériens de la province engagèrent dans les journaux et dans des pamphlets une polémique sur le baptême, l’objet du désaccord étant de savoir s’il devait être donné par aspersion ou par immersion. MacGregor avait fouillé le sujet pendant qu’il était étudiant en théologie et avait à l’époque impressionné favorablement un auditeur en prononçant un sermon sur la question. Il mit sur papier les arguments en faveur du pédobaptisme, peut-être lorsqu’il était encore en Écosse, et les fit circuler dans des cercles restreints lors du débat. On dit qu’il collabora au traité qui parut sous le nom de Duncan Ross en 1825, mais il semble que son propre texte ne fut pas publié de son vivant.

« A guide to baptism » n’était pas le premier ouvrage doctrinal de MacGregor. En 1800, « Essay on the duration and character of the millenial age of the church » avait paru dans le Christian Magazine d’Édimbourg. Quant à « A defence of the religions imprecations and denunciations of God’s wrath, contained in the Book of Psalms, against the enemies of the Gospel », qui ne fut pas non plus publié de son vivant, il défendait le recours aux psaumes de l’Ancien Testament contre les critiques qui prévalaient à l’époque et contre les hymnes d’Isaac Watts, qui leur étaient préférées. À l’occasion, MacGregor écrivit aussi pour les journaux sur des sujets religieux, comme la British and Foreign Bible Society, ou sur des questions plus vastes, telles les améliorations à apporter aux transports dans la province.

Établissement d’un foyer et exploitation de la terre 

Aux yeux de certaines congrégations écossaises, le ministre qui était fermier et acquérait des terres ne faisait que céder aux attraits des choses matérielles, mais MacGregor avait une ferme à Pictou pour la simple raison que ses fidèles ne pouvaient même pas lui verser régulièrement le maigre salaire qui lui avait été promis. En 1799, par exemple, il reçut £50, toutes en nature, la monnaie étant à certains moments à peu près introuvable. Lors de son mariage en 1796, il s’installa sur le côté ouest de la rivière East à Pictou. Deux ans plus tard, il acheta 150 acres de terre pour la somme de £200 ; en 1810, on lui assurait qu’il était propriétaire des 450 autres acres qu’il avait mises en valeur. Contrairement aux ministres anglicans et à certains ministres non conformistes, MacGregor ne reçut pas de terre bénéficiale à titre de premier pasteur permanent du canton de Pictou ; pourtant, Cock avait une terre de ce genre à Truro et McCulloch obtint la terre bénéficiale de la ville de Pictou. MacGregor construisit sur sa terre ce qu’on disait être la première maison à charpente de bois de la rivière East et, comme sa famille s’agrandissait, la première maison de briques de l’est de la province, avec des briques importées d’Écosse. Apparemment, il avait acquis ses connaissances en matière d’agriculture pendant qu’il vivait encore chez ses parents, en Écosse.

MacGregor encouragea vivement le développement de l’agriculture scientifique en Nouvelle-Écosse. Il fut secrétaire de l’East River, Pictou Agricultural Society durant toute son existence, soit de 1820 à 1825. Dans les rapports qu’il envoyait régulièrement à John Young*, secrétaire du Central Board of Agriculture de Halifax, on peut lire un compte rendu détaillé de ses expériences, par exemple sur l’emploi de chaux et de cendres de charbon comme fertilisants, et des prix qu’il reçut aux concours annuels de la société pour son avoine, ses navets, son orge, ses pommes de terre, son blé, sa chaux et pour le meilleur bélier. Ses travaux servaient de modèles à ses voisins, qui n’avaient pas l’expérience de l’agriculture et qui, expliquait-il, n’adopteraient de nouvelles méthodes que si l’efficacité en était prouvée. Après avoir reçu un jour du Central Board of Agriculture des semences qui s’avérèrent cariées, MacGregor fit part à Young des conséquences néfastes de l’incident pour la société : le nombre de membres avait chuté et « certains cro[yaient] que tout le boniment sur l’agriculture n’ [était] qu’un truc pour aller puiser dans les poches des pauvres gens ». Toutefois, MacGregor reconnaissait l’utilité de la société : « Personne ne sait combien de temps nous aurions suivi l’exemple de nos grands-pères si nous avions dû continuer sans encouragement. » Grâce à l’organisme, de nombreuses améliorations, notamment dans l’équipement, furent introduites. Néanmoins, seule une faible proportion des fermiers de la région étaient membres. En 1825, lorsque le Central Board of Agriculture et ses prix annuels, qui stimulaient les expériences et l’émulation, furent abolis, MacGregor nota qu’à Pictou l’agriculture avait besoin d’un encouragement constant pour poursuivre sa progression. Sa propre exploitation agricole allait bientôt être considérablement réduite, car il dut vendre sa terre à la Rundell, Bridge, and Rundell de Londres pour permettre le lancement des opérations d’extraction de charbon par la General Mining Association en 1827. Au moment de sa mort, il ne possédait plus que trois vaches, un cheval, une charrue et une charrette.

D’après les documents, MacGregor fut l’un des premiers habitants de Pictou à trouver du charbon sur sa terre et à l’utiliser. Un feu de charbon brûlait dans sa maison lorsqu’il reçut les candidats aux élections provinciales de 1799, au terme desquelles la Nouvelle-Écosse rurale fit sa première percée significative dans une Assemblée jusque-là dominée par Halifax. Comme les minerais étaient une ressource de la couronne, MacGregor obtint du lieutenant-gouverneur sir John Wentworth* un permis l’autorisant à extraire le charbon qui se trouvait sur sa propriété. À l’instar de quelques autres résidents de Pictou, il chauffait sa maison avec le produit de cette exploitation domestique et, comme eux, il fut poursuivi en justice en 1822 pour avoir extrait du charbon de sa terre et avoir ainsi violé le bail exclusif que détenaient les successeurs d’Edward Mortimer sur les mines de charbon. Vers 1820, MacGregor fit des expériences afin d’éclairer sa maison avec de l’hydrogène provenant de la combustion de dépôts de charbon. Toutefois, il ne parvint pas à installer un système efficace parce qu’il ne pouvait se payer le dispositif de purification et les conduites nécessaires pour transmettre l’énergie sans danger.

Bilan 

MacGregor était un homme robuste (il mesurait six pieds) et un fin causeur. Dans ses années de maturité, il était reconnu pour sa patience, sa tolérance et son attitude conciliante, qui contrastaient avec l’inflexibilité passionnée qu’il avait manifestée à ses débuts en Nouvelle-Écosse. Son zèle de chrétien ne diminua pas mais trouva une nouvelle expression. En 1824, il subit une intervention chirurgicale pour une tumeur cancéreuse à la lèvre ; il se remit parfaitement de l’opération mais, en février 1828, il eut une grave attaque qui le laissa partiellement amnésique et paralysé du côté droit. Une autre attaque, survenue un peu plus de deux ans après, lui fut fatale.

Ce qui restait de l’autobiographie et des écrits de James Drummond MacGregor fut publié par un éditeur bien disposé envers sa cause et fit connaître les épreuves herculéennes qu’il avait connues dans les régions isolées de la Nouvelle-Écosse : les privations physiques et les dangers inhérents à ses déplacements, les tribulations causées par ses paroissiens querelleurs et les « fatigues quasi surhumaines » de son œuvre pastorale. McCulloch s’inspira de lui pour créer le ministre modèle de son roman William and Melville. Le ministre anglican John Inglis* le décrivit en 1811 comme « un homme vénérable, d’une grande simplicité, mais bien informé et très utile à sa congrégation, qui sembl[ait] lui porter un grand respect ». Quant au Novascotian, or Colonial Herald, il conclut au moment de sa mort : « S’il rencontrait un croyant, il se joignait à lui comme un voyageur qui suit la même route et se rend dans la même contrée, et il était heureux qu’ils se soient trouvés ensemble. S’il rencontrait un malheureux frère avide de consolation, il [...] lui apportait le réconfort de l’Évangile. »

Susan Buggey

Divers écrits doctrinaux et évangéliques de James Drummond MacGregor, dont certains étaient demeurés inédits de son vivant, ont été publiés dans A few remains of the Rev. James MacGregor, D.D., édité par son petit-fils, le révérend George Patterson*, à Philadelphie en 1859. On y trouve Letter from the Reverend Mr. James M’Gregor, minister, at Pictou, Nova Scotia, to the General Associate Synod, April 30th, 1793, publié pour la première fois à Paisley, Écosse, en 1793. Dans Addresses at the celebration of the one hundred and fiftieth anniversary of the arrival in Nova Scotia of Rev. James Drummond MacGregor, D.D., by the Synod of the Maritime Provinces of the Presbyterian Church in Canada, Frank Baird, édit. (Toronto, 1937), John Brown Maclean mentionne des manuscrits gallois – Alexander Maclean Sinclair en était propriétaire à une date inconnue après 1880 – qui incluaient des hymnes, les trois quarts du livre des Psaumes en vers et des chansons profanes, et Donald Maclean Sinclair, se référant aussi à ces manuscrits, souligne qu’ils contenaient de plus une profession de foi.

À notre connaissance, il n’existe pas de liste complète des éditions de l’ouvrage de MacGregor, Dain a chomhnadh crabhuidh (le titre varie légèrement). Toutes les bibliographies consultées contiennent des listes incomplètes. Nous avons pu retracer les éditions suivantes : Glasgow, Écosse, 1819 et 1825 ; Édimbourg, 1831 ; Glasgow, 1832 ; Édimbourg, [1847] ; Pictou, 1861 ; et Édimbourg, 1870. Nous avons pu examiner personnellement seulement une partie de ces volumes, mais les institutions qui possèdent les autres ont confirmé leur existence. Cependant, nous n’avons pas eu de confirmation pour l’édition de Glasgow, 1818, mentionnée dans Morgan, Bibliotheca Canadensis. Six autres poèmes de MacGregor ont été publiés dans Dain Spioradail, édité par Alexander Maclean Sinclair, à Édimbourg en 1880.

On a beaucoup écrit sur MacGregor. La grande majorité de ces écrits sont basés sur l’ouvrage de George Patterson, Memoir of the Rev. James MacGregor, D.D. [...] (Philadelphie, 1859), et n’ont pas été retenus pour cette bibliographie.  [s. b.]

APC, MG 23, C6, sér. 4, John Inglis, journal, 30 juill. 1811 (mfm).— PANS, MG 1, 332B ; RG 8, 5, no 8, Pictou County ; RG 20A, 35, 49.— Pictou County Court of Probate (Pictou), Estate papers, no 158 (James MacGregor) (mfm aux PANS).— Pictou County Registry of Deeds (Pictou), Index to deeds, vol. 1 (1771–1840) ; Deeds, books 1B : 282–283 ; 11 : 515–518 ; 12 : 414 (mfm aux PANS).— UCC-M, James MacGregor papers ; Presbyterian Church, Truro Presbytery, minutes, 1786–1830 (mfm aux PANS) ; Presbyterian Church of N.S. (United Secession), minutes of the Synod, vol. 1, 1817–1830.— Univ. of Glasgow Arch., James MacGregor, records of education and awarding of honourary dd, 1822.— Novascotian, or Colonial Herald, 10 mars 1830.— Susan Buggey, « Churchmen and dissenters : religious toleration in Nova Scotia, 1758–1835 » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1981).— John MacInnes, The evangelical movement in the Highlands of Scotland, 1688 to 1800 (Aberdeen, Écosse, 1951).

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Susan Buggey, « MacGREGOR (McGregor), JAMES DRUMMOND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/macgregor_james_drummond_6F.html.

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Auteur de l'article:    Susan Buggey
Titre de l'article:    MacGREGOR (McGregor), JAMES DRUMMOND
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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