KAVANAGH (Cavanagh), LAURENCE (Lawrence), marchand, officier de milice, homme politique, juge et juge de paix, né en 1764 à l’île du Cap-Breton, probablement à Louisbourg, deuxième des trois fils de Laurence Kavanagh et de Margaret Farrell ; vers 1789, il épousa Felicité LeJeune, fille d’un marchand du passage de Little Bras d’Or (Nouvelle-Écosse), et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 20 août 1830 à St Peter’s, Nouvelle-Écosse.

Les Kavanagh furent l’une des premières familles anglophones à s’établir au Cap-Breton après la chute de Louisbourg en 1758. Le père de Laurence Kavanagh avait quitté Waterford (république d’Irlande) pour St John’s et, en 1760, il habitait déjà Louisbourg, où il approvisionnait la garnison britannique. En 1774, il mourut dans un naufrage en se rendant à Halifax ; il laissait à ses deux fils, James et Laurence, une entreprise prospère. Dès 1777, la famille vivait à St Peter’s. Situé sur l’isthme étroit qui séparait les lacs Bras d’Or de l’océan Atlantique, ce village avoisinait les riches bancs de poisson du large de l’île Madame et constituait un centre important de communications et de commerce du Cap-Breton. Afin de multiplier les débouchés de l’entreprise, James s’installa à Halifax, où il prévoyait en concentrer les activités ; il confia à Laurence, qui avait alors 14 ans, la responsabilité de leurs opérations à Arichat, à Main-à-Dieu, à St Peter’s, et même sur le territoire actuel du Nouveau-Brunswick. Le jeune garçon, qui était doué d’un sens aigu des affaires, en vint à approvisionner, souvent en recourant au troc, les colons du détroit de Canso jusqu’à la rivière Margaree : il parvint ainsi très habilement à faire prospérer l’entreprise au Cap-Breton. En 1797, on disait que lui et Richard Stout*, le plus riche marchand de Sydney, « possédaient » les trois quarts de la population du Cap-Breton. Même si cette allégation n’est pas prouvée, il ne fait aucun doute que Kavanagh et Stout détenaient une bonne partie du commerce de l’île. Quand Mgr Joseph-Octave Plessis visita le Cap-Breton en 1815, il décrivit la propriété de Kavanagh comme un « superbe établissement » et Kavanagh lui-même comme un « riche négociant irlandais qui en a[vait] une étendue considérable ». À l’époque, Kavanagh expédiait des barils de poisson jusque dans le golfe du Mexique.

Grâce à sa fortune relative, Kavanagh devint un homme important dans le sud du Cap-Breton, ce que le gouvernement provincial, à Sydney, reconnut en le nommant capitaine de milice. Comme St Peter’s était loin de Sydney et que les communications étaient difficiles, Kavanagh avait une autorité quasi absolue dans son district. Quand l’administrateur de la colonie, Nicholas Nepean, ordonna la tenue d’un recensement en 1811, Kavanagh refusa de divulguer l’étendue de ses biens. Malgré son importance, il ne fut jamais nommé au Conseil exécutif de la colonie, contrairement à d’autres marchands des environs comme le Jersiais John Janvrin ou le loyaliste George Moore. On ignore le motif de cette exclusion, mais il est possible que le Cap-Breton ait suivi l’exemple de la Nouvelle-Écosse, qui n’ouvrait aux catholiques que des postes mineurs. Conformément à sa position, Kavanagh jouait le rôle de maître des lieux, accueillant avec une générosité sans borne les visiteurs de la région de St Peter’s. Comme Plessis, le ministre presbytérien James Drummond MacGregor fut très impressionné par lui.

Le Cap-Breton fut réannexé à la Nouvelle-Écosse en octobre 1820 et, lors des élections législatives qui se tinrent peu après, Kavanagh devint l’un des deux députés de l’île. Il dut sa victoire au fait qu’il était identifié aux Acadiens et aux Irlandais, à son pouvoir financier, à sa position de patriarche de la région et peut-être même à l’indépendance qu’il avait manifestée envers les anciens gouvernants de Sydney. Un candidat défait, Edmund Murray Dodd*, allégua que l’élection avait souffert de quelques irrégularités, mais l’Assemblée rejeta sa requête le 13 février 1821. La chambre fut dissoute le 3 mars sans que Kavanagh ait occupé son siège.

Néanmoins, l’obstacle réel à l’admission de Kavanagh était sa religion. Quiconque désirait siéger à l’Assemblée devait jurer qu’il ne croyait pas en la transsubstantiation, une des croyances fondamentales du catholicisme. Il y avait eu d’autres conditions à l’éligibilité des catholiques mais, au fil des ans, l’Assemblée les avait abolies pour ne maintenir que celle-là. Sentant que l’opinion provinciale était devenue plus libérale, le lieutenant-gouverneur sir James Kempt* entreprit d’aplanir la voie à Kavanagh. Il informa le ministère des Colonies qu’aucune loi n’interdisait expressément aux catholiques d’occuper un siège à l’Assemblée et que, personnellement, il favorisait l’admission de Kavanagh. Le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, répondit qu’il serait prêt à autoriser l’admission de Kavanagh dès que celui-ci se serait présenté pour revendiquer son siège.

Kavanagh se présenta à la chambre au début de la session de 1822 et refusa de prêter serment contre la transsubstantiation. On l’empêcha de siéger. Après s’être quelque peu querellé avec l’Assemblée, le Conseil exécutif demanda à la couronne d’éliminer le serment. Bathurst répondit sans tarder que Kavanagh devait être autorisé à occuper son siège sans avoir prêté ce serment. La question ne fut réglée que le 3 avril 1823, date à laquelle Kempt envoya à l’Assemblée un message lui faisant part de la décision de Bathurst. À la dernière minute, les députés de Lunenburg, de Cumberland et de la vallée d’Annapolis, qui étaient peuplés d’une majorité écrasante de protestants, tentèrent d’empêcher l’admission de Kavanagh. Cependant, certains députés des circonscriptions de Halifax, de Queens et de Shelburne, rassemblés autour de Richard John Uniacke fils, qui représentait le Cap-Breton avec Kavanagh, réussirent à faire adopter une motion l’autorisant à siéger sans avoir prêté le serment. Il fut aussi décidé que tous les catholiques dûment élus auraient le même privilège.

Kavanagh siégea à l’Assemblée jusqu’à sa mort en 1830. L’enquête qu’il mena en 1824 sur la situation de l’éducation au Cap-Breton demeura sa réalisation la plus mémorable. Ses vastes connaissances et le respect dont il jouissait dans l’île lui permirent de rédiger un rapport qui, pour la première fois, décrivait avec précision la situation de l’éducation dans cette région nouvellement annexée à la Nouvelle-Écosse et qui servit de fondement au School Act de 1826. Pendant qu’il était député, Kavanagh continua d’exercer les fonctions de juge de paix et de membre de la Cour inférieure des plaids communs du comté du Cap-Breton, qu’il assumait depuis une date indéterminée.

Laurence Kavanagh est à la fois un personnage d’envergure provinciale et internationale. À l’échelle locale, il contribua à reconstruire l’économie du sud du Cap-Breton après la chute de Louisbourg. Homme énergique, il devint l’un des principaux artisans du développement social et politique de cette région et il fut le premier natif du Cap-Breton à être élu à la chambre d’Assemblée de la Nouvelle-Écosse. Mais il doit surtout sa notoriété au fait qu’il devint le premier catholique de langue anglaise à siéger dans une Assemblée des provinces atlantiques, et ce six ans avant que ce droit ne soit gagné en Grande-Bretagne. Que ce fait marquant se produisit en Nouvelle-Écosse atteste à la fois de la maturité politique de cette colonie et de la perspicacité de Kavanagh. Son admission souleva un minimum de débats acerbes, l’opinion tendant alors à considérer que les lois anticatholiques étaient devenues anachroniques. Il faut quand même souligner la grande patience avec laquelle Kavanagh attendit que Kempt, le ministère des Colonies et le Parlement aient réglé les détails délicats de son admission.

Robert J. Morgan

APC, MG 11, [CO 217] Cape Breton A, 8.— PANS, RG 1, 64, doc. 46.— PRO, CO 217/113 ; 217/140.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1821 ; 1823.—Free Press (Halifax), 9 avril 1823.Directory of N.S. MLAs.— Johnston, Hist. of Catholic Church in eastern N.S., 1.— A. A. MacKenzie, The Irish in Cape Breton (Antigonish, N.-É., 1979).— T. M. Punch, Some sons of Erin in Nova Scotia (Halifax, 1980).— D. J. Rankin, « Laurence Kavanaugh », SCHEC Report, 8 (1940–1941) : 51–76 ; paru aussi sous forme de brochure.— Anthony Traboulsee, Laurence Kavanagh, 1764–1830 : his life and times, including brief sketches of the history of Nova Scotia (Acadie) and Cape Breton Island (Isle Royale) [...] (Glace Bay, N.-É., 1962). Seulement les appendices de ces deux derniers ouvrages sont de quelque importance.  [r. j. m.] — Journal of Education (Halifax), 4e sér., 6 (1935).

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Robert J. Morgan, « KAVANAGH (Cavanagh), LAURENCE (Lawrence) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kavanagh_laurence_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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