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McCORD, DAVID ROSS, avocat, conseiller municipal, collectionneur et fondateur d’un musée, né le 18 mars 1844 à Montréal, quatrième enfant de John Samuel McCord, avocat, et d’Anne Ross ; le 21 août 1878, il épousa à Toronto Letitia Caroline Chambers (décédée en 1928), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 12 avril 1930 à Guelph, Ontario, à cause d’une défaillance myocardique.
Issu, du côté paternel et maternel, de trois générations de marchands, de propriétaires terriens et de juristes [V. Thomas McCord*], David Ross McCord grandit dans une famille qui valorisait à la fois les sciences et les arts. John Samuel McCord, nommé juge peu après la naissance de David Ross, inculqua à ses enfants l’amour de la science, leur fit suivre des études classiques et insista pour qu’ils apprennent le français. Mme McCord parlait d’ailleurs couramment cette langue. Collectionner faisait partie de la culture familiale. Le père de David Ross s’y connaissait en art et sa mère était une aquarelliste accomplie. Elle-même et David Ross prirent des leçons de dessin chez James D. Duncan*.
McCord fréquenta la High School of Montreal puis le McGill College, où il obtint une licence ès arts en 1863 ainsi qu’une maîtrise ès arts et une licence en droit civil en 1867. Clerc au cabinet de Charles-André Leblanc* et de Francis Cassidy*, il fut admis au barreau en 1868. Il exerça la profession d’avocat seul, sauf en 1879–1880, où il fut associé à Joseph Doutre* et à Moïse Branchaud. Il représenta la municipalité de Montréal et divers établissements. Parmi ses clients, on trouve aussi les descendants de sir William* et sir John* Johnson, au nom de qui il tenta d’obtenir des indemnités du gouvernement des États-Unis pour des terres de l’État de New York qui avaient été confisquées après la Révolution américaine. En 1895, il recevrait le titre de conseiller de la reine.
À l’exemple de son père, qui fut un anglican, un franc-maçon et un milicien actif, McCord fréquentait la cathédrale Christ Church, appartint à la St Paul’s Lodge et fut lieutenant dans la réserve. Soucieux d’améliorer les conditions de vie des Montréalais, il s’occupa surtout, à titre de conseiller municipal du quartier Centre de 1874 à 1882, de santé et d’hygiène publique. C’est dans ce contexte qu’il fit la connaissance de sa future femme, Letitia Caroline Chambers, infirmière en chef de l’hôpital municipal des variolés. Ils se marièrent malgré la désapprobation des sœurs de McCord, qui regardaient de haut le métier d’infirmière. Letitia Caroline était aussi poète. Ses vers remplis de ferveur impérialiste paraîtraient à Montréal en 1901 dans une anthologie réunie par John Douglas Borthwick, Poems and songs on the South African War […].
À peu près à compter des années 1880, collectionner des objets liés à l’histoire du Canada fut la grande passion de McCord. Sa femme l’assista dans ce travail. Les fondements théoriques de sa collection donnent un aperçu du climat intellectuel dans lequel il baignait du fait de ses attaches familiales et de ses goûts en matière de recherche. Le Canada était alors un pays tout jeune, à l’avenir incertain. Pour le définir, le bâtir et défendre sa place au sein de l’Empire, McCord se tourna vers l’histoire, tout comme d’autres impérialistes canadiens. Il lisait la production historiographique et littéraire, tant en français qu’en anglais. Il affectionnait les historiens québécois François-Xavier Garneau* et Henri-Raymond Casgrain*, qui idéalisaient la Nouvelle-France en mettant l’accent sur le caractère conservateur, agraire, hiérarchique et religieux de cette société. Il choisissait des thèmes que pourraient reconnaître ses contemporains impérialistes : les cultures autochtones du Canada, la conquête de la Nouvelle-France, la guerre de Sept Ans et la participation du Canada à divers conflits, les chefs religieux catholiques et protestants qui avaient contribué à l’édification du pays, les héros romantiques de la traite des fourrures, les scientifiques canadiens dont les découvertes avaient été bénéfiques pour le pays et avaient fait connaître celui-ci à l’étranger. En outre, sa collection rendait compte du rôle de Montréal dans le développement du Canada. Choisies principalement parce qu’elles se rapportaient à des individus, les acquisitions de McCord liaient des personnages aux événements de l’histoire du Canada. McCord amassa sa collection de quelque 18 000 pièces à partir de diverses sources : sa famille, des achats et des donations obtenues par l’envoi de lettres de sollicitation flatteuses. En 1919, quand il la remit à la McGill University avec une dotation, elle était la plus imposante du genre au Canada. Son ami l’avocat William Douw Lighthall* et le bibliothécaire de McGill, Charles Henry Gould*, avaient veillé à ce que McGill acquière cette collection.
Le McCord National Museum ouvrit officiellement ses portes le 13 octobre 1921. Dans sa première exposition, McCord présentait les chefs de file des traditions chrétiennes du Canada comme des pionniers spirituels en montrant une très grande variété de pièces anciennes – opuscules imprimés, lettres, portraits, atours, éléments d’architecture religieuse mis de côté pendant des travaux de rénovation – qui mettaient en évidence les grandes figures religieuses et leurs luttes. Pendant qu’il amassait des artefacts autochtones, il avait lu les ouvrages de l’ethnologue Daniel Wilson*, du géologue John William Dawson* ainsi que du philologue et ethnologue Horatio Emmons Hale*. Influencé par ces trois chercheurs qui, selon l’anthropologue Bruce Graham Trigger, rejetaient « ce que les anthropologues modernes considèrent comme certaines des vues les plus détestables des anthropologues du dix-neuvième siècle », il espérait que ses acquisitions ethnologiques « demeureraient, sur le continent », un témoignage « inégalé » de « l’habileté et du labeur » des peuples autochtones. Bien qu’il se soit intéressé surtout aux artefacts qui rendaient compte de la vie menée par les autochtones avant leurs contacts avec les Européens, il acquit aussi, à des fins comparatives, une gamme d’objets plus récents. Parmi ses pièces les plus impressionnantes, on peut signaler sa collection micmaque, une coiffure de type iroquoïen du début du xixe siècle censée avoir été portée par le chef chaouanon Tecumseh*, une veste athapascane ornée de piquants de porc-épic et une belle collection d’orfèvrerie de traite.
McCord parlait de ses tableaux, estampes et dessins comme de documents visuels sur les progrès du Canada. Les premiers qu’il exposa provenaient de sa collection de portraits de famille peints par William Berczy*, Louis Dulongpré*, Frederick W. Lock et James D. Duncan. Il ajouta les peintures de fleurs de sa mère et les scènes montréalaises de Duncan, commandées par son père en 1831. Il demanda à Henry Richard S. Bunnett de peindre des lieux historiques dont il craignait la disparition. Ses acquisitions les plus célèbres sont probablement la Négresse (1786) de François Malepart* de Beaucourt, le portrait à l’aquarelle du général James Wolfe* réalisé par George Townshend* (la seule image connue dessinée d’après nature), une série de caricatures de Wolfe exécutées par Townshend et 31 aquarelles peintes par William George Richardson Hind* au cours d’une expédition en Colombie-Britannique en 1862.
Les pièces de la collection qui se rapportaient à l’expansion vers l’ouest et le nord symbolisaient l’attrait romanesque exercé par la traite des fourrures et le combat livré pour accéder à des terres nouvelles malgré de terribles obstacles. Cartes géographiques, estampes, pièces d’orfèvrerie, journaux et lettres évoquaient d’immenses territoires. Des procès-verbaux de réunions du Beaver Club, des médailles et des portraits de membres de ce cercle – Isaac Todd*, Joseph Frobisher* et James McGill* par exemple – ainsi que des carnets de sir George Back*, explorateur de l’Arctique, faisaient partie des objets auxquels McCord tenait beaucoup.
McCord croyait que la guerre raffinait l’individu et la nation en fournissant des mythes nationaux, des récits d’héroïsme et de sacrifice. Chacune des batailles intérieures et extérieures auxquelles les Canadiens avaient participé était représentée par des portraits, des estampes, des tableaux, des uniformes et des armes. Pour lui, la guerre de 1812 avait été la guerre d’Indépendance du Canada, car les peuples autochtones, les Canadiens anglais et les Canadiens français y avaient combattu aux côtés des soldats de l’armée britannique pour repousser l’invasion des Américains.
L’énorme succession dont McCord avait hérité l’avait aidé à financer ses acquisitions, mais selon les historiens du xxe siècle, la manière dont il l’administra de 1870 à 1900 « se caractérisa surtout par une indifférence remarquable aux obligations juridiques, ce qui eut souvent des conséquences coûteuses ». Au moins dès le début des années 1900, McCord éprouva des difficultés financières. Par la suite, il souffrit d’artériosclérose, ce qui finit par affecter sa santé mentale. Au début de juin 1922, Lighthall recommanda à Mme McCord de réclamer l’interdiction (action judiciaire à l’encontre d’une personne inapte à gérer ses affaires). Elle l’obtint le 29 juin. En septembre, McCord fut interné à l’asile de Verdun. L’année suivante, il fut admis au Homewood Sanitarium de Guelph. Il ne quitterait plus cet établissement jusqu’à son décès, sauf pour de courtes visites à Montréal.
David Ross McCord jetait sur l’histoire du Canada un regard semblable à celui de bon nombre de ses contemporains qui partageaient son enthousiasme pour la préservation des témoins du passé. Cependant, il se distinguait d’eux sous trois aspects : la documentation qui accompagne ses pièces (il accumula 626 dossiers contenant de la correspondance avec des donateurs ou des marchands, des notes de recherche et des factures), sa manie de collectionneur et, enfin, l’étendue de sa collection (il acquit aussi des milliers de livres et d’opuscules). Il a laissé à son université et aux générations futures un héritage inestimable, de précieux instruments pour interpréter et réinterpréter l’histoire du Canada.
Le Musée McCord d’histoire canadienne (Montréal) conserve les papiers de David Ross McCord dans le Fonds famille McCord, qui représente 13 mètres d’archives ; on y retrouve les papiers de sa famille et des documents concernant ses activités de collectionneur. Un inventaire, McCord family papers, 1766–1945, P. J. Miller, compil. (2 vol., Montréal, 1986), a été publié par le musée. Il existe une autre source importante : P. [J.] Miller et al., la Famille McCord : une vision passionnée (Montréal, 1992), catalogue préparé pour une exposition au Musée McCord. Cet ouvrage traite de l’histoire de la famille, analyse chacune des collections de McCord et présente une bibliographie de documents sélectionnés.
B. G. Trigger, Natives and newcomers : Canada’s « Heroic Age » reconsidered (Montréal, 1985).— D. A. Wright, « Remembering war in imperial Canada : David Ross McCord and the McCord National Museum », Fontanus (Montréal), 9 (1996) : 97–104 ; « W. D. Lighthall and David Ross McCord : anti-modernism and English-Canadian imperialism, 1880s–1918 », Rev. d’études canadiennes (Peterborough, Ontario), 32 (1997–1998), no 2 : 134–153.
Pamela Miller, « McCORD, DAVID ROSS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mccord_david_ross_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mccord_david_ross_15F.html |
Auteur de l'article: | Pamela Miller |
Titre de l'article: | McCORD, DAVID ROSS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |