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MACKENZIE, RODERICK (on trouve souvent son nom orthographié McKenzie, mais il signait Mackenzie), trafiquant de fourrures, officier de milice, fonctionnaire, juge de paix, homme politique et auteur, né vers 1761 près d’Inverness, Écosse, fils aîné d’Alexander Mackenzie et d’une prénommée Catherine ; vers 1788, il épousa une Indienne à la façon du pays, et ils eurent trois enfants, puis le 24 avril 1803 Rachel Chaboillez, fille de Charles-Jean-Baptiste Chaboillez*, et de ce mariage naquirent au moins deux fils et trois filles qui atteignirent l’âge adulte ; décédé le 15 août 1844 à Terrebonne, Bas-Canada.
Roderick Mackenzie surpasse en importance ses homonymes qui travaillèrent comme lui dans le commerce des fourrures. Il était le cousin germain de sir Alexander Mackenzie*, explorateur, et trois de ses frères, Donald*, James et Henry*, pratiquèrent aussi le métier de trafiquant de fourrures, tout comme son beau-père et ses beaux-frères Simon McTavish* et Charles Chaboillez*.
Mackenzie arriva dans la province de Québec en 1784 ; on présume que ce sont ses liens avec Alexander Mackenzie qui l’y amenèrent, puisqu’en 1785 il travaillait à titre de commis de la Gregory, MacLeod and Company [V. John Gregory* ; Normand MacLeod*] en plus d’être l’assistant de son cousin. Cette entreprise, après avoir exercé ses activités principalement dans la région de Detroit, s’était tournée vers le Nord-Ouest pendant l’hiver de 1783–1784, mais elle n’avait pu y déployer autant de ressources que sa solide concurrente, la North West Company. Mackenzie travailla au lac Snake (lac Pinehouse, Saskatchewan) pendant l’hiver de 1786–1787 ; l’été suivant, à Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota), il rapporta que la grande rivalité entre les deux compagnies avait abouti au meurtre de John Ross, un associé hivernant de la Gregory, MacLeod and Company. L’affrontement prit fin plus tard en 1787 quand, à l’invitation de McTavish, cette compagnie s’associa à la North West Company.
Dès 1787 Mackenzie avait décidé d’abandonner le commerce des fourrures ; il semble qu’il trouvait sa situation de commis, qui ne lui permettait pas de toucher une part des profits, comparable à celle d’un esclave. Mais Alexander Mackenzie le détourna de son projet et, l’année suivante, il rejoignit son cousin dans le département de l’Athabasca. Celui-ci le chargea de fonder le fort Chipewyan (Alberta) à l’extrémité sud-ouest du lac Athabasca ; pendant l’absence d’Alexander en 1789, 1791–1792 et 1792–1793, Roderick assuma la responsabilité de ce fort, qui devint le siège principal de la compagnie dans la région. En 1794, Alexander cessa d’être un associé hivernant et Roderick le remplaça comme chef du département. L’année suivante, ce dernier joignit les rangs des associés de la North West Company. En 1798–1799, au retour d’un congé dans l’Est, il découvrit une route de canot utilisée jadis par les Français ; cette découverte permit à sa compagnie de déplacer son centre de transbordement de Grand Portage, alors en territoire américain, à Kaministiquia (Thunder Bay, Ontario).
Après avoir passé près de 15 ans dans le Nord-Ouest, Mackenzie n’avait pas de désir plus cher, à la fin du siècle, que de retrouver le confort de la civilisation. Au dire de tous, c’était un homme résistant et plein de ressources, mais il avait vécu dans l’ombre de son cousin, qui avait la réputation de surcharger de travail ses subalternes. Pourtant, les deux hommes demeurèrent des amis intimes jusqu’en 1799. Cette année-là, Alexander Mackenzie quitta la McTavish, Frobisher and Company, la plus importante des entreprises qui formaient la North West Company ; ce départ était dû en grande partie à une querelle entre l’explorateur et McTavish. Roderick Mackenzie n’eut rien à voir dans ce différend, et c’est lui qui succéda à son cousin : « L’absence de M. Mackenzie, expliqua-t-il, créa une vacance et [...] on me demanda de prendre sa place, ce que j’acceptai, mais avec beaucoup de répugnance. » Cette hésitation s’explique probablement du fait qu’il prévoyait que son geste allait déplaire à son cousin ; il lui faudra en effet attendre jusqu’en 1805 pour que son parent recommence à lui écrire.
En novembre 1800, Mackenzie devint l’un des associés de la McTavish, Frobisher and Company que l’on avait réorganisée avec, comme autres associés, McTavish, Gregory, les frères William* et Duncan* McGillivray et William Hallowell. Mackenzie accepta de passer un dernier hiver, celui de 1800–1801, dans l’Ouest, puis il s’établit à Terrebonne. Quand il cessa d’être un associé hivernant, il dut céder l’une des deux actions qu’il avait dans la North West Company ; il céda l’autre en 1805, au moment de la réorganisation de la compagnie après qu’elle eut absorbé la New North West Company (appelée parfois la XY Company). Le 1er décembre 1806, la McTavish, Frobisher and Company devint la McTavish, McGillivrays and Company, une entreprise dont les associés étaient les McGillivray, les frères William et James Hallowell, Angus Shaw* et Mackenzie. Ce dernier finit par jouer un rôle de moins en moins actif dans cette compagnie. même s’il continua jusqu’en 1808 d’assister aux réunions de la North West Company au fort William (Thunder Bay). Vers 1813, âgé de plus de 50 ans, il décida de se retirer de la compagnie. Les autres associés achetèrent sa part, qui représentait un quinzième de la valeur totale des parts, moyennant £10 000 payables en versements annuels. Dès 1805 peut-être, mais au plus tard en 1812–1813, Mackenzie et son frère Henry, les Hallowell et d’autres trafiquants de fourrures importants s’étaient associés dans la Mackenzie, Oldham and Company, qui avait des liens avec le commerce des fourrures. Mackenzie avait gardé des intérêts financiers dans la McTavish, McGillivrays and Company, et au moment de la faillite de celle-ci, en 1825, il poursuivit ses associés, y compris son frère Henry. Trois ans plus tard, un tribunal lui accorda £7 308 plus les intérêts courus, mais il ne put toucher cet argent et en 1832 il vendit sa créance à Samuel Gerrard* pour un montant de £6 500.
Pendant sa carrière, Mackenzie manifesta de l’intérêt pour les ouvrages de l’esprit, ce qui ne correspond guère à l’idée que l’on se fait habituellement des trafiquants de fourrures. Il semble qu’il se faisait envoyer régulièrement des livres et, selon une source, il mit sur pied une bibliothèque pour les employés de la North West Company dans l’Athabasca. À Terrebonne, il dépensa beaucoup d’énergie à rassembler des documents sur la traite des fourrures, les Indiens et l’histoire naturelle de l’Ouest. En 1806, il se préparait à expédier un questionnaire long de 60 pages à des trafiquants de fourrures, mais des retards d’impression l’obligèrent à leur envoyer plutôt une circulaire d’une page. Bon nombre des documents qu’il trouva furent publiés, dans les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest, par Louis-François-Rodrigue Masson*, mari de l’une de ses petites-filles. On lui a aussi attribué la paternité de l’histoire de la traite des fourrures qui sert d’introduction au livre de son cousin Alexander, Voyages from Montreal [...], ainsi que celle d’un texte publié anonymement en 1824 dans la Canadian Review, « A brief account of the fur trade to the northwest country [...] ». Membre de la Société littéraire et historique de Québec et de l’American Antiquarian Society, Mackenzie fit également partie de la Royal Society of Northern Antiquaries de Copenhague.
En 1814, Mackenzie acheta la seigneurie de Terrebonne de la succession de McTavish pour la somme de £28 000, moyennant un versement initial de £8 000 et le paiement d’une somme annuelle de £1 200. Il voulait continuer le travail qu’avait entrepris McTavish en développant les activités commerciales de la seigneurie, et il écrivait son intention de faire passer les revenus annuels de £1 000 à £3 000. Mais jamais il ne devint seigneur et il dut quitter la propriété en 1824 quand un tribunal, saisi d’une action intentée par la veuve de McTavish, annula la vente qui lui avait permis d’acquérir la seigneurie, parce que les exécuteurs testamentaires avaient outrepassé leur pouvoir en la vendant. Il continua néanmoins de vivre à Terrebonne.
Mackenzie occupa des postes qu’on avait l’habitude d’attribuer aux hommes de son rang. En 1812, on le nomma lieutenant-colonel de la milice de Terrebonne. De 1804 à 1816, il reçut une commission de juge de paix pour le territoire indien et, de 1821 à 1839, il remplit la charge de juge pour les districts de Montréal, de Québec, de Trois-Rivières, de Gaspé et de Saint-François. En 1817, il fut nommé commissaire de la voirie et des ponts pour le comté d’Effingham, et c’est probablement à ce titre que, deux ans plus tard, il encouragea certaines mesures destinées à faciliter le passage des trains de bois dans la rivière des Prairies. En 1809, on l’avait nommé commissaire chargé de la construction dans Terrebonne-Effingham d’écoles où l’enseignement serait gratuit. En 1832, il faisait partie d’une commission chargée d’étudier les meilleurs moyens de construire un pont entre Montréal et la terre ferme.
Le 10 mai 1817, Mackenzie avait accédé au Conseil législatif du Bas-Canada où il allait rester jusqu’en mars 1838 ; cette nomination, la plus importante qu’il obtint, témoigne de son prestige, puisqu’on recrutait les conseillers parmi les hommes les plus en vue. L’ancien trafiquant de fourrures joua un rôle très actif au sein du conseil dans les années 1820 et fut en bons termes avec le gouverneur en chef, lord Dalhousie [Ramsay]. En ce qui concerne ses opinions politiques, Mackenzie était représentatif des marchands de Montréal. Il défendit avec ardeur le projet d’union du Haut et du Bas-Canada mis de l’avant en 1822 et s’opposa énergiquement aux idées de la majorité patriote de la chambre d’Assemblée.
On sait peu de chose de la famille indienne que Mackenzie laissa derrière lui dans l’Ouest. Sa fille Nancy* se maria à la façon du pays avec un trafiquant de fourrures, John George McTavish, et une autre de ses filles, Louisa, épousa Angus Bethune*, un agent principal de la Hudson’s Bay Company. Mackenzie se maria officiellement avec une catholique, mais selon le rite anglican ; il donna cependant de l’argent à l’église presbytérienne St Gabriel Street de Montréal et l’un de ses fils issus de ce mariage y fut baptisé. Alexander et Charles Roderick, deux des enfants nés de cette seconde union, furent respectivement officier dans l’armée britannique et avocat ; ses filles unirent leur destinée à celle d’importants hommes d’affaires ou avocats.
Membre respectable du monde de la traite des fourrures de Montréal, Roderick Mackenzie ne fit toutefois pas partie du groupe des trafiquants les plus en vue. Il ne fut jamais un leader et joua plutôt un rôle de second durant sa carrière ; à la fin de celle-ci, il préféra une semi-retraite à une participation active à la vie commerciale. Il continua de s’identifier aux marchands de Montréal et de défendre leurs intérêts jusqu’à ce que sa santé chancelante l’oblige à se retirer de la vie publique dans les années 1830.
Roderick Mackenzie est probablement l’auteur de l’introduction du volume d’Alexander Mackenzie, Voyages from Montreal, on the river St. Laurence, through the continent of North America, to the Frozen and Pacific oceans ; in the years, 1789 and 1793 ; with a preliminary account of the rise, progress, and present state of the fur trade of that country, [William Combe, édit.] (Londres, 1801), et de « A brief account of the fur trade to the northwest country, carried on from Lower Canada, and of the various agreements and arrangements under which it was conducted », Canadian Rev. and Literary and Hist. Journal (Montréal), no 1 (juill. 1824) : 154–157.
ANQ-M, CE1-63, 24 avril 1803.— APC, MG 24, L3 : 9550–9558, 26406–26409, 26713–26720 ; RG 68, General index, 1651–1841.— McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Spécial Coll.,
Peter Deslauriers, « MACKENZIE (McKenzie), RODERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mackenzie_roderick_7F.html.
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Auteur de l'article: | Peter Deslauriers |
Titre de l'article: | MACKENZIE (McKenzie), RODERICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |