LACROIX, HUBERT-JOSEPH (connu sous le nom de Joseph-Hubert dès 1802), marchand, officier de milice, juge de paix, homme politique et seigneur, né le 5 mai 1743 à Québec, fils de Hubert-Joseph de Lacroix* et d’Anne-Madeleine Dontaille ; décédé le 15 juillet 1821 à Saint-Vincent-de-Paul (Laval, Québec).

Hubert-Joseph Lacroix grandit dans la basse ville de Québec, où la demeure familiale était entourée d’établissements de marchands et de maisons de navigateurs. Le père de Lacroix, d’abord chirurgien et botaniste, fut marchand durant les dernières années de sa vie, soit jusqu’en 1760. Le jeune Hubert-Joseph était également dans les affaires ; en 1765, son commerce était installé rue Saint-Jean et, le 15 avril, il épousa Françoise-Pélagie Poncy, la fille d’un autre marchand de Québec, François-Philippe Poncy. Lacroix ne manquait pas d’argent : en guise de cadeau de mariage, sa mère lui avait donné 3 000# en avancement d’hoirie (un tiers de cette somme allait à la communauté de biens avec Françoise-Pélagie), et lui-même avantagea sa femme d’un douaire de 3 000#. Le commerce était également l’activité de ses frères Paul et Hubert, le second s’y adonnant dans la région de Vaudreuil.

Il est possible que Lacroix ait participé comme milicien à la défense de la ville de Québec lors de l’invasion de la colonie par les Américains en 1775–1776 [V. Benedict Arnold* ; Richard Montgomery*]. En 1776, Lacroix était déjà établi à Saint-Vincent-de-Paul. Il se livra à la traite des fourrures et, en 1785, il envoya une expédition d’envergure moyenne à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), dont le coût fut évalué à près de £2 800. Gabriel Cotté* se porta garant de cette expédition. En 1786, 1787 et 1788, il obtint des permis de traite pour des marchandises estimées respectivement à £450, £1 000 et £500, et lui-même, son frère Paul, François Le Guay et Pierre-Joseph Gamelin* servirent de répondants. En 1786, il se porta garant d’une expédition organisée par Gamelin dont les marchandises étaient évaluées à £1 500.

Vers la fin des années 1780, Lacroix était en voie d’acquérir une certaine position sociale. En 1787, en tant qu’officier de milice, il fut mêlé à ce qu’il appelait « une affaire [...] très importante pour le soutient de l’autorité du gouvernement ». Il s’agissait d’un conflit avec Joseph Papineau* qui l’accusait d’avoir abusé de son autorité dans l’enrôlement des miliciens. Lacroix dénonça Papineau, le qualifiant de « serpent de la fable », à cause de sa prétendue ingratitude à l’endroit du gouvernement. Lacroix fut nommé juge de paix dans le district de Montréal en août 1791, et sa commission fut renouvelée plusieurs fois. En 1795, il était major dans le bataillon de milice de Vaudreuil. Dans les années 1780, il s’était opposé au mouvement qui favorisait la réforme constitutionnelle, notamment l’établissement d’une chambre élue [V. George Allsopp*], dont il avait cependant accepté la création par l’Acte constitutionnel de 1791. Il fut député d’Effingham de 1792 à 1796. Au début de 1793, de concert avec la plupart des députés canadiens, il appuya la nomination de Jean-Antoine Panet* au poste de président de la chambre et, six fois sur sept, il accorda son suffrage au parti canadien au cours des deux premières sessions. Cependant, il n’assista à aucune des séances des troisième et quatrième sessions. En 1796, il fut élu dans la circonscription d’ York et, l’année suivante, il se prononça de nouveau en faveur de Panet comme président. Toutefois, il fut encore moins assidu que durant la première législature, et ne vota que quatre fois – toujours avec le parti canadien – avant la dissolution du Parlement en 1800. L’absentéisme chronique des députés des circonscriptions situées en dehors de Québec nuisait gravement au bon fonctionnement de la nouvelle Assemblée. Tout comme les autres députés, ils n’étaient pas rémunérés, et devaient en outre assumer leurs frais de subsistance quand ils séjournaient dans la capitale, tout en négligeant leurs affaires personnelles pendant ce temps.

La situation sociale de Lacroix se trouva raffermie en 1802 par le mariage de son fils Janvier-Domptail* avec une nièce du juge Louis-Charles Foucher ; la cérémonie eut lieu à l’église Notre-Dame de Montréal en présence de plusieurs personnalités, dont le juge Pierre-Louis Panet*. Ces deux magistrats étaient des adversaires du parti canadien, et les liens qui rattachaient Lacroix aux opposants de ce parti se renforcèrent en 1806 quand il devint seigneur. Le testament de Marie-Anne-Thérèse Céloron de Blainville, veuve de Jacques-Marie Nolan Lamarque, léguait à Lacroix la seigneurie de Blainville, qui faisait autrefois partie de la seigneurie des Mille-Îles. Lacroix avait probablement déjà administré les affaires de la seigneurie dont il héritait, puisqu’en 1804, à la demande de l’évêque de Québec, Pierre Denaut*, il avait fait construire un chemin qui reliait le troisième rang de la seigneurie à l’église Sainte-Thérèse située dans le premier rang. Il avait persisté dans ce projet malgré la forte opposition des riverains, dont le trajet pour se rendre à la messe le dimanche se trouvait pourtant facilité. Mais ils s’inquiétaient davantage des corvées et des taxes que ces travaux allaient entraîner.

L’acquisition de la seigneurie fut d’un bon rapport pour Lacroix qui en exploita toutes les possibilités, même s’il continua de demeurer à Saint-Vincent-de-Paul. En 1815, l’arpenteur général Joseph Bouchette* décrivait la terre de Blainville comme étant « pour la plupart un sol bon, gras et fertile » en toutes sortes de grains et de bois de hêtres, de frênes, d’érables et de chênes. La seigneurie était bien arrosée par la rivière Mascouche et ses affluents qui alimentaient tous des scieries et des moulins à farine. Bouchette notait également : « La plus grande partie de Blainville est concédée en lots de l’étendue ordinaire ; la plupart [de ces lots] sont habités et paraissent dirigés d’après un systême très-avantageux. ». Ensemble, les deux principaux lieux de colonisation, soit les rives de la Mascouche et de la Saint-Jean (Mille Îles), constituaient « une propriété précieuse et très-améliorée ». Cependant, en 1808, deux ans après avoir hérité de la seigneurie, Lacroix fut éprouvé par la mort de sa femme, Françoise-Pélagie, qui lui avait donné cinq filles et quatre fils. Le 9 septembre 1811, le seigneur de Blainville épousa sa belle-sœur, Louise Launière, à Saint-Vincent-de-Paul. Son revenu était apparemment modeste à cette époque, si l’on en croit le contrat de mariage ; celui-ci stipulait en effet qu’il n’y aurait aucune communauté de biens et qu’advenant son décès, Lacroix s’engageait à laisser à sa femme une pension annuelle de £50 seulement.

Le service militaire que Lacroix avait accompli en 1775–1776 lui valut une concession de terre en 1802. L’année suivante, il fut promu lieutenant-colonel du bataillon de milice de l’Île-Jésus et, quatre ans plus tard, il devint colonel. En 1810, il dénonça six de ses officiers pour leur attitude envers le gouvernement pendant la crise qui opposa le gouverneur sir James Henry Craig* au journal le Canadien. Le 4 juin 1812, à la veille de la guerre avec les États-Unis, alors qu’il était dans sa soixante-dixième année, Lacroix fut nommé colonel pour commander la nouvelle division de l’Île-Jésus qui regroupait le bataillon de l’Île-Jésus et deux autres unités nouvellement créées, celles de Terrebonne et de Blainville. Le même mois, il reçut des commissions pour juger des petites causes ou pour administrer le serment d’allégeance dans la localité de Saint-Vincent-de-Paul. C’est là qu’il mourut le 15 juillet 1821, « Colonel de Milice et Seigneur de Blainville, bon père, bon époux, et citoyen utile » selon la Gazette de Québec. Il fut inhumé dans l’église paroissiale. Au nombre de ceux qui assistèrent à son service funèbre, il y avait au moins cinq curés, Roderick McKenzie* et Jean-Baptiste-Toussaint Pothier*.

Hubert-Joseph Lacroix était un seigneur honoré et respecté qui, de plus, faisait partie de l’élite locale. Et l’on peut dire qu’à l’instar de Pierre Guerout et de Jean-Baptiste Raymond il satisfit son ambition sociale. Les mêmes aspirations animaient de nombreux petits marchands canadiens et britanniques de son époque, ainsi que des collègues plus éminents, tels François Baby*, Joseph Drapeau*, Thomas Dunn* et William Grant* de Québec. Ils ne différaient que par leur envergure respective.

W. Stanford Reid

ANQ-M, CE1-59, 1er févr. 1778.— ANQ-Q, CE1-1, 5 mai 1743, 15 avril 1765 ; CN1-248, 13 avril 1765.— APC, RG 4, B28, 115 ; RG 68, General index, 1651–1841.— « Le Recensement de Québec, en 1744 », ANQ Rapport, 1939–1940 : 134.— La Gazette de Québec, 13 nov. 1788, 22 janv. 1789, 20 déc. 1792, 26 janv. 1797, 20 mai 1813, 14 août 1817, 28 sept., 14 déc. 1820, 23 juill. 1821.— Almanach de Québec, 1791–1821.— F.-J. Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— F.-J. Audet et Fabre Surveyer, les Députés au premier parl. du B.-C., 291–298.— Bouchette, Topographical description of L. C., 106–107.— Officers of British forces in Canada (Irving), 177.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 3 : 276.— Cahiers historiques histoire de Sainte-Thérèse (Joliette, Québec, 1940), 71–74.— Hare, « l’Assemblée législative du B.-C. », RHAF, 27 : 371–372, 375.— J.-J. Lefebvre, « Notes d’identité ; le capitaine Pierre Matte (1774–1831) », BRH, 57 (1951) : 166–167.

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W. Stanford Reid, « LACROIX, HUBERT-JOSEPH (Joseph-Hubert) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lacroix_hubert_joseph_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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