Durant la guerre d’Indépendance américaine, Caleb Jones (mort en 1816) combattit dans les rangs des Maryland Loyalists. Il obtint une concession dans ce qui deviendrait le Nouveau-Brunswick, mais il ne put recouvrer ses créances, plusieurs de ses esclaves s’enfuirent, et il se montra mécontent et querelleur. En 1800, il se retrouva mêlé à un procès type sur la légalité de l’esclavage dans la colonie. Les deux parties recoururent aux meilleurs conseillers juridiques du territoire. Les deux avocats qui représentèrent la femme dont Jones se disait propriétaire se considéraient comme des « bénévole[s] pour les droits de la nature humaine ». Le procès se conclut sans que les juges n’arrivent à s’entendre.

JONES, CALEB, propriétaire d’esclaves et fonctionnaire, né vers 1743, probablement au Maryland ; il épousa une prénommée Elizabeth ; décédé le 21 décembre 1816 dans la paroisse Saint Marys, Nouveau-Brunswick.

Lorsque la guerre d’Indépendance américaine éclata, Caleb Jones était planteur et propriétaire d’esclaves, de même que shérif du comté de Somerset, au Maryland. C’est lui, vraisemblablement, qui fut convoqué devant le conseil de sécurité du Maryland en 1776 et qui dut donner au comité de surveillance du comté de Somerset une caution garantissant sa bonne conduite et sa « soumission aux ordres de l’honorable Congrès continental de la convention ». Il s’enfuit à New York, où il joignit les rangs des Maryland Loyalists, et servit tout au cours de la guerre avec le grade de capitaine. Avant l’évacuation de New York en 1783, Jones se vit accorder six mois de congé pour aller explorer des terres dans la région qui allait devenir le Nouveau-Brunswick, et il obtint, après l’arrivée des Loyalistes, une concession au ruisseau Nashwaaksis, près de la pointe St Anne (Fredericton). En 1785, il affréta un navire et fit voile du Nouveau-Brunswick au Maryland, laissant sur ses terres deux esclaves qu’il avait achetés à New York ; bientôt de retour avec sept esclaves, il découvrit que ceux qui cultivaient ses terres avaient pris la fuite – les premiers à lui fausser compagnie, mais non point les derniers. La femme de Jones était restée au Maryland pour récupérer les biens de son mari ; en 1786, celui-ci retourna y prendre sa famille et ses biens meubles. Il eut le désappointement de constater que ses mandataires n’avaient pu recouvrer aucune de ses créances. De retour au Nouveau-Brunswick, il se fit fermier.

Au début du xixe siècle, il y avait au Nouveau-Brunswick un certain nombre de personnes intéressées à l’abolition de l’esclavage ; en février 1800, Jones fut mêlé à une tentative visant à vérifier la légalité de l’esclavage dans cette province. Une prénommée Nancy (Ann), que Jones gardait comme esclave, ayant revendiqué sa liberté, une ordonnance d’habeas corpus fut rendue, et la cause fut déférée à l’ensemble des juges de la Cour suprême. Les deux parties recoururent aux meilleurs conseillers juridiques de la province. Nancy fut défendue par Ward Chipman*, qui allait devenir par la suite juge en chef, et par Samuel Denny Street*. Ces deux avocats n’étaient pas payés pour leurs services, ayant pris la défense de l’esclave à titre de « volontaires [travaillant] pour les droits de la nature humaine ». Jones fut représenté par Jonathan Bliss*, John Murray Bliss*, Thomas Wetmore*, Charles Jeffery Peters* et William Botsford*. Les juges qui entendirent la cause furent George Duncan Ludlow, juge en chef, Joshua Upham, Isaac Allan et John Saunders*. Les trois premiers étaient propriétaires d’esclaves ; Saunders était le seul juge à s’opposer à l’esclavage. Pour étayer sa thèse, Chipman se mit à la recherche de toutes les causes et de tous les jugements relatifs à l’esclavage dans l’Empire britannique, dont il pouvait trouver trace ; ses adversaires, sans aucun doute, firent de même. À la fin du procès, Ludlow et Upham reconnurent l’esclavage légal au Nouveau-Brunswick, tandis qu’Allan, changeant d’opinion, se joignit à Saunders pour le déclarer illégal. Les juges étant divisés également, aucun jugement ne fut prononcé, et l’esclave fut remise à son maître ; toutefois, à la suite de sa décision, le juge Allan libéra ses esclaves, et un certain nombre de propriétaires d’esclaves suivirent son exemple. Bien que l’ordonnance d’habeas corpus eût été rendue au nom de Jones, quelques auteurs ont cru que Nancy appartenait en réalité à Stair Agnew*. La confusion semble provenir du fait que, vers la même époque, une esclave d’Agnew revendiqua sa liberté.

Caleb Jones n’était pas heureux au Nouveau-Brunswick et il avait le sentiment de n’avoir pas reçu une compensation adéquate pour les pertes subies pendant la guerre. Il eut bientôt des disputes avec le gouvernement et des portions de ses terres furent confisquées, parce qu’il n’avait pas rempli les conditions de leur concession. En 1802, il tenta sans succès de se faire élire à la chambre d’Assemblée. À la même époque, il fut accusé par sept magistrats du comté d’York, dont Dugald Campbell et Stair Agnew, de proférer des remarques séditieuses. Ceux-ci demandèrent qu’il fût démis de ses fonctions de magistrat, auxquelles il avait accédé en 1799, de manière qu’on leur épargnât « la mortification » d’avoir à siéger de nouveau avec lui à la Cour des sessions générales. Rien n’indique, toutefois, que sa commission ait été annulée. Jones continua de critiquer le gouvernement et fut mêlé à des querelles, au sujet de terres et de possession d’esclaves, jusqu’à sa mort en 1816.

William A. Spray

APC, MG 23, D1, sér. I, S. S. Blowers à Chipman, 7 janv. 1800, [avril 1800].— APNB, RG 2, RS6, 1 : 38 ; RS8, Appointments and commissions, 2/1 : 26 ; Magistrates, 1802, pétition demandant le renvoi de Caleb Jones comme magistrat ; RG 10, RS 108, pétition de Caleb Jones, 1802.— UNBL, MG H2, 4 : 104, 106 (transcription au Musée du N.-B.).— American arch. (Clarke et Force), 5e sér., 1 : 1344, 1356.— I. A. Jack, « The loyaliste and slavery in New Brunswick », SRC Mémoires, 2e sér., 4 (1898), sect. ii : 137–185.— New Brunswick Royal Gazette (Fredericton), 18 févr. 1800, 14 janv. 1817.— Sabine, Biog. sketches of loyalists.— I. C. Greaves, The negro in Canada (Montréal, [1930]), 19.— J. W. Lawrence, The judges of New Brunswick and their times, A. A. Stockton [et W. O. Raymond], édit. ([Saint-Jean, N.-B., 1907]), 70–76.— L. M. B. Maxwell, An outline of the history of central New Brunswick to the time of confederation (Sackville, N.-B., 1937).-W. A. Spray, The blacks in New Brunswick ([Fredericton], 1972), 21–25.— T. W. Smith, « The slave in Canada », N. S. Hist. Soc., Coll., 10 (1899) : 103s.°

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William A. Spray, « JONES, CALEB », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jones_caleb_5F.html.

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Auteur de l'article:    William A. Spray
Titre de l'article:    JONES, CALEB
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    20 nov. 2024