Statia (circa 1765–1805), femme noire réduite en esclavage, vécut dans les colonies de New York et du Nouveau-Brunswick. Amenée au Canada après la guerre d’Indépendance américaine, elle fut vendue plusieurs fois et séparée de son compagnon, Richard Hopefield, travailleur asservi. Tous deux s’enfuirent en 1792, mais on rattrapa Statia. En 1805, afin d’émanciper son fils, nommé également Richard Hopefield, Statia fit une déposition dans laquelle on trouve de l’information sur sa vie jusqu’en 1805 ; ce document révèle sa situation difficile au Canada, dans la région des Maritimes.
Titre original :  Saint John Gazette and Weekly Advertiser, 29 June 1792

Provenance : Lien

STATIA (Hopefield) (peut-être aussi connue sous les noms de Patience et Stach), esclave noire, née vers 1765 à New York ; possiblement au milieu des années 1780, elle épousa Richard Hopefield, et ils eurent au moins un fils et une fille ; elle eut peut-être un autre fils avant de rencontrer Hopefield ; décédée après 1805.

La documentation

En 1805, une femme asservie nommée Statia fit une déposition pour obtenir la liberté de son fils, Richard Hopefield. Ce document ainsi qu’un avis de 1792 concernant une esclave en fuite et une inscription dans le « Book of Negroes », compilé en 1783 par les autorités militaires britanniques, constituent les seules preuves officielles de son existence. Les esclaves ayant vécu au Canada à l’époque de la colonisation n’ont laissé, pour la plupart, que des traces fragmentaires. Leurs noms sont souvent inconnus [V. Nom inconnu*] et pour ceux dont on peut déterminer l’identité, comme Diana Bestian* et Lydia Jackson*, les documents dont on dispose furent généralement rédigés par des propriétaires d’esclaves ou des fonctionnaires. Dans de rares cas, comme celui de Statia, on découvre dans ces documents des bribes d’information sur la vie des personnes asservies.

Statia fut vendue à plusieurs reprises au fil des ans. Selon sa déposition, « elle était née dans l’ancienne province de New York de Sa Majesté environ onze ans avant la guerre américaine […] et fut revendiquée comme esclave par Lewis Guyon d’East Chester ». Statia passa vraisemblablement ses premières années à travailler dans une ferme et à effectuer des tâches ménagères. Gabriel Fowler acheta la jeune femme quelque temps avant le début des hostilités et l’amena plus tard au Nouveau-Brunswick. L’inscription dans le « Book of Negroes » relative à une mère esclave de 17 ans nommée Stach et son fils en bas âge, Joe, fait probablement référence à Statia et suggère son déplacement vers le nord. Fowler la vendit au Dr Joseph Clarke, de Maugerville. Celui-ci la vendit à son tour à Phineas Lovett*, qui avait une propriété à Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse, et commerçait beaucoup au Nouveau-Brunswick. Il acheta Statia malgré le fait qu’elle était mariée à Richard Hopefield, travailleur noir asservi, avec qui elle aurait deux enfants.

Enfin libre

Tous deux propriétaires d’esclaves, Clarke et Lovett commerçaient avec des acheteurs aux Antilles. Hopefield comprit le sort réservé à Statia après l’embarquement de celle-ci sur un bateau la menant à un navire en partance pour les Antilles. Il soumit alors une requête auprès du gouverneur sir Guy Carleton en vue d’obtenir sa libération. Selon la déposition de Statia, Carleton ordonna qu’on « envoie la chercher sur le rivage et [qu’on] la remette à son dit mari et [qu’on lui] dise qu’elle était libre et qu’elle pouvait aller où elle voulait dans les possessions du roi ». Comme le soulignerait Statia, après ce revirement de situation, elle « vécut pendant plus de sept ans avec son dit mari, tranquillement, sans être dérangée, et dans la jouissance de sa liberté ». Cela ne dura toutefois pas.

Remise en esclavage

Dans sa déposition, enregistrée par le notaire William Franklin Odell*, Statia révéla comment son ancien propriétaire, Clarke, « s’empara d’elle par la violence » et la remit en esclavage au début des années 1790. Dans les Maritimes, les femmes et les hommes noirs affranchis couraient constamment le danger d’être brutalisés et repris de la sorte.

Statia et son mari préparèrent vite son évasion, puis s’enfuirent ensemble dans la nuit du 29 juin 1792. Clarke, apparemment peu préoccupé par le fait qu’il avait remis en esclavage une personne précédemment affranchie par le gouverneur de la colonie, publia un avis de fugue dans la Saint John Gazette and Weekly Advertiser du 6 juin 1792, qui décrivait Statia comme une femme d’une trentaine d’années « de race mulâtre » et capable de parler « avec grande aisance ». On y qualifiait Hopefield, nommé Hopewell par erreur, de « très actif, et vraisemblablement âgé de près de 40 ans ». Statia, enceinte au moment de sa fuite, était accompagnée de son fils de cinq ans et de sa fille d’environ 15 mois. On ne sait pas combien de temps la famille parvint à éviter la capture. Statia finit par être reprise et servit Clarke pendant « plus de deux ans », puis il la vendit à Joseph Hewlett. Elle était toujours l’esclave de ce dernier quand elle soumit sa déposition 12 ans plus tard, en 1805.

La déposition

Statia fit une déposition dans le cadre de la demande d’habeas corpus soumise par l’avocat Samuel Denny Street*, de Fredericton, pour obtenir la libération de son fils, Richard Hopefield (qui portait le prénom et le nom de son père). Stair Agnew*, propriétaire d’esclaves et loyaliste, réclamait le garçon ; on ne sait ni quand ni comment ce dernier était devenu son esclave. Ward Chipman*, qui avait déjà défendu l’esclave Nancy*, représentait Agnew. Au procès, Street fit valoir que le père de Hopefield était un homme libre et que son fils devrait, par conséquent, l’être aussi. La tentative échoua, en partie parce que le tribunal du Nouveau-Brunswick stipula que Statia n’avait pas été officiellement ou correctement mariée à Richard Hopefield.

On ne trouve aucune trace de Statia après 1805. Le testament de Hewlett, mort en 1822, ne mentionne pas Statia. La vie de cette dernière comme esclave de Hewlett demeure obscure. L’inventaire successoral de Clarke, établi en 1814, ne contient pas non plus d’information sur son sort. Même si bon nombre de questions sur son histoire restent sans réponse, la déposition de Statia et l’avis d’esclave en fuite la concernant témoignent de l’âpre lutte qu’elle dut mener avec les siens à l’époque de la colonisation dans les Maritimes, dans l’espoir de s’affranchir.

Harvey Amani Whitfield

APNB, RS42 (Supreme Court, case files), Hopefield v. Agnew, 1802–1805, Dépositions de Patience et Richard Hopefield, juillet 1805 ; RS69 (Queens County, probate records), 1822, Joseph Hewlett (mfm F10441) ; RS72 (Sunbury County, probate records), 1814, Joseph Clarke Sr (mfm F9117).— National Arch. (Londres), PRO 30/55/100, « Book of Negroes », Stach (exemplaire disponible aux N.S. Arch., archives.novascotia.ca/africanns/book-of-negroes/page/?ID=43&Name=Stach).— D. G. Bell, « Slavery and the judges of loyalist New Brunswick », Univ. of New Brunswick Law Journal (Fredericton), 31 (1982) : 9–42.—D. G. Bell et al., « Slavery and slave law in the Maritimes », dans The African Canadian legal odyssey : historical essays (Toronto et Buffalo, N.Y., 2012), 363–420.—H. A. Whitfield, Biographical dictionary of enslaved Black people in the Maritimes (Toronto, 2022) ; North to bondage : loyalist slavery in the Maritimes (Vancouver et Toronto, 2016).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Harvey Amani Whitfield, « STATIA (Hopefield) (Patience, Stach) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/statia_5E.html.

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Auteur de l'article:    Harvey Amani Whitfield
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2024
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Date de consultation:    20 nov. 2024