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BESTIAN, DIANA, esclave noire, née probablement en 1777 à Albany, New York ; elle eut des jumeaux, dont l’un ne survécut pas ; décédée en 1792 et inhumée au cimetière de l’église anglicane St George à Sydney, Nouvelle-Écosse.
Diana Bestian naquit au cours des premières années de la guerre d’Indépendance américaine. Elle devint l’esclave d’Abraham Cornelius Cuyler*, ancien maire d’Albany issu d’une éminente famille de New York. Loyaliste actif, celui-ci prit part à de nombreux combats après 1776 et installa sa famille à Québec en 1782. On ne sait pas combien d’esclaves il possédait, mais dans ses revendications de loyaliste figurait la mention d’individus d’une valeur de 200 £. Il n’est pas certain que des membres de la famille de Diana Bestian aient fait partie de ce groupe, mais cette dernière accompagna assurément la famille de Cuyler à la colonie.
À Québec, on nomma Cuyler inspecteur des réfugiés loyalistes. Il créa un projet de colonisation de l’île du Cap-Breton, puis se rendit en Angleterre à la fin de 1783 pour obtenir l’approbation de ce plan. Le comité judiciaire du Conseil privé accepta sa proposition de transformer l’île du Cap-Breton en une colonie distincte de la Nouvelle-Écosse. Malgré cette réussite, les loyalistes n’affluèrent pas autant que prévu et les colonies britanniques n’y prospérèrent pas.
Cuyler arriva à l’île du Cap-Breton vers 1784, où il emmena probablement Diana. Il participa à la fondation de la ville de Sydney, où il élut domicile. Il reçut également une ferme de 500 acres située de l’autre côté du port, qu’il nomma Yorkfields. Diana n’avait pas plus de dix ans à l’époque ; elle effectuait sans doute des corvées domestiques dans la maison de Cuyler et travaillait peut-être dans sa ferme, tâches typiques des femmes esclaves en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick [V. Lydia Jackson]. À Sydney, Cuyler siégea au Conseil exécutif de la nouvelle colonie, dirigé d’abord par le gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres*, puis par William Macarmick*.
À la fin de l’année 1791 ou au début de 1792, Diana Bestian, alors âgée de 14 ou 15 ans, tomba enceinte. Le père, George More (Moore), de près de 30 ans l’aîné de Diana, servait à titre d’officier de marine et de membre du Conseil exécutif ; il semble probable qu’il l’ait violée. L’acte de décès de Diana indique qu’elle fut « trompée et ruinée » par la rencontre de nature sexuelle qui eut lieu à la résidence du lieutenant-gouverneur à Sydney. Entre ce moment et la mi-septembre 1792, Diana « implora sincèrement » le Conseil « d’être admise à son serment [d’être autorisée à témoigner sous serment] au sujet de sa grossesse » résultant des actes de More. On lui refusa cette demande, ainsi que « toute forme d’assistance ». La jeune femme perdit la vie en 1792, possiblement en couches. Un seul des jumeaux qu’elle portait survécut à la naissance et on ne sait pas ce qu’il advint de lui.
L’acte de sépulture de Diana Bestian, daté du 15 septembre et rédigé par le révérend Ranna Cossit*, ministre de l’église anglicane St George à Sydney, constitue le seul document connu attestant l’existence de la jeune femme ; l’absence de traces écrites dans le contexte de l’époque était courante. Des loyalistes blancs emmenèrent dans les Maritimes au moins 1 500 personnes réduites en esclavage, voire 2 500, mais, compte tenu des nombreux affranchis remis en état de servitude et des évasions fréquentes, il demeure impossible d’en déterminer le nombre exact. En outre, les noms de la plupart des esclaves sont inconnus [V. Nom inconnu]. Ils vivaient et travaillaient sous un statut d’esclave sans cadre légal pour le baliser, et les femmes asservies se retrouvaient souvent exploitées sexuellement et opprimées par leurs maîtres blancs.
Même si Diana Bestian ne parvint pas à faire reconnaître More responsable de ses actes, son appel au Conseil exécutif et son affirmation individuelle devant les membres de l’élite de l’île du Cap-Breton témoignent d’un refus d’accepter son sort. Plus détaillé que d’autres documents du même type, l’acte de sépulture de Diana Bestian, qui contient des notes sur son asservissement, sa rencontre avec More et ses efforts pour obtenir de l’aide, montre que son auteur sympathisait avec le sort de la jeune femme. Ce document sous-entend peut-être aussi que Diana n’avait pas consenti à la relation intime, exemple effrayant des dangers que devaient affronter les esclaves noires, jeunes ou adultes, dans les Maritimes et ailleurs au Canada ainsi que dans toutes les régions de l’Atlantique durant la période de la colonisation.
Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), MG11-CO220CapeBretonB, vol. 7 (Minutes of Executive Council, Cape Breton B, 1790–1793), 6 févr. 1792 (version numérisée disponible à heritage.canadiana.ca/view/oocihm.lac_reel_h1989, images 341–349).— N.S. Arch. (Halifax), St George’s Anglican Church, Sydney, 1785–1827, p. 39 (Burial record of Diana Bustian) (version numérisée disponible à archives.novascotia.ca/Africanns/archives/?ID=49).— Cape Breton Hist. Soc., Some papers and records of the society, 1928 to 1932, no 1 (Sydney, N.-É., 1932).— Afua Cooper, « “Deluded and ruined” : Diana Bastian – enslaved African Canadian teenager and white male privilege », Brock Education (St Catharines, Ontario), 27 (2017–2018), no 1 : 26–37.— H. A. Whitfield, Biographical dictionary of enslaved Black people in the Maritimes (Toronto, 2022) ; « The struggle over slavery in the Maritime colonies », Acadiensis, 41 (2012), no 2 : 17–44.
Harvey Amani Whitfield, « BESTIAN, DIANA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bestian_diana_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/bestian_diana_4F.html |
Auteur de l'article: | Harvey Amani Whitfield |
Titre de l'article: | BESTIAN, DIANA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2024 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 21 nov. 2024 |