HILLIER, GEORGE, officier et fonctionnaire, né à Devizes, Angleterre ; le 31 janvier 1820, il épousa à York (Toronto) Caroline Ann Givins, fille de James Givins, et ils eurent au moins un fils ; décédé le 22 décembre 1840 au fort William, Calcutta, Inde.

George Hillier fit son entrée dans l’armée britannique le 23 mars 1809 en qualité d’enseigne dans le 29th Foot. Promu lieutenant le 10 mai 1811, il participa la même année à la sanglante bataille d’Albuera, en Espagne ; dans son régiment, il fut l’un des rares à avoir la chance de s’en sortir sain et sauf. Le 29th Foot, décimé, rentra en Angleterre en novembre mais Hillier, attaché à l’armée portugaise avec deux collègues officiers, resta dans la péninsule ibérique. Le 1er juillet 1813, il accéda au grade de capitaine et passa au 74th Foot, au sein duquel il continua de prendre part à la guerre d’Espagne. Envoyé en Flandre, il combattit avec son unité à la bataille de Waterloo en 1815 et reçut la médaille de Waterloo. Le 21 juin 1817, il devint major honoraire. À un moment quelconque de son séjour en Europe, il servit aux côtés de Peregrine Maitland*. Les deux hommes se lièrent d’amitié, et lorsque Maitland, devenu sir Peregrine, accéda au poste de lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, Hillier devint son secrétaire civil.

Hillier arriva à York avec Maitland et sa suite en août 1818. À titre de secrétaire civil, il devait s’occuper de toutes les questions qui étaient portées à l’attention de son supérieur. Aucun pouvoir officiel ne s’attachait à ce poste, mais il était fort possible, pour le titulaire, d’en venir à exercer beaucoup d’influence. Selon sa compétence, la force de sa personnalité, son intimité avec le lieutenant-gouverneur, sa maîtrise des détails, et d’autres facteurs encore, un secrétaire civil pouvait devenir, sur la scène haut-canadienne, un homme de poids. Dans toute l’histoire coloniale de la province, la plupart des secrétaires, pour quelque raison que ce soit, se contentèrent d’agir comme des commis principaux. Peu d’entre eux prirent l’initiative d’être ce que l’on appellerait aujourd’hui des chefs de cabinet. John Macaulay* le fit (et peut-être son successeur Samuel Bealey Harrison*) pendant le mandat de sir George Arthur*, de 1838 à 1841. Mais Macaulay et Harrison n’occupèrent leur poste que peu de temps. Hillier, en revanche, exerça sa fonction pendant dix ans, soit aussi longtemps que Maitland fut lieutenant-gouverneur, et personne, ni avant ni après lui, n’en exploita autant les possibilités intrinsèques.

Une partie de son pouvoir lui vint naturellement. Maitland était un homme distant et, même si quelques Haut-Canadiens, tels John Beverley Robinson* ou John Strachan*, gagnèrent sa faveur et furent probablement aussi proches de lui qu’il était possible de l’être, seul Hillier avait des liens d’intimité avec lui. Gagner la confiance de Maitland était d’autant plus difficile qu’il passait de longues périodes à sa résidence préférée, Stamford Park, près des chutes du Niagara, ce qui rendait souvent impossible toute communication directe. Tant à cause de son amitié avec Maitland que de ses fonctions, Hillier déterminait qui aurait accès au lieutenant-gouverneur et à son entourage. Il n’était pas seulement l’unique truchement par lequel l’information circulait entre le bureau du lieutenant-gouverneur et l’extérieur, mais aussi le principal conseiller de Maitland. Sa position était d’autant plus stratégique que Maitland, en dépit de sa réserve personnelle et de son éloignement physique, exerçait pleine autorité sur tous les détails de l’administration. Il incombait à Hillier de coordonner les activités des grands conseillers du lieutenant-gouverneur, Robinson, Strachan et Macaulay, et de veiller à l’application des directives. À mesure que, dans les années 1820, le gouvernement s’engagea dans des controverses, notamment sur la question des non-naturalisés, des réserves du clergé et de la partialité de l’appareil judiciaire, Hillier, comme Robinson et Strachan, participa de plus en plus aux décisions qui étaient prises par l’entourage de Maitland. En 1828, une lettre adressée au secrétaire d’État aux Colonies dénonçait la « domination militaire et cléricale » qui s’étendait sur la province et mentionnait le traitement réservé à ceux qui refusaient de « faire les quatre volontés du major Hillier, du révérend Strachan et du procureur général Robinson ». Francis Collins*, farouche adversaire du régime Maitland, suggéra en 1828 que Hillier était fort étroitement associé au gouvernement. Dans son journal, le Canadian Freeman, il allégua qu’en juillet, à l’élection qui opposait Robinson et Thomas David Morrison* dans York, Robinson avait « tant de mal » à gagner que « le major Hillier, secrétaire particulier de Son Excellence [...], qui n’[était] que de passage [dans la colonie], a[vait] été emmené au bureau de scrutin et a[vait] voté comme locataire ! » « N’est-ce pas, concluait Collins, tout à fait honteux ? »

Ce fut presque sûrement au fil de ses conversations privées avec Maitland que Hillier eut le plus d’influence sur les événements de la colonie, mais il ne reste aucune trace de ces échanges. Hillier était en bons termes avec Robinson, Macaulay, Christopher Alexander Hagerman et (dans une moindre mesure) Strachan ; le ton de leurs lettres démontre qu’ils pouvaient compter sur son influence auprès de Maitland et que cette influence était déterminante. En 1822, il intervint auprès du lieutenant-gouverneur pour que Strachan, alors engagé dans une querelle avec le juge en chef William Dummer Powell*, fasse l’objet d’un rapport favorable au ministère des Colonies. En 1824, Robinson fit appel à lui, avec succès, pour que Maitland autorise Strachan à se rendre en Angleterre cette année-là. Deux ans plus tard, Robinson veilla à ce que Hillier aplanisse, avec son supérieur, les problèmes liés aux immigrants de Peter Robinson. La recommandation de Hillier permit à Macaulay de décrocher des contrats d’imprimerie du gouvernement, et il aida sûrement Hagerman à obtenir un siège de juge de district en 1826. Cependant, il ne se faisait pas faute, au besoin, de critiquer ses amis. En 1823, il n’avait pas hésité à signaler à Macaulay combien il était chagriné de la façon dont Hagerman, selon ce qu’il entendait dire, s’était comporté envers le commissaire du chantier naval de Kingston, Robert Barrie.

De temps à autre, Robinson et Hagerman prenaient, dans leurs lettres ou leurs messages à Hillier, un ton familier, mais ils devaient veiller à ne pas dépasser les bornes. En 1826, en réponse à une lettre dans laquelle Hillier lui avait parlé des nouveaux faits dans la question des non-naturalisés, Hagerman s’excusa en ces termes : « Je devrais adopter un style plus réservé et (sûrement) moins libre. Je vous écris comme je vous parlerais, je vous fais part de mes opinions sans retenue mais aussi, je l’espère, sans présomption. » Ces lettres abordaient des questions officielles, traitaient des événements politiques et donnaient des nouvelles personnelles. En décembre 1826, Hillier, tout fier, avait rapporté à Hagerman que son fils « fai[sait] ses dents » et que cela allait « bien ».

Hillier était si proche de Maitland qu’il se prononçait à sa place, ex cathedra, sur toute une gamme de sujets. Il n’avait aucun scrupule à indiquer à Macaulay de quoi il devait parler dans le Kingston Chronicle. « Vous feriez bien de noter, écrivit-il en 1821, [...] que le procureur général [Robinson] a accordé son suffrage au projet de loi préservant l’indépendance des Communes. » De temps à autre, « je vous communiquerai tous les renseignements possibles de cette manière officieuse », poursuivait-il ; à Macaulay de les « apprêter pour la population selon [ses] goûts ». Par la suite, il mentionna « une autre petite histoire » qu’il voulait que Macaulay « raconte à la population dans [ses] propres mots ».

Hillier faisait beaucoup de consultation en prévision des nominations de fonctionnaires et se renseignait auprès de différentes sources sur une foule de sujets, toujours afin d’éclairer Maitland. Celui-ci exerçait jalousement la prérogative royale qui lui permettait de gracier les criminels. Dans chaque cas, Hillier rassemblait consciencieusement les documents nécessaires, ce qui l’obligeait quelquefois à harceler des juges récalcitrants, et les remettait au lieutenant-gouverneur, qui gribouillait sa décision et lui laissait le soin de veiller à ce que l’affaire soit réglée.

Même si Maitland et Hillier recouraient à un certain nombre de conseillers haut-canadiens et étaient disposés à promouvoir leurs intérêts à l’occasion, ils n’étaient pas pour autant des incapables. Un incident survenu en 1828 montre à quel point le lieutenant-gouverneur, avec Hillier, exerçait son propre jugement. Hagerman ayant été nommé temporairement juge, son poste de receveur des douanes à Kingston devint vacant. Macaulay convoitait ce poste depuis longtemps et faisait tout pour l’obtenir. Il se demandait comment aborder Hillier puisqu’un un ami de celui-ci, James Sampson*, était aussi en lice. Hillier se montra rassurant : « Pour ce qui est de votre délicatesse à mon égard (que je remarque et apprécie), soit l’envoi d’une demande officielle, puisque vous savez que Sampson, un autre candidat, est un bon ami, permettez-moi de dire que je vous ai toujours vu, moi aussi, sous un angle favorable. » Ni Sampson ni Macaulay n’obtint le poste de receveur des douanes. Strachan, consterné, dit à Hillier que le rejet de Macaulay « étonn[ait] tous les amis du gouvernement » ; sur quoi, rapporta-t-il ensuite à Macaulay, Hillier ne fit que « hausser les épaules et reconnaître [les] mérites » de Macaulay. « Rien ne pourrait manquer davantage de goût et de cœur, conclut-il, que la manière dont sir P., ou peut-être plutôt le col. Hillier, procède depuis un an en matière de nominations. » Le fossé qui se creusa entre Maitland et ses conseillers haut-canadiens vers la fin de son mandat pourrait expliquer en partie pourquoi il prit l’imprudente décision de ne pas poursuivre William Forsyth en justice.

Quand Maitland quitta le Haut-Canada, en novembre 1828, Hillier partit aussi. Il avait été nommé, le 24 juillet, quartier-maître général adjoint en Jamaïque, avec le grade honoraire de lieutenant-colonel. Quatre ans plus tard, il devint major du 62nd Foot, qu’il rejoignit à Bangalore, en Inde. En 1834, le régiment fut affecté en Birmanie, où Hillier devint commandant par intérim ; il servit en cette qualité jusqu’en 1835, puis devint lieutenant-colonel subalterne de son unité. La même année, à titre de général de brigade par intérim, il exerça le commandement à Moulmein et dans la province voisine. En 1839, sa santé le força à aller se reposer à Calcutta, où il retourna l’année suivante, encore pour cause de maladie, et mourut d’apoplexie.

Anglican et franc-maçon, George Hillier avait vécu à York dans une pittoresque villa qui avait déjà appartenu à Peter Russell*. Bien que ce majordome du gouvernement Maitland ait été l’un des hommes les plus puissants de l’histoire du Haut-Canada, sa mort ne fit l’objet que de brefs articles dans la colonie.

Robert Lochiel Fraser

L’auteur remercie Stuart R. J. Sutherland qui a partagé avec lui ses connaissances sur les sources militaires.  [r. l. f.]

Le gros de la correspondance dans APC, RG 5, A1 pour le gouvernement de Maitland est constitué de lettres provenant de et adressées à George Hillier. Dans l’ensemble, ces documents sont de nature officielle. Les aspects politiques de la carrière de Hillier et, jusqu’à un certain degré, sa vie personnelle sont révélés dans sa correspondance avec John Macaulay (AO, MS 78). On trouve aussi d’autres références dans les John Beverley Robinson papers (AO, MS 4), les Strachan papers (AO, MS 35), la correspondance du ministère des Colonies (PRO, CO 42), et dans le Canadian Freeman, 17 juill. 1828. Les ouvrages énumérés ci-dessous sont également utiles.

     Annual reg. (Londres), 1841 : 210.— United Service Journal (Londres), 1841, part. : 575.— Charles Dalton, The Waterloo roll call ; with biographical notes and anecdotes (2e éd., Londres, 1904 ; réimpr., 1971).— Death notices of Ont. (Reid).— G.-B., WO, Army list, 1809–1841.— H. [E. E.] Everard, History of Thos. Farrington’s regiment, subsequently designated the 29th (Worcestershire) Foot, 1694 to 1891 (Worcester, Angl., 1891).— N. C. E. Kenrick, The story of the Wiltshire Regiment (Duke of Edinburgh’s), the 62nd and 99th Foot (1756–1959) [...] (Aldershot, Angl., 1963).— Robertson’s landmarks of Toronto, 1 : 303 ; 3 : 419.— Scadding, Toronto of old (Armstrong ; 1966).

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Robert Lochiel Fraser, « HILLIER, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hillier_george_7F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Lochiel Fraser
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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