Provenance : Lien
FRASER, SIMON, trafiquant de fourrures et explorateur, né à Mapletown (près de Bennington, Vermont) en 1776 ; huitième et dernier enfant de Simon Fraser, descendant des Fraser de Culbokie et Guisachan, branche cadette des Fraser de Lovat, et d’Isabella Grant, fille du laird de Daldregan ; décédé à sa ferme dans les environs de St Andrews, comté de Stormont, Haut-Canada, le 18 août 1862.
Les parents de Simon Fraser faisaient partie du célèbre groupe d’émigrants highlanders, pour la plupart des catholiques comme eux, qui arrivèrent à New York sur le Pearl en 1773. Après un an passé à Albany, les Fraser allèrent s’établir dans une ferme à Mapletown où naquit le futur explorateur. Les Fraser y connurent bientôt des temps difficiles. La région faisait l’objet d’une querelle entre les états de New York et du New Hampshire, et, par suite de contradictions dans les titres de propriété, ils perdirent 60 des 160 acres de leur ferme. Bien plus grave encore fut l’éclatement de la Révolution américaine : les Fraser étaient fidèles à la couronne britannique tandis que leur entourage sympathisait fortement avec la cause des rebelles. Malgré les insultes et la persécution dont il eut à souffrir, Simon Fraser, père, prit une part active à la défense des intérêts des Loyalistes. Issu d’une famille de militaires (deux de ses frères avaient été officiers dans le célèbre 78e régiment, les Highlanders de Fraser, et s’étaient battus sous les ordres de James Wolfe* à Québec), il prit la décision de rallier l’armée britannique à la première occasion. Elle se présenta en 1777, lorsque le général John Burgoyne* mena sa malheureuse expédition dans la région. Simon Fraser et son fils aîné, William, s’engagèrent en juillet et, le 17 août, prirent part à la bataille de Bennington au cours de laquelle les Anglais subirent un échec décisif. À ce moment-là ou peu après, Fraser fut arrêté par les Américains et amené à Albany où on l’enferma dans des conditions si rigoureuses qu’il mourut après un peu plus d’un an d’emprisonnement.
Une fois la guerre terminée, Isabella Fraser décida d’émigrer au Canada. Le capitaine John Fraser, l’un des frères qui avaient servi dans les Highlanders de Fraser, s’était établi à Montréal et avait été nommé juge à la Cour des plaids communs. En 1784, grâce à l’aide de son beau-frère, Isabella put aller, avec ses jeunes enfants, rejoindre son fils William qui avait pris possession d’une terre à Coteau-du-Lac, à l’ouest de Montréal.
En 1790, quand le jeune Simon atteignit l’âge de 14 ans, on l’envoya à Montréal où le juge se chargea de lui. Il fit quelques études, bien sommaires puisque dès 1792 il était en apprentissage à la North West Company. Que le choix de sa carrière ait porté sur le commerce des fourrures n’a rien d’étonnant. À l’époque, c’était un secteur important du commerce à Montréal ; deux des frères d’Isabella Fraser s’y livraient, et les Fraser étaient apparentés à Simon McTavish*, personnage dominant au sein de la North West Company.
On ne sait à peu près rien de la vie de Fraser durant les quelque 12 années suivantes. Le nom de Simon Fraser se retrouve dans divers lettres et dossiers ; toutefois la North West Company eut, au cours des années 1790, au moins quatre hommes à son service portant ce nom, et il est rarement possible d’établir lequel des quatre est en cause. Commis dans le département d’Athabasca en 1799, il y passa vraisemblablement la majeure partie de son temps. Il était bien considéré et réussissait bien comme trafiquant car le procès-verbal de l’assemblée des associés de la compagnie, tenue à Grand Portage, Minnesota, le 30 juin 1801, contient la mention suivante : « Il a été décidé à l’unanimité » que Fraser et cinq autres employés « seront admis comme associés dans la North West Company avec un quarante-sixième des actions chacun, leurs intérêts dans la compagnie entrant en vigueur avec la mise sur pied du convoi de l’année 1802. » Devenir associé à l’âge de 25 ans constituait une réussite peu ordinaire.
Depuis une décennie ou plus, les Nor’Westers s’intéressaient à l’exploration de l’Ouest, avec deux objectifs en vue. D’abord, l’augmentation du commerce : les territoires au-delà des Rocheuses pourraient bien se révéler une riche source de fourrures ; ensuite, la découverte d’une route naturelle praticable vers la côte du Pacifique pouvant assurer l’approvisionnement de la région et l’expédition des fourrures, et cela parce que le coût du transport à partir de Montréal deviendrait prohibitif, vu l’éloignement. Il y avait aussi l’éventualité d’établir un commerce direct entre la côte du Pacifique et le marché chinois des fourrures.
Alexander Mackenzie* avait tenté de trouver une route vers la côte en suivant le fleuve Mackenzie en 1789, mais il avait abouti à l’océan Arctique au lieu du Pacifique. Il atteignit le Pacifique en 1793, par une route si difficile cependant qu’on la considéra inutilisable pour fins de commerce. L’exploration de l’Ouest cessa ensuite pendant un certain temps, en grande partie à cause d’un conflit de personnalité et de politique entre Mackenzie et McTavish. Quand Fraser fut promu au rang d’associé, Mackenzie et d’autres employés étaient déjà au service de la compagnie rivale, la XY ou New North West Company. Cette compagnie faisait aux Nor’Westers une concurrence énergique, violente et coûteuse, si bien que ces derniers n’avaient plus de ressources, humaines ou autres, à consacrer à l’expansion. Cette situation prit fin en 1804 quand la North West et la New North West fusionnèrent quelques mois après la mort de McTavish.
Pour éviter toute friction, Mackenzie fut exclu de la gestion de la firme ainsi créée ; toutefois, les Nor’Westers s’intéressaient davantage à ses découvertes qu’ils ne l’avaient laissé paraître. La fusion permit d’envisager la reprise de l’expansion vers l’Ouest, et, en 1805, on confia à Fraser la mission d’étendre les opérations commerciales au-delà des Rocheuses. Les voyages de Mackenzie avaient été principalement des expéditions de reconnaissance ; la mission de Fraser, par contre, reflétait une ferme décision d’établir des postes de traite et de prendre possession du pays tout en explorant les routes possibles. Il mérite, en conséquence, le titre de pionnier de la colonisation dans le territoire qui est de nos jours la Colombie-Britannique continentale.
À l’automne de 1805, Fraser remonta la rivière de la Paix et construisit Rocky Mountain Portage House à l’extrémité est du canon de cette rivière. L’établissement était destiné à servir à la fois de poste de traite et de base pour la poussée vers l’ouest au-delà des montagnes. Il est évident que Fraser avait reçu le mandat de réexaminer la route de Mackenzie, laquelle remontait les rivières de la Paix et Parsnip, traversait le col où se situent les lignes de partage des eaux de la rivière de la Paix et du fleuve Fraser, puis descendait le Fraser, qu’on prenait encore à l’époque pour le fleuve Columbia. Mackenzie, à qui les Indiens avaient parlé de rapides et de canons infranchissables, avait rebroussé chemin dans les environs d’Alexandria ; Fraser devait poursuivre la descente du fleuve et, ce faisant, vérifier les dires des Indiens.
John Stuart*, qui allait être son compagnon et un précieux lieutenant dans la plupart de ses voyages, et un jeune commis du nom de James McDougall l’accompagnaient dans cette expédition. Peu après l’érection de Rocky Mountain Portage, Fraser et McDougall se remirent en route dans le but d’aller bâtir un avant-poste plus à l’ouest. Ils remontèrent la rivière de la Paix, puis la Parsnip, et trouvèrent la rivière Pack qui les mena jusqu’au lac Trout (lac McLeod). Les Sèkkanais, qui habitaient l’endroit, se montrèrent amicaux, et un fort modeste y fut construit, le poste du lac Trout (Fort McLeod), premier établissement permanent de Blancs au-delà des Rocheuses à l’intérieur des limites actuelles du Canada. Au cours de l’hiver, l’engagé que Fraser et McDougall avaient chargé de garder le fort lors de leur retour à Rocky Mountain Portage, déserta son poste, et c’est McDougall qui fut désigné pour retourner au lac Trout afin de veiller sur la propriété de la compagnie. Cette décision eut des conséquences importantes car McDougall ayant entendu les Indiens parler d’un lac beaucoup plus grand à l’ouest, partit en reconnaissance et découvrit le « lac des Porteurs » (lac Stuart). Situé au cœur du territoire habité par les Porteurs, c’était un endroit tout indiqué pour l’établissement d’un poste de traite. Fraser prit la décision de combiner la construction de ce poste avec les voyages d’exploration qu’il comptait entreprendre en 1806. McDougall avait appris que les eaux du lac Stuart aboutissaient au fleuve Fraser par un cours d’eau quelconque. Fraser conçut alors le plan, qu’il mit d’ailleurs à exécution, de descendre le Fraser jusqu’à l’embouchure de ce cours d’eau (qui se révéla être une combinaison de la rivière Nechako et de son affluent, la rivière Stuart) et de le remonter jusqu’au lac Stuart.
Juste avant de quitter Rocky Mountain Portage, Fraser expédia à Dunvegan (Alberta) les fourrures recueillies au cours de l’hiver. Le chargement comprenait 14 lots provenant du lac Trout, soit les premières fourrures à faire l’objet de traite à l’ouest des Rocheuses. Fraser était très satisfait de la qualité des peaux. « Les fourrures sont très belles, nota-t-il dans son journal. La plus grande partie des animaux ont été tués au moment propice et nombre de peaux sont supérieures à tout ce que j’ai vu dans l’Athabasca. »
La débâcle se produisit tard en 1806 ; Fraser et Stuart durent attendre jusqu’au 20 mai avant d’entreprendre la remontée de la rivière de la Paix enfin libérée des glaces. Les voyageurs eurent de nombreuses difficultés à surmonter. La plupart des rivières et des ruisseaux qu’ils suivaient étaient en crue et les courants rapides ralentissaient leur avance. On manquait d’écorce de bonne qualité pour la construction des canots à Rocky Mountain Portage et il leur fallut remplacer, au lac Trout, la vieille embarcation de fortune dans laquelle ils avaient commencé leur voyage. L’équipage était médiocre, formé de dix hommes sans expérience, dont la plupart subirent des accidents ou tombèrent malades au cours du voyage. Fraser avait évidemment un exemplaire du journal de Mackenzie. Il se permettait parfois dans son propre journal des remarques tendant à déprécier les explorations « du Chevalier ». Mackenzie n’avait remarqué ni la rivière Pack ni la Nechako, et, le 5 juin, Fraser note qu’il « pouvait prouver qu’il ne porta que rarement ou jamais toute l’attention qu’il prétendait avoir portée ». Mais quand il fut lui-même obligé de traverser les cols et qu’il se trouva aux prises avec les rapides, les amoncellements rocheux, les troncs d’arbres et autres obstacles sur la rivière Bad (c’est le nom que Mackenzie avait donné au ruisseau James), il fut forcé d’admettre, le 10 juillet, que Mackenzie l’avait décrite « avec une grande exactitude. Elle est certainement bien nommée et c’est un endroit des plus dangereux. »
Fraser rencontra d’autres difficultés au lac Stuart, qu’il atteignit finalement le 26 juillet. Il y construisit un poste (le futur fort St James) ; toutefois, il ne disposait que de peu d’articles de traite. Les Indiens souffraient de la famine, la remontée des saumons étant tardive cette année-là, et Fraser ainsi que ses hommes se retrouvèrent bientôt dans la même situation. Il avait eu l’intention de retourner au fleuve Fraser et de faire le relevé d’au moins une partie de son cours avant la venue de l’hiver, mais le manque d’articles de traite et de provisions le força à remettre à plus tard l’exécution de cette partie importante de sa mission. Au lieu de cela, il chargea Stuart de se rendre au lac Fraser que les Indiens avaient décrit ; plus tard, il y construisit avec Stuart un poste qui fut, par la suite, appelé fort Fraser. Il donna à toute la région le nom de New Caledonia, parce que, croit-on, le pays lui rappelait les descriptions que sa mère lui avait faites des Highlands de l’Écosse.
À sa grande inquiétude, Fraser ne reçut de nouveaux approvisionnements et des hommes supplémentaires qu’à l’automne de 1807. Il lui fallut donc remettre l’exploration du fleuve à 1808 et se contenter entre temps d’établir le fort George (Prince George), sur la rive du fleuve, près de l’embouchure de la Nechako. C’était un bon emplacement pour un poste de traite et un point de départ pratique pour la descente du fleuve.
Le contingent de 24 hommes quitta le fort George dans 4 canots le 28 mai 1808. Il comprenait Fraser, Stuart, un jeune commis, Jules-Maurice Quesnel*, 19 autres employés de la compagnie et 2 Indiens. Dès les premiers jours, les Indiens les avertirent que le fleuve, en aval, « n’était qu’une succession de chutes et de cascades » qu’ils ne réussiraient pas à franchir. Même les portages se révélèrent d’une difficulté extrême, si bien que les équipages des canots prirent le risque de descendre les rapides, afin d’éviter la tâche ardue de transporter les embarcations et les cargaisons à dos d’homme. En beaucoup d’endroits, à cause de l’escarpement des rives, il devenait impossible de quitter le fleuve, et les occupants des canots auraient été réduits à l’impuissance s’ils n’avaient été prévenus de l’existence des rapides et des chutes. Le fleuve était en crue ; à un moment donné, l’eau s’éleva de 8 pieds en 24 heures. Dès le 10 juin, Fraser était convaincu que les Indiens avaient raison de dire que c’était une folie de descendre le fleuve. À quelque distance en amont de Lillooet, les canots furent placés à l’ombre sur des échafaudages, les effets qu’on ne pouvait porter furent déposés dans une cache et l’exploration se poursuivit à pied.
La voie de terre se révéla presque aussi pénible que la voie fluviale. « Cela fait longtemps que je fréquente les Rocheuses, écrit Fraser, mais je n’ai jamais rien vu de semblable, et les mots me manquent pour décrire notre situation à certains moments. Nous avons été obligés de passer là où aucun être humain ne devrait s’aventurer. » De temps à autre, il était possible de voyager sur l’eau, mais on dut alors emprunter, non sans difficulté, des canots aux Indiens, emprunt qui, en une circonstance au moins, tenait plutôt de la réquisition.
Fraser se montra fort habile dans ses négociations avec les Indiens : il fallait établir des relations d’amitié avec les tribus qu’il rencontrait, et le passage d’un territoire tribal à un autre était toujours une affaire délicate. Avec l’aide des deux Indiens qui l’accompagnaient, il s’assura, quand c’était possible, que chaque tribu fût prévenue d’avance de leur arrivée et informée de leurs intentions amicales. Cependant, il restait toujours sur ses gardes. « Quelle que soit l’apparente bonté des sauvages, écrit-il le 20 juin, je sais que ce n’est pas dans leur nature d’être sincères dans leurs déclarations aux étrangers [...]. Il est certain que moins il y aura de familiarité entre nous, mieux ce sera. » Il y avait un grand nombre d’aborigènes : les explorateurs rencontrèrent des groupes de quelques centaines d’individus à plusieurs reprises et, à une occasion, Fraser estima à 1 200 le nombre des participants à un rassemblement.
Tout se passa raisonnablement bien jusqu’à l’embouchure du fleuve, mais là les Cowichans se montrèrent d’abord méfiants, puis ouvertement hostiles. Fraser ne put s’aventurer aussi loin qu’il l’aurait voulu dans le détroit de Georgia et, quand il s’engagea à la hâte dans le fleuve, les Cowichans se lancèrent à la poursuite de ses canots et harcelèrent les équipages jusque dans les environs de Hope. De nombreux canots remplis d’Indiens s’approchèrent à maintes reprises avec l’intention de renverser l’embarcation de Fraser, mais ils furent repoussés chaque fois, quoique sans pertes de part et d’autre. Les Cowichans abandonnèrent finalement la chasse, laissant toutefois les hommes de Fraser dans un état d’épuisement et de découragement.
L’autorité de Fraser subit le test suprême quand bon nombre de ses hommes décidèrent de quitter le fleuve et de tenter de retourner seuls au fort George. Fraser « tour à tour les sermonna et les menaça », insistant sur le fait que c’était seulement en restant ensemble qu’ils pouvaient espérer en sortir. « Après beaucoup de discussions [...], écrit-il dans son journal le 6 juillet, nous nous sommes serré la main, prenant la ferme décision de ne jamais nous séparer durant le voyage ; cette décision fut immédiatement confirmée par le serment suivant [...] : « Je jure solennellement devant Dieu que je périrai plutôt que d’abandonner dans le péril n’importe lequel des nôtres durant le présent voyage. » Une fois la cérémonie terminée, chacun endossa ses plus beaux vêtements et s’occupa de son propre chargement. » Le 6 août, ils atteignirent le fort George sains et saufs. La descente du fleuve avait pris 36 jours, et le voyage de retour, 37.
La question à savoir si Fraser a effectivement atteint l’embouchure du fleuve a donné lieu à de nombreux débats, résultant en grande partie de ce qu’il a exprimé dans son journal sa « grande déception de ne pas avoir vu la pleine mer, après en être venu si près qu’elle était presque en vue ». Toutefois, le village des Musqueams qu’il visita était situé à l’embouchure du fleuve Fraser, et il alla même plus loin en canot en direction de Point Grey. Quand Fraser fit cette remarque, il croyait l’océan tout proche, quand, en réalité, il en était encore à 140 milles, au-delà de l’île de Vancouver.
Le voyage, accompli au prix de tant d’efforts et de courage, se termina pour Fraser par une déception et le sentiment d’avoir échoué dans sa mission. Le fleuve ne serait d’aucune utilité comme voie de communication et il découvrit que son embouchure était au 49e degré de latitude. « Ce fleuve n’est donc pas le Columbia, écrit-il avec tristesse. Si j’avais été persuadé de ce fait à l’endroit où j’ai laissé les canots, j’aurais certainement rebroussé chemin dès ce moment-là. » Comme dans le cas du voyage de Mackenzie, qui aboutit à l’Arctique, l’expédition n’avait été d’aucune utilité du point de vue de la North West Company.
Fraser quitta New Caledonia en 1809, assista à la réunion annuelle au fort William (Thunder Bay, Ontario), puis partit en congé. À son retour, en 1810, il fut de nouveau assigné au département d’Athabasca. Il y resta jusqu’en 1814, assumant la responsabilité du district du fleuve Mackenzie durant une bonne partie du temps. Après un second congé en 1814–1815, il quitta Montréal à destination du fort William avec le convoi du printemps, puis poursuivit sa route jusqu’à la rivière Rouge, où il se trouva immédiatement impliqué dans la querelle entre la North West Company et la colonie fondée par lord Selkirk [Douglas*], que les Nor’Westers considéraient comme une menace à leur commerce de fourrures. Il fut au nombre des associés qui escortèrent Miles Macdonell*, gouverneur de la colonie, au fort William comme prisonnier, au cours de l’été de 1815. La violence du conflit qui opposait la North West Company et la Hudson’s Bay Company déplaisait à Fraser. Résolu à prendre sa retraite, il fit des démarches en ce sens, mais on le persuada finalement de retourner dans l’Athabasca pour une autre année. Comme beaucoup de Nor’Westers, il savait sans doute que des troubles se préparaient à la Rivière-Rouge en 1816 ; il fut parmi ceux qui arrivèrent « judicieusement en retard » à la réunion annuelle cette année-là, évitant ainsi le massacre de Seven Oaks qui eut lieu le 19 juin et au cours duquel Robert Semple*, le gouverneur de la colonie de la Rivière-Rouge, et 19 de ses hommes furent tués dans une bagarre entre les Métis et les colons. Il fut cependant au nombre des associés arrêtés par lord Selkirk au fort William ; ramené à Montréal en septembre, il recouvra promptement sa liberté moyennant une caution. Il était de retour au fort William en 1817 lorsque la North West Company rentra en possession du poste, mais ce fut manifestement sa dernière apparition dans le commerce des fourrures.
Fraser subit son procès à York (Toronto), en 1818, avec cinq autres associés, pour « trahison et complot » ainsi que pour « complicité de meurtre », mais tous furent acquittés. Il s’était, dans l’entretemps, établi sur une terre le long de la rivière Raisin, près de St Andrews. Selon le recensement de 1861, il était propriétaire de 240 acres évaluées à $4 000. Il se lança dans diverses entreprises, dont une scierie et une meunerie, mais sans succès. Une blessure grave au genou subie alors qu’il était capitaine du 1er régiment de la milice de Stormont durant la rébellion de 1837–1838 l’avait sérieusement handicapé. La modeste pension reçue en dédommagement compensait mal une infirmité qui, comme il en informa le gouverneur général Charles Bagot*, avait été « la cause qui l’avait réduit d’une situation de relative abondance à la misère, vu qu’il était incapable de s’occuper de ses affaires courantes ». Le reste de sa longue vie se déroula dans des embarras pécuniaires.
Le 7 juin 1820, Fraser avait épousé Catherine, fille du capitaine Allan Macdonell, citoyen éminent du canton de Mathilda dans les environs de St Andrews. Cinq fils et trois filles nés de ce mariage atteignirent l’âge adulte. Vers la fin de sa vie, Fraser était un des derniers associés de la North West Company encore vivants. Il mourut le 18 août 1862. Sa femme mourut le lendemain et ils furent inhumés dans la même fosse, au cimetière catholique de St Andrews.
Fraser doit sa célébrité à ses remarquables expéditions des années 1805–1808. Ces voyages sont racontés en détail dans ses trois journaux personnels et dans onze lettres. Dans une lettre à John Stuart, il dit de son journal de 1806 qu’il est « extrêmement mal écrit et [que] le vocabulaire et l’orthographe sont encore pires », mais le style des récits est direct et fréquemment dramatique. Les versions de ses écrits qu’on trouve de nos jours sont de « bonnes copies », c’est-à-dire des versions quelque peu révisées des originaux. La plus importante d’entre elles est le compte rendu de la descente du fleuve Fraser en 1808.
Doué d’une endurance physique et d’un courage peu communs, Fraser restait calme et résolu devant les dangers et les difficultés. Comme exploit, peu de voyages d’exploration surpassent son expédition de 1808. Cependant, on mit du temps à le reconnaître. En 1890, le gouvernement du Canada versait une modeste pension à deux de ses enfants, un fils et une fille, mais son expédition ne souleva guère l’intérêt populaire avant les manifestations organisées par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour célébrer le centenaire de l’expédition en 1908. Une exposition eut lieu, et une colonne fut érigée à sa mémoire sur la rive du Fraser, à New Westminster. Un buste, sculpté par Louis-Philippe Hébert*, fut ajouté à la colonne en 1911. La Hudson’s Bay Company plaça une plaque commémorative sur sa tombe en 1921. En 1958, année du centenaire de la Colombie-Britannique, la descente du fleuve fut répétée pour rappeler le 150e anniversaire de l’expédition de Fraser.
Le journal de Simon Fraser intitulé Journal of a voyage from the Rocky Mountains to the Pacific Ocean, performed in the year 1808 est conservé à la MTCL. Des copies de son journal pour l’année 1806 et d’une partie du second journal de Fraser pour l’année 1808 se trouvent à la Bancroft Library, University of California, Berkeley ; le texte original des deux journaux a été perdu. La Bancroft Library possède également des copies de 11 lettres rédigées par Fraser en 1806 et 1807. On trouve aussi les originaux de quatre de ces lettres aux PABC. De plus, Donald C. Fraser, de Fargo, N.D., a en sa possession des papiers de la famille Fraser. Des copies de tous ces documents et de divers autres ont été réunies aux APC, MG 19, A9. Le journal de 1806 est reproduit dans APC Rapport, 1929, 109–159, et le journal de 1808 dans les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest : récits de voyages, lettres et rapports inédits relatifs au Nord-Ouest canadien, L.-F.-R. Masson, édit. (2 vol., Québec, 1889–1890 ; réimpr., New York, 1960), I, mais les versions imprimées sont imparfaites et celle du journal de 1806 est déformée. Le journal de 1806, des fragments du second journal de 1808, les lettres de 1806–1807 et d’autres documents originaux ont été colligés et publiés par W. K. Lamb dans The letters and journals of Simon Fraser, 1806–1808 (Toronto, 1960), qui comprend également une introduction biographique. [w. k. l.]
Documents relating to NWC (Wallace).— Alexander Mackenzie, History of the Frasers of Lovat, with genealogies of the principal families of the name [...] (Inverness, Écosse, 1896).— Morice, History of northern interior of B.C. (1905).— John Spargo, Two Bennington-born explorers and makers of modern Canada ([Bradford, Vt.], 1950).— E. O. S. Scholefield, Simon Fraser, Westward Ho ! (Vancouver), III (1908) : 217–231, 440–445 ; IV (1909) : 61–76, 138–144.
W. Kaye Lamb, « FRASER, SIMON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_simon_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_simon_9F.html |
Auteur de l'article: | W. Kaye Lamb |
Titre de l'article: | FRASER, SIMON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 25 déc. 2024 |