RANKIN, ALEXANDER, marchand de bois, juge de paix, homme politique et fonctionnaire, né le 31 décembre 1788 dans la paroisse de Mearns, Écosse, probablement à Mains House, deuxième fils de James Rankin et de Helen Ferguson ; décédé célibataire le 3 avril 1852 à Liverpool, Angleterre.
Alexander Rankin venait d’une famille de fermiers prospères. Il étudia à l’école paroissiale de Mearns et fut engagé en 1806 à titre de commis par la Pollok, Gilmour and Company, société de marchands généraux de Glasgow qui faisait le commerce du goudron, du chanvre, du lin et du bois avec les ports de la Baltique. Comme les associés principaux voulaient étendre leurs activités à l’Amérique du Nord britannique, Alexander Rankin et James Gilmour furent envoyés en 1812 dans la région de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick, pour y ouvrir la première succursale de la compagnie. Ils fondèrent la Gilmour, Rankin and Company sur la rive nord de la rivière Miramichi, environ à mi-chemin entre Chatham et Newcastle. En quelques années, ils construisirent des quais, des magasins et une scierie. Autour de leurs propriétés se développa une petite communauté appelée Gretna Green (Douglastown) qui, bientôt, devint sous bien des aspects un village dominé par la compagnie : la Gilmour, Rankin and Company dirigeait tous les magasins et construisit des maisons pour certains de ses employés ; presque tous les hommes du village en vinrent à travailler pour elle ou à dépendre d’elle d’une manière quelconque. Rankin était le véritable dirigeant de la compagnie. Même s’il lui fut associé pendant 30 ans, Gilmour était considéré par bien des gens comme « inexistant dans l’entreprise ». En 1842, il vendit ses intérêts à Rankin et se retira en Écosse.
La Gilmour, Rankin and Company devint aussi bien fournisseur qu’employeur. Avec les marchandises que lui envoyait d’Écosse la Pollok, Gilmour and Company, elle approvisionnait non seulement ses propres bûcherons, mais aussi des bûcherons indépendants qui étaient censés faire affaire seulement avec elle. La compagnie mère envoyait chercher le bois par bateau et le vendait ensuite par l’entremise de son bureau de Glasgow. La Gilmour, Rankin and Company approvisionnait aussi des constructeurs de navires comme William Abrams* et Joseph Russell, de qui elle achetait des bateaux. Ceux-ci étaient envoyés à Glasgow pour être vendus ou utilisés par la compagnie mère. Ce n’est qu’après la mort de Rankin que la compagnie commença à construire ses propres navires.
Comme il subsiste peu de documents concernant la société, il est difficile de déterminer l’étendue de ses activités. En 1819, sur les 1 520 navires britanniques qui firent le commerce du bois avec l’Amérique du Nord britannique, 297 avaient été chargés à Miramichi, la plupart par la Gilmour, Rankin and Company. Ayant obtenu le soutien commercial et politique du village de Newcastle, la compagnie en vint au début des années 1820 à dominer presque tout le commerce du bois sur la rivière Miramichi. En 1824, en grande partie grâce à l’expansion de la société, Miramichi surpassa Saint-Jean comme port d’exportation de bois en expédiant 141 384 tonnes de bois équarri. Cependant, la supériorité de la firme ne tarda pas à être menacée par Joseph Cunard* qui, avec son frère Henry, avait établi une compagnie à Chatham aux environs de 1820.
Rankin et William Abrams furent les plus grandes victimes de l’incendie qui, en 1825, fit environ 160 morts et causa des dommages d’environ £204 000 à Miramichi. La compagnie de Rankin perdit des entrepôts et des marchandises d’une valeur de plus de £15 000, alors que ses assurances ne couvraient que £4 400. En outre, de grandes quantités de bois furent détruites. La maison de Rankin fut l’un des six bâtiments de Douglastown qui échappèrent au sinistre et devint le refuge de centaines de sans-abri. Tout comme son rival Cunard, Rankin ne ménagea aucun effort pour aider les survivants. Pendant un temps, les deux hommes oublièrent leur animosité et travaillèrent ensemble au comité d’aide.
L’incendie avait porté un dur coup à la société mais, grâce à la compagnie mère, elle s’en tira rapidement. À la fin des années 1820, une grande scierie en pierre fut construite dans un village voisin, Millbank. On dit que la machinerie avait été montée « selon les principes les plus sûrs » et qu’elle actionnait « vingt-huit scies verticales et deux [scies] circulaires [qui] coup[aient] chaque jour une moyenne de 18 000 à 20 000 pied-planches ». Cette scierie fut construite pour contrer les activités de Cunard à Bay du Vin, situé en aval. En 1831, on en estimait la valeur à £15 000, et elle employait 170 hommes. À l’époque, c’était la plus grande scierie de la province. La compagnie étendit aussi son emprise sur l’exploitation forestière : en 1828–1829, elle possédait deux fois plus de permis de coupe de bois que Cunard. En 1830, ces deux sociétés dominaient presque tout le secteur de l’exploitation forestière dans le nord du Nouveau-Brunswick. De 1830 à 1850, elles expédièrent en moyenne 70 cargaisons de bois par an.
En 1832, Rankin était l’associé principal de la Ferguson, Rankin and Company, qui fut établie à Bathurst cette année-là et dont Francis Ferguson était associé et gestionnaire. Pendant de nombreuses années, cette compagnie fut en fait une succursale de la Gilmour, Rankin and Company. Rankin étendit encore davantage ses activités dans le nord de la province en s’associant en 1832 à l’Arthur Ritchie and Company de Dalhousie et Campbellton. Cette association dura jusqu’en 1842, mais la production de cette compagnie ne fut jamais aussi importante que celle de la firme de Bathurst.
L’activité dans le nord de la province dépendait de l’envoi régulier des marchandises et des navires par la Pollok, Gilmour and Company. En différentes occasions, Ferguson, en poste à Bathurst, estima que sa compagnie était négligée. Ainsi, en 1838, il déclara que la Pollok, Gilmour and Company n’avait pas envoyé de navires depuis trois ans pour venir prendre son bois et insinua que la compagnie de Miramichi était mieux traitée que la sienne. Il s’opposa aussi à ce que la compagnie mère exige du bois équarri des quatre côtés, jugeant que l’opération était coûteuse et entraînait du gaspillage.
Au début des années 1830, la rivalité entre Rankin et Cunard se cristallisa autour des concessions forestières des rivières Nepisiguit et Miramichi-du-Nord-Ouest. Les concessions de Cunard s’étendaient sur 500 milles carrés environ. Même si sa compagnie venait à peine d’abandonner un permis semblable, Rankin se lança dans une attaque véhémente contre la politique gouvernementale et les privilèges accordés à Cunard. Tout en prétendant se préoccuper de l’avenir des bûcherons indépendants, Rankin ne s’inquiétait en fait que de l’avantage que ces concessions forestières donnaient à Cunard. Au cours d’une assemblée publique tenue à Chatham en octobre 1831, Rankin présenta une résolution sur les dangers de l’octroi de glandes concessions à des individus et, en mars 1833, Gilmour, son associé, déclara que la compagnie n’investirait « plus de capitaux dans la province » à moins qu’on ne lui « permette d’avoir une part équitable des richesses naturelles du pays ». La société de Rankin avait reçu l’appui de 374 résidents du comté, dont 13 magistrats, qui, le 15 février 1833, avaient présenté à la chambre d’Assemblée une longue pétition dans laquelle ils s’en prenaient à Cunard, au bureau des Terres de la couronne et à son commissaire, Thomas Baillie*. L’Assemblée discuta de ces plaintes et d’autres et, plus tard dans l’année, une délégation formée de Charles Simonds et d’Edward Barron Chandler* fut envoyée en Angleterre pour se plaindre des mesures prises par Baillie et pour présenter une proposition de l’Assemblée, qui offrait de prendre en charge les terres de la couronne.
Rankin se rendit lui-même en Angleterre pour contester le droit de Cunard aux concessions forestières et pour annoncer que sa compagnie quitterait la colonie si la situation ne changeait pas. Il atteignit son but. En août, lord Stanley, secrétaire d’État aux Colonies, informa le gouvernement que Cunard devrait abandonner ses concessions, ce qu’il fit en octobre. Par la suite, les terres furent mises aux enchères, et Rankin parvint sans doute à en acquérir une partie.
Rankin s’assura la mainmise sur de grandes étendues de terre, grâce à un régime de permis instauré au début du xixe siècle. Les entrepreneurs forestiers pouvaient demander des permis annuels qui leur donnaient le droit d’abattre, moyennant un certain tarif, une quantité déterminée de bois sur un territoire précis. En 1835, ce régime fut modifié parce que Baillie voulait forcer les plus gros entrepreneurs forestiers à s’engager à long terme envers la province. Il créa des permis de cinq ans, qui étaient vendus à des enchères publiques et donnaient accès à de grandes étendues de terre. Les entrepreneurs qui achetaient ces permis devaient payer chaque année des droits sur une certaine quantité de bois, qu’ils l’aient abattue ou non. Toutefois, ils pouvaient encore demander des permis d’un an. En 1836–1837, la Gilmour, Rankin and Company détenait 70 permis d’un an qui lui donnaient le droit d’abattre 12 570 tonnes de bois et l’équivalent, en billes, de 820 000 pied-planches. Elle détenait aussi six permis de cinq ans sur 8 milles carrés dans le comté de Gloucester et sur plus de 112 milles carrés dans le comté de Northumberland, ce qui lui donnait droit à 3 820 tonnes de bois et à 505 000 pied-planches supplémentaires. Ses succursales du nord de la province avaient aussi un certain nombre de permis. Le jeune frère de Rankin, Robert*, estimait à environ £10 000 les profits réalisés à Miramichi pendant l’hiver de 1837–1838.
Ces activités s’étendirent encore plus dans les années 1840. En 1847, William Carman, l’un des députés de la circonscription de Northumberland à l’Assemblée, prétendit que Rankin avait à sa disposition 875 milles carrés de concessions forestières et Cunard, 1 100. À eux deux, ils exploitaient plus de 30 p. cent des terres pour lesquelles la province délivrait des permis, et leurs concessions comprenaient la plupart des terres les plus riches en bois. Par conséquent, les bûcherons pouvaient seulement travailler pour les grosses compagnies, crever de faim ou quitter la province. Carman exagérait peut-être, mais bien des gens étaient irrités de la manière dont Rankin et Cunard menaient leurs exploitations forestières. Il est vrai que tous deux fournissaient de l’emploi et croyaient aider leurs ouvriers et les bûcherons semi-indépendants, mais ils faisaient des affaires seulement à leurs propres conditions. Comme ils avaient la mainmise sur les emplacements de moulins, cela éliminait les concurrents. En tant que marchands, ils forçaient les bûcherons semi-indépendants à acheter leurs marchandises à des prix qui, comme le prétendit un auteur en 1846, étaient gonflés de 50 p. cent. Les mêmes bûcherons devaient ensuite vendre leur bois à la compagnie de Rankin à des prix réduits ; s’ils avaient encore un crédit au solde de leur compte, ils ne pouvaient pas le récolter en espèces, mais devaient s’en servir pour acheter des marchandises au prix fort.
En 1847, Carman souligna aussi que, quand les emplacements de moulins avaient été mis aux enchères dans les comtés de Northumberland et de Gloucester, les bûcherons indépendants et semi-indépendants s’étaient évidemment fait couper l’herbe sous le pied par les grosses compagnies qui, « en ces occasions, [...] ne renchériss[aient] pas l’une sur l’autre ». Ces compagnies pouvaient toujours agir de concert pour protéger leurs intérêts communs. Ainsi, en 1835 et 1841, elles s’étaient jointes pour faire signer des pétitions contre toute révision des droits sur le bois.
Même si ses pratiques commerciales purent être contestables à l’occasion, Rankin joua un rôle de premier plan dans l’établissement et le développement de l’industrie du bois au Nouveau-Brunswick. Il avait un sens aigu des affaires et, à l’occasion, était appelé à se rendre à Saint-Jean pour surveiller les activités d’une succursale de la compagnie mère, établie dans cette ville par son frère Robert en 1822. Les compagnies de Rankin ne connurent pas les mêmes fluctuations que celle de Cunard, en partie parce que Rankin y assura une saine administration, en partie parce qu’elles avaient un important soutien financier de la compagnie mère, en Écosse.
Rankin était un rival dur et sans pitié en affaires : ses concurrents se voyaient obligés de fermer leurs portes et, lorsque ses débiteurs n’honoraient pas leurs engagements, il faisait saisir leurs biens et leurs propriétés : c’est le sort que connut par exemple Thomas Boies, fondateur de Boiestown. Chaque fois que le bureau des Terres de la couronne imposait des restrictions qui nuisaient aux activités de ses compagnies, il partait en guerre contre lui. Il n’hésita pas à recourir à la corruption pour détourner des bûcherons qui abattaient du bois pour Cunard et, pendant un certain temps, au début des années 1840, il tint un arpenteur adjoint, Michael Carruthers, sous sa complète dépendance. À cause de leur rivalité, Rankin et Cunard faisaient sur les concessions forestières de l’autre des empiétements qui mettaient souvent en cause des fonctionnaires et des membres du Conseil exécutif. Une fois, Carruthers saisit illégalement du bois qui appartenait à Cunard et qui se retrouva plus tard dans les stocks de Rankin. Par suite de ce geste et d’autres encore, Carruthers perdit sa place dans le comté de Northumberland et fut envoyé dans celui de Gloucester. En 1843 et 1846, Rankin dut payer des amendes et des droits doubles, puis triples, pour avoir coupé du bois illégalement.
Rankin ne se maria jamais, mais il partageait sa maison avec ses commis, pour la plupart venus d’Écosse, et son bureau devint un centre de formation pour les autres succursales de la compagnie. Travaillant lui-même pendant de longues heures, Rankin attendait de ses employés qu’ils fassent de même. Ordinairement debout à cinq heures du matin, il se rendait sur les quais et dans les chantiers avant l’ouverture du bureau. Un de ses neveux, nommé aussi Alexander Rankin, qui put vivre plus tard des intérêts de la somme que lui avait léguée son oncle, expliqua ce que cela représentait de travailler pour la compagnie à la fin des années 1840 : « Je ne trouvai pas cela facile – de cinq heures du matin à sept heures du soir. Trois quarts d’heure pour déjeuner, une heure pour dîner. Après le thé, quelquefois dans le bureau jusqu’à dix heures [du soir] environ pour récapituler le travail de la journée. De décembre à mai, les heures étaient plus courtes, de six à neuf, mais deux ou trois fois par semaine, nous devions nous lever à quatre heures pour préparer vingt ou trente équipes qui s’en allaient, chargées de provisions, dans les camps de bûcherons. »
En 1827, Rankin avait fait son entrée sur la scène politique en se faisant élire l’un des deux députés de la circonscription de Northumberland à la chambre d’Assemblée. Il allait conserver son siège jusqu’à sa mort. Ponctuel, il quittait rarement l’Assemblée avant que l’ordre du jour ne soit épuisé. Il intervenait rarement et, quand il le faisait, c’était d’ordinaire sur un ton si faible que souvent ceux qui se trouvaient dans les tribunes ne l’entendaient pas. Ses discours étaient toujours brefs et directs, et il n’avait pas de grands talents d’orateur. Quand il décidait d’utiliser son influence sur les autres députés, il avait beaucoup de succès et ses opinions sur le commerce étaient souvent recherchées et invariablement examinées avec beaucoup d’attention. À l’occasion, quand il était contrarié, il élevait tant la voix qu’on pouvait l’entendre d’un bout à l’autre de la chambre. Cette puissance se manifesta particulièrement quand, en 1846, il prononça un discours vigoureux en faveur du maintien des subventions au lazaret de l’île Sheldrake, à l’embouchure de la rivière Miramichi.
Aux élections de 1830, Rankin et Cunard furent les seuls candidats aux deux sièges de Northumberland. Ils n’avaient aucun adversaire parce que, en cette époque de scrutin public, personne ne pouvait espérer triompher d’eux. Même si Cunard fut nommé au Conseil législatif en 1833, il tenta toujours de conserver la haute main sur au moins un des deux sièges de Northumberland à l’Assemblée. Aux élections de 1837, trois candidats se présentèrent : deux de la rive nord, Rankin et John Ambrose Sharman Street*, et un de la rive sud, William Carman. On avait espéré qu’un seul candidat de chaque côté de la rivière se présenterait, ce qui aurait évité les luttes. Cette fois, Cunard appuyait Carman, tandis que Street proclamait être neutre. Rankin et Street remportèrent la victoire, et Carman prétendit que ce dernier avait gagné seulement grâce à l’appui du premier. D’après les résultats des élections subséquentes, il est évident que Rankin usa à plusieurs reprises de son influence pour aider Street.
En 1839, Rankin se vit offrir un siège au Conseil législatif, mais il le refusa. Les électeurs, déclara-t-il, étaient satisfaits de leurs députés – Street et lui-même – et il ne souhaitait pas que de nouvelles élections viennent ranimer de vieilles querelles « qui, heureusement, [avaient] disparu ». « Dans cette circonscription, ajoutait-il, il n’y a guère de convulsion politique d’envergure régionale qui, tant par sa nature que par ses conséquences, soit plus dangereuse et pernicieuse que des élections où des candidats s’affrontent. » Rankin craignait peut-être aussi que son siège, une fois abandonné, aille à un partisan de Cunard. Mais s’il croyait que les vieilles querelles étaient terminées, il se trompait lourdement.
Pendant les élections âprement disputées de 1843, Rankin s’engagea à fond. Il fut élu au scrutin de janvier et, au cours de l’élection complémentaire de juillet, il appuya Street contre le candidat de Cunard, John Thomas Williston. Dans le discours qu’il prononça lors de la présentation des candidats en décembre 1842, Williston avait expliqué à ses auditeurs la raison pour laquelle Rankin souhaitait « si possible » faire entrer Street à la chambre avec lui : « toute l’influence de la circonscription à l’Assemblée passera [ainsi] aux mains de la Gilmour, Rankin and Company qui, d’après nombre d’entre vous, j’en suis convaincu, détient déjà assez de pouvoir ». Williston prétendit plus tard que Rankin avait menacé de quitter le comté si Street perdait l’élection complémentaire. Au cours du vote, il y eut des émeutes, des blessés, un mort, et les troupes durent intervenir ; finalement, Street remporta la victoire et alla siéger avec Rankin à titre de député de Northumberland.
En février 1847, Rankin prêta serment comme membre du Conseil exécutif dans le gouvernement de John Richard Partelow*, et quand le lieutenant-gouverneur sir Edmund Walker Head* introduisit le gouvernement responsable, l’année suivante, il conserva Rankin au conseil à cause de son influence considérable sur l’Assemblée. La seule réserve de Head provenait des « violentes dissensions partisanes » qui régnaient dans le comté de Northumberland. Cependant, il croyait pouvoir maîtriser la situation et, comme Rankin n’était lié à aucun parti à l’Assemblée, il le considérait comme un bon atout pour le gouvernement. Tous ne partageaient pas son avis. Plus tôt en 1847, Lemuel Allan Wilmot* avait contesté la nomination de Rankin, en alléguant que personne ne connaissait ses principes politiques. On se demande si Rankin lui-même les connaissait : il n’était au service d’aucun parti. Néanmoins, il demeura au Conseil exécutif jusqu’à sa mort.
Rankin s’opposa à presque toutes les initiatives de Cunard et de ses partisans de Chatham. En 1826, il avait contribué à faire échouer une tentative visant à faire de Chatham, et non de Newcastle, le siège du comté. L’année suivante, il usa de son influence pour faire construire le bureau des douanes à environ un mille et demi en amont de Chatham, juste en face de Douglastown. Enfin, en 1830, il réussit à faire construire le nouvel hôpital de marine à Douglastown. Inutile de dire que ces victoires soulevèrent la colère des gens de Chatham, et surtout celle de Cunard. En 1838, celui-ci parvint finalement à convaincre les responsables du bureau des douanes de s’installer à Chatham. Toutefois, des gens de la rive nord menacèrent de commettre des actes de violence, et, en 1839, le lieutenant-gouverneur sir John Harvey annula le déménagement. Pour Harvey, Cunard était un conservateur opposé à toute réforme, tandis que Rankin et ses associés étaient des libéraux et de « farouches partisans » du gouvernement. Il était intervenu non pas à cause des menaces de violence, mais pour plaire à Rankin.
Rankin, comme Cunard, servit la communauté de plusieurs façons, et les deux hommes, en dépit de leur rivalité commerciale, se montrèrent capables de collaborer à des projets qui leur étaient bénéfiques ou qui ne nuisaient en rien à leurs affaires. Ainsi, en 1829, ils avaient été nommés commissaires à la signalisation du golfe du Saint-Laurent et de la rivière Miramichi et, en 1841, avec William Abrams, ils surveillèrent la construction d’un phare à la Pointe Escuminac. Ils furent nommés au bureau de santé des comtés de Northumberland et de Gloucester en 1844 et aidèrent à surveiller la construction du lazaret de l’île Sheldrake. Rankin fut nommé juge de paix en 1819 et le demeura probablement jusqu’à sa mort. Il fut aussi pendant longtemps membre de la Northumberland Agricultural Society et de la Miramichi Emigration Society, et fit partie du Chatham Mechanics’ Institute. En 1841, il fut l’un des fondateurs de la North British Society, rebaptisée en 1846 la Highland Society of New Brunswick at Miramichi, dont il fut président en 1851 et 1852. En 1850, il siégea au conseil d’administration de la succursale de la Commercial Bank of New Brunswick à Miramichi.
Alexander Rankin avait peu d’amis intimes. C’était un homme tranquille qui n’était porté ni aux longues conversations ni au bavardage. Aussi bien des gens le trouvaient-ils froid. Selon d’autres, il avait un grand cœur et était toujours prêt à aider les malheureux, surtout les veuves, les orphelins et les malades. Sa mort subite, survenue en 1852 pendant une visite en Angleterre, consterna tous les habitants de la région de la Miramichi, et particulièrement ceux de Douglastown. D’après les notices nécrologiques des journaux, Rankin était le type même du gentleman chrétien, et sa charité s’était sûrement manifestée avec évidence à Douglastown. C’était un homme profondément religieux, très fidèle à l’Église d’Écosse. Il aida aussi d’autres Églises de la région et, dans son testament, légua £25 à chaque congrégation protestante établie le long de la rivière. À l’occasion, sa compagnie apporta aussi de l’aide aux catholiques ; en 1838, elle reçut des témoignages de reconnaissance des gens de Neguac pour avoir fait don d’une cloche à la chapelle de la paroisse. Cependant, sa bienveillance ne s’étendait qu’à ceux qui le soutenaient loyalement ; à Chatham, peu de gens le voyaient du même œil que les habitants de Newcastle et de Douglastown. Comme il gouvernait Douglastown presque à la manière d’un baron féodal, il était aimé de nombre de ses employés, mais craint et détesté par ses ennemis et par certains bûcherons semi-indépendants. Le commerce du bois à ses débuts avait besoin d’hommes comme Rankin pour s’organiser et, parmi les barons du bois qui vécurent au Nouveau-Brunswick pendant la première moitié du xixe siècle, c’est peut-être lui qui eut la carrière la plus réussie.
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William A. Spray, « RANKIN, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rankin_alexander_8F.html.
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Auteur de l'article: | William A. Spray |
Titre de l'article: | RANKIN, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |