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PAPINEAU, DENIS-BENJAMIN, agent seigneurial, libraire, seigneur, marchand, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 13 novembre 1789 à Montréal, fils de Joseph Papineau* et de Rosalie Cherrier ; le 14 septembre 1813, il épousa à Montréal Angélique-Louise Cornud, et ils eurent neuf enfants, dont Denis-Emery ; décédé le 20 janvier 1854 à Sainte-Angélique (Papineauville, Québec).
Le cinquième d’une famille de dix enfants, dont cinq meurent en très bas âge, Denis-Benjamin Papineau fait ses études au petit séminaire de Québec de 1801 à 1807 ; son frère Louis-Joseph* y est aussi étudiant de 1802 à 1804. Dans sa correspondance avec sa famille, il mentionne souvent son désir de se rendre dans la seigneurie de la Petite-Nation, que son père a achetée du séminaire de Québec. À partir de 1808, le jeune homme réside à la Petite-Nation où il occupe la fonction d’agent seigneurial en l’absence de son père qui représente de 1809 à 1814 la circonscription de Montréal-Est à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. Fort diversifiées, ses occupations comprennent, entre autres, l’installation des premiers censitaires, le défrichement, la construction du manoir et d’un moulin à scier. S’il faut en croire le contenu des lettres que s’échangent le père et le fils, ce dernier commet souvent des bévues et fait de mauvaises transactions. Lorsqu’en 1817 Louis-Joseph achète de son père la seigneurie de la Petite-Nation, il en confie l’administration à Denis-Benjamin. Celui-ci s’en occupera jusqu’au retour d’exil de son aîné, en 1845. Durant cette période, il se préoccupe surtout de peupler la seigneurie et de distribuer des terres. L’exploitation forestière domine les activités économiques. Les moulins à scier sont loués à des entrepreneurs locaux ou régionaux qui reçoivent des permis de coupe moyennant une rente. Papineau a la tâche de veiller à ce que les privilèges accordés soient respectés. Il collecte aussi les rentes et, sur ce point, il a à subir régulièrement les remontrances de son frère qui, insatisfait des entrées, lui reproche son manque de fermeté.
Papineau ne se limite pas cependant à son rôle d’agent seigneurial. Ainsi, en 1818 et 1819, il est l’associé du libraire Hector Bossange, qui tient boutique depuis quelques années rue Notre-Dame, à Montréal. Vers 1825, il est marchand à la Petite-Nation, en plus d’y exercer la fonction de maître de poste. Il remplit également divers mandats à titre de juge de paix pour le district de Montréal en 1826, 1828, 1830, 1833 et 1837, et de commissaire de la voirie et des ponts en 1829 et 1830. Devenu, en 1822, seigneur du fief Plaisance, situé à l’extrémité sud-ouest de la seigneurie de la Petite-Nation, Papineau se verra obligé de vendre une partie de ses terres, sept ans plus tard, à cause de difficultés financières. Il tentera par la suite de faire l’élevage du cheval, mais sans succès. Par contre, l’élevage du mouton lui réussit et, en 1844, Papineau possède un troupeau de 200 bêtes.
Tout comme avant lui son père et son frère Louis-Joseph, Papineau s’intéresse à la politique. Il représente la circonscription d’Ottawa du 17 août 1842 au 6 décembre 1847. Au cours de cette période, soit de septembre 1844 à juin 1846, il est membre du ministère dirigé par William Henry Draper* et Denis-Benjamin Viger*. Ensuite, il participe à la formation d’un ministère avec Draper, en juin 1846, puis avec Henry Sherwood, en mai 1847. Il remplit les fonctions de conseiller exécutif et de commissaire des Terres de la couronne de septembre 1844 à décembre 1847, en plus d’être commissaire des Travaux publics d’octobre 1844 à juin 1846.
Les prises de position de Papineau en font un personnage controversé. Pendant que la majorité des Canadiens français, sous la conduite de Louis-Hippolyte La Fontaine*, adopte la voie qui mène à la responsabilité ministérielle, Papineau, que son appartenance familiale et ses principes associaient au parti réformiste, se range du côté du gouverneur sir Charles Theophilus Metcalfe*. Selon Louis-Philippe Turcotte*, ce dernier se devait de concéder un ministère à quelqu’un dont il ne se défiait pas. Avec Papineau et son cousin Denis-Benjamin Viger, le gouverneur voulait rallier autour de lui des hommes qui par leur nom rassureraient les Canadiens français sur le désir du gouvernement de servir de son mieux leurs intérêts, d’autant plus qu’il sentait bien que la majorité de la chambre et la population en général étaient opposées à ses vues. Pour sa part, Thomas Chapais* considère qu’en acceptant un poste sous Metcalfe, Papineau créait de la division dans les rangs du parti réformiste. Aux yeux de Louis-Joseph Papineau, « on ne [pouvait] accepter une place de ministre et demeurer honnête homme ». Pour Jacques Monet cependant, cette décision apparaît comme la meilleure attitude que pouvait prendre Papineau en fonction de ses principes et, selon lui, son comportement dénote un esprit nationaliste.
Le premier geste du député Papineau est de voter pour le choix d’un président de la chambre. Turcotte et Chapais estiment que Papineau a commis une maladresse en votant pour sir Allan Napier MacNab*, unilingue anglophone, se mettant ainsi à dos la majorité réformiste bas-canadienne. En décembre 1844, il propose au nom du gouvernement de voter une adresse à Sa Majesté demandant l’annulation de la clause de l’Acte d’Union qui défendait d’utiliser la langue française dans les documents législatifs, et il s’attire alors une réaction très favorable de la part de l’opposition. Mais pour Turcotte, cette démarche servait à racheter en quelque sorte son vote précédent en faveur de MacNab et à redorer son image face à ses compatriotes. Chapais, quant à lui, y voit une manœuvre politique : le Conseil exécutif avait prévu une résolution du parti réformiste en ce sens et aurait résolu de le devancer en proposant la chose lui-même par l’intermédiaire de Papineau.
Pendant son séjour à l’exécutif, Papineau fait d’autres interventions qui lui valent les critiques de l’opposition. Tout d’abord, il justifie le geste du gouvernement qui, en 1845, approuve l’octroi d’une forte somme destinée au Haut-Canada pour indemniser les personnes qui ont subi des pertes lors des troubles de 1837–1838, sans que rien de tel ne soit accordé au Bas-Canada. Il défend également, l’année suivante, la position du gouvernement qui entend que les revenus provenant des biens des jésuites servent à des fins éducatives, de même que la proposition d’imputer au fonds consolidé du revenu les dépenses de l’administration de la justice criminelle du Haut-Canada. Soulevant de violentes oppositions, ces mesures achèvent de le rendre impopulaire.
Le nom de Papineau est associé à la présentation de deux projets de loi importants et fort controversés touchant les écoles et l’administration municipale. Adoptée au cours de la session de 1845, la nouvelle loi scolaire confie à des commissions scolaires la gestion des écoles publiques et le soin de percevoir les sommes nécessaires à leur bon fonctionnement. Pour le clergé de l’époque, cette loi sent l’injustice. Craignant de perdre la direction de l’éducation, il revendique ses droits par l’intermédiaire d’un député de l’opposition, Augustin-Norbert Morin*. De chaudes discussions amènent Papineau à concéder des amendements en faveur du clergé en 1846, non sans s’être obstiné et attiré encore les blâmes de l’opposition et de la population. Quant à la loi sur les municipalités, adoptée au cours de la même session, elle substitue à l’ancienne organisation basée sur les districts, une administration fondée sur les paroisses. Elle satisfait en principe l’opposition, mais le taux d’imposition, comme dans le cas de la loi scolaire, est très longuement discuté et ensuite amendé. La courte carrière politique de Papineau s’achève sous lord Elgin [Bruce*]. Influencé par la démission de Viger l’année précédente, Papineau résigne ses fonctions en 1847. Il se retire alors dans son fief Plaisance où il demeure, aigri par la maladie, jusqu’à sa mort.
En général, les historiens s’entendent pour affirmer que Denis-Benjamin Papineau a joué un rôle politique fort secondaire. En fait, le personnage politique controversé apparaît moins important que le seigneur et l’agent seigneurial.
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Claude Baribeau, « PAPINEAU, DENIS-BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/papineau_denis_benjamin_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/papineau_denis_benjamin_8F.html |
Auteur de l'article: | Claude Baribeau |
Titre de l'article: | PAPINEAU, DENIS-BENJAMIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |