PALMER, JAMES BARDIN, agent foncier, avocat, homme politique et fonctionnaire, né vers 1771, fils cadet de Joseph Palmer et de Susanna Bardin, de Dublin ; le 22 décembre 1803, il épousa à Charlottetown Millicent Jones, de Londres, et ils eurent 12 enfants ; décédé le 3 mars 1833 à Charlottetown.
Joseph Palmer était ferronnier, mais ses deux fils devinrent avocats. James Bardin Palmer fit son stage chez Benjamin Johnson, du barreau d’Irlande, et fut admis en 1791 comme solicitor à la Cour de la chancellerie. En 1795, il pratiquait déjà aussi bien à la Cour du banc du roi qu’à la Cour des plaids communs, mais il quitta Dublin pour Londres avant 1800. Certains de ses ennemis prétendirent plus tard que, pendant son séjour dans la capitale anglaise, il avait été réduit à exercer les fonctions d’« agent de publicité, agent de l’armée, officier dans la milice du Devon, commis au Bureau des loteries » et que, à un moment donné, il avait été « incarcéré par la Cour du banc du roi ». Ces remarques n’étaient certes pas dénuées de fondement, car Palmer reconnaissait lui-même que ses affaires avaient « périclité » avant son arrivée à l’Île-du-Prince-Édouard comme agent foncier. Il arriva en août 1802 à titre de représentant du révérend Raphael Walsh, de Dublin, demi-frère de Benjamin Johnson.
Le domaine de Walsh à l’Île-du-Prince-Édouard comprenait l’ensemble du lot 11, situé dans la partie ouest de la colonie. Ce canton de 20 000 acres était l’un des plus pauvres de l’île – il était surtout constitué de marécages –, mais Palmer entreprit à grands frais de l’aménager et d’y attirer des cultivateurs à bail. Toutefois, ses efforts furent vains et, lorsque Walsh refusa de payer la note, son agent se trouva dans une situation financière difficile. Le litige ne fut réglé qu’en 1807, après que Palmer se fut rendu en Irlande ; plus tard, il révéla que cette affaire lui avait coûté £1 000.
Apparemment, Palmer n’avait pas eu l’intention de pratiquer le droit à l’Île-du-Prince-Édouard mais, une fois sur les lieux, il jugea l’occasion trop favorable pour ne pas en profiter. Seulement trois avocats plaidaient devant les tribunaux – Joseph Robinson*, Peter Magowan* et Charles Stewart* – et tous étaient liés au clan dirigé par le lieutenant-gouverneur Edmund Fanning* et le juge en chef Peter Stewart* ; en fait, Charles Stewart était le fils de ce dernier. Admis au barreau en novembre 1802, Palmer se trouva sans délai des clients parmi les adversaires de Fanning et des Stewart, dont James Montgomery et le marchand John Hill*. Sa vigueur, ses connaissances juridiques et son expérience lui valurent des victoires devant les tribunaux, mais son style souleva des passions dans la communauté, de sorte qu’en moins d’un an il acquit, selon le marchand Alexander Rea (Rae), une réputation de « personnage impopulaire et [d’] me détesté par le gouverneur ». Au cours des années suivantes, par ses interventions en justice, Palmer allait se mettre à dos presque tous ceux avec lesquels il aurait affaire dans la colonie.
L’arrivée du lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres en 1805 poussa Palmer à l’avant de la scène politique. De toute évidence, DesBarres ne tarda pas à voir quel conflit divisait la colonie car, peu de temps après son arrivée, il écrivit : « Un des [deux] partis semble lutter pour une institution démocratique, l’autre pour une institution aristocratique ; sans doute y a-t-il quelque moyen de créer dans l’île, en parfaite harmonie avec notre excellente constitution, un juste milieu entre l’aristocratie et la démocratie. » Estimant que nombre de problèmes administratifs provenaient des faiblesses de l’appareil judiciaire, il fit valoir la nécessité de nommer un avocat au Conseil de l’Île-du-Prince-Édouard. Malheureusement pour la « parfaite harmonie », cet avocat fut Palmer, que DesBarres nomma en juin 1806. Palmer engagea tout de suite le gouvernement dans une querelle contre le clan des Stewart en exigeant de Charles Stewart un relevé comptable du fonds des redevances. Stewart refusa, alléguant qu’il n’avait de comptes à rendre qu’à la Trésorerie de Londres, qui l’avait nommé. DesBarres ne parvint pas à régler le différend et Palmer ne put pas pousser plus avant ses revendications, faute de soutien public. Il attribua la méfiance de la population aux promesses du groupe de Fanning – cette « grande chimère politique qu’était l’escheat » –, et admit que même l’Assemblée élue était opposée à DesBarres.
Palmer démissionna du conseil en octobre 1806 et remporta l’un des sièges de Charlottetown aux élections générales qui se tinrent plus tard cette année-là. Il siégea pendant la brève session de 1806, mais fut absent de la colonie lors de la deuxième session, en 1808. En octobre de l’année suivante, il fut de nouveau appelé au conseil. Il sut se rendre indispensable à DesBarres et cumula une série de postes, dont ceux d’adjudant général de la milice, d’inspecteur des comptes publics, de maître et greffier de la Cour de la chancellerie et d’inspecteur de la voirie. En cette qualité surtout, il manifesta pour la planification de la construction un enthousiasme qui était un peu déplacé étant donné la situation économique de la colonie mais qui plaisait au lieutenant-gouverneur. En 1810, l’insistance avec laquelle DesBarres réclamait des réponses écrites à sa proposition d’apporter des changements majeurs à l’administration des travaux publics engendra entre les clans du conseil un profond désaccord qui opposa le juge en chef Caesar Colclough à Palmer et à DesBarres..
Lors des élections de 1806, qui avaient fait entrer Palmer à l’Assemblée, était apparu pour la première fois un groupe politique auquel il devint étroitement associé. La Society of Loyal Electors prit probablement naissance pendant la campagne, même si Palmer déclara par la suite qu’elle avait été formée seulement après son élection comme député. Il est certain qu’elle ne joua qu’un rôle mineur dans la campagne électorale, et les historiens lui ont accordé une importance excessive à cause d’une controverse qui, cinq ans plus tard, la sortit de l’ombre et la soumit à l’investigation, phénomène qui ne se serait jamais produit autrement. Bien sûr, Palmer et quatre autres des députés élus en 1806 formaient une opposition plus unie que l’Assemblée n’en avait connu jusque-là mais, en 1809, espérant peut-être des nominations politiques plus lucratives, Palmer quitta la chambre. C’est alors qu’il fut de nouveau nommé au conseil.
Les adversaires politiques de Palmer s’alarmaient de son influence auprès de DesBarres. Colclough le décrivait comme une personne « douée, certes, mais surtout impudente » qui s’était « approprié » le lieutenant-gouverneur, qui orientait ses opinions et le convainquait de l’hostilité des fonctionnaires du gouvernement à son endroit. L’opposition des deux camps se cristallisa lors de la lutte qui s’engagea pour le poste de procureur général à la mort de Peter Magowan, survenue en juin 1810. DesBarres favorisait la candidature de Palmer, tandis que Colclough et le « vieux parti » tentaient de faire nommer Charles Stewart. Dans une lettre détaillée au ministère des Colonies, DesBarres recommanda Palmer à la succession ; il critiqua les autres juristes de l’île et rejeta avec légèreté les qualifications de Stewart. Ses remarques ne parvinrent pas à des oreilles bienveillantes car les propriétaires absentéistes de Londres, influencés par des rapports reçus de leurs propres informateurs dans l’île, s’étaient déjà mis à l’œuvre. Au début de 1811, lord Selkirk [Douglas*] écrivit à lord Liverpool qu’il y avait « énormément à redire [contre Palmer] sur tous les points ». Sur l’ordre de Londres, la nomination de Stewart fut rendue officielle en novembre 1811.
Palmer avait donc essuyé une rebuffade personnelle, mais les Loyal Electors avaient gagné du terrain. En 1809, la société comptait déjà dans ses rangs des hommes aussi puissants qu’Angus Macaulay, chef des colons amenés par Selkirk, et William Roubel, avocat londonien qui s’était laissé convaincre par John Hill de venir dans l’île. L’influence des Loyal Electors s’accrut encore lorsqu’en 1810, James Bagnall*, qui était lui-même membre de la société depuis le début, fonda à Charlottetown le Weekly Recorder of Prince Edward Island. La même année, William Hyde et William B. Haszard remportèrent des élections partielles sous la bannière des Loyal Electors ; cependant, les résultats furent renversés à cause de certaines irrégularités.
Ce fut par suite d’accusations dirigées contre Palmer plutôt que contre l’organisation elle-même que les Loyal Electors se trouvèrent sur la sellette. L’affaire commença quand, en avril 1811, Thomas Marsh et John Frederick Holland* déclarèrent sous serment que Palmer avait proposé de créer un comité secret pour gérer les affaires de la société. Cela équivalait à une accusation de subversion et de déloyauté. Marsh se trouva alors engagé dans un procès interminable contre Palmer pour revendiquer la propriété de quelque 10 000 acres ; quant à Holland, il était un adversaire déclaré de Palmer depuis que celui-ci avait gagné les bonnes grâces du lieutenant-gouverneur. Palmer étaya sa réponse à l’accusation au moyen de déclarations sous serment dans lesquelles quatre Loyal Electors niaient les allégations de secret et de déloyauté. Ces documents contenaient aussi des plaintes circonstanciées contre Colclough, Stewart et les juges non rémunérés de la colonie, James Curtis* et Robert Gray. Même si la première plainte et les réponses avaient été adressées au lieutenant-gouverneur, Colclough eut bientôt vent de leur contenu et, en octobre, il en obtint copie. Au lieu de s’en servir contre Palmer, il permit qu’elles justifient une poursuite contre Macaulay et Haszard pour diffamation et une accusation à l’endroit de Roubel pour outrage à la magistrature. Ce dernier refusa de répondre aux questions du procureur général et, le 7 novembre 1811, Colclough ordonna que son nom soit radié du barreau pour outrage et pour avoir « menac[é] de déposer au cabinet du secrétaire d’État des accusations contre le juge en chef ». Une assemblée publique, qui avait été convoquée pour soutenir Roubel, remporta un tel succès que les procédures contre Macaulay et Haszard furent abandonnées.
Les Loyal Electors eurent l’occasion de mettre à l’épreuve leur popularité auprès de l’électorat lorsque, en avril 1812, DesBarres convoqua des élections générales. Palmer démissionna de nouveau du conseil pour se présenter encore une fois avec succès aux élections législatives. Les Loyal Electors, qui occupaient déjà 5 des 18 sièges de l’Assemblée, en obtinrent 2 de plus. En septembre, un mois après le début de la session, plusieurs députés, dont James Curtis, Charles Worrell* et Fade Goff*, décidèrent de ne pas siéger, de sorte que les Loyal Electors se trouvèrent maîtres de l’Assemblée. La chambre se pencha ensuite sur l’affaire des déclarations sous serment ; au lieu de blâmer le lieutenant-gouverneur pour son indiscrétion, elle conclut que Colclough avait obtenu et utilisé les documents de manière illégale et demanda sa destitution. Fort de cet appui, DesBarres suspendit le juge en chef quelques jours plus tard, le 30 septembre.
Entre-temps, de l’autre côté de l’Atlantique, le lobby des propriétaires avait fait pression auprès du ministère des Colonies : en août, DesBarres avait été démis de ses fonctions et William Townshend* nommé administrateur de l’île. Après l’arrivée des dépêches en octobre, Palmer perdit les nombreux postes secondaires qu’il avait recueillis sous DesBarres. Vers la fin de l’année, il se rendit en Angleterre pour tenter de blanchir sa réputation et dé récupérer certaines des fonctions gouvernementales qu’il avait perdues.
En l’espace d’un an, tous les personnages marquants, sauf Palmer, quittèrent la scène politique. DesBarres fut confiné à la retraite, et Colclough fut relégué à Terre-Neuve. Le procureur général Charles Stewart mourut. Parmi les nouveaux protagonistes, le successeur de Stewart, William Johnston, devint l’un des plus féroces adversaires de Palmer, tandis que le nouveau juge en chef, Thomas Tremlett, tomba sous sa coupe. Le nouveau lieutenant-gouverneur, Charles Douglass Smith*, arriva plein de préjugés contre Palmer. Il avait reçu l’ordre de montrer un esprit ouvert et d’éviter toute partisannerie, mais il était très au fait des accusations portées contre Palmer et les Loyal Electors à cause des lettres qu’il avait reçues d’individus qui, tel John Hill, avaient des intérêts dans l’île. Les partisans de Palmer ne parvinrent pas à se gagner la sympathie du lieutenant-gouverneur, et Smith ne tarda pas à écrire qu’il approuvait totalement les rapports qui critiquaient Palmer.
Pendant son séjour en Angleterre, Palmer prépara un long plaidoyer sur sa conduite et harcela lord Bathurst et d’autres membres du ministère des Colonies pour qu’ils réexaminent l’affaire. Son succès fut mitigé. Lorsqu’il revint dans l’île à la fin de 1813, il trouva Tremlett installé dans ses fonctions ; il ne fallut pas longtemps pour que le juge en chef et le lieutenant-gouverneur se brouillent. N’ayant aucune formation juridique, Tremlett ne put bientôt plus se passer des compétences et de l’expérience de Palmer. Celui-ci, comme d’habitude, profita carrément de cette relation, comme l’indique la plainte que Smith formula au milieu de 1814 : « il serait vraiment imprudent de permettre que toute affaire de propriété soit jugée contre Palmer à la Cour suprême puisque, avec lui, n’importe qui s’assure le succès ». Le lieutenant-gouverneur nota aussi que Tremlett avait organisé les audiences de manière que Palmer pût s’occuper de son cabinet à Pictou, en Nouvelle-Écosse.
Même si les liens de Tremlett et Palmer se resserraient, Smith avait de plus graves préoccupations. La corruption et les mesquineries politiques qui sévissaient dans la colonie devinrent bientôt évidentes. Il dirigeait, disait-il, un gouvernement boîteux : le juge en chef refusait de s’acquitter de sa tâche, le procureur général était trop malade pour le faire, deux membres du conseil étaient à l’article de la mort, un autre habitait trop loin pour assister aux réunions et un quatrième souffrait d’« indisposition politique » ; de plus, l’insubordination régnait dans la milice. Smith continuait d’attribuer ses difficultés aux machinations des Loyal Electors et, en 1815, il les associa aux francs-maçons mais, en fait, ce groupe avait perdu toute importance dans la vie politique de la colonie depuis les élections de 1812.
Entre-temps, semble-t-il, Palmer n’avait pas pu résister à la tentation de créer de nouveaux conflits dans l’exercice de sa profession d’avocat. Pendant son séjour en Angleterre en 1813, les créanciers de John Hill lui avaient appris que ce dernier avait frauduleusement camouflé des biens au moment de sa faillite, en 1807. De retour dans l’île, Palmer s’employa à prouver ces allégations. Inquiet, Hill s’allia à Johnston pour lancer contre lui huit accusations d’infraction professionnelle et politique dont certaines portaient sur la période précédant son arrivée dans la colonie. Ces accusations furent portées devant la Cour de la chancellerie, que Smith présidait à titre de chancelier, plutôt que devant la Cour suprême. Palmer n’eut pas le temps de préparer sa défense et fut radié du barreau le 14 novembre 1816. Smith refusa qu’il en appelle au Conseil privé et, moins de deux mois plus tard, Palmer s’embarqua une nouvelle fois pour l’Angleterre afin de faire étudier de nouveau l’affaire et renverser la décision. À ce moment, il envisageait de quitter l’île pour de bon et d’exercer sa profession à la Cour d’appel des colonies, qu’il commençait à connaître assez bien. Toutefois, lors de son voyage précédent en Angleterre, il avait pu se ménager le soutien de quelques propriétaires absentéistes et, à la fin de 1817 ou au début de 1818, il était revenu dans la colonie à titre d’agent de lord Westmorland et de lord Melville.
La nomination de Palmer à ce poste l’opposa de nouveau au procureur général Johnston, qui avait aussi été l’agent de Westmorland et de Melville. Palmer avait déjà critiqué la formation écossaise de Johnston et s’était plaint de ce qu’il « ne conna[issait] pas le droit, ou du moins la procédure des tribunaux anglais ». Les deux hommes s’affrontaient souvent en cour et, soit à cause de l’habileté de Palmer ou de son influence sur Tremlett, Johnston en sortait rarement victorieux. À présent, Palmer accusait Johnston de ne pas avoir déclaré tous les revenus provenant du domaine de Westmorland et, en février 1818, il porta sa plainte devant Smith et le conseil. Exposant sa défense en termes personnels, Johnston évoqua l’« implacable animosité » de Palmer à son endroit. Le conseil estima qu’il n’était pas opportun de suspendre Johnston à ce moment mais, au début de 1819, le lieutenant-gouverneur annonça que, par « nécessité politique », il avait demandé à Johnston et à son allié Holland de démissionner du conseil. Palmer réintégra le barreau en janvier 1819. Dans un rapport présenté au ministère des Colonies en août, le légiste de la couronne avait indiqué que, même si Palmer n’était pas au-dessus de tout reproche, il n’était coupable d’aucun délit nécessitant sa radiation du barreau. Pendant quelques années, Palmer ne s’engagea pas à fond dans la politique de la colonie, quoiqu’il se présentât deux fois en vain aux élections législatives, en 1818 et en 1824. En confisquant les terres de deux cantons en 1818, Smith avait alarmé les propriétaires et galvanisé contre lui les forces qu’il n’avait cessé de s’aliéner depuis son arrivée dans la colonie. Dans une lettre à Roubel, Palmer nota avec une évidente satisfaction qu’il existait « contre Smith une cabale très semblable à celle qu’a[vait] connue [leur] vieil ami, son prédécesseur ».
En 1823, Smith était devenu si impopulaire qu’une série d’assemblées publiques demandèrent son rappel. Quand, cet automne-là, les procès-verbaux de ces réunions furent publiés dans le Prince Edward Island Register, il déposa à la Cour de la chancellerie des accusations d’outrage et de diffamation. Plus précisément, il demanda à Palmer de les déposer, ce qui ne dénote pas tant une réconciliation entre les deux hommes que le grand isolement de Smith dans la communauté. On rapporta que Johnston appuyait le clan dirigé par John Stewart, qui s’était enfui en Angleterre avec les plaintes dirigées contre Smith. Le lieutenant-gouverneur demanda que Johnston soit destitué comme procureur général et, en avril 1824, il nomma Palmer à ce poste. La nomination resta temporaire, malgré les tentatives de Palmer de se dissocier des accusations portées contre Smith. Moins de deux semaines après le départ de Smith en novembre, le nouveau lieutenant-gouverneur, John Ready*, nomma de nouveau Johnston au poste. Johnston et Palmer demeurèrent des ennemis jurés jusqu’à la mort du premier, quatre ans plus tard.
Peu après son arrivée à l’île en 1802, Palmer avait été engagé par le marchand John Cambridge et, pendant de nombreuses années, il s’était occupé devant les tribunaux de l’Île-du-Prince-Édouard et d’Angleterre du cas qui opposait son client à William Bowley. Ses stratagèmes subtils coûtèrent fort cher aux parties plaidantes, surtout lorsque Palmer eut recours à la procédure secrète devant la Cour de la chancellerie, tribunal dont il était le spécialiste. En 1823, en recueillant des arriérés de loyer sur le domaine qui faisait l’objet du litige, Palmer avait ruiné plusieurs cultivateurs à bail. En 1825, l’Assemblée examina la procédure dans le cadre d’une attaque contre les officiers de la Cour de la chancellerie. L’Assemblée vit dans les actes de Palmer un seul but, soit « obtenir des honoraires illégaux par des moyens illégaux », et demanda au lieutenant-gouverneur Ready d’instituer une enquête sur sa conduite. Palmer refusa avec arrogance de se prêter de quelque manière que ce fût à cette enquête et contesta que la chambre eût le pouvoir d’examiner ses activités de solicitor. Ready fit examiner les accusations par le juge Brenton Halliburton*, de la Nouvelle-Écosse, mais l’affaire traîna sans que des poursuites ne fussent engagées. Lorsque, en 1827, l’Assemblée forma son propre comité pour étudier la question, Palmer refusa encore de coopérer. Plus tard cette année-là, il fut élu lors d’une élection partielle mais, quand la chambre se réunit au printemps de 1828, elle résolut de lui refuser l’entrée, la procédure à la Cour de la chancellerie l’ayant rendu « indigne et incapable » de siéger comme député. La même année, une poursuite judiciaire fondée sur les accusations fut abandonnée.
Palmer s’était présenté à presque toutes les élections générales et partielles tenues depuis son arrivée dans la colonie et, à la fin des années 1820, son ambition électorale était devenue un sujet de moquerie. Après sa défaite à l’élection partielle tenue à cause du refus de l’Assemblée de le laisser siéger, James Douglas Haszard*, éditeur du Prince Edward Island Register, nota que la carrière politique de Palmer avait « fait son temps sur cette terre et a[vait] fondu comme un morceau de graisse fétide, ne laissant derrière elle que puanteur ». Haszard anticipait sur les événements, car Palmer se présenta encore à des élections partielles en 1829 et 1830, sans succès cependant.
Après son expulsion de l’Assemblée en 1828, Palmer tenta avec d’autres de fonder un nouveau journal obéissant à des « principes de loyauté, de patriotisme et d’impartialité ». Ils firent paraître des annonces en Nouvelle-Écosse pour trouver un imprimeur, mais ce fut James Bagnall, de Charlottetown, qui publia le Phenix. Palmer se servit de ce journal pour réfuter les accusations portées contre lui, pour tenter de se faire réélire et pour pousser toutes les réformes qu’il jugeait nécessaires dans la colonie et qui touchaient des domaines aussi divers que les techniques agricoles ou l’organisation des tribunaux. Cependant, le journal avait trop adopté le ton strident de Palmer pour connaître le succès ; il fut réduit à néant en août 1828, après 15 numéros.
Palmer continua de plaider devant les tribunaux jusqu’à sa mort, survenue en 1833 apparemment à la suite d’une crise cardiaque. Depuis le décès de Charles. Stewart en 1813, il était le doyen des membres du barreau de la colonie, et nombre des barristers et solicitors en exercice avaient été formés dans son cabinet. Parmi eux se trouvaient deux de ses fils, Henry et Edward*. Dans une notice nécrologique publiée dans la Royal Gazette, Haszard loua ses compétences de juriste et fit la remarque suivante : « récapituler les principaux événements de sa vie publique pendant ses trente années de résidence dans la colonie reviendrait à écrire l’histoire de l’île durant cette période car, jusqu’à récemment, il a pris part à presque tous les débats publics, soit du côté du pouvoir, soit dans l’opposition ».
Les événements qui marquèrent la vie publique de Palmer ont estompé sa contribution très concrète à la vie juridique de l’Île-du-Prince-Édouard. Non seulement était-il le plus grand avocat de la colonie, mais il exerça aussi en Nouvelle-Écosse et peut-être au Nouveau-Brunswick. Il écrivit en 1813 qu’« un avocat indépendant [était] un sujet d’alarme constant à l’Île-du-Prince-Édouard », et peut-être cette indépendance explique-t-elle les réactions extrêmes qu’il provoquait. Il avait certes des défauts déplaisants et ne laissait passer aucun des avantages qu’il pouvait récolter pour lui-même ou pour ses clients, mais sa compétence professionnelle fut rarement mise en doute. Vivement intéressé à l’évolution des tribunaux de l’île, il fut à l’origine de plusieurs changements importants. C’est lui qui conçut le règlement de la Cour de la chancellerie et, par son succès personnel, il fit de cette cour d’equity un contrepoids aux alliances politiques et aux faiblesses des juges et officiers de la Cour suprême de l’île. Il contribua à la création d’une bibliothèque de droit dans la colonie, ce qui corrigea la situation ainsi décrite par DesBarres : « En Angleterre, on achèterait pour une somme de cent livres une meilleure sélection d’ouvrages juridiques que l’ensemble des juges et avocats de l’île ne peuvent en montrer. » Toutefois, ses efforts en vue d’améliorer les services judiciaires ne furent pas tous fructueux. Dès son arrivée, il essaya de rendre les tribunaux plus accessibles à ceux qui demeuraient à une certaine distance de la capitale. Il plaida en faveur de l’établissement de cours des sessions trimestrielles ailleurs qu’à Charlottetown mais, à sa mort, le système était toujours inchangé, et ce ne fut pas avant l’année suivante que la Cour suprême siégea enfin dans les comtés.
Pendant les 30 années où il vécut à l’Île-du-Prince-Édouard, James Bardin Palmer suscita une litanie de plaintes dont la plupart ont été docilement acceptées par les historiens. Pourtant, peu de plaignants peuvent être considérés comme désintéressés et la plupart avaient souffert des compétences juridiques de Palmer. Aussi ennuyeux et mesquin qu’il pût être, Palmer était d’une rare ténacité. Il sut se défendre contre tous les reproches majeurs qui lui furent adressés de son vivant mais, ce faisant, il accrut le nombre de ses ennemis. Il est heureux qu’il ait été bon avocat, car il fut souvent son meilleur client.
James Bardin Palmer fit paraître de temps en temps des avis dans les journaux sur ses projets de publication, mais un seul ouvrage a été effectivement publié, The fruits of reflection ; or, second thoughts are best : a little tract relating to Prince Edward Island (Pictou, N.-É., 1827). Il existe aux PAPEI deux collections qui renferment les documents Palmer : les papiers de la famille Palmer (Acc. 2849), qui comprennent des copies de ses lettres et d’autres documents ; et la collection Smith-Alley (Acc. 2702/216–218 ; 221 ; 223 ; 236–238 ; 242 ; 319 ; 334 ; 346 ; 459–460 ; 833–834 ; 843–851 ; 853–856 ; 858).
PAPEI, Acc. 2702/428 ; 430 ; 432 ; 437–441 ; 446 ; 463–465 ; 2810/25–26 ; 138 ; 145 ; 154 ; 171–172 ; 174 ; 182b–c ; RG 1, letter-books, 54–56 ; RG 5, minutes, 1805–1829 ; RG 6, Court of Chancery, minute-books, 1808–1830 ; docket-books, 1802–1810 ; prothonotary account-book, 1820–1827 ; Supreme Court, case papers, 1802–1825 ; minute, 1802–1827.— PRO, CO 226/18 : 33, 56, 70, 72, 82, 117, 134, 139, 166, 188, 198, 241 ; 226/19 : 176, 202, 217, 221 ; 226/20 : 15, 17, 43, 112–113 ; 226/21 : 237 ; 226/22 : 159, 182, 198, 221 ; 226/24 : 74 ; 226/25 : 11, 35, 80 ; 226/26 : 15, 39 ; 226/28 : 3, 8, 24, 53, 61, 137 ; 226/29 : 19, 67, 115, 118, 153 ; 226/30 : 7, 17 ; 226/31 : 5, 12, 63, 72, 182, 243 ; 226/32 : 251, 268, 270, 272, 304, 308, 311 ; 226/33 : 41 ; 226/34 : 57, 61, 347, 351 ; 226/35 : 69, 303 ; 226/39 : 264, 414 ; 226/40 : 58, 160, 333 ; 226/43 : 257 ; 226/45 : 50, 52, 58, 64, 68, 175, 389 (mfm aux PAPEI).— SRO, GD293/2/17.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of marriages, 22 déc. 1803 (mfm aux PAPEI).— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1802–1830.— Phenix (Charlottetown), 21–28 avril, 5–19 mai, 16 juin, 7 juill., 20 août 1828.— Prince Edward Island Gazette (Charlottetown), 5 nov. 1818, 1er août 1820, 13 avril 1822.— Prince Edward Island Register, 6–13 sept., 11, 25 oct., 1er, 15 nov., 20 déc. 1823, 24 janv., 6 mars, 29 déc. 1824, 22 avril, 1er juill. 1825, 28 févr. 1826, 20 févr.–6 mars, 15 mai, 7 août, 13 nov. 1827, 28 févr., 7–13, 25 mars, 1er–15 avril, 20 mai, 24 juin 1828, 16 juin, 14 juill., 3 nov. 1829, 16 mars, 22 juin 1830.— Royal Gazette (Charlottetown), 5 mars 1833.— Royal Herald (Charlottetown), 19 janv., 21 nov. 1805.— Weekly Recorder of Prince Edward Island (Charlottetown), 23 oct. 1810, 9 févr., 3, 16 avril, 18 juill., 31 août, 2, 15, 26 oct., 16 nov. 1811, 28 mars 1812, 12 juin 1813.— Canada’s smallest prov. (Bolger), 75–99.— G. N. D. Evans, Uncommon obdurate : the several public career of J. F. W. DesBarres (Toronto et Salem, Mass., 1969), 79–94.— Frank MacKinnon, The government of Prince Edward Island (Toronto, 1951), 53–56.— Warburton, Hist. of P.E.I., 291–361, 431–439.— J. M. Bumsted, « The Loyal Electors of Prince Edward Island », Island Magazine, no 8 (1980) : 8–14.— D. C. Harvey, « The Loyal Electors », SRC Mémoires, 3e sér., 24 (1930), sect. ii : 101–110.
Harry Tinson Holman, « PALMER, JAMES BARDIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/palmer_james_bardin_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/palmer_james_bardin_6F.html |
Auteur de l'article: | Harry Tinson Holman |
Titre de l'article: | PALMER, JAMES BARDIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |